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Politique Publié le jeudi 11 juin 2009 | Nord-Sud

FPI Issia- Bohoun-Tagro : Les dessous d`une guerre

Les largesses tous azimuts de Désiré Tagro agacent Bohoun Bouabré qui soupçonne son adversaire d'hégémonisme au sein de leur parti. Mais, au-delà de la guéguerre régionale, il pourrait s'agir d'un conflit de positionnement qui dépasse Issia.


Comme convenu le 22 mai après “la destitution” du secrétaire fédéral, Séraphin Bahouan Gahi, les militants du Front populaire ivoirien (Fpi) du département d'Issia ont investi samedi dernier à la salle des fêtes de la localité, “un nouveau mandataire” en l'occurrence Noel Ziagnon. Plébiscité par acclamations, «le néo-préfet» du parti au pouvoir sur le Rocher s'est donné deux semaines pour mettre en place son bureau. Cette équipe aura pour mission de faire gagner le Fpi et Laurent Gbagbo aussi bien aux échéances locales qu'aux présidentielles. Il a reçu instruction de restaurer le crédit de la structure, en ayant pour unique boussole le respect de la ligne politique du parti. Son prédécesseur, Séraphin Bahouan a été accusé d'avoir plongé le « Front » dans la léthargie. Mais, sans doute il paie le prix de sa collusion avec le ministre de l'Intérieur. « Il a voulu sacrifier les intérêts de notre formation sur l'autel de ses propres besoins mercantiles et surtout des ambitions du ministre Désiré Tagro », s'est convaincue l'assemblée. Mais ce qui fait le plus mal aux élus de ce département, ce sont les « agissements divisionnistes» du camarade Bahouan, activement soutenu, dit-on, par «le patron des policiers ».


Issia, l'iceberg

«Il a trahi. Nous sommes dans une association organisée et il nous faut respecter les idéaux du parti», fulmine le député Charles Yoro Guipié. Cette faiblesse maladive pour le cash, c'est presque la quasi-totalité des ténors locaux du Fpi qui la dénoncent avec énergie. Et, ils comptent porter l'affaire devant la plus haute instance du parti à Abidjan. Pour le clan Tagro-Bahouan, toutes ces accusations sont le fait d'élus en rupture avec leurs bases. «Si Tagro n'avait pas été là, peut-être que j'aurai déjà démissionné. C'est lui qui nous a donné les moyens opérationnels pour faire vivre le parti. Chercher à me démettre, c'est méconnaître nos textes. Je regrette de n'avoir pas initié un séminaire de formation pour eux. En tout état de cause, je demeure à mon poste», déclare M. Bahouan au cours d'une A.G au siège du parti. Il organise la résistance avec Désiré Tagro. Le ministre de l'Intérieur semble incarner la nouvelle race de jeunes loups aux dents longues. Ces hommes, estimant le terrain trop verrouillé par la vieille oligarchie locale, tentent le forcing pour s'offrir une place dans un espace où les parkings sont déjà partagés. Mais, en stratège, Tagro s'est entouré aussi de gens issus d'horizons divers notamment les soi-disant laissés-pour-compte. Pour formaliser ce conglomérat de personnalités issues de milieux politiques parfois concurrents, il a créé le Comité d'actions stratégiques (Cas), une structure hybride à cheval entre la politique et le social. «Ce sont les militants du Pdci. Ceux qui nous ont tués quand on était dans l'opposition », affirme, mezza voce, le député Séri Djéhoua. Dans la région, le C.a.s dont Tagro est le principal bailleur de fonds s'illustre par des actions de bienfaisance. Il distribue les millions à tout vent, ouvre l'école de police aux jeunes, construit des écoles, des centres de santé, s'occupe également de questions politiques comme l'enrôlement ou l'identification. On peut par exemple apercevoir cette pancarte dans le village de Zéga où il est écrit que le financier de la réhabilitation de la maison du chef s'appelle Désiré Tagro. «C'est le culte de la personnalité. Où est-ce qu'il trouve tous les millions qu'il distribue à longueur de journée », s'interroge un élu. Il faut dire, en effet, que dans le département d'Issia, la cohabitation entre responsables du Comité d'action stratégiques et ceux du Front populaire ivoirien (Fpi) bute sur une muraille d'obstacles et d'incompréhensions. «Si c'est un courant politique qu'on nous le dise», titille Gnato Zié, ancien directeur de cabinet du ministre de la Défense et membre du conseil général. Ne reconnaissant que Bohoun Bouabré comme le seul chef du parti et ses mouvements annexes, les responsables Fpi investis n'acceptent pas qu'une autre personne vienne s'arroger les prérogatives du Directeur départemental de campagne (Ddc) et dire quoi que ce soit pour le compte du Fpi. Par exemple, lors des dernières opérations pré-électorales, ils disent avoir été lésés par Séraphin Bahouan et dénoncent les multiples manœuvres orchestrées par les représentants du C.a.s allant toujours dans le sens de les écarter. Une accusation presque fondée dans la mesure où selon certains de ses proches, Désiré Tagro est en guerre contre les «vieilles marmites». Et il s'est donné peu de temps pour prouver qu'il y a «un devenir de la région». Bohoun Bouabré ne jure que par le conservatisme, seul moyen pour Issia de rester fidèle à elle-même c'est-à-dire rééditer son triomphe qui s'est réalisé à 100% aux échéances électorales.


L'après-Gbagbo ?

Même si à 6 mois des présidentielles de novembre, de telles attitudes hégémoniques ne sont pas fortuites, le constat est que la guerre entre les «deux frères ennemis» n'est que subliminale. En fait, le ministre de l'Intérieur, pour le moment, se garde bien de toute déclaration de candidature. Mais, la crise reste profonde. D'autant qu'elle sécrète des sentiments grégaires dans les rangs de leur parti. La semaine dernière, Navigué Konaté, collaborateur du ministre Tagro a failli démettre le secrétaire fédéral de la Jfpi d'Issia Aimé Yoro Djédjé, un proche de Bohoun au cours d'une assemblée générale à Danané. Le sociologue Dédi Séry qui voulait entamer une médiation a dû se rétracté. Récemment nommé à un poste honorable, il est désormais au crochet de Tagro. Celle de Mady Bouabré, député du Plateau a eu le même destin. Si d'un côté, on veut dans l'immédiat un renouvellement des générations, de l'autre, on craint de vivre ce qui s'est passé dans les autres « régions sœurs » au cours des dernières élections où l'opposition a fait un ras-de-marrée. C'est aussi un conflit interne sur fond de dissensions doctrinales. Pas vraiment étonnant : les militants du Fpi sont des habitués des divisions internes : Dabou, Soubré etc. Reste à savoir si le scénario ne va pas au-delà du petit rocher. Chacun des protagonistes a un espace suffisant pour s'ébattre et les nerfs assez solides pour tenir encore. La fédération et même le parti dans son ensemble ne sont-ils pas devenus bipolaires ? Tagro voit au-delà d'Issia. On lui prête l'intention de vouloir séduire « le Centre » et « le Nord » et de se fabriquer un « destin national ». De fait, il ratisse suffisamment large pour l'érosion de son adversaire. Le ministre de l'Intérieur donne l'image d'un rassembleur, un humaniste qui s'est fixé pour mission de reconquérir tous les déçus de la politique des «élus », quelle que soit leur couleur politique ou leur origine. Il a construit une offre politique nouvelle fondée sur un cocktail de volontarisme et de rejet des «élites dépassées ». Mais, bien plus, Tagro démontre un réel talent à transformer le ministère en tremplin. Il veut récupérer les inquiétudes de la majorité. Sur tous les sujets, il bouge, prend de vitesse son concurrent et l'agace. Le tout en paraissant concentré sur une seule mission : la restauration de la maison Fpi. Quant à Bohoun, il croit en la grandeur d'Issia, sublime la gestion familiale, exerce aussi une forme d'attraction sur la frange des militants les plus purs et durs. Mais, il peut occuper un large spectre du champ politique et espérer le dompter aussi longtemps que la région restera enfermée dans le style ancien : l'ethnocentrisme et le népotisme. Dans cet imbroglio, les deux hommes entretiennent soigneusement le même argument . Celui de faire croire aux militants qu'ils sont l'alpha et l'oméga.


Lanciné Bakayoko, envoyé spécial à Issia
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