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Politique Publié le samedi 18 juillet 2009 | Le Patriote

La vérité de l’histoire/ De Gaulle (1958), ADO (1990), Gbagbo (2000) -Trois cas, deux issues

Comparaison n’est pas raison, dit-on souvent. Mais des fois, la comparaison permet de comprendre des événements, de mieux les analyser, d’en tirer des conclusions qui s’imposent et surtout de juger leurs principaux acteurs. Alors, quel parallèle peut-on faire entre l’homme d’Etat français, le Général de Gaulle, l’ancien Premier ministre d’Houphouët-Boigny, Alassane Dramane Ouattara et l’actuel chef d’Etat ivoirien, Laurent Gbagbo ? Surtout que le premier est d’un autre continent et d’une autre époque, que le second n’a pas connu le même cheminement que le dernier. De Gaulle est militaire de formation. Alassane est économiste et Laurent Gbagbo, historien. Jusque-là, les différents chemins ne se croisent pas. Et pourtant, par le jeu de l’histoire dont seule la providence a le secret, ces trois hommes, à des époques différentes, ont eu à affronter le destin de leur pays dans des circonstances un tantinet identiques.
Nous sommes donc en 1958. La France connaît une instabilité politique sans précédent. Les gouvernements se succèdent à un rythme infernal. Parlant de cette époque où les gouvernements se faisaient et se défaisaient, le Président Houphouët a dit : « Chaque chef de Gouvernement qui partait, me laissait en otage à son successeur ». Ainsi, celui qui allait devenir plus tard, le premier président de la jeune République de Côte d’Ivoire, fit partie de cinq gouvernements français en moins de deux ans. C’est dire. A cette époque, les anciennes colonies s’éveillaient à l’émancipation et certaines d’entre elles connaissaient des poussées d’autonomie sinon d’indépendance. Parmi elles surtout, l’Algérie. L’Empire français était menacé dans ses fondements. Et l’impuissance de la IV ème République devant ces événements était manifeste. La question algérienne ne trouvait pas de réponse. Alors, face à tout cela, bon nombre de responsables politiques de tous bords se mirent à souhaiter le retour du Général de Gaulle aux affaires. L’Homme du 18 juin 1940 est apparu aux yeux de ceux-là comme l’Homme de la situation. Alors, le Président de la République, René Coty, décide de faire appel « au plus illustre des Français ». Charles de Gaulle devient donc, le dernier président du Conseil de cette République moribonde. Les historiens racontent qu’il reçoit, à cet effet, les pleins pouvoirs et fait élaborer une constitution qui sera adoptée par référendum, le 28 septembre 1958, avec 70,2% de « oui ». On se rappelle que lors de ce référendum, seule la Guinée de Sékou Touré a voté « non » pour le compte des différents territoires de l’Empire. Son pays devient alors le premier Etat d’Afrique francophone à obtenir son indépendance. De Gaulle est élu par un collège électoral, le 21 décembre suivant, Président de la République française et de la Communauté africaine et malgache. En 1962, il fera améliorer le système en proposant l’élection du président de la République au suffrage universel direct. A la fin de son septennat, il affronte, en 1965, au deuxième tour, son irréductible opposant, François Mitterrand. De Gaulle sera élu avec 54,8%. La stabilité politique qui s’est instaurée après les réformes du Général va permettre, plus tard, à François Mitterrand, de gagner la présidentielle en 1981. Soit, 12 ans après le retrait de l’artisan de la Vème République. Le Général est décédé depuis, mais son œuvre qui avait permis à son pays de retrouver la stabilité lui survit à ce jour.

Fin 1989, début 1990. Nous sommes en Côte d’Ivoire. Le président Félix Houphouët-Boigny est au pouvoir depuis près de 30 ans. Après une longue période de stabilité, le pays est confronté à une fronde que le Vieux Caïman de Yamoussoukro n’arrive pas à faire disparaître. Pour la première fois de la jeune histoire de la Côte d’Ivoire, des adolescents descendent dans la rue pour conspuer « le Père de la nation ». Ils n’hésitent pas à le traiter de voleur. Le père ne reconnaît plus ses enfants. Et ces derniers nourrissent à son endroit, des sentiments de rejet. C’est que quelques mois auparavant, mal inspiré, mais ses collaborateurs diront, sous la contrainte des institutions financières internationales, le père avait décidé de « diminuer in-té-gra-le-ment » le salaire des fonctionnaires. Il n’en fallait pas plus pour soulever la colère de ces travailleurs. Le courroux était d’autant plus grand que le président de la République, au cours d’un Conseil national qui regroupait toutes les forces vives du pays, avait déclaré qu’il avait fait la politique pour au moins trois générations d’Houphouët et qu’il n’était pas fou pour garder son argent ici. Il ne se passait donc pas de jour sans que les rues d’Abidjan ne connaissent des agitations diverses. A ces préoccupations essentiellement économiques, il fallait ajouter la volonté des populations d’aboutir à un changement politique, ce, après le discours de la Baule, prononcé par le président français François Mitterrand dont l’élection indiquait qu’une alternance au sommet de l’Etat était possible. Le pouvoir de Félix Houphouët-Boigny prenait l’eau de toutes parts. Pris à la gorge comme dit un de ses anciens collaborateurs, en occurrence, l’ancien ministre d’Etat, Camille Alliali, Houphouët fait appel à Alassane Dramane Ouattara, gouverneur de la BCEAO, en poste à Dakar. En avril 1990, il est d’abord le président du Comité interministériel de coordination du programme de stabilisation et de relance économique. Puis, le 7 novembre de la même année, il est désigné de Premier Ministre, chef du Gouvernement.
« Je ne diminuerai pas vos salaires ». C’est par ces mots que le nouveau Premier ministre commence sa mission. Du coup, la colère populaire retombe. Les rues se vident des manifestants anti-Houphouët. Le Gouverneur de la BCEAO, mettant à profit ses connaissances économiques et son réseau dans la haute finance internationale imagine des solutions pour colmater les brèches. Même si la question politique n’est pas résolue, l’aspect économique du problème ivoirien trouve des débuts de solution. Comme promis, privilégiant les économies d’échelle et les mesures conservatoires, Ouattara parvient à ne pas diminuer le salaire des fonctionnaires. La mesure qui avait provoqué l’ire des populations a été retirée des propositions pour résoudre la crise économique et financière de la Côte d’Ivoire. Jusqu’à nos jours, certaines des mesures prises pour juguler la crise sont toujours d’actualité.
Faisons noter au passage que les problèmes de la Côte d’Ivoire ne sont pas nés avec l’arrivée d’Alassane Ouattara. C’est plutôt parce que le pays avait des problèmes que Félix Houphouët-Boigny l’a fait revenir au pays. Avec lui, malgré des moments d’agitation, la Côte d’Ivoire n’a pas franchi le seuil de la violence totale. Après son départ, une pluie de milliards devait même s’abattre sur le pays. La preuve que l’économie avait reverdi.

En octobre 2000, la rue bouillonne à Abidjan. On entend ici et là des crépitements d’armes. Les gaz lacrymogènes couvrent la ville. L’issue de la présidentielle à laquelle n’ont pu participer des candidats de calibre respectable, est incertaine. Les deux principaux protagonistes, le Général Robert Guéi et le président du FPI se disputent la victoire. Entre un militaire contre lequel la population avait des raisons d’être mécontente et un civil qui avait suscité de réels espoirs dans le peuple, le choix de la majorité de ceux qui ont participé à ce scrutin était vite fait. Cette majorité devait entraîner une frange de l’armée estimant que le civil était le choix des populations. Suite donc à cette élection qu’il qualifie lui-même de « calamiteuse », Laurent Gbagbo parvient au pouvoir. Alors que les populations étaient en droit d’attendre une accalmie dans la violence, cela ne fut pas le cas. Bien au contraire, pendant des jours et des mois, la terreur va continuer de régner sur le pays. Le mandat du nouveau Président commence par la découverte d’un charnier dans le quartier de Yopougon. Aucune manifestation d’aucun parti politique de l’opposition ne se déroule sans que l’on ne compte des tués par balles. Les agressions verbales succèdent aux agressions physiques. Réunissant ses partisans au stade Houphouët-Boigny pour fêter son accession au pouvoir, Laurent Gbagbo lâche cette phrase qui va marquer son mandat pour toujours : « Mille morts à gauche, milles morts à droite, moi j’avance. » Par des bouts de phrases qui n’appelaient guère à l’apaisement, le nouveau maître des lieux indiquait que le monde est divisé en deux. Il y a ceux qui sont avec lui et ceux qui sont contre lui. Les deux types de citoyens ne devant pas être logés à la même enseigne. Comme qui sème le vent récolte la tempête, le régime des socialistes ivoiriens, voulant régner par la chicotte, finit par habituer les Ivoiriens à la violence et conduit le pays à sa première guerre civile. En septembre 2002, éclate la rébellion dont l’origine se situe dans l’incapacité manifeste de Laurent Gbagbo à ramener la paix, la cohésion, a recréer la fraternité entre les différents enfants de la Côte d’Ivoire. La petite ouverture qu’il essaie en 2002, peu avant l’éclatement de la rébellion, est non seulement tardive mais, se présente comme une occasion pour le parti au pouvoir d’exprimer sa suprématie sur les autres formations politiques.
Au contraire du Général De Gaule en 1958 en France et d’Alassane Dramane Ouattara en 1990, Laurent Gbagbo n’a pas réussi (l’a-t-il seulement tenté ?) à ramener le calme. Avec lui, les rues ont continué d’être occupées et le verbe, acrimonieux. Or, comme tout peuple qui veut aller de l’avant, les Ivoiriens aspirent à la paix. Ils veulent la tranquillité.
Raphaël Lakpé
Journaliste-sociologue, consultant
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