La Chine continentale continue l'aménagement de son immense territoire par la modernisation de ses réseaux de transport de marchandises. Mêlant pragmatisme économique et réalisme politique, la densification des corridors fluviaux et ferroviaires s'accélère avec un maillage d'infrastructures depuis les franges côtières vers les régions densément peuplées de l'intérieur. L'enjeu stratégique réside autant dans le développement des zones rurales que dans le désengorgement logistique et industriel de l'espace côtier. Les investissements privés sur des ponts terrestres eurasiatiques mettent déjà en perspective l'essor programmé d'une nouvelle Chine intérieure au potentiel considérable. Nous vous proposons ci-dessous de larges extraits d'une contribution de M. Yann ALIX, Directeur de l'IPER / EM Normandie. Grand expert des questions de transports et logistique, son point de vue finit de convaincre les plus sceptiques sur le phénoménal réveil chinois.
Un formidable boom portuaire
Sur les 18 000 kilomètres de côtes de la Chine continentale, pas moins de 1 430 ports commerciaux ont manutentionné 6,41 Mds de tonnes de trafics en 2007, soit une augmentation de 11,57% par rapport à 2006. Le volume conteneurisé a atteint 105 M d'EVP, soit une augmentation de 24,6% par rapport à l'année précédente, permettant ainsi à Shanghai de conforter sa place de numéro un mondial, suivi dans le top 20 par 5 autres ports de la Chine Continentale (Shenzhen, Qingdao, Ningbo, Guangzhou et Tianjin) ! Ces quelques données statistiques mettent en perspective l'intensité et la rapidité de la croissance actuelle des ports chinois, sachant qu'aucune autorité portuaire de la Chine continentale n'était dans le Top 20 au début du XXIe siècle.
Jamais pareille croissance n'a été constatée dans l'histoire portuaire, que l'on évoque les tonnages métriques manutentionnés, l'ampleur des investissements consentis ou encore le nombre de ports et de terminaux concernés. Le tableau ci-dessus illustre l'évolution des trafics pour trois années de référence et démontre combien les ports chinois étaient insignifiants dans le concert mondial en 1990 alors que le total des volumes manutentionnés du top 8 en 2001 équivaut au seul total du port de Shanghai pour 2006 !
Inutile de s'étendre sur les principaux facteurs explicatifs tels que l'ouverture politique entamée il y a maintenant près de 30 ans ou la transformation de l'appareil productif national lié à l'attractivité des coûts de production et de main d'oeuvre. Au-delà des grands constats largement commentés, il s'avère plus intéressant d'observer les modalités du développement spectaculaire du réseau de transport de fret en Chine, habile combinaison entre centralisme politique, décentralisation managériale et ouverture capitalistique sur le plan des opérations et des investissements.
La révolution des modalités de la gouvernance portuaire chinoise
Avant le milieu des années 1980, le centralisme politique chinois place toutes les grandes infrastructures portuaires sous le seul contrôle du gouvernement de Pékin. 1984 marque un tournant historique alors que le gouvernement local du port de Tianjin applique le leitmotiv "Guided by Central Government and Led by Lol Government". En quelques années, tous les grands ports chinois combinent planification des grandes tendances d'investissements et réalisme de la gestion par les autorités portuaires et administrations locales.
Cette première ouverture trouve une autre dimension en 2001 avec la séparation de gestion administrative et commerciale des opérations sur les terminaux conteneurisés. Les autorités portuaires, les gouvernements locaux et les investisseurs privés développent alors de très nombreuses formes de collaboration qui continuent à stimuler la croissance des activités, augmenter les productivités et renforcer les concurrences entre terminaux et entre ports chinois.
Le Gouvernement central ne demeure pas moins un acteur essentiel du dynamisme actuel des ports chinois, notamment par l'entremise de différents plans d'orientation qui ont structuré la transformation de l'économie chinoise. A titre d'illustration, 48% du budget total du 10e plan quinquennal actuellement en place est consacré au secteur des transports, ce qui se traduit par un total de 81 Mds de Yuan investis (environ 12 Mds USD) pour la seule année 2006 sur les infrastructures portuaires !
Autre élément important, le "National Port Law" de 2004 manifeste clairement l'évolution vers une décentralisation des modalités de management des grands ports littoraux tout en favorisant l'investissement privé dans l'opération et le développement des superstructures chinoises. Ceci sous-tend le "Layout Plan of the National Coastal Ports" de 2006 qui place des ordres de priorités d'investissements sur des clusters maritimes régionaux dans un horizon de 20 ans, (sachant que déjà en 2010 il faudra plus de 150 millions d'EVP de capacité de traitement sur les interfaces côtiers chinois pour soutenir la croissance des exportations et des importations de la Chine continentale).
L'approche planificatrice de cette politique n'empêche pas un certain pragmatisme résultant des expériences accumulées depuis maintenant le début des années 1980. A titre d'exemple, il est à noter les rapprochements collaboratifs d'entités portuaires voisines et concurrentes. L'idée première consiste à mutualiser les forces sous-régionales pour soutenir de plus grands projets collaboratifs d'investissements comme par exemple Qingdao et Weihai qui se sont rejoints pour la création du Qingwei Container Terminal Co. Ltd, Yantai et Lonkou qui ont créé conjointement le Yantai Port Group Co Ltd. ou encore le port de Suzhou qui résulte de la combinaison de 3 entités portuaires indépendantes.
Enfin et parmi toutes les mesures mises en place par le gouvernement central, il est à noter cette ambition de solidariser le développement des grands centres portuaires avec l'émergence d'International Shipping Centers accolés à des zones franches logisticoportuaires.
Le premier port à profiter de cette politique d'aménagement fut Shanghai dès 1996 (Shanghai International Shipping Center), puis toute la zone de Dalian en 2003 afin d'aider au développement de tout le Nord-est du pays (Dalian Northeastern International Shipping Center) et enfin en 2006 la région portuaire de Tianjin via le Tianjin Northern International Shipping Center. En plus de ces 3 Free Trade Port Areas de Shanghai, Dalian et Tianjin, 15 autres zones franches sont accolées aux activités portuaires sur tout le littoral afin de soutenir l'investissement domestique et international. L'ouverture aux financements internationaux s'est concrétisée par le positionnement de tous les grands opérateurs globaux de terminaux dans la gestion et l'exploitation des opérations commerciales des plus grands terminaux conteneurisés de la Chine continentale. Hutchison Whampoa en fut le pionnier de par ses relations avec la Chine continentale mais, dorénavant, les intérêts de PSA Int. et de DP World ou encore des grands armements mondiaux comme CMA CGM, Maersk Line ou encore MSC traduisent la frénésie d'investissements actuellement recensés de Dalian au nord à Yantian (Shenzhen) à l'extrême sud, en passant par Tianjin, Shanghai ou encore plus modestement sur Fengcheng.
Ben Cissé M.
Un formidable boom portuaire
Sur les 18 000 kilomètres de côtes de la Chine continentale, pas moins de 1 430 ports commerciaux ont manutentionné 6,41 Mds de tonnes de trafics en 2007, soit une augmentation de 11,57% par rapport à 2006. Le volume conteneurisé a atteint 105 M d'EVP, soit une augmentation de 24,6% par rapport à l'année précédente, permettant ainsi à Shanghai de conforter sa place de numéro un mondial, suivi dans le top 20 par 5 autres ports de la Chine Continentale (Shenzhen, Qingdao, Ningbo, Guangzhou et Tianjin) ! Ces quelques données statistiques mettent en perspective l'intensité et la rapidité de la croissance actuelle des ports chinois, sachant qu'aucune autorité portuaire de la Chine continentale n'était dans le Top 20 au début du XXIe siècle.
Jamais pareille croissance n'a été constatée dans l'histoire portuaire, que l'on évoque les tonnages métriques manutentionnés, l'ampleur des investissements consentis ou encore le nombre de ports et de terminaux concernés. Le tableau ci-dessus illustre l'évolution des trafics pour trois années de référence et démontre combien les ports chinois étaient insignifiants dans le concert mondial en 1990 alors que le total des volumes manutentionnés du top 8 en 2001 équivaut au seul total du port de Shanghai pour 2006 !
Inutile de s'étendre sur les principaux facteurs explicatifs tels que l'ouverture politique entamée il y a maintenant près de 30 ans ou la transformation de l'appareil productif national lié à l'attractivité des coûts de production et de main d'oeuvre. Au-delà des grands constats largement commentés, il s'avère plus intéressant d'observer les modalités du développement spectaculaire du réseau de transport de fret en Chine, habile combinaison entre centralisme politique, décentralisation managériale et ouverture capitalistique sur le plan des opérations et des investissements.
La révolution des modalités de la gouvernance portuaire chinoise
Avant le milieu des années 1980, le centralisme politique chinois place toutes les grandes infrastructures portuaires sous le seul contrôle du gouvernement de Pékin. 1984 marque un tournant historique alors que le gouvernement local du port de Tianjin applique le leitmotiv "Guided by Central Government and Led by Lol Government". En quelques années, tous les grands ports chinois combinent planification des grandes tendances d'investissements et réalisme de la gestion par les autorités portuaires et administrations locales.
Cette première ouverture trouve une autre dimension en 2001 avec la séparation de gestion administrative et commerciale des opérations sur les terminaux conteneurisés. Les autorités portuaires, les gouvernements locaux et les investisseurs privés développent alors de très nombreuses formes de collaboration qui continuent à stimuler la croissance des activités, augmenter les productivités et renforcer les concurrences entre terminaux et entre ports chinois.
Le Gouvernement central ne demeure pas moins un acteur essentiel du dynamisme actuel des ports chinois, notamment par l'entremise de différents plans d'orientation qui ont structuré la transformation de l'économie chinoise. A titre d'illustration, 48% du budget total du 10e plan quinquennal actuellement en place est consacré au secteur des transports, ce qui se traduit par un total de 81 Mds de Yuan investis (environ 12 Mds USD) pour la seule année 2006 sur les infrastructures portuaires !
Autre élément important, le "National Port Law" de 2004 manifeste clairement l'évolution vers une décentralisation des modalités de management des grands ports littoraux tout en favorisant l'investissement privé dans l'opération et le développement des superstructures chinoises. Ceci sous-tend le "Layout Plan of the National Coastal Ports" de 2006 qui place des ordres de priorités d'investissements sur des clusters maritimes régionaux dans un horizon de 20 ans, (sachant que déjà en 2010 il faudra plus de 150 millions d'EVP de capacité de traitement sur les interfaces côtiers chinois pour soutenir la croissance des exportations et des importations de la Chine continentale).
L'approche planificatrice de cette politique n'empêche pas un certain pragmatisme résultant des expériences accumulées depuis maintenant le début des années 1980. A titre d'exemple, il est à noter les rapprochements collaboratifs d'entités portuaires voisines et concurrentes. L'idée première consiste à mutualiser les forces sous-régionales pour soutenir de plus grands projets collaboratifs d'investissements comme par exemple Qingdao et Weihai qui se sont rejoints pour la création du Qingwei Container Terminal Co. Ltd, Yantai et Lonkou qui ont créé conjointement le Yantai Port Group Co Ltd. ou encore le port de Suzhou qui résulte de la combinaison de 3 entités portuaires indépendantes.
Enfin et parmi toutes les mesures mises en place par le gouvernement central, il est à noter cette ambition de solidariser le développement des grands centres portuaires avec l'émergence d'International Shipping Centers accolés à des zones franches logisticoportuaires.
Le premier port à profiter de cette politique d'aménagement fut Shanghai dès 1996 (Shanghai International Shipping Center), puis toute la zone de Dalian en 2003 afin d'aider au développement de tout le Nord-est du pays (Dalian Northeastern International Shipping Center) et enfin en 2006 la région portuaire de Tianjin via le Tianjin Northern International Shipping Center. En plus de ces 3 Free Trade Port Areas de Shanghai, Dalian et Tianjin, 15 autres zones franches sont accolées aux activités portuaires sur tout le littoral afin de soutenir l'investissement domestique et international. L'ouverture aux financements internationaux s'est concrétisée par le positionnement de tous les grands opérateurs globaux de terminaux dans la gestion et l'exploitation des opérations commerciales des plus grands terminaux conteneurisés de la Chine continentale. Hutchison Whampoa en fut le pionnier de par ses relations avec la Chine continentale mais, dorénavant, les intérêts de PSA Int. et de DP World ou encore des grands armements mondiaux comme CMA CGM, Maersk Line ou encore MSC traduisent la frénésie d'investissements actuellement recensés de Dalian au nord à Yantian (Shenzhen) à l'extrême sud, en passant par Tianjin, Shanghai ou encore plus modestement sur Fengcheng.
Ben Cissé M.