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Économie Publié le mardi 2 juin 2009 | Notre Voie

Cohabitation difficile entre agriculteurs et éleveurs dans le Nord - Dr. Alphonse Douati : “Déjà dans l’opposition, Gbagbo s’intéressait au problème”

Le ministre de la Production animale et des Ressources halieutiques, Dr. Alphonse Douati, était, du 22 au 27 mai dernier, dans les régions du Denguélé, Bafing, Worodougou, des Savanes et des Lacs. A la fin de sa mission de sensibilisation des populations sur la cohabitation entre les agriculteurs et les éleveurs, l’émissaire du gouvernement a fait le point avec la presse.


Notre Voie : Pourquoi parmi les nombreux problèmes qui se posent aujourd’hui au monde rural, vous avez choisi le règlement des conflits entre éleveurs et agriculteurs ?

Dr. Alphonse Douati : C’est parce que le problème est réel. Et c’est le président de la République qui, le 23 octobre 2008, en Conseil des ministres, m’a instruit de venir m’informer sur le problème afin de lui rendre compte et rendre compte à l’ensemble du gouvernement. On peut se demander alors pourquoi avoir choisi ce problème. C’est un problème important dans la mesure où l’agriculture et l’élevage, en plus de l’aquaculture et peut-être de la foresterie, constituent deux activités importantes du milieu rural. Il est aussi important de savoir que ce problème dure depuis des années. Chaque fois, des solutions ont été trouvées. Mais cette fois-ci, nous sortons d’une crise politico-militaire. L’Etat a été absent dans certaines zones, notamment les zones concernées pendant longtemps. Or, c’est cette cohabitation entre l’agriculture et l’élevage, entre l’agriculteur et l’éleveur, qui constitue le point névralgique de la gestion de cet espace rural. Dans ces conditions, nous pensons qu’il était légitime qu’au sortir de la crise, le président de la République puisse se donner les moyens pour en savoir davantage, pour trouver des solutions d’atténuation sinon des solutions de résolution pour éviter qu’une crise foncière, dans cette région, ne survienne.


RTI 1ère Chaîne : N’y a-t-il pas à craindre que la méthode participative que vous proposez ne soit pas aussi efficace dans la résolution des conflits entre agriculteurs et éleveurs quand on sait que plusieurs solutions ont déjà été essayées sans un véritable succès ?

A.D. : Vous voulez dire quel instrument nous voulons donner au président de la République actuel pour résoudre le problème ? Chaque président a son approche. Lorsqu’il s’agissait du président Houphouët-Boigny, la Côte d’Ivoire avait un certain nombre de moyens. Il a créé la SODEPRA pour être l’instrument de gestion de ce problème. La SODEPRA a fait ce qu’elle pouvait. Elle a obtenu un certain nombre de résultats. Nous avons été à Korhogo et nous avons entendu les agriculteurs et les éleveurs. Il s’avère qu’à Korhogo, le problème existe. Mais sous une autre forme qui est une forme un peu plus atténuée. Et pour nous qui avons travaillé à Korhogo, dans l’atmosphère des années 80 aux années 90, c’est vraiment un résultat palpable. On sait aussi que le Président Bédié a fait un grand séminaire et a dégagé un certain nombre de recommandations pour donner des instructions aux préfets et au corps technique pour que le travail soit fait. Ce travail a commencé et un certain programme qui s’appelait le PNGTR a aussi donné les résultats. Vous avez entendu les paysans dire que ce programme nous a permis d’avoir une politique de clôture autour des champs, une politique de gestion des parcs. Le Président Gbagbo arrive et il demande qu’on adopte une méthode dite participative qui, à la base, interroge d’abord les personnes concernées, ensuite remonte sous forme de synthèse jusqu’à lui. Il va faire une analyse et dégager des actions prioritaires. Je ne peux pas préjuger aujourd’hui de ces actions. Je ne peux pas non plus préjuger des résultats. Mais ce que je sais, c’est que quand il était déjà dans l’opposition, il s’est intéressé au problème de cohabitation entre agriculteurs et éleveurs. Quand il était dans l’opposition, il a organisé déjà un séminaire à Korhogo sur ce problème-là. Donc, c’est un problème qu’il surveille. Demander à son ministre en charge du dossier d’aller récolter des informations, pour moi, cela revient à dire que je veux avoir une idée encore plus complète. Cela signifie qu’il proposera à la nation des méthodes. Et ces méthodes, quoi qu’il en soit, auront des résultats. Donc n’anticipons pas. C’est un problème. Quand on l’aborde pour la première fois, on croit qu’il est insoluble. Mais il ne faut pas non plus penser que ce problème va se régler du jour au lendemain. C’est de façon progressive, parce qu’il s’agit aussi d’un problème économique et d’un problème de développement. Et cela se construit et se bâtit de façon progressive. C’est ce qui est en train d’être fait. Il est évident qu’il y a des méthodes, des instruments pour accélérer la résolution du problème. Et ce sont ces méthodes-là que le président de la République va mettre en place suite aux informations que nous avons…


Radio-Côte d’Ivoire : Tout au long de votre mission qui vous a permis d’écouter les agriculteurs et les éleveurs, pourquoi vous avez souvent conseillé aux populations d’éviter de faire un certain nombre de particularisme dans leurs propositions de solutions de règlement du conflit?

A.D. : La Côte d’Ivoire ne peut pas sortir d’une crise politico-militaire pour laquelle certains ompatriotes ont trouvé des arguments d’exclusion, de xénophobie et puis pour résoudre le problème de l’agriculture, on va en faire un instrument. L’environnement même nous recommande de ne pas exclure qui que ce soit. Et puis, au fond, on dit, et nous sommes d’accord, que la présence des étrangers est un instrument de richesse. Pourquoi il en serait autrement pour l’agriculture et l’élevage ? Donc je répète que dans la cohabitation entre agriculteurs et éleveurs, on ne doit pas utiliser ni l’exclusion ni la xénophobie. Partout où je suis passé, je l’ai dit. Cela correspond à l’esprit actuel de la Côte d’Ivoire, cela correspond à l’esprit de la Côte d’Ivoire de toujours et cela correspond à la politique que le président de la République est en train de mettre en place. Si vous allez plus loin, la loi sur le foncier rural, le président de la République en a fait modifier l’article 26 qui posait quelques difficultés à certains exploitants agricoles qui n’étaient pas Ivoiriens. Quand j’étais ministre de l’Agriculture et des Ressources animales, il m’avait instruit de modifier cet article. Donc aujourd’hui où nous sortons de la crise, nous ne pouvons pas utiliser cet instrument d’exclusion et de xénophobie pour résoudre des problèmes. C’est pourquoi j’ai dit qu’il faut des comités de réflexion où tout le monde est représenté, y compris les étrangers, les éleveurs peulhs qui sont venus ici avec leurs troupeaux et qui, quelle que part, contribuent à notre économie.


Radio-Côte d’Ivoire : A quand la traduction des propositions en actes concrets ?

A.D. : Mon rôle, c’est de faire le point au président de la République, et je le ferai le plus rapidement possible. Maintenant, quand va-t-il donner les instructions pour la traduction effective ? Vous comprenez qu’il est le souverain de ce pays. Je ne peux donc pas anticiper ce qu’il va juger. Mais m’ayant mis en mission, je suis persuadé que des instructions rapides seront données pour traduire dans les faits les décisions qu’il voudra bien arrêter.


Le Temps : Mais en attendant la mise en place de ces instruments, comment doit-on compenser les pertes au niveau des indemnisations ?

A.D. : C’est vrai qu’il y a des faiblesses dans le système passé, mais il y a aussi des acquis. Un des grand acquis, c’est la tendance actuelle à gérer les conflits à l’amiable. Et nous allons continuer à encourager cet acquis. Au niveau des villages, au niveau des sous-préfectures, les choses se passent entre la victime et les accusés, de sorte à trouver une solution d’entente. Dans la solution d’entente, ils peuvent aller au-delà du barême légal. Lorsque le problème atteint un point antagoniste au point d’aller devant la justice, le juge, lui, ne fait que lire la loi et donner des mesures qui découlent de la loi. Donc pendant cette période et en attendant que de nouveaux dispositifs soient mis en place, nous encourageons forcément le règlement du conflit à l’amiable. Il y a un adage qui dit qu’un mauvais arrangement vaut toujours mieux qu’un bon procès. Il est évident qu’il y a des endroits où la situation est particulièrement explosive. Dans ces endroits, des techniques devront être mises en place rapidement, et cela fait parti des propositions que nous allons faire au président de la République.


RTI 1ère Chaîne : Des paysans ont demandé un colloque qui réunirait les ministres de la sous-région en charge du dossier pour trouver une solution au problème entre agriculteurs et éleveurs. Quelle est votre appréciation de la question ?

A.D. : C’est effectivement à Odienné qu’il nous a été proposé des actions concertées au niveau de l’UEMOA et au niveau de la CEDEAO. Je crois que ces actions existent. Il y a le programme de gestion des ressources partagées de l’UEMOA. Et parmi les ressources partagées, il y a l’eau et il y a le pâturage. La gestion collégiale inter Etats de ce problème de mouvements transfrontaliers du bétail étant déjà une préoccupation de nos organes sous-régionaux, notamment l’UEMOA et la CEDEAO, nous n’avons pas cru bon d’en faire un instrument de message vis-à-vis de nos compatriotes. Cela interviendra à un autre niveau. Au niveau des chefs d’Etat, au niveau des ministres statutaires de ces conseils. Mais comme je suis venu écouter, j’ai tout noté. Je suis surtout venu pour avoir des solutions endogènes. La solution qui consiste à faire des réunions inter Etats n’est pas à écarter. J’en profite d’ailleurs pour dire qu’il ne faudrait pas que nous croyions que ces pays dont on parle n’ont pas les problèmes que nous avons. J’ai été témoin dans un pays frontalier d’affrontements où l’armée a dû intervenir avec les grands moyens de guerre. Donc, ce n’est pas un problème qui est typiquement ivoirien. Mais il est évident que le mouvement étant un mouvement transfrontalier, les actions concertées entre les Etats doivent donner lieu à des règlementations sous-régionales sur les mouvements du bétail. Il faudrait qu’en interne, nous ayons des solutions qui soient typiquement des solutions ivoiriennes. Par exemple, nous avons connu, au cours de notre mission, des cas où l’affrontement entre éleveurs et agriculteurs est un affrontement entre Ivoiriens, eux-mêmes. Et croyez-moi, avec la politique de modernisation et d’intégration des jeunes ivoiriens à l’élevage, on va plutôt désormais vers ce genre de conflits.


RTI 1ère Chaîne : Comment comptez-vous mettre fin à l’impunité et à la corruption dénoncées par les paysans dans le règlement des conflits entre éleveurs et agriculteurs ?

A.D. : Vous savez que chaque fois qu’il y a un arbitre ou un juge, la personne qui n’a pas le gain du procès se sent toujours injustement punie. Même dans les matches de football, l’équipe qui est battue l’est, en général, parce que l’arbitre n’a pas été bon. De ce point de vue, on comprend les accusations qui sont faites. Mais il faut faire la part des choses. Nous pensons qu’il y a le choc légitime que les gens ressentent lorsque ces évènements arrivent. Et puis, il y a ce qui peut être possible. Pour ce qui est de l’impunité ou de la corruption ou du racket, c’est un problème global auquel la Côte d’Ivoire est en train de s’attaquer à travers différents actes qui sont posés tous les jours par le président de la République. Ces actes ne sont pas toujours médiatisés mais ces actes existent. Je crois que ce que vous dénoncez n’est pas forcément lié à la cohabitation entre éleveurs et agriculteurs. Ça peut exister mais ce n’est pas ça qui est le fond de la cohabitation difficile entre éleveurs et agriculteurs. Le fond, c’est plutôt la difficulté de gestion d’un espace qui appartient à deux activités.


Propos recueillis par Robert Krassault ciurbaine@yahoo.fr Envoyé spécial
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