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International Publié le vendredi 8 mai 2009 | Fraternité Matin

France : Les Africains attendent toujours la rupture

Deux ans que le Président Nicolas Sarkozy préside aux destinées du pays. à l’heure du bilan partiel, aucune réforme significative et sa politique africaine recèle de vieux réflexes.

Nicolas Sarkozy a bouclé ses deux premières années comme Président de la République française. Le sentiment général de ses concitoyens est que le successeur de Jacques Chirac a des difficultés à porter son costume de chef d’Etat. On lui reproche de n’avoir pas introduit une réforme significative comme Mitterrand qui a supprimé la peine de mort, mais on lui reconnaît d’avoir réussi un changement dans l’exercice du pouvoir en confirmant son style: un Président omniprésent qui efface son Premier ministre et ses ministres; ce qui expose le pouvoir qui n’a plus de bouclier ni de protection comme ce fut la tradition dans la 5è République. Si le Président français devant 3000 à 4000 personnes réunies dans la salle omnisports du Parc des expositions de Nîmes a défendu mercredi un bilan largement positif de la présidence française de l’Union européenne, les Français et les Africains attendent de voir la rupture s’opérer.

Lors de la campagne présidentielle en 2007, Nicolas Sarkozy s’était montré comme le candidat de la rupture. Au cours de la conférence de presse du 1er mai 2007, il avait défini les grands piliers de sa future politique étrangère: garantir la sécurité et l’indépendance de la France, défendre la liberté et les droits de l’homme dans le monde, préserver les intérêts économiques de la France». Et au sujet de l’Afrique, il ajoutait: «Il nous faut nous débarrasser des réseaux d’un autre temps, des émissaires mafieux qui n’ont d’autres mandats que celui qu’ils s’inventent. Le fonctionnement normal des institutions politiques et diplomatiques doit prévaloir sur les circuits officieux qui ont fait tant de mal par le passé». Il semblait ainsi annoncer la fin de la «Françafrique» marquée par un néocolonialisme honteux, les ingérences politiques et militaires, le soutien aux régimes dictatoriaux, le pillage des richesses par les sociétés françaises. Entre les discours de Dakar le 26 juillet 2007, du Cap le 27 février 2008 et ceux de mars 2009 à Kinshasa et à Brazzaville, en l’absence d’une ligne de cohérence, on se rend compte qu’il y a les mots et les faits.

Et après deux ans de présidence, on ne peut s’empêcher de constater qu’il y a loin des discours aux actes. Sa vision de l’Afrique est en contradiction avec ses promesses électorales dont l’une des mesures phares était la rupture avec la Françafrique, cette «pieuvre politique» mise en place depuis de Gaulle par la France en Afrique et rythmée par le pillage des matières premières, le mépris des hommes et un champ d’expérimentations macabres en tous genres. Dans l’affaire de l’Arche de Zoé, des français camouflés en humanitaire s’étaient rendus coupables du rapt d’enfants tchadiens avaient été arrêtés. Sarkozy qui avait juré de défendre la liberté et les droits de l’homme dans le monde, en violation de l’article 45 de la convention relative à l’extradition entre la France et le Tchad, avec impertinence sinon arrogance, a dit: «J’irai chercher ceux qui restent, quoi qu’ils aient fait». Cette condescendance néo-coloniale se reflète aussi dans le discours qu’il a prononcé à l’Université de Dakar. Il a dénoncé les crimes commis par les colonisateurs mais aussi reconnu les bienfaits de la colonisation, refusant ainsi toute repentance. Il regrette que «l’homme africain» ne soit pas entré dans la «modernité». Le recours au droit d’ingérence et d’humanitaire au Tchad comme au Soudan, les ingérences politiques et militaires persistent.

Comment appeler autrement l’aide apportée à Idriss Deby au Tchad contre sa rébellion, le stationnement des troupes françaises à la frontière du Soudan, d’abord en tant que telles puis sous commandement européen, puis sous commandement de l’Onu? Les réseaux mafieux ou non existent toujours. Alors que, sous la présidence de Jacques Chirac, il s’agissait de défendre le «précarré» français contre les ambitions américaines, il s’agit désormais de s’opposer à l’influence chinoise. Ce qui justifie la terreur des discours prononcés à Brazzaville au Congo et à Niamey au Niger. A Brazzaville, Sarkozy a promis de demander l’annulation de la dette de la part des pays riches mais à condition qu’il n’y ait plus de nouvel endettement auprès de la Chine. A Niamey, il s’est réjoui de la préférence accordée à la France sur la Chine pour la concession du gisement d’uranium d’Imouraren: «Le but de mon voyage, c’est vraiment que la France soit aux côtés de l’Afrique, qu’elle reprenne toute notre place mais dans la transparence…sans secret». La Françafrique décomplexée a fonctionné à merveille, parce qu’il aura suffi 36h et trois discours dans trois pays différents pour mener à bien les négociations. L’intérêt géostratégique et économique du voyage de Sarkozy dans ces trois pays africains est évident pour une France qui poursuit son implantation économique et culturelle à travers l’Agence française de développement (ADF).

Sarkozy a proclamé la transparence dans les relations mais les accords conclus restent opaques. En RDC, plusieurs accords ont été signés portant sur l’exploitation des mines, les transports et la Francophonie. Le groupe Bolloré s’est engagé à investir 570 millions d’euros sur 27 ans à partir de 2009 pour la concession du terminal à containers. Le Niger est le 3è producteur mondial d’uranium, après le Canada et l’Australie. Le Groupe Areva, depuis 40 ans, exploite des gisements d’uranium et cette exploitation couvre le tiers des besoins français. A l’issue d’une réunion entre le gouvernement du Niger, le PDG d’Areva et Sarkozy, cette société a arraché in extremis le contrat aux dépens de la Chine, en acceptant de relever de 50% le prix de vente pour l’exploitation du gisement d’Imourarem, mais aussi pour les autres gisements déjà exploités. Sarkozy s’est qu’on n’est pas en «morale» dans l’action politique. Et il a fini de faire la preuve que de Gaulle avait raison: «La France n’a pas d’amis, elle a des intérêts». Lui qui affirmait en 2007: «Nous ne devons pas non plus nous contenter de la seule personnalisation de nos relations, parce que les relations entre des Etats modernes ne doivent pas seulement dépendre de la qualité des relations personnelles entre chefs d’Etat, mais d’un dialogue franc et objectif, d’une confrontation des exigences respectives, du respect des engagements pris et de la construction d’une communauté d’intérêts à long terme», a reconduit le soutien discret aux «hommes forts», pivots de la puissance de la France en Afrique et grands pourvoyeurs de pétrole. D’Omar Bongo, au Gabon à Denis Sassou au Congo, en passant par Paul Biya au Cameroun. Par ailleurs, son voyage au Congo, au Niger en République démocratique du Congo intervient à quelques mois d’une échéance électorale.

Il faut cependant noter à l’actif de la présidence de Sarkozy que des changements sont intervenus : la réconciliation avec la Côte d’Ivoire, la réconciliation avec le Rwanda. Ces changements indiquent une nouvelle orientation mais non un changement de politique. La rupture annoncée n’aura imposé que l’immigration choisie. Vue d’Afrique, la rupture promise par Sarkozy se fait toujours attendre.



Franck A. Zagbayou
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