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Société Publié le jeudi 28 mai 2009 | Le Nouveau Réveil

Mon carnet de la MACA : Le silence des vivants, le cri des morts (2ème partie)

De la morgue, je suis retourné à l'infirmerie où les malades au regard vide et attendant la mort, sont couchés sur ce qui leur sert de lit : une planche dure d'environ deux (2) mètres de large soutenue par quatre (4) pieds en fer plantés dru dans le béton (sans doute pour éviter les vols). C'est sur ces " lits " que les malades crèvent comme des bêtes dans l'indifférence totale. " Pourquoi ils nous laissent mourir comme des animaux ? " me demande difficilement un malade, Konaté Yacouba, il s'appelait. " Est-ce qu'on nous considère encore comme des hommes ? Non seulement ils ne nous jugent pas, mais en plus, ils nous assassinent avec leur nourriture " répond à ma place un malade très mal en point, couché nu comme un ver de terre, à même le sol. Konaté Yacouba est décédé le samedi 19 juillet 2008 au matin, faute de médicaments. Pourquoi y a-t-il tant de morts à la Maca ? Me suis-je interrogé en sortant de l'infirmerie. Selon les informations dont je dispose et qui sont exactes, il y a eu 34 morts dans cette prison, pour toute l'année 2006. Pour toute l'année 2007, 41 morts. Or, nous sommes seulement au dimanche 20 juillet 2008 et il y a déjà 56 morts ! Et ça continue ! Ça continue ! Ça continue ! Le vendredi 28 décembre 2007, le jour même où le parquet du Plateau m'a placé sous mandat de dépôt et m'a déféré pour passer la saint sylvestre en prison, le Régisseur de la prison de Dimbokro a fait venir ici (par convoi) dix (10) de ses prisonniers malades, pensant que, à la Maca, ils seraient mieux traités et auraient plus de chances de survivre. Eh bien, il fut mal inspiré. Car, ces dix malheureux sont décédés les uns après les autres, entre le 1er et le 31 janvier 2008. Comme me l'avait dit Kouamé Kouassi Alfred (mort le 8 janvier 2008), " Dimbokro était mieux ". Depuis trois (3) semaines, il ne se passe plus un seul jour, sans qu'on n'enregistre un ou deux morts. Dans la journée du 13 juillet 2008, il y a eu trois morts. Selon toute vraisemblance, la plupart des décès de ces dernières semaines sont causés par la malnutrition. Le " riz à la sauce pénale ", servi dans des poubelles et des casseroles vieilles de 28 ans, est si pauvre en vitamines (les grains sont gros comme des petits pois) et si infect et préparé dans des conditions d'hygiène tellement déplorables, que c'est chaque fois miracle de voir les prisonniers vivants le lendemain matin, après l'avoir consommé la veille. Quand un prisonnier tombe malade après avoir consommé ce riz bizarre, on le met à l'infirmerie. Et là, on lui sert encore le même riz. Autant dire qu'on l'achève. Dans la période du 6 au 16 juillet 2008, quatre prisonniers sont décédés après une violente diarrhée sanglante. Il y a aujourd'hui plusieurs autres cas à l'infirmerie et dans les bâtiments. On ne sait pas encore la vraie cause de cette diarrhée mais tous les soupçons sont orientés sur le"riz pénal". Ce riz effraie tous les prisonniers. Un jour, pour me faire une idée réelle et pour pouvoir en parler, j'en ai consommé un peu. Juste une cuillerée. Ça m’a donné une angine et des douleurs abdominales pendant deux jours. La malnutrition pour les uns ("riz à la sauce pénale"), la faim pour les autres, sont les deux 1ères causes de mortalité dans cette prison. Le manque de médicaments indispensables, la 3ème, les conditions de détention, la 4ème et les détentions préventives abusives et injustifiées, la 5ème cause. Le jeudi 17 juillet 2008, en distribuant des vivres aux détenus affamés et assoiffés des cellules blindées du bâtiment C, un détenu malade et à la peau couverte d'œdèmes, m'a dit : " Vieux père Assalé, il faut nous apporter du sel, on va mettre dans le riz pénal. Quand on mange ce riz, on tombe malade et on meurt très vite ". Et un autre prisonnier édenté (5 dents arrachées, comme c'est le cas pour plusieurs autres, à l'aide d'une pince par nos amis policiers), de poursuivre. " Quand on va à l'infirmerie, on nous donne seulement des comprimés de paracétamol. Quand tu as mal au ventre, paracétamol. Quand tu as mal à l'oreille, paracétamol. Quand tu as hémorroïde, paracétamol. Quand tu es blessé, paracétamol ; quand tu as diarrhée, paracétamol. Gbagbo a trop les foutaises ! Il n'a rien et il met les gens en prison ! ". " Mon ami, c'est pas Gbagbo qui t'a envoyé ici !", répond un autre, couché au sol, le visage boursouflé comme un hippopotame.

Par ASSALE TIEMOKO (02.37.58.98)
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