Il devient périlleux de s’aventurer sur l’axe Yamoussoukro-Abidjan. Les attaques à main armée deviennent monnaie courante. Les transporteurs et les voyageurs vivent un véritable cauchemar. Reportage.
Mercredi 15 juillet à 5h 20, le minicar que nous avons emprunté pour Abidjan est signalé par un apprenti chauffeur non loin de Fondi, à moins de 10 km du corridor Sud de Yamoussoukro. « Il y a un accident très grave et aucun véhicule ne peut passer », informe-t-il. Le véhicule de type « Massa » stationne à la queue d’une file déjà longue de gros porteurs. Nous descendons pour éventuellement porter secours aux accidentés. Un mastodonte n°4699 EK 03, de type remorque est couchée en travers de la voie. Une attaque de bandits serait la cause de l’accident. « Les coups de feu tirés par les coupeurs de route ont fait si peur au chauffeur qu’il a perdu le contrôle du véhicule », indique un chauffeur de ‘’Massa’’ en partance pour Daloa. Selon lui, il a passé la nuit à Yamoussoukro avec ses passagers par crainte d’une attaque. Les brigands n’ont pu exécuter leur sale besogne. Car des éléments de la gendarmerie de Yamoussoukro ont freiné leur course. « Les bandits n’ont plus peur de rien. Nous ne sommes pas loin du corridor. A cette même place et à la même heure, ils attaquent et dépouillent les véhicules et leurs passagers presque quotidiennement. La semaine dernière, je leur ai échappé de très peu », explique un routier qui nous indique les zones à risque.
Pakpébo, N’zianouan lieu du danger !
A ces endroits, selon lui, aucun chauffeur n’ose s’arrêter, même pour prendre un client, qui pourrait se muer en coupeur de route. Au virage, juste avant Pakpébo, il nous montre un tronc d’arbre. « La semaine dernière, explique notre interlocuteur, les coupeurs de route ont mis ce bois en travers de la route. Ils ont arrêté tous les véhicules qui ont eu le malheur de passer en ce moment ». A l’arrêt de N’Zianouan, nous sommes rejoint par un autre véhicule de transport en commun. Loss, le chauffeur, très agité, accourt vers notre véhicule. Il raconte sa mésaventure : « C’était mon deuxième voyage en tant que titulaire. Le mois dernier, le même jour, j’ai été attaqué plus d’une fois. A 5h 40 juste à la descente de Sinkrobo, je suis tombé sur un barrage. J’ai essayé de me rabattre sur la gauche. Malheureusement, le tronc d’arbre était long et j’ai été bloqué. Armés de fusils à canon scié et d’une Kalachnikov les bandits ont entouré le Massa et fait descendre tous les passagers qu’ils ont consciencieusement fouillés et dépouillés de tout. Ils ont pris tous les portables, même le mien » se désole Loss qui soutient que les gendarmes postés à N’Zianouan sont restés les bras croisés. A son retour d’Abidjan, c’est lui qui fait fuir les bandits. Quelques kilomètres avant Elibou, il déboule à un tournant pour se trouver nez-à-nez avec deux bandits en train de tirer une branche. « Alors, je fonce sur eux. Ils jettent le tronc d’arbre et se sauvent dans les broussailles. Aussitôt, des coups de feu éclatent derrière moi, heureusement sans effet », raconte-t-il. L’autoroute du Nord, poursuit-il, n’est pas un havre de sûreté malgré les check points occupés par les gendarmes et les douaniers. Malgré aussi la présence des gendarmes motorisés. Surtout sur les tronçons Pakpébo-N’Zianouan et N’Zianouan-Elibou que les attaques sont fréquentes, précise-t-il. «Les bandits ont deux méthodes. Soit ils barrent la voie avec un gros tronc d’arbre. Soit ils le font avec un camion remorque qu’ils ont pris dans leur piège ». C’est aussi cela qui explique que les files de camion préfèrent passer la nuit à Yamoussoukro ou N’Zianouan, même avec une escorte officielle. Toutes choses qui justifient la vitesse souvent excessive sur l’autoroute des chauffeurs de retour d’Abidjan, surtout dans l’après-midi.
Eviter les attaques
Les convois de gros porteurs surveillés par les Fds sont les rares véhicules épargnés par ces malfrats. Et encore ! Il ne faut pas qu’un camion tombe en panne car, à la tombée de la nuit, les flibustiers des routes viennent à l’abordage. Les apprentis auxquels le véhicule est confié sont vite maîtrisés y compris les biens des passagers. En prime, les coupeurs de route se servent dans les marchandises lorsqu’elles ne sont pas dans un container plombé. Pour éviter les bandits, les Fds convoyeurs font passer la nuit aux convois à Yamoussoukro ou à N’Zianouan. « Souvent, nous tombons sur les coupeurs de route en pleine action », soutient un gendarme qui a requis l’anonymat. Il explique qu’ayant pris du retard, le véhicule de tête de son convoi venant d’Abidjan a été arrêté par d’autres chauffeurs signalant la présence de malfrats. Les bagages des passagers étaient éparpillés sur la chaussée. « Nous avons vu une Mercedes ML 4x4 de l’autre côté de la voie. Ils avaient enlevé tous les pneus», ajoute la même source. Selon des transporteurs interrogés, seuls les gendarmes du corridor d’Elibou interviennent promptement lorsqu’on leur signale une attaque. A la gare « Massa » de Yamoussoukro, on ne parle plus que de cela. Et chaque matin, le premier départ est suivi au téléphone portable jusqu’à N’Zianouan. A chaque départ, on attend que le Premier arrive à Toumodi pour lancer les autres. « Nous avons supprimé les départs de 4h30.
A ce rythme, le départ de 5h15 pourrait être reporté au lever du soleil », explique Blé Raymond alias « Attoh », chef de la gare routière. A Abidjan, que ce soit ceux de la gare de Daloa près de la Pharmacie Ebrié ou les Massa qui chargent à la gare Codi-Transport de Bouaké, les chauffeurs font tout pour décoller avant 16h 30. « Nous évitons que la nuit nous trouve sur l’autoroute et même avant d’avoir dépassé Pakpobo», nous indique Marco, un chauffeur averti. « Il faut que les autorités fassent quelque chose. Ça ne peut plus durer », se plaint Moctar, un commerçant habitué au trajet Yamoussoukro-Abidjan. « Ma dernière agression, c’était à mi chemin entre N’Zianouan et l’échangeur de N’Douci, dans un autre virage. Là même où ils ont tiré sur un chauffeur de Solibra qui ne voulait pas s’arrêter. Le malheureux est mort sur le coup », regrette-t-il.
L’éternel manque de moyens
Au niveau de la brigade de gendarmerie de la cité des lacs, l’on évite d’aborder la question ou bien l’on en parle très peu. « Nous sommes des militaires et seule notre hiérarchie peut vous dire ce qu’il en est », soutient l’un des adjudants de la brigade routière de Yamoussoukro. Bien entendu, poursuit-il, ils sont informés de la présence des coupeurs de route. « Nous ne pouvons pas étaler nos stratégies dans les journaux », explique le sous-officier qui nous oriente vers la 3ème légion sis au quartier « Millionnaire ». Accueil courtois. Malheureusement, aucun des chefs n’est présent, la plupart sont en mission à Bouaké, nous apprend-on. C’est en ville qu’un gendarme acceptera de nous parler sous le sceau de l’anonymat : « Nous sommes des militaires et notre rôle est de sécuriser nos concitoyens. Mais, il faut des moyens pour le faire. La gendarmerie manque de moyens logistiques appropriés pour traquer les bandits en rase campagne. Certaines brigades ont reçu des véhicules 4x4 double cabine, mais cela ne suffit pas. Ce qui oblige les gendarmes à travailler avec leurs véhicules personnels, le carburant est à leur charge. Il faut avouer que ce n’est pas facile. Nous avons donc besoin de moyens logistiques pour intervenir», conclut-il.
Ousmane Diallo
Mercredi 15 juillet à 5h 20, le minicar que nous avons emprunté pour Abidjan est signalé par un apprenti chauffeur non loin de Fondi, à moins de 10 km du corridor Sud de Yamoussoukro. « Il y a un accident très grave et aucun véhicule ne peut passer », informe-t-il. Le véhicule de type « Massa » stationne à la queue d’une file déjà longue de gros porteurs. Nous descendons pour éventuellement porter secours aux accidentés. Un mastodonte n°4699 EK 03, de type remorque est couchée en travers de la voie. Une attaque de bandits serait la cause de l’accident. « Les coups de feu tirés par les coupeurs de route ont fait si peur au chauffeur qu’il a perdu le contrôle du véhicule », indique un chauffeur de ‘’Massa’’ en partance pour Daloa. Selon lui, il a passé la nuit à Yamoussoukro avec ses passagers par crainte d’une attaque. Les brigands n’ont pu exécuter leur sale besogne. Car des éléments de la gendarmerie de Yamoussoukro ont freiné leur course. « Les bandits n’ont plus peur de rien. Nous ne sommes pas loin du corridor. A cette même place et à la même heure, ils attaquent et dépouillent les véhicules et leurs passagers presque quotidiennement. La semaine dernière, je leur ai échappé de très peu », explique un routier qui nous indique les zones à risque.
Pakpébo, N’zianouan lieu du danger !
A ces endroits, selon lui, aucun chauffeur n’ose s’arrêter, même pour prendre un client, qui pourrait se muer en coupeur de route. Au virage, juste avant Pakpébo, il nous montre un tronc d’arbre. « La semaine dernière, explique notre interlocuteur, les coupeurs de route ont mis ce bois en travers de la route. Ils ont arrêté tous les véhicules qui ont eu le malheur de passer en ce moment ». A l’arrêt de N’Zianouan, nous sommes rejoint par un autre véhicule de transport en commun. Loss, le chauffeur, très agité, accourt vers notre véhicule. Il raconte sa mésaventure : « C’était mon deuxième voyage en tant que titulaire. Le mois dernier, le même jour, j’ai été attaqué plus d’une fois. A 5h 40 juste à la descente de Sinkrobo, je suis tombé sur un barrage. J’ai essayé de me rabattre sur la gauche. Malheureusement, le tronc d’arbre était long et j’ai été bloqué. Armés de fusils à canon scié et d’une Kalachnikov les bandits ont entouré le Massa et fait descendre tous les passagers qu’ils ont consciencieusement fouillés et dépouillés de tout. Ils ont pris tous les portables, même le mien » se désole Loss qui soutient que les gendarmes postés à N’Zianouan sont restés les bras croisés. A son retour d’Abidjan, c’est lui qui fait fuir les bandits. Quelques kilomètres avant Elibou, il déboule à un tournant pour se trouver nez-à-nez avec deux bandits en train de tirer une branche. « Alors, je fonce sur eux. Ils jettent le tronc d’arbre et se sauvent dans les broussailles. Aussitôt, des coups de feu éclatent derrière moi, heureusement sans effet », raconte-t-il. L’autoroute du Nord, poursuit-il, n’est pas un havre de sûreté malgré les check points occupés par les gendarmes et les douaniers. Malgré aussi la présence des gendarmes motorisés. Surtout sur les tronçons Pakpébo-N’Zianouan et N’Zianouan-Elibou que les attaques sont fréquentes, précise-t-il. «Les bandits ont deux méthodes. Soit ils barrent la voie avec un gros tronc d’arbre. Soit ils le font avec un camion remorque qu’ils ont pris dans leur piège ». C’est aussi cela qui explique que les files de camion préfèrent passer la nuit à Yamoussoukro ou N’Zianouan, même avec une escorte officielle. Toutes choses qui justifient la vitesse souvent excessive sur l’autoroute des chauffeurs de retour d’Abidjan, surtout dans l’après-midi.
Eviter les attaques
Les convois de gros porteurs surveillés par les Fds sont les rares véhicules épargnés par ces malfrats. Et encore ! Il ne faut pas qu’un camion tombe en panne car, à la tombée de la nuit, les flibustiers des routes viennent à l’abordage. Les apprentis auxquels le véhicule est confié sont vite maîtrisés y compris les biens des passagers. En prime, les coupeurs de route se servent dans les marchandises lorsqu’elles ne sont pas dans un container plombé. Pour éviter les bandits, les Fds convoyeurs font passer la nuit aux convois à Yamoussoukro ou à N’Zianouan. « Souvent, nous tombons sur les coupeurs de route en pleine action », soutient un gendarme qui a requis l’anonymat. Il explique qu’ayant pris du retard, le véhicule de tête de son convoi venant d’Abidjan a été arrêté par d’autres chauffeurs signalant la présence de malfrats. Les bagages des passagers étaient éparpillés sur la chaussée. « Nous avons vu une Mercedes ML 4x4 de l’autre côté de la voie. Ils avaient enlevé tous les pneus», ajoute la même source. Selon des transporteurs interrogés, seuls les gendarmes du corridor d’Elibou interviennent promptement lorsqu’on leur signale une attaque. A la gare « Massa » de Yamoussoukro, on ne parle plus que de cela. Et chaque matin, le premier départ est suivi au téléphone portable jusqu’à N’Zianouan. A chaque départ, on attend que le Premier arrive à Toumodi pour lancer les autres. « Nous avons supprimé les départs de 4h30.
A ce rythme, le départ de 5h15 pourrait être reporté au lever du soleil », explique Blé Raymond alias « Attoh », chef de la gare routière. A Abidjan, que ce soit ceux de la gare de Daloa près de la Pharmacie Ebrié ou les Massa qui chargent à la gare Codi-Transport de Bouaké, les chauffeurs font tout pour décoller avant 16h 30. « Nous évitons que la nuit nous trouve sur l’autoroute et même avant d’avoir dépassé Pakpobo», nous indique Marco, un chauffeur averti. « Il faut que les autorités fassent quelque chose. Ça ne peut plus durer », se plaint Moctar, un commerçant habitué au trajet Yamoussoukro-Abidjan. « Ma dernière agression, c’était à mi chemin entre N’Zianouan et l’échangeur de N’Douci, dans un autre virage. Là même où ils ont tiré sur un chauffeur de Solibra qui ne voulait pas s’arrêter. Le malheureux est mort sur le coup », regrette-t-il.
L’éternel manque de moyens
Au niveau de la brigade de gendarmerie de la cité des lacs, l’on évite d’aborder la question ou bien l’on en parle très peu. « Nous sommes des militaires et seule notre hiérarchie peut vous dire ce qu’il en est », soutient l’un des adjudants de la brigade routière de Yamoussoukro. Bien entendu, poursuit-il, ils sont informés de la présence des coupeurs de route. « Nous ne pouvons pas étaler nos stratégies dans les journaux », explique le sous-officier qui nous oriente vers la 3ème légion sis au quartier « Millionnaire ». Accueil courtois. Malheureusement, aucun des chefs n’est présent, la plupart sont en mission à Bouaké, nous apprend-on. C’est en ville qu’un gendarme acceptera de nous parler sous le sceau de l’anonymat : « Nous sommes des militaires et notre rôle est de sécuriser nos concitoyens. Mais, il faut des moyens pour le faire. La gendarmerie manque de moyens logistiques appropriés pour traquer les bandits en rase campagne. Certaines brigades ont reçu des véhicules 4x4 double cabine, mais cela ne suffit pas. Ce qui oblige les gendarmes à travailler avec leurs véhicules personnels, le carburant est à leur charge. Il faut avouer que ce n’est pas facile. Nous avons donc besoin de moyens logistiques pour intervenir», conclut-il.
Ousmane Diallo