Un conflit foncier oppose, depuis quelque temps, le président de la CEI, Robert Beugré Mambé, à une société montée par des Ivoiriens de la diaspora, à propos d’un terrain urbain situé aux II-Plateaux. La bagarre a été portée devant le tribunal mais en attendant que les juges ne tranchent, chaque partie y va de ses moyens médiatiques et d’influence. Et le ministre de la Construction et de l’Urbanisme, Marcel Amon Tanoh, s’en est mêlé pour jouer un rôle véritablement curieux et trouble.
La Cour d’appel d’Abidjan-Plateau a ordonné, en son audience du mardi 16 juin, l’arrêt des travaux de construction en cours sur le lot n° 2136 B, îlot 197, situé à la 4ème Tranche, aux II-Plateaux dans la commune de Cocody. Il doit en être ainsi jusqu’à ce que l’identité du vrai propriétaire de ce terrain soit connue. La Cour d’appel fait ainsi droit à la requête de l’avocat de la société SCI Sixtine qui avait porté plainte à la fois contre le président de la Commission électorale indépendante (CEI), M. Robert Beugré Mambé pour ses activités sur ledit lot, contre le ministère de la Construction et de l’Urbanisme pour son parti pris flagrant en faveur de M. Mambé ; contre l’Agence de gestion foncière (AGEF) et la direction de la Conservation foncière qui lui ont fait acheter régulièrement ce terrain et, enfin, contre l’entreprise SOTRAD-CI qui construit des immeubles sur ledit terrain au profit de M. Beugré Mambé. Dans sa publication des samedi 27 et dimanche 28 juin derniers, le quotidien gouvernemental, Fraternité Matin, a titré : “La justice déboute Mambé Beugré”.
Un conflit bien médiatisé
En vérité, c’est le deuxième round judiciaire (sur trois pour l’instant) que la Société civile immobilière Sixtine (SCI Sixtine) remporte dans ce conflit qui l’oppose à Mambé Beugré sur le terrain litigieux. La SCI Sixtine avait déjà obtenu du juge des référés, une première décision d’arrêt de ces travaux. Mais une contre-décision émanant de la présidente de cette même Cour d’appel avait curieusement cassé l’ordonnance du juge des référés et autorisé la poursuite des travaux sur le lot litigieux. Et depuis, sur ce terrain et autour des travaux qui s’y effectuent, s’est engagé un chassé-croisé juridico-médiatique entretenu par les deux protagonistes. Le président de la CEI y va de ses moyens et de ses relations à divers niveaux. Ses adversaires disent s’en remettre entièrement “au bon sens de la Justice”, cette vielle dame qui agit lentement mais qui arrive toujours à frapper lourdement les coupables. Mais au passage, ils n’hésitent pas à répondre aux coups de poing médiatiques du camp Mambé. Si bien que par intervalles réguliers, les Ivoiriens sont abondamment informés de ce conflit entre Beugré Mambé et des opérateurs ivoiriens.
Le feu médiatique a été, en effet, ouvert par le camp de M. Robert Beugré Mambé. Dans un article intitulé “litige foncier aux II-Plateaux : Qui veut arracher les terrains de Mambé ?”, le président de la CEI fait dire par le quotidien “Le Nouveau Réveil” du mercredi 10 juin, que quelques petits quidams veulent lui arracher son terrain. Dans cette sortie médiatique, le président de la CEI est présenté comme la victime d’une arnaque. Bien évidemment, la riposte a été sonnée, comme il fallait s’y attendre, par ses adversaires, actionnaires de la SCI Sixtine, qui se présentent comme les vraies victimes. Dans le quotidien Soir Info du vendredi 19 juin 2009, ils accusent le président de la CEI “d’abus de pouvoir”. Où se situe donc la vérité ? A qui appartient réellement le terrain litigieux ? Qui veut l’arracher à qui ?
Le député Niangne, propriétaire officiel
L’affaire commence en 2008. Des Ivoiriens de la Diaspora qui veulent investir chez eux, en Côte d’Ivoire, s’attachent les services de l’avocat Yves Saraka. A son tour, l’homme de loi s’en remet à un notaire qu’il charge de trouver un terrain urbain susceptible d’abriter le siège de la société naissante, la SCI Sixtine. C’est le député PDCI de Dabou, Jean-Claude Yède Niangne, qui leur fait la meilleure offre. Le parlementaire est propriétaire du lot 2136 B, îlot n° 197 de 1912 m2. C’est l’Arrêté de concession provisoire (ACP) du 21 mars 2002 délivré par le ministre de la Construction de cette époque, le Pr. Raymond Abouo-N’Dori, qui le dit. Cet ACP est certifié exact par l’Agence de gestion foncière (AGEF). D’ailleurs, selon l’attestation de paiement F° 1013/11 du 7 mars 2002 délivré par l’AGEF, le député a acheté ce terrain au prix de 11,760 millions FCFA. Une lettre de confirmation datée du 2 septembre 2005 et signée du directeur du Domaine urbain de l’actuel ministère de la Construction et de l’Urbanisme atteste toutes ces informations. Mais mieux, le député de Dabou a fourni au notaire de SCI Sixtine une copie du certificat de propriété portant titre foncier n° 115 339 de Bingerville suivant acte administratif n°18/197/2136 B du 7 mars 2003. Ce titre foncier a été délivré, le 28 novembre 2006, par le conservateur de la propriété foncière, M. Houphouet Kouadio, au profit du parlementaire.
Enfin, le 12 mars 2008, en réponse à sa requête et sur insistance du notaire, le député Niangne obtient à nouveau du Directeur général de l’AGEF, la confirmation qu’il est “l’unique acquéreur connu du lot n° 2136 B, îlot 197 susmentionné intégralement payé comme l’atteste l’acte administratif de vente valant Arrêté de concession provisoire signé le 7 mars 2003 par le ministre de la Construction et de l’Urbanisme”.
La SCI sixtine, nouvel acquéreur officiel
Au vu de ces documents et de la copie du plan de situation qui les accompagnent, mais surtout du certificat de localisation topographique établi, le 30 avril 2008 par le cabinet de géomètres experts Alpha Topo, le notaire de SCI Sixtine est convaincu que le terrain est bien la propriété du député Niangne. Et que celui-ci est fondé à en disposer comme bon lui semble, y compris le vendre à tout acquéreur de son choix.
D’ailleurs, au moment de le livrer aux nouveaux acquéreurs, le député de Dabou a découvert que son terrain était occupé par des “clandestins” qui l’ont clôturé par des tôles de couleur rouge sur lesquelles il est écrit : “SOTRAD-CI Tél. : 07949753 Opérateur immobilier”. Il en a fait le constat par exploit d’huissier le 17 mars 2008, a saisi le tribunal et a obtenu une ordonnance judiciaire le 25 mars pour procéder à l’expulsion des occupants “clandestins”.
Alors, sur conseil de son notaire, la SCI Sixtine achète le terrain à M. Niangne. Un nouveau certificat de propriété foncière est établi. Désormais propriétaire exclusif du lot n° 2136 B, îlot 197 de la 4ème Tranche aux II-Plateaux, à Cocody, la société SCI Sixtine dresse une clôture en dur autour du terrain, construit un baraquement de chantier et un abri pour le gardien. Elle y entrepose trente mille (30.000) briques dans l’attente du permis de construire sollicité auprès de la mairie de Cocody.
Et le ministre surgit au profit de Mambé !
Le 21 juillet 2008, tout se gâte : un huissier commis par le ministre Marcel Amon Tanoh tend “une mise en demeure de déguerpissement” à la SCI Sixtine. Selon l’ordre de déguerpissement, le ministre de la Construction et de l’Urbanisme agissait sur plainte de Mme Marthe Djédji Beugré, épouse Mambé. Pour cette dame qui, visiblement, agissait en lieu et place de son époux, la société “a occupé illégalement les lots n° 2032 et 2340, îlot 183 bis de Cocody II-Plateaux 4ème Tranche” dont les enfants de Robert Beugré Mambé, les nommés Landry Beugré Mambé et Alban Mambé Beugré Mobio “sont concessionnaires par les arrêtés numéros 07-0236 et 07-0237/MCUH/DDU/SDPAA/SAC du 16 août 2007”. “J’ai acheté ces terrains et les ai mis aux noms de mes enfants”, nous dira plus tard le président de la CEI. Cet ordre de déguerpissement est accompagné de l’arrêté n°88-0020/MCHU/DAJC/YKE pris par le ministre Amon Tanoh, le 2 juin 2008, pour annuler l’acte de vente réalisé, le 7 mars 2003, par l’Etat ivoirien au profit du député Niangne.
Fort de ce coup de pouce ministériel, le président de la CEI envoie désormais des policiers et des loubards brutaliser, avec un remarquable zèle, les représentants de SCI Sixtine trouvés sur le terrain. M. Beugré Mambé a fini par imposer violemment le vide sur les lieux, sans même passer par la voie légale en requérant la force publique. Et depuis, sur le terrain litigieux, avec une rapidité vertigineuse, deux gros immeubles poussent, poussent et poussent ! Comme si le président de la CEI veut mettre à la fois ses adversaires et la justice devant…des constructions déjà achevées. Pour quel objectif ?
Les petits oublis du président Mambé
M. Robert Beugré Mambé, ingénieur des Travaux publics, candidat à l’ordre des experts en travaux publics, a été, pendant près de 20 ans, directeur de cabinet de différents ministres de la Construction et il se félicite de n’avoir jamais trempé dans une magouille sur les terrains urbains, le lot quotidien de nombreuses personnes qui désirent acheter des terrains à Abidjan. Il nous a reçu “par amitié” au cours de nos recherches. Il affirme avoir acheté les deux lots n° 2032 et 2340, îlot 183 bis de la 4ème Tranche au II-Plateaux, en 1999, sous le ministre Albert Kakou Tiapani dont il était le directeur de cabinet. Documents à l’appui, le président de la CEI, tout en refusant de nous en laisser des copies pour vérification à la Conservation foncière, affirme qu’il a introduit une demande de titre foncier en octobre 2002 et qu’il a obtenu des numéros ayant valeur de titres fonciers auprès de la direction de la Conservation foncière. Curieusement, c’est en 2007 que le président Mambé va obtenir les Arrêtés de Concession provisoire (ACP) signés de la main du ministre Marcel Amon Tanoh. Visiblement trop tard!
Un ACP, tout le monde le sait, n’est qu’une intention de consolidation d’une lettre d’attribution d’un terrain par l’Etat. Il intervient après le paiement du prix du terrain mais ne confère pas la qualité de propriétaire définitif du terrain. Or, détenteur d’une lettre d’attribution datant de 1999, M. Beugré Mambé n’a véritablement rien fait, jusqu’en 2007, pour consolider ses droits sur ce terrain. Il a beau reprocher à l’administration sa lenteur, l’argument passe difficilement et cela pourrait justifier la bagarre dans laquelle il est engagé aujourd’hui. Car, dans le même temps, avec la même administration et sur le même terrain, le député Yède Niangne a obtenu, en mars 2006, l’inattaquable certificat de propriété foncière n° 115 339 de Bingerville suivant acte administratif n°18/197/2136 B du 7 mars 2003.
En un mot, pour s’être contenté de deux d’attribution datant de 1999, lesquelles lettres n’expriment qu’une simple intention du ministre Tiapani de lui octroyer deux terrains, M. Beugré Mambé s’est laissé certainement surprendre par la vente du même terrain par l’Etat au député Niangne. Mais pis, la SETU, société chargée de la gestion des terrains urbains de l’Etat sous le ministre Tiapani a été dissoute et n’a laissé aucun document attestant la paternité de M. Beugré Mambé sur ces terrains. De toute évidence, l’AGEF qui en a pris la relève n’a eu aucun mal à réaliser la fusion des deux lots initiaux promis à M. Mambé, dans un lot unique, le n° 2136 B, et à le vendre en bonne et due forme au député Niangne. Nos démarches auprès de la direction de la Conservation foncière pour vérifier par nous-même ces informations ont buté sur un refus…poli. Mais fort de tous ces faits, Me Yves Saraka, avocat de SCI Sixtine, nous a affirmé avoir posé une pré notation sur le terrain fiévreusement mis en valeur par le président de la CEI, envers et contre tous. “Cela signifie que même si le président Mambé achève ses travaux par la force, ce terrain ne portera jamais son nom !”, déclare l’avocat de SCI Sixtine.
En attendant, l’Etat se dédit
En tout cas, avec le forcing opéré par le président Mambé et son “ange gardien” Marcel Amon Tanoh, ministre de la Construction et de l’Urbanisme, c’est un impitoyable bras de fer qui est engagé au tribunal contre les actionnaires de SCI Sixtine et l’issue pourrait s’avérer dramatique. Car pour l’instant, le lot litigieux a deux titres d’immatriculation. Pour la SCI Sixtine, ce terrain vendu par le député Niangne est immatriculé lot n° 2136 B, îlot 197 de la 4ème Tranche aux II-Plateaux, à Cocody ; Certificat de propriété foncière inattaquable à l’appui.
Pour le président de la CEI, ce terrain appartient à ses enfants. Il est morcelé en deux, les lots n° 2032 et 2340, îlot 183 bis de la 4ème Tranche aux II-Plateaux, à Cocody ; Deux Arrêtés de concession provisoire (ACP) à l’appui. Mais apparemment, les deux ACP du président de la CEI pourraient fondre comme du beurre au soleil à côté du certificat de propriété foncière détenu par le député Niangne. Bien entendu, le ministre Amon Tanoh a voulu lui venir en aide en opérant le passage en force avec l’arrêté n°88-0020/MCHU/DAJC/YKE du 2 juin 2008 annulant l’acte de vente réalisé 5 ans plus tôt, le 7 mars 2003, par l’Etat au profit du député Niangne. Selon le ministre Amon Tanoh, l’achat du terrain par le député en 2003 est nul “pour cause de non mise en demeure préalable de l’ancien attributaire”. Mais comment prouver que M. Beugré Mambé a été attributaire de ce lot si, dans tous les documents fonciers de l’Etat, l’on ne retrouve que le nom du député Niangne comme propriétaire officiel de ce terrain ? L’Etat a-t-il le droit de vendre une marchandise à un honnête citoyen et faire machine arrière, si facilement, comme un vulgaire trafiquant, pour arracher cette marchandise parce qu’il se serait aperçu de sa propre turpitude ? L’Etat est-il fondé à se déculotter si facilement ? Affaire à suivre. Au tribunal.
César Etou
La Cour d’appel d’Abidjan-Plateau a ordonné, en son audience du mardi 16 juin, l’arrêt des travaux de construction en cours sur le lot n° 2136 B, îlot 197, situé à la 4ème Tranche, aux II-Plateaux dans la commune de Cocody. Il doit en être ainsi jusqu’à ce que l’identité du vrai propriétaire de ce terrain soit connue. La Cour d’appel fait ainsi droit à la requête de l’avocat de la société SCI Sixtine qui avait porté plainte à la fois contre le président de la Commission électorale indépendante (CEI), M. Robert Beugré Mambé pour ses activités sur ledit lot, contre le ministère de la Construction et de l’Urbanisme pour son parti pris flagrant en faveur de M. Mambé ; contre l’Agence de gestion foncière (AGEF) et la direction de la Conservation foncière qui lui ont fait acheter régulièrement ce terrain et, enfin, contre l’entreprise SOTRAD-CI qui construit des immeubles sur ledit terrain au profit de M. Beugré Mambé. Dans sa publication des samedi 27 et dimanche 28 juin derniers, le quotidien gouvernemental, Fraternité Matin, a titré : “La justice déboute Mambé Beugré”.
Un conflit bien médiatisé
En vérité, c’est le deuxième round judiciaire (sur trois pour l’instant) que la Société civile immobilière Sixtine (SCI Sixtine) remporte dans ce conflit qui l’oppose à Mambé Beugré sur le terrain litigieux. La SCI Sixtine avait déjà obtenu du juge des référés, une première décision d’arrêt de ces travaux. Mais une contre-décision émanant de la présidente de cette même Cour d’appel avait curieusement cassé l’ordonnance du juge des référés et autorisé la poursuite des travaux sur le lot litigieux. Et depuis, sur ce terrain et autour des travaux qui s’y effectuent, s’est engagé un chassé-croisé juridico-médiatique entretenu par les deux protagonistes. Le président de la CEI y va de ses moyens et de ses relations à divers niveaux. Ses adversaires disent s’en remettre entièrement “au bon sens de la Justice”, cette vielle dame qui agit lentement mais qui arrive toujours à frapper lourdement les coupables. Mais au passage, ils n’hésitent pas à répondre aux coups de poing médiatiques du camp Mambé. Si bien que par intervalles réguliers, les Ivoiriens sont abondamment informés de ce conflit entre Beugré Mambé et des opérateurs ivoiriens.
Le feu médiatique a été, en effet, ouvert par le camp de M. Robert Beugré Mambé. Dans un article intitulé “litige foncier aux II-Plateaux : Qui veut arracher les terrains de Mambé ?”, le président de la CEI fait dire par le quotidien “Le Nouveau Réveil” du mercredi 10 juin, que quelques petits quidams veulent lui arracher son terrain. Dans cette sortie médiatique, le président de la CEI est présenté comme la victime d’une arnaque. Bien évidemment, la riposte a été sonnée, comme il fallait s’y attendre, par ses adversaires, actionnaires de la SCI Sixtine, qui se présentent comme les vraies victimes. Dans le quotidien Soir Info du vendredi 19 juin 2009, ils accusent le président de la CEI “d’abus de pouvoir”. Où se situe donc la vérité ? A qui appartient réellement le terrain litigieux ? Qui veut l’arracher à qui ?
Le député Niangne, propriétaire officiel
L’affaire commence en 2008. Des Ivoiriens de la Diaspora qui veulent investir chez eux, en Côte d’Ivoire, s’attachent les services de l’avocat Yves Saraka. A son tour, l’homme de loi s’en remet à un notaire qu’il charge de trouver un terrain urbain susceptible d’abriter le siège de la société naissante, la SCI Sixtine. C’est le député PDCI de Dabou, Jean-Claude Yède Niangne, qui leur fait la meilleure offre. Le parlementaire est propriétaire du lot 2136 B, îlot n° 197 de 1912 m2. C’est l’Arrêté de concession provisoire (ACP) du 21 mars 2002 délivré par le ministre de la Construction de cette époque, le Pr. Raymond Abouo-N’Dori, qui le dit. Cet ACP est certifié exact par l’Agence de gestion foncière (AGEF). D’ailleurs, selon l’attestation de paiement F° 1013/11 du 7 mars 2002 délivré par l’AGEF, le député a acheté ce terrain au prix de 11,760 millions FCFA. Une lettre de confirmation datée du 2 septembre 2005 et signée du directeur du Domaine urbain de l’actuel ministère de la Construction et de l’Urbanisme atteste toutes ces informations. Mais mieux, le député de Dabou a fourni au notaire de SCI Sixtine une copie du certificat de propriété portant titre foncier n° 115 339 de Bingerville suivant acte administratif n°18/197/2136 B du 7 mars 2003. Ce titre foncier a été délivré, le 28 novembre 2006, par le conservateur de la propriété foncière, M. Houphouet Kouadio, au profit du parlementaire.
Enfin, le 12 mars 2008, en réponse à sa requête et sur insistance du notaire, le député Niangne obtient à nouveau du Directeur général de l’AGEF, la confirmation qu’il est “l’unique acquéreur connu du lot n° 2136 B, îlot 197 susmentionné intégralement payé comme l’atteste l’acte administratif de vente valant Arrêté de concession provisoire signé le 7 mars 2003 par le ministre de la Construction et de l’Urbanisme”.
La SCI sixtine, nouvel acquéreur officiel
Au vu de ces documents et de la copie du plan de situation qui les accompagnent, mais surtout du certificat de localisation topographique établi, le 30 avril 2008 par le cabinet de géomètres experts Alpha Topo, le notaire de SCI Sixtine est convaincu que le terrain est bien la propriété du député Niangne. Et que celui-ci est fondé à en disposer comme bon lui semble, y compris le vendre à tout acquéreur de son choix.
D’ailleurs, au moment de le livrer aux nouveaux acquéreurs, le député de Dabou a découvert que son terrain était occupé par des “clandestins” qui l’ont clôturé par des tôles de couleur rouge sur lesquelles il est écrit : “SOTRAD-CI Tél. : 07949753 Opérateur immobilier”. Il en a fait le constat par exploit d’huissier le 17 mars 2008, a saisi le tribunal et a obtenu une ordonnance judiciaire le 25 mars pour procéder à l’expulsion des occupants “clandestins”.
Alors, sur conseil de son notaire, la SCI Sixtine achète le terrain à M. Niangne. Un nouveau certificat de propriété foncière est établi. Désormais propriétaire exclusif du lot n° 2136 B, îlot 197 de la 4ème Tranche aux II-Plateaux, à Cocody, la société SCI Sixtine dresse une clôture en dur autour du terrain, construit un baraquement de chantier et un abri pour le gardien. Elle y entrepose trente mille (30.000) briques dans l’attente du permis de construire sollicité auprès de la mairie de Cocody.
Et le ministre surgit au profit de Mambé !
Le 21 juillet 2008, tout se gâte : un huissier commis par le ministre Marcel Amon Tanoh tend “une mise en demeure de déguerpissement” à la SCI Sixtine. Selon l’ordre de déguerpissement, le ministre de la Construction et de l’Urbanisme agissait sur plainte de Mme Marthe Djédji Beugré, épouse Mambé. Pour cette dame qui, visiblement, agissait en lieu et place de son époux, la société “a occupé illégalement les lots n° 2032 et 2340, îlot 183 bis de Cocody II-Plateaux 4ème Tranche” dont les enfants de Robert Beugré Mambé, les nommés Landry Beugré Mambé et Alban Mambé Beugré Mobio “sont concessionnaires par les arrêtés numéros 07-0236 et 07-0237/MCUH/DDU/SDPAA/SAC du 16 août 2007”. “J’ai acheté ces terrains et les ai mis aux noms de mes enfants”, nous dira plus tard le président de la CEI. Cet ordre de déguerpissement est accompagné de l’arrêté n°88-0020/MCHU/DAJC/YKE pris par le ministre Amon Tanoh, le 2 juin 2008, pour annuler l’acte de vente réalisé, le 7 mars 2003, par l’Etat ivoirien au profit du député Niangne.
Fort de ce coup de pouce ministériel, le président de la CEI envoie désormais des policiers et des loubards brutaliser, avec un remarquable zèle, les représentants de SCI Sixtine trouvés sur le terrain. M. Beugré Mambé a fini par imposer violemment le vide sur les lieux, sans même passer par la voie légale en requérant la force publique. Et depuis, sur le terrain litigieux, avec une rapidité vertigineuse, deux gros immeubles poussent, poussent et poussent ! Comme si le président de la CEI veut mettre à la fois ses adversaires et la justice devant…des constructions déjà achevées. Pour quel objectif ?
Les petits oublis du président Mambé
M. Robert Beugré Mambé, ingénieur des Travaux publics, candidat à l’ordre des experts en travaux publics, a été, pendant près de 20 ans, directeur de cabinet de différents ministres de la Construction et il se félicite de n’avoir jamais trempé dans une magouille sur les terrains urbains, le lot quotidien de nombreuses personnes qui désirent acheter des terrains à Abidjan. Il nous a reçu “par amitié” au cours de nos recherches. Il affirme avoir acheté les deux lots n° 2032 et 2340, îlot 183 bis de la 4ème Tranche au II-Plateaux, en 1999, sous le ministre Albert Kakou Tiapani dont il était le directeur de cabinet. Documents à l’appui, le président de la CEI, tout en refusant de nous en laisser des copies pour vérification à la Conservation foncière, affirme qu’il a introduit une demande de titre foncier en octobre 2002 et qu’il a obtenu des numéros ayant valeur de titres fonciers auprès de la direction de la Conservation foncière. Curieusement, c’est en 2007 que le président Mambé va obtenir les Arrêtés de Concession provisoire (ACP) signés de la main du ministre Marcel Amon Tanoh. Visiblement trop tard!
Un ACP, tout le monde le sait, n’est qu’une intention de consolidation d’une lettre d’attribution d’un terrain par l’Etat. Il intervient après le paiement du prix du terrain mais ne confère pas la qualité de propriétaire définitif du terrain. Or, détenteur d’une lettre d’attribution datant de 1999, M. Beugré Mambé n’a véritablement rien fait, jusqu’en 2007, pour consolider ses droits sur ce terrain. Il a beau reprocher à l’administration sa lenteur, l’argument passe difficilement et cela pourrait justifier la bagarre dans laquelle il est engagé aujourd’hui. Car, dans le même temps, avec la même administration et sur le même terrain, le député Yède Niangne a obtenu, en mars 2006, l’inattaquable certificat de propriété foncière n° 115 339 de Bingerville suivant acte administratif n°18/197/2136 B du 7 mars 2003.
En un mot, pour s’être contenté de deux d’attribution datant de 1999, lesquelles lettres n’expriment qu’une simple intention du ministre Tiapani de lui octroyer deux terrains, M. Beugré Mambé s’est laissé certainement surprendre par la vente du même terrain par l’Etat au député Niangne. Mais pis, la SETU, société chargée de la gestion des terrains urbains de l’Etat sous le ministre Tiapani a été dissoute et n’a laissé aucun document attestant la paternité de M. Beugré Mambé sur ces terrains. De toute évidence, l’AGEF qui en a pris la relève n’a eu aucun mal à réaliser la fusion des deux lots initiaux promis à M. Mambé, dans un lot unique, le n° 2136 B, et à le vendre en bonne et due forme au député Niangne. Nos démarches auprès de la direction de la Conservation foncière pour vérifier par nous-même ces informations ont buté sur un refus…poli. Mais fort de tous ces faits, Me Yves Saraka, avocat de SCI Sixtine, nous a affirmé avoir posé une pré notation sur le terrain fiévreusement mis en valeur par le président de la CEI, envers et contre tous. “Cela signifie que même si le président Mambé achève ses travaux par la force, ce terrain ne portera jamais son nom !”, déclare l’avocat de SCI Sixtine.
En attendant, l’Etat se dédit
En tout cas, avec le forcing opéré par le président Mambé et son “ange gardien” Marcel Amon Tanoh, ministre de la Construction et de l’Urbanisme, c’est un impitoyable bras de fer qui est engagé au tribunal contre les actionnaires de SCI Sixtine et l’issue pourrait s’avérer dramatique. Car pour l’instant, le lot litigieux a deux titres d’immatriculation. Pour la SCI Sixtine, ce terrain vendu par le député Niangne est immatriculé lot n° 2136 B, îlot 197 de la 4ème Tranche aux II-Plateaux, à Cocody ; Certificat de propriété foncière inattaquable à l’appui.
Pour le président de la CEI, ce terrain appartient à ses enfants. Il est morcelé en deux, les lots n° 2032 et 2340, îlot 183 bis de la 4ème Tranche aux II-Plateaux, à Cocody ; Deux Arrêtés de concession provisoire (ACP) à l’appui. Mais apparemment, les deux ACP du président de la CEI pourraient fondre comme du beurre au soleil à côté du certificat de propriété foncière détenu par le député Niangne. Bien entendu, le ministre Amon Tanoh a voulu lui venir en aide en opérant le passage en force avec l’arrêté n°88-0020/MCHU/DAJC/YKE du 2 juin 2008 annulant l’acte de vente réalisé 5 ans plus tôt, le 7 mars 2003, par l’Etat au profit du député Niangne. Selon le ministre Amon Tanoh, l’achat du terrain par le député en 2003 est nul “pour cause de non mise en demeure préalable de l’ancien attributaire”. Mais comment prouver que M. Beugré Mambé a été attributaire de ce lot si, dans tous les documents fonciers de l’Etat, l’on ne retrouve que le nom du député Niangne comme propriétaire officiel de ce terrain ? L’Etat a-t-il le droit de vendre une marchandise à un honnête citoyen et faire machine arrière, si facilement, comme un vulgaire trafiquant, pour arracher cette marchandise parce qu’il se serait aperçu de sa propre turpitude ? L’Etat est-il fondé à se déculotter si facilement ? Affaire à suivre. Au tribunal.
César Etou