Le leadership est ce qui explique la guéguerre entre Bohoun Bouabré et Désiré Tagro. Quand en 2005, Désiré Tagro, " jeune loup aux dents longues " pointe du nez dans la sphère politique ivoirienne dans l'écurie du FPI, Paul Antoine Bohoun Bouabré jouit d'une notoriété et d'un charisme avérés à Issia et à Saioua. Tout puissant ministre de l'Economie et des finances, donc dépositaire de moyens financiers colossaux, il comptabilise aussi un capital confiance important auprès de Laurent Gbagbo pour avoir remporté toutes les élections dans le département. Leader incontesté et directeur de campagne du chef de l'Etat, Bohoun Bouabré fait appel à Désiré Tagro, ce cadre du village de Gabia qui émerge et qui bénéficie de plus en plus de la confiance de Laurent Gbagbo. A l'arrivée de ce dernier à la tête du ministère de l'Intérieur, Bohoun Bouabré lui confie la mission de glaner des électeurs au sein des communautés allogènes, notamment les Baoulé qui comptent plus de 1200 villages et campements dans le département et qui sont réputés être des partisans purs et durs du PDCI-RDA. Désiré Tagro, évidemment, se met à la tâche. Selon des témoins sur place, il déploie les grands moyens. De l'argent par-ci, des véhicules par-là. Il débauche des chefs baoulé et des responsables de base de cette communauté. Il achète des consciences. Il promet des places à l'Ecole de police aux jeunes sans-emploi. Il est généreux. Paul Antoine Bohoun Bouabré continue de s'occuper des autochtones. Mais les données finissent par changer le jour où ce dernier est proposé par Laurent Gbagbo pour aller occuper le juteux fauteuil de gouverneur de la BCEAO à Dakar. L'ex ministre de l'Economie et des Finances est confiant, il rêve déjà. Il y a un relâchement dans ses activités. Il n'a plus le cœur à la tâche quotidienne à Issia et à Saioua. Il pense même à sa succession. Aussi, choisit-il Désiré Tagro pour lui succéder tant il était sûr de s'envoler pour la capitale sénégalaise. Tagro profite de cette aubaine. Il gagne en confiance. Il est certes en mission, mais il pense à son avenir politique. Il travaille pour lui-même car, selon certaines sources, Tagro envisage de diriger le conseil général qu'il juge mal géré par Bohoun Bouabré ou le conseil régional que Laurent Gbagbo compte initier. Tagro abat un travail colossal sur le terrain. Il crée le Cercle d'actions stratégiques (CAS) pour Désiré Tagro qui regroupe la plupart des cadres du département. Entre-temps, Bohoun Bouabré n'obtient pas gain de cause. Son rêve est devenu une illusion. Il est récusé par les institutions financières internationales. Le choix de Gbagbo doit se porter sur un autre pour diriger la BCEAO. Le ministre du Plan revient sur terre. Mais, il est trop tard. Tagro a déjà " miné " le terrain tant à Issia qu'à Saioua. Il est le nouveau leader FPI de la région. Bohoun Bouabré qui voit désormais en son frère une menace sérieuse, tient un meeting où il charge Tagro. Ses partisans entrent en transe. " Bohoun, tu as gagné toutes les élections. Tu ne peux pas laisser ce monsieur (Tagro) nous voler notre victoire. Lui et son groupe sont des arrivistes. Ils veulent dire que Gbagbo leur fait confiance ", disent-ils à leur leader Bohoun Bouabré. La " guerre " de leadership est ainsi engagée. Des tentatives de réconciliation, trois au total (voir encadré), sont menées en vain. Jusqu'à la quatrième qui a eu lieu le 13 juin dernier à Saioua.
La guerre des clans
Avant la dernière réconciliation, les camps Bohoun et Tagro se sont livrés à une " guerre " sans merci. Bohoun Bouabré, président du Conseil général débarque Bawa Gaï, de son poste de Fédéral FPI parce que ce dernier est membre du clan Tagro. Désiré Tagro vole au secours de son protégé. Selon nos sources, Bawa Gai reçoit de lui un salaire mensuel de 600 000f et un véhicule 4/4 d'une valeur de 18 millions. Un comité ad hoc est mis en place pour diriger la fédération. Ce comité est dirigé par Ziagnon Noël. Quant à Gougbouo Georges, responsable de la Dren à Daloa, membre du clan Tagro, il est démis de ses fonctions de 3ème vice-président du Conseil général. Tagro initie à Saioua une opération pour arracher les motos qu'il a offertes. Cette opération vise principalement ceux des militants FPI qui appartiennent au clan Bohoun Bouabré. La police de la ville est mise sur le coup. " Ils prenaient toutes les mobylettes et invitaient les propriétaires à les suivre au poste. Après vérifications, ils ont réussi à mettre la main sur toutes les mobylettes recherchées. Trois jours ont suffi pour mettre toutes les mobylettes à la fourrière. Elles y sont encore ", a confié un interlocuteur. Désiré Tagro a, par ailleurs, promis 30 000f à chaque secrétaire de section FPI du département d'Issia pour ne plus qu'ils répondent aux convocations de réunions de Paul Antoine Bohoun Bouabré.
Méfiance et suspicion
Prévue pour le vendredi 12, c'est finalement le samedi 13 juin 2009 qu'a eu lieu à Saioua la quatrième cérémonie de réconciliation entre les deux ministres refondateurs. Le vendredi 12, Bohoun Bouabré en tournée à Man avec le chef de l'Etat, pointe à Saioua à 13 heures. Désiré Tagro arrive à 19 heures accompagné de trois cargos transportant 150 policiers. Les médiateurs que sont les chefs des villages du canton Yocolo, le juge Gaman Yo, le Général Daléba sont présents. Les médiateurs demandent que la réconciliation ait lieu dans les locaux du Trésor public. Tagro refuse sous prétexte que l'édifice a été construit par Bohoun Bouabré. A 20 heures, il propose que la rencontre ait lieu au foyer des jeunes qui se trouve à 500 mètres du nouveau marché, dans un lieu non habité et obscur. Bohoun et ses collaborateurs refusent pour une question de sécurité à cette heure de la nuit. Ils n'ont pas confiance en Tagro qui est arrivé avec 150 policiers. Entre 22 h et 23 h, les médiateurs continuent de demander pardon à Tagro pour que la réunion se tienne au Trésor. Il chasse ces derniers de sa résidence qui fait face à celui de Bohoun Bouabré. Les médiateurs feront des va-et-vient entre les deux résidences jusqu'au petit matin. Ce samedi 13, les médiateurs bien que fatigués reprennent leur sempiternelle démarche de la veille. Désiré Tagro propose autre chose. Pour lui, la réconciliation doit se dérouler devant toute la population et en un lieu neutre. Aussi propose-t-il la sous-préfecture, le foyer des jeunes ou le préau de la ville. Ce grand apatam a été construit et offert récemment par Alphonse Djédjé Mady à ses parents de Saioua. La médiation reste bloquée jusqu'à 17h où du renfort est venu d'Abidjan. Le Pr Dédi Séry et Mme Odette Lorhougnon débarquent à Saioua, envoyés par le président Laurent Gbagbo. Ils emboîtent le pas aux précédents médiateurs qui sont forcés de prendre du repos. Les missionnaires de Gbagbo rencontrent d'abord Bohoun Bouabré qui dit être prêt à aller partout où la rencontre se tiendra. Après un tête-à-tête avec Désiré Tagro, ils proposent que la réunion se tienne dans une salle de la mission catholique Saint Jean de la ville. Ce qui fut fait. Entre-temps, Bohoun Bouabré a également fait appel à un cargo de 15 gendarmes bérets rouges. La ville de Saioua était ainsi assiégée et des patrouilles avaient lieu.
Des palabres et des injures
Il est 20 heures quand les médiateurs et les deux protagonistes entrent dans la salle. 18 personnes de chaque camp sont autorisées par les médiateurs venus d'Abidjan à accompagner les deux leaders. La médiation demande à Tagro de prendre la parole. Il refuse sous prétexte que cette demande concerne en premier l'aîné, Bohoun Bouabré. Le ministre du Plan prend la parole. Il s'explique et surtout accuse. " Désiré Tagro a insulté ma maman publiquement lors d'un meeting à Gbalam ", a-t-il dit. Selon des sources, le ministre Tagro aurait effectivement usé d'un proverbe au cours du meeting qui a laissé croire à une injure adressée à la génitrice de Bohoun Bouabré. " Laissez ce Bohoun-là. C'est parce qu'aujourd'hui, il se sent menacé. Il sent qu'il est combattu par moi, c'est pourquoi, il dit n'importe quoi dans les rues. Si tu es en lutte avec quelqu'un, qu'il insulte ta maman (ta mère c…), c'est qu'il a eu un coup violent. Si Bohoun parle beaucoup, c'est parce qu'il a eu un coup violent ", aurait martelé Désiré Tagro à Gbalam. Après que le ministre du plan eut relaté ces propos assez durs, Désiré Tagro, invité à parler, martèle encore : " Ta mère, je ne l'ai pas encore insultée. Mais, je vais l'insulter. Quand toi, tu disais au président que moi Tagro, j'envoie les planteurs de cacao sans diplôme à la police, tu ne pensais pas que je pouvais insulter ta maman ? Quand tu lui disais que je prends l'argent du pays pour venir le distribuer ici en me disant le plus riche, tu ne pensais pas que je pouvais insulter ta maman ? Tu as fait une réunion avec les ressortissants d'Issia chez toi ici en présence du président Gbagbo, lors des obsèques de son chauffeur. A cette réunion, des ressortissants d'Issia ont demandé au président d'enlever un ministre sur les deux de Saioua. Celui qui a tenu ces propos-là, qu'est-ce que tu lui as dit ? Rien! A Abidjan, quand je t'ai demandé, tu m'as dit que c'est le député Yro Guipié qui a tenu ces propos. Et toi, tu n'as pas fait de reproches à Yro. Je t'ai même demandé quand Yro disait cela, qu'est-ce que tu as dit ? Tu as répondu que tu n'as rien dit. Donc tu voulais mon éviction du gouvernement ? ". Bohoun Bouabré reprend la parole. " Tu as dit que j'ai dit au président de te renvoyer. Mais tu n'as pas été renvoyé. Il n'a pas exécuté ce que j'ai dit. Donc tu n'as pas à considérer cela ". Blé Blé Charles, ancien maire de Saioua, ancien militant du FPI, aujourd'hui revenu dans les rangs de la refondation après la dissolution d'un parti politique qu'il avait créé et actuel chef de village de Korébouo veut s'inviter dans le débat. " Tais-toi, tais-toi, je n'ai pas affaire à toi. Si tu continues, je te vide de la salle. J'ai la possibilité de te vider de cette salle ", menace Désiré Tagro. Il en fait autant pour un autre cadre venu de France qui voulait exprimer son indignation et celle de tous les militants FPI et autres cadres FPI originaires de Saioua dans l'Hexagone. Tagro continue, s'adressant à Bohoun Bouabré, il déclare : " Je te donne maintenant le fond du problème. Le Pr Ziki Koléa (NDLR : proche de Tagro et conseiller spécial du président Gbagbo), Mady Bouabré (NDLR : député du plateau), Srolou Gnoleba (NDLR : maire de Saioua), Béhiri Honoré (NDLR : chef de cabinet de Tagro), sont ceux-là qui m'ont informé de ce que tu as dit au président. Je n'étais pas à la réunion. Donc, c'est eux qui nous mettent en palabre ". Sur ce, Tagro donne ordre à la police de vider la salle. Les jeunes policiers arrachent les chaises à tous et demandent à chacun de sortir. Seuls Bohoun Bouabré, Désiré Tagro et les deux médiateurs venus d'Abidjan demeurent dans la salle. Le député Mady Bouabré, furieux, prend sa voiture et part à Zéga, son village, situé à 20 km de Saioua. Dehors, on attend le verdict. Le maire Srolou et Gnato Zié, ancien chef de cabinet du ministre Amani N'guessan, membre du camp de Bohoun Bouabré, manquent de peu de se battre. A 23 heures, les deux protagonistes sortent de la salle, sourire aux lèvres, main dans la main, en compagnie des médiateurs. La réconciliation, la quatrième est proclamée. La même nuit, les cargos de force de l'ordre quittent la ville. Dimanche 14 juin, les deux refondateurs se rendent visite mutuellement en compagnie des médiateurs. Un peu plus tard, chaque camp se retranche dans son " QG ", à la résidence de chaque leader. Suite à cette réunion, les différents staffs ont quitté la ville. Qu'ont-ils décidé ? Nul ne sait.
Les hostilités sont-elles finies ?
A Saioua et à Issia, on n'y croit pas vraiment. Pour les uns et les autres, il s'agit d'une réconciliation de façade. " Après la rencontre du 13 juin, la population ne voit pas la réconciliation. Car depuis cette date, aucun acte fort n'est venu confirmer que cette fois-ci est la bonne. Même la fête de la réconciliation, annoncée par Désiré Tagro, n'a pas eu lieu ", entend-on dire. Par ailleurs, l'on s'interroge si cette réconciliation pourrait éteindre les ambitions affichées par les uns et les autres. Notamment Tagro Désiré. Le fils du village de Gabia acceptera-t-il de dissoudre son Cercle d'actions stratégiques (CAS) ? Que fera-t-il des cadres qu'il a promus et qui se reconnaissent désormais en lui ? La Fédération FPI peut-elle encore être recomposée comme avant ? Les membres de chaque camp sont-ils prêts à perdre les avantages acquis et oublier les offenses et les humiliations ? Mady Bouabré n'aurait-il pas dit qu'il ne mettrait plus jamais les pieds chez Bohoun Bouabré ? D'ailleurs à Saioua, les membres de chaque camp marchent ensemble et disent à qui veut les entendre que " C'est nous qui avons raison. Eux ils sont qui ? ".
Diarrassouba Sory
Envoyé spécial
La guerre des clans
Avant la dernière réconciliation, les camps Bohoun et Tagro se sont livrés à une " guerre " sans merci. Bohoun Bouabré, président du Conseil général débarque Bawa Gaï, de son poste de Fédéral FPI parce que ce dernier est membre du clan Tagro. Désiré Tagro vole au secours de son protégé. Selon nos sources, Bawa Gai reçoit de lui un salaire mensuel de 600 000f et un véhicule 4/4 d'une valeur de 18 millions. Un comité ad hoc est mis en place pour diriger la fédération. Ce comité est dirigé par Ziagnon Noël. Quant à Gougbouo Georges, responsable de la Dren à Daloa, membre du clan Tagro, il est démis de ses fonctions de 3ème vice-président du Conseil général. Tagro initie à Saioua une opération pour arracher les motos qu'il a offertes. Cette opération vise principalement ceux des militants FPI qui appartiennent au clan Bohoun Bouabré. La police de la ville est mise sur le coup. " Ils prenaient toutes les mobylettes et invitaient les propriétaires à les suivre au poste. Après vérifications, ils ont réussi à mettre la main sur toutes les mobylettes recherchées. Trois jours ont suffi pour mettre toutes les mobylettes à la fourrière. Elles y sont encore ", a confié un interlocuteur. Désiré Tagro a, par ailleurs, promis 30 000f à chaque secrétaire de section FPI du département d'Issia pour ne plus qu'ils répondent aux convocations de réunions de Paul Antoine Bohoun Bouabré.
Méfiance et suspicion
Prévue pour le vendredi 12, c'est finalement le samedi 13 juin 2009 qu'a eu lieu à Saioua la quatrième cérémonie de réconciliation entre les deux ministres refondateurs. Le vendredi 12, Bohoun Bouabré en tournée à Man avec le chef de l'Etat, pointe à Saioua à 13 heures. Désiré Tagro arrive à 19 heures accompagné de trois cargos transportant 150 policiers. Les médiateurs que sont les chefs des villages du canton Yocolo, le juge Gaman Yo, le Général Daléba sont présents. Les médiateurs demandent que la réconciliation ait lieu dans les locaux du Trésor public. Tagro refuse sous prétexte que l'édifice a été construit par Bohoun Bouabré. A 20 heures, il propose que la rencontre ait lieu au foyer des jeunes qui se trouve à 500 mètres du nouveau marché, dans un lieu non habité et obscur. Bohoun et ses collaborateurs refusent pour une question de sécurité à cette heure de la nuit. Ils n'ont pas confiance en Tagro qui est arrivé avec 150 policiers. Entre 22 h et 23 h, les médiateurs continuent de demander pardon à Tagro pour que la réunion se tienne au Trésor. Il chasse ces derniers de sa résidence qui fait face à celui de Bohoun Bouabré. Les médiateurs feront des va-et-vient entre les deux résidences jusqu'au petit matin. Ce samedi 13, les médiateurs bien que fatigués reprennent leur sempiternelle démarche de la veille. Désiré Tagro propose autre chose. Pour lui, la réconciliation doit se dérouler devant toute la population et en un lieu neutre. Aussi propose-t-il la sous-préfecture, le foyer des jeunes ou le préau de la ville. Ce grand apatam a été construit et offert récemment par Alphonse Djédjé Mady à ses parents de Saioua. La médiation reste bloquée jusqu'à 17h où du renfort est venu d'Abidjan. Le Pr Dédi Séry et Mme Odette Lorhougnon débarquent à Saioua, envoyés par le président Laurent Gbagbo. Ils emboîtent le pas aux précédents médiateurs qui sont forcés de prendre du repos. Les missionnaires de Gbagbo rencontrent d'abord Bohoun Bouabré qui dit être prêt à aller partout où la rencontre se tiendra. Après un tête-à-tête avec Désiré Tagro, ils proposent que la réunion se tienne dans une salle de la mission catholique Saint Jean de la ville. Ce qui fut fait. Entre-temps, Bohoun Bouabré a également fait appel à un cargo de 15 gendarmes bérets rouges. La ville de Saioua était ainsi assiégée et des patrouilles avaient lieu.
Des palabres et des injures
Il est 20 heures quand les médiateurs et les deux protagonistes entrent dans la salle. 18 personnes de chaque camp sont autorisées par les médiateurs venus d'Abidjan à accompagner les deux leaders. La médiation demande à Tagro de prendre la parole. Il refuse sous prétexte que cette demande concerne en premier l'aîné, Bohoun Bouabré. Le ministre du Plan prend la parole. Il s'explique et surtout accuse. " Désiré Tagro a insulté ma maman publiquement lors d'un meeting à Gbalam ", a-t-il dit. Selon des sources, le ministre Tagro aurait effectivement usé d'un proverbe au cours du meeting qui a laissé croire à une injure adressée à la génitrice de Bohoun Bouabré. " Laissez ce Bohoun-là. C'est parce qu'aujourd'hui, il se sent menacé. Il sent qu'il est combattu par moi, c'est pourquoi, il dit n'importe quoi dans les rues. Si tu es en lutte avec quelqu'un, qu'il insulte ta maman (ta mère c…), c'est qu'il a eu un coup violent. Si Bohoun parle beaucoup, c'est parce qu'il a eu un coup violent ", aurait martelé Désiré Tagro à Gbalam. Après que le ministre du plan eut relaté ces propos assez durs, Désiré Tagro, invité à parler, martèle encore : " Ta mère, je ne l'ai pas encore insultée. Mais, je vais l'insulter. Quand toi, tu disais au président que moi Tagro, j'envoie les planteurs de cacao sans diplôme à la police, tu ne pensais pas que je pouvais insulter ta maman ? Quand tu lui disais que je prends l'argent du pays pour venir le distribuer ici en me disant le plus riche, tu ne pensais pas que je pouvais insulter ta maman ? Tu as fait une réunion avec les ressortissants d'Issia chez toi ici en présence du président Gbagbo, lors des obsèques de son chauffeur. A cette réunion, des ressortissants d'Issia ont demandé au président d'enlever un ministre sur les deux de Saioua. Celui qui a tenu ces propos-là, qu'est-ce que tu lui as dit ? Rien! A Abidjan, quand je t'ai demandé, tu m'as dit que c'est le député Yro Guipié qui a tenu ces propos. Et toi, tu n'as pas fait de reproches à Yro. Je t'ai même demandé quand Yro disait cela, qu'est-ce que tu as dit ? Tu as répondu que tu n'as rien dit. Donc tu voulais mon éviction du gouvernement ? ". Bohoun Bouabré reprend la parole. " Tu as dit que j'ai dit au président de te renvoyer. Mais tu n'as pas été renvoyé. Il n'a pas exécuté ce que j'ai dit. Donc tu n'as pas à considérer cela ". Blé Blé Charles, ancien maire de Saioua, ancien militant du FPI, aujourd'hui revenu dans les rangs de la refondation après la dissolution d'un parti politique qu'il avait créé et actuel chef de village de Korébouo veut s'inviter dans le débat. " Tais-toi, tais-toi, je n'ai pas affaire à toi. Si tu continues, je te vide de la salle. J'ai la possibilité de te vider de cette salle ", menace Désiré Tagro. Il en fait autant pour un autre cadre venu de France qui voulait exprimer son indignation et celle de tous les militants FPI et autres cadres FPI originaires de Saioua dans l'Hexagone. Tagro continue, s'adressant à Bohoun Bouabré, il déclare : " Je te donne maintenant le fond du problème. Le Pr Ziki Koléa (NDLR : proche de Tagro et conseiller spécial du président Gbagbo), Mady Bouabré (NDLR : député du plateau), Srolou Gnoleba (NDLR : maire de Saioua), Béhiri Honoré (NDLR : chef de cabinet de Tagro), sont ceux-là qui m'ont informé de ce que tu as dit au président. Je n'étais pas à la réunion. Donc, c'est eux qui nous mettent en palabre ". Sur ce, Tagro donne ordre à la police de vider la salle. Les jeunes policiers arrachent les chaises à tous et demandent à chacun de sortir. Seuls Bohoun Bouabré, Désiré Tagro et les deux médiateurs venus d'Abidjan demeurent dans la salle. Le député Mady Bouabré, furieux, prend sa voiture et part à Zéga, son village, situé à 20 km de Saioua. Dehors, on attend le verdict. Le maire Srolou et Gnato Zié, ancien chef de cabinet du ministre Amani N'guessan, membre du camp de Bohoun Bouabré, manquent de peu de se battre. A 23 heures, les deux protagonistes sortent de la salle, sourire aux lèvres, main dans la main, en compagnie des médiateurs. La réconciliation, la quatrième est proclamée. La même nuit, les cargos de force de l'ordre quittent la ville. Dimanche 14 juin, les deux refondateurs se rendent visite mutuellement en compagnie des médiateurs. Un peu plus tard, chaque camp se retranche dans son " QG ", à la résidence de chaque leader. Suite à cette réunion, les différents staffs ont quitté la ville. Qu'ont-ils décidé ? Nul ne sait.
Les hostilités sont-elles finies ?
A Saioua et à Issia, on n'y croit pas vraiment. Pour les uns et les autres, il s'agit d'une réconciliation de façade. " Après la rencontre du 13 juin, la population ne voit pas la réconciliation. Car depuis cette date, aucun acte fort n'est venu confirmer que cette fois-ci est la bonne. Même la fête de la réconciliation, annoncée par Désiré Tagro, n'a pas eu lieu ", entend-on dire. Par ailleurs, l'on s'interroge si cette réconciliation pourrait éteindre les ambitions affichées par les uns et les autres. Notamment Tagro Désiré. Le fils du village de Gabia acceptera-t-il de dissoudre son Cercle d'actions stratégiques (CAS) ? Que fera-t-il des cadres qu'il a promus et qui se reconnaissent désormais en lui ? La Fédération FPI peut-elle encore être recomposée comme avant ? Les membres de chaque camp sont-ils prêts à perdre les avantages acquis et oublier les offenses et les humiliations ? Mady Bouabré n'aurait-il pas dit qu'il ne mettrait plus jamais les pieds chez Bohoun Bouabré ? D'ailleurs à Saioua, les membres de chaque camp marchent ensemble et disent à qui veut les entendre que " C'est nous qui avons raison. Eux ils sont qui ? ".
Diarrassouba Sory
Envoyé spécial