La fédération du Front populaire ivoirien (FPI) à Issia est traversée par une crise sans précédent. A quelques mois des échéances électorales, le conflit Bohoun-Tagro risque de coûter cher au camp présidentiel.
« Personne et rien ne peut opposer Désiré Tagro et moi. Nous n'avons pas le droit de décevoir toutes les populations de Saïoua et d'Issia », a déclaré samedi le ministre du Plan et du Développement, lors d'une remise de matériel roulant aux militants de Gabia (village natal de Désiré Tagro). « Nous ne sommes pas naïfs. Les gens trouvent leur bonheur dans l'exploitation des petits mots et la petite virgule de trop pour allumer le feu. Ce feu-là, il ne s'allumera jamais. Que les pêcheurs en eaux troubles restent tranquilles. Cette eau ne sera jamais troublée. S'il y a des problèmes entre Désiré et moi, nous sommes assez intelligents pour les régler», a précisé Paul Antoine Bohoun Bouabré.
«Cela fait 29 ans que Bohoun et moi, nous nous connaissons. Nous avons tissé nos relations à partir de l'université. Il faisait partie de ceux qui nous ont tenus par le bras pour nous prodiguer des conseils. Nous ne nous séparerons pas. Si Bohoun tombe, nous sommes foutus. Et vice-versa. Il faut éviter que nous tombions. Il faut aussi renoncer à prendre plaisir à opposer les uns aux autres. Je ne fais rien d'autre que ce qu'il m'a demandé. Que ceux qui aiment trouver les problèmes dans l'esprit des autres arrêtent cela», avait plaidé le 5 avril 2008, le ministre de l'Intérieur, Désiré Tagro, à l'investiture de l'Union des jeunes du département d'Issia dont Bohoun Bouabré est le parrain.
Une scène de ménage féroce
Démentis formels, diplomatie active, ils auront tout fait pour cacher leur division. Hélas, le feu est allumé. Entre Désiré Tagro et son aîné Paul-Antoine Bohoun Bouabré, la guerre devient totale. Une sorte de ligne rouge sépare désormais les deux personnalités. Pourtant, rien n'aurait pu les diviser. Au plan idéologique, ils appartiennent tous au Font populaire ivoirien (Fpi) même si Désiré Tagro, sans doute en raison de son statut de magistrat, était un peu plus discret aux heures chaudes du parti. Ils sont tous les deux originaires de Saioua, dans le département d'Issia. Le village de Bohoun, Niakia, est à environ 5 kilomètres du chef-lieu de sous-préfecture quand celui de Tagro, Gabia, est à une vingtaine de kilomètres. A Saioua, ils habitent le même quartier, celui des résidences cossues. Leurs villas sont séparées seulement par une ruelle. A Abidjan, leurs résidences de fonction à Cocody-Ambassades sont également côte à côte. Une proximité de fraternité qui se révèle aujourd'hui un corps à corps de rivaux. Bohoun Bouabré et Désiré Tagro se livrent aujourd'hui un duel aux couteaux à l'issue incertaine. En tout cas les deux belligérants se donnent les armes y compris les moins conventionnelles pour anéantir l'ennemi. Au centre de la crise, le Comité d'action stratégique (Cas), créé par le ministre de l'Intérieur. Ses adversaires soupçonnent Tagro de visées hégémoniques et bien plus de vouloir remplacer le Fpi par cette structure. Celui-ci réplique qu'il s'agit d'une organisation de développement et rien d'autre. Le conflit entre les deux leaders n'en finit plus d'étendre ses tentacules aussi bien au sein des entités privées que de l'administration centrale. La bataille se mène aussi à coups de limogeages des partisans de l'adversaire. Le magistrat Zahiri Ziki, nommé directeur de l'Office national d'identification (Oni), sous tutelle du ministère de l'Intérieur, a par exemple été déposé. «Il paie le prix de son refus de prendre ses distances avec Bohoun», susurrent ses proches. A Abidjan, les partisans des deux hommes forts du département ne s'adressent pratiquement plus la parole. Sur le versant du rocher à Issia, le 3ème vice-président du conseil général à été évincé. La fidélité de Georges Dogbo à Tagro, semble-t-il, relève d'un secret de polichinelle. Le fédéral Fpi, Séraphin Bahouan Gahi, par ailleurs chef de cabinet du président du conseil général, Bohoun Bouabré, jugé trop proche du ministre de l'Intérieur est sur la sellette. Mis en congé, il ne reçoit plus de salaire et il n'en recevra certainement plus jamais. Le conseil explique que son éviction n'est pas de son fait. «Il a largement dépassé l'âge de la retraite. Or le poste de chef de cabinet est une fonction administrative qui émarge au budget de l'Etat. C'est l'Etat qui l'a mis à la retraite», soutient-on.
La médiation s'organise
«C'est faux. Ce n'est pas maintenant que j'ai franchi l'âge de la retraite. On ne veut pas que je parle avec Tagro qui a sauvé le parti ici », rétorque Séraphin Bahouan. Mais, ce qui a surtout mis le feu aux poudres, c'est le débarquement de M. Bahouan, le 22 mai, de son poste de fédéral Fpi d'Issia.
Au cours d'une assemblée générale extraordinaire organisée samedi dont le seul point à l'ordre du jour était l'élection d'un nouveau secrétaire fédéral, Sébastien Koré, secrétaire de séance a déclaré : «Nous l'avons destitué parce qu'avec lui, le parti est resté dans la léthargie. Il ne tient pas d'assemblée générale, fait la promotion du culte de la personnalité, procède à des radiations complaisantes et surtout a fait de la cupidité sa raison d'être, tuant l'éthique et la morale chères à notre parti. En plus, il s'arroge les prérogatives du Directeur départemental de campagne (Ddc). A quelques mois de ces échéances importantes, on ne pouvait laisser cette situation perdurer. Ce serait un suicide», argumente M. Koré. Au terme des opérations électorales, «le camarade» Noël Ziagnon a été désigné par acclamation. Mais, au même moment, « le fédéral déchu » tenait une autre assemblée générale avec comme ordre du jour : information. «Je suis à mon poste. Ce qu'ils font est nul et de nul effet. Ils souffrent d'une méconnaissance des textes. Le maire nous a refusé la salle. Il a refusé la salle au Fpi », a-t-il souligné, sous le regard complice de Mady Bouabré, député du Plateau et fils de la région venu le soutenir. Ces assises auraient pu déboucher sur une bagarre rangée d'autant que les deux réunions étaient prévues au même endroit. Heureusement, le bon sens a prévalu. Précisons que si tous les élus, à l'exception de Lucien Gnoléba, maire de Saioua, se réclament de Bohoun Bouabré, la quasi-totalité des cadres soucieux de brûler les étapes revendiquent leur sujétion à Désiré Tagro. La tension reste très vive à Issia. Un comité de médiation composé de chefs de tribus a pris les choses en main. Pourra-t-il éteindre le feu ? «Ce sera ma dernière réunion sur cette affaire», a déjà averti Bohoun Bouabré.
Lanciné Bakayoko
« Personne et rien ne peut opposer Désiré Tagro et moi. Nous n'avons pas le droit de décevoir toutes les populations de Saïoua et d'Issia », a déclaré samedi le ministre du Plan et du Développement, lors d'une remise de matériel roulant aux militants de Gabia (village natal de Désiré Tagro). « Nous ne sommes pas naïfs. Les gens trouvent leur bonheur dans l'exploitation des petits mots et la petite virgule de trop pour allumer le feu. Ce feu-là, il ne s'allumera jamais. Que les pêcheurs en eaux troubles restent tranquilles. Cette eau ne sera jamais troublée. S'il y a des problèmes entre Désiré et moi, nous sommes assez intelligents pour les régler», a précisé Paul Antoine Bohoun Bouabré.
«Cela fait 29 ans que Bohoun et moi, nous nous connaissons. Nous avons tissé nos relations à partir de l'université. Il faisait partie de ceux qui nous ont tenus par le bras pour nous prodiguer des conseils. Nous ne nous séparerons pas. Si Bohoun tombe, nous sommes foutus. Et vice-versa. Il faut éviter que nous tombions. Il faut aussi renoncer à prendre plaisir à opposer les uns aux autres. Je ne fais rien d'autre que ce qu'il m'a demandé. Que ceux qui aiment trouver les problèmes dans l'esprit des autres arrêtent cela», avait plaidé le 5 avril 2008, le ministre de l'Intérieur, Désiré Tagro, à l'investiture de l'Union des jeunes du département d'Issia dont Bohoun Bouabré est le parrain.
Une scène de ménage féroce
Démentis formels, diplomatie active, ils auront tout fait pour cacher leur division. Hélas, le feu est allumé. Entre Désiré Tagro et son aîné Paul-Antoine Bohoun Bouabré, la guerre devient totale. Une sorte de ligne rouge sépare désormais les deux personnalités. Pourtant, rien n'aurait pu les diviser. Au plan idéologique, ils appartiennent tous au Font populaire ivoirien (Fpi) même si Désiré Tagro, sans doute en raison de son statut de magistrat, était un peu plus discret aux heures chaudes du parti. Ils sont tous les deux originaires de Saioua, dans le département d'Issia. Le village de Bohoun, Niakia, est à environ 5 kilomètres du chef-lieu de sous-préfecture quand celui de Tagro, Gabia, est à une vingtaine de kilomètres. A Saioua, ils habitent le même quartier, celui des résidences cossues. Leurs villas sont séparées seulement par une ruelle. A Abidjan, leurs résidences de fonction à Cocody-Ambassades sont également côte à côte. Une proximité de fraternité qui se révèle aujourd'hui un corps à corps de rivaux. Bohoun Bouabré et Désiré Tagro se livrent aujourd'hui un duel aux couteaux à l'issue incertaine. En tout cas les deux belligérants se donnent les armes y compris les moins conventionnelles pour anéantir l'ennemi. Au centre de la crise, le Comité d'action stratégique (Cas), créé par le ministre de l'Intérieur. Ses adversaires soupçonnent Tagro de visées hégémoniques et bien plus de vouloir remplacer le Fpi par cette structure. Celui-ci réplique qu'il s'agit d'une organisation de développement et rien d'autre. Le conflit entre les deux leaders n'en finit plus d'étendre ses tentacules aussi bien au sein des entités privées que de l'administration centrale. La bataille se mène aussi à coups de limogeages des partisans de l'adversaire. Le magistrat Zahiri Ziki, nommé directeur de l'Office national d'identification (Oni), sous tutelle du ministère de l'Intérieur, a par exemple été déposé. «Il paie le prix de son refus de prendre ses distances avec Bohoun», susurrent ses proches. A Abidjan, les partisans des deux hommes forts du département ne s'adressent pratiquement plus la parole. Sur le versant du rocher à Issia, le 3ème vice-président du conseil général à été évincé. La fidélité de Georges Dogbo à Tagro, semble-t-il, relève d'un secret de polichinelle. Le fédéral Fpi, Séraphin Bahouan Gahi, par ailleurs chef de cabinet du président du conseil général, Bohoun Bouabré, jugé trop proche du ministre de l'Intérieur est sur la sellette. Mis en congé, il ne reçoit plus de salaire et il n'en recevra certainement plus jamais. Le conseil explique que son éviction n'est pas de son fait. «Il a largement dépassé l'âge de la retraite. Or le poste de chef de cabinet est une fonction administrative qui émarge au budget de l'Etat. C'est l'Etat qui l'a mis à la retraite», soutient-on.
La médiation s'organise
«C'est faux. Ce n'est pas maintenant que j'ai franchi l'âge de la retraite. On ne veut pas que je parle avec Tagro qui a sauvé le parti ici », rétorque Séraphin Bahouan. Mais, ce qui a surtout mis le feu aux poudres, c'est le débarquement de M. Bahouan, le 22 mai, de son poste de fédéral Fpi d'Issia.
Au cours d'une assemblée générale extraordinaire organisée samedi dont le seul point à l'ordre du jour était l'élection d'un nouveau secrétaire fédéral, Sébastien Koré, secrétaire de séance a déclaré : «Nous l'avons destitué parce qu'avec lui, le parti est resté dans la léthargie. Il ne tient pas d'assemblée générale, fait la promotion du culte de la personnalité, procède à des radiations complaisantes et surtout a fait de la cupidité sa raison d'être, tuant l'éthique et la morale chères à notre parti. En plus, il s'arroge les prérogatives du Directeur départemental de campagne (Ddc). A quelques mois de ces échéances importantes, on ne pouvait laisser cette situation perdurer. Ce serait un suicide», argumente M. Koré. Au terme des opérations électorales, «le camarade» Noël Ziagnon a été désigné par acclamation. Mais, au même moment, « le fédéral déchu » tenait une autre assemblée générale avec comme ordre du jour : information. «Je suis à mon poste. Ce qu'ils font est nul et de nul effet. Ils souffrent d'une méconnaissance des textes. Le maire nous a refusé la salle. Il a refusé la salle au Fpi », a-t-il souligné, sous le regard complice de Mady Bouabré, député du Plateau et fils de la région venu le soutenir. Ces assises auraient pu déboucher sur une bagarre rangée d'autant que les deux réunions étaient prévues au même endroit. Heureusement, le bon sens a prévalu. Précisons que si tous les élus, à l'exception de Lucien Gnoléba, maire de Saioua, se réclament de Bohoun Bouabré, la quasi-totalité des cadres soucieux de brûler les étapes revendiquent leur sujétion à Désiré Tagro. La tension reste très vive à Issia. Un comité de médiation composé de chefs de tribus a pris les choses en main. Pourra-t-il éteindre le feu ? «Ce sera ma dernière réunion sur cette affaire», a déjà averti Bohoun Bouabré.
Lanciné Bakayoko