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Art et Culture Publié le vendredi 3 juillet 2009 | Le Temps

Convention collective interprofessionnelle des journalistes ivoiriens: Analyse économique sur les dangers de la non application

En France, précisément à Rouen, dans le cadre d’un test pour l’obtention d’un certificat en journalisme, je suis avec attention, à travers Internet, les développements de l’actualité en Côte d’Ivoire. Il y a un sujet qui retient particulièrement mon attention. C’est celui relatif au débat sur l’application ou non de la convention collective interprofessionnelle des journalistes. L’application, sinon le respect de cette convention devrait être effective à la fin du mois de juin. Malheureusement, c’est un rendez-vous manqué. En ma qualité d’économiste, de spécialiste en ressources humaines surtout, et moins du fait de mon statut de journaliste professionnel, je me sens invité dans ce débat qui fait couler tant d’encre et de salive dans le microcosme de la presse privée ivoirienne.

En économie, il y a ce qu’on appelle l’aspect fiduciaire d’un billet de banque. Cet aspect fiduciaire est un peu le prix, le coût d’un billet sauf que ce prix, cette valeur s’apprécie selon la confiance du consommateur. Ainsi, un dollar coûte-t-il plus cher qu’un franc Cfa, qui lui-même est plus cher qu’un GNF (franc guinéen). Pourtant, tous ces billets sont faits en papier, presque avec les mêmes matières.
Cet aspect fiduciaire du marché monétaire se transpose sur le marché de la consommation des œuvres de presse. Ainsi, une plume, un nom d’auteur est-il plus lu, plus respecté, plus crédible qu’un autre, qui l’est beaucoup plus qu’un autre encore. Et tutti quanti. On pourrait parler de coût de crédibilité, comparable au coût d’opportunité, pour un business à lancer.
La valeur d’un nom sur le marché de la presse écrite est mesurée par le client, ici le lecteur. La valeur est mesurée certes à travers les écrits mais aussi et surtout à travers l’engagement, la fidélité, la constance, le respect des principes édictés et défendus par le journaliste.
La presse écrite privée ivoirienne dans son ensemble a atteint un niveau fiduciaire tel que de nombreux clients prennent pour agent comptant tout (ou presque) ce qui est écrit par certains journaux, certains journalistes. Cette valeur se mesure à l’aune des transhumances politiques dénoncées, des retournements de vestes et des reniements de la parole donnée d’acteurs politiques critiqués, etc.
Si des acteurs politiques bien connus dans notre pays, n’ont plus aucune valeur, c’est bien parce que la presse écrite privée a, chaque fois, dénoncé leurs impostures, leurs inconstances, leurs duplicités.
Aujourd’hui, après que la presse écrite privée eut dénoncé les roublardises, elle se trouve sous les feux de la rampe de ses propres responsabilités et principes, savoir le respect de la parole écrite, des engagements pris, des signatures volontaires.
C’est la problématique du respect et de l’application de la convention collective interprofessionnelle.
C’est à ce niveau d’ailleurs que le lecteur attend les acteurs et les décideurs de la presse écrite privée. D’où le coût de crédibilité. D’où l’aspect fiduciaire des noms des différents signataires du document portant convention collective.
L’enjeu est grand. Puisque la situation est exactement comme celle de la crise ivoirienne. Les différents signataires de la convention collective interprofessionnelle peuvent-ils regarder droit dans les yeux du politique et lui demander de respecter son engagement vis-à-vis du 30 novembre 2009 (date théorique de l’élection présidentielle) en se dérobant devant l’échéance qu’eux-mêmes se sont librement fixés ? Les différents signataires peuvent-ils regarder droit dans les yeux de leurs lecteurs et continuer de dénoncer les politiques qui évoquent des conditions encore non réunies pour aller à l’élection présidentielle, alors qu’eux-mêmes brandissent d’autres conditions pour refuser d’assumer leurs engagements ?
Si donc le journaliste refuse de respecter ses propres principes, son nom d’auteur risque d’être dévalué vis-à-vis du lecteur. La conséquence immédiate sera la sanction du lecteur qui n’achètera plus le support dans lequel il signe.
Au demeurant, sur le plan des ressources humaines, les acteurs du microcosme de la presse écrite privée risquent de ne point être épargnés par les effets négatifs du non respect de la convention collective interprofessionnelle.
La motivation, c’est connu, est le secret du rendement. Il est de ce fait fort à craindre que les uns et les autres, las d’attendre le respect d’une promesse qui commence à devenir un sinueux poisson de mer, se laissent aller à la démotivation. Les conséquences dans ce cas, en termes de qualité et de volume de travail, sont aussi connues.
Sans compter les tensions sociales qui pourraient en découler.
En définitive, on a un journaliste démotivé face à un mirage, une corporation qui devient aigrie et nerveuse avec une nette inclination vers le bras de fer social, un client (le lecteur) frustré et se sentant abusé du fait du non respect de certains principes défendus par le journaliste, un lectorat dubitatif.
Tout est réuni pour un sinistre généralisé et plus étendu de la presse privée, à moyen terme, si ce n’est dans le court terme.
En conclusion, que perd la presse privée à appliquer et à respecter la convention collective interprofessionnelle ? Rien. Sinon la perte d’une relative marge bénéficiaire d’une catégorie d’acteurs du microcosme qui n’est rien face aux gains substantiels qui pourraient être tirés de la confiance redoublée du lecteur.
Par contre, que perd-on à ne pas respecter nos propres engagements ? Ici encore rien. Sinon une explosion sociale fort prévisible d’une autre catégorie d’acteurs et un désintérêt progressif incontestable du lecteur pour les supports de presse, incapables de respecter leurs propres engagements.

Mon opinion est que, certains acteurs ont certes peur de perdre certains privilèges parce qu’ils font une mauvaise lecture économique de la situation. Ils ont plutôt tout à gagner à appliquer la convention collective interprofessionnelle. Et rien à perdre ou presque.

André Silver Konan
Diplômé d’économie
Master Gestion des Ressources Humaines
Journaliste-écrivain
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