Obtenir la visite technique automobile est devenu périlleux à Abidjan. De nombreux automobilistes et transporteurs s’orientent de plus en plus vers des sites jugés moins rigides.
Pour échapper au contrôle tatillon des agents de la Société ivoirienne de contrôle automobile (Sicta) à Abidjan. Coulibaly K., propriétaire d’un taxi de marque Toyota, a décidé cette année de se rendre dans la ville de Gagnoa pour passer, la visite technique automobile. Il n’a pas hésité à parcourir les 271 kilomètres qui séparent ces deux villes, soit 542 km en aller-retour pour avoir sa carte de visite technique. Il voulait faire sa visite partout sauf à Abidjan. «Cette année, je me suis rendu à Gagnoa pour le contrôle de mon véhicule pour éviter les emmerdements des agents de la Sicta à Abidjan. Ils sont trop compliqués. Pour des défauts mineurs (absence de tatouage sur les carreaux ou pare-brise légèrement fissuré), ils te font échouer. Pour une voiture de 11 chevaux comme la mienne, il faut préalablement payer la carte de visite à 14.500 Fcfa. En cas d’échec, il faut une nouvelle carte qui te revient à 12.500 Fcfa. On peut te recaler plusieurs fois. Pour éviter cela, il faut donner des dessous de table. Le contrôle technique est devenu plus cher à Abidjan. Or, à l’intérieur, les choses ne sont aussi compliquées», explique l’automobiliste.
Tenir compte de l’état défectueux des routes
Selon lui, c’est vrai que le carburant lui a coûté 30.000 Fcfa. Mais avec un montant global de 60.000 Fcfa y compris les frais de transport, il a pu obtenir sa carte verte (certificat de visite) dans la ville du maire Gnohité. «Si je devais la passer à Abidjan, je dépenserais plus. Or actuellement la situation du pays ne nous permet pas de faire les dépenses de façon désinvolte. Donc j’ai choisi le moindre mal», poursuit Coulibaly K. Ils sont nombreux les automobilistes qui évitent les stations de la Sicta à Vridi ou à Yopougon. A l’instar de Coulibaly K, ils se dirigent vers la rase campagne où tout se passe dans une certaine quiétude. Que ce soit les véhicules de particuliers, utilitaires ou de transport, les propriétaires n’hésitent pas à les conduire eux-mêmes ou parfois les laisser aux mains de leurs mécaniciens afin qu’ils partent faire le contrôle ailleurs. Doumbia Moussa, président de l’Union nationale des techniciens automobiles de Côte d’Ivoire (Untaci) ne décolère pas contre les pratiques des agents de la Sicta. «Ils inventent des défauts que votre véhicule n’a pas. Ce n’est pas normal car nous avons l’impression qu’on ne respecte pas trop les automobilistes à Abidjan. Aujourd’hui nous prenons les véhicules de nos clients pour aller passer la visite dans les villes comme Adzopé ou Abengourou avant de revenir à Abidjan. Puisque souvent, la Sicta organise des contrôles tournants dans certaines communes», révèle-t-il. Il trouve paradoxale qu’au moment où cette entreprise semble être plus rigoureuse sur les bords de la lagune Ebrié à l’intérieur les choses se font avec plus de souplesse. Et pourtant il s’agit des mêmes agents de la même société. La conséquence d’une telle «rigueur apparente», c’est que automobilistes ne tardent pas à trouver des voies de contournement. En complicité avec certains agents des forces de l’ordre, ils vont jusqu’à conduire leur véhicule sans visite technique. « Quand les agents de la Sicta sont trop intransigeants, les automobilistes sont obligés de les contourner. Pour preuve, de nombreux chauffeurs de Wôrô-wôrô et gbakas préfèrent donner de l’argent aux agents des forces de l’ordre qui les laissent circuler sans visite technique. C’est vraiment dommage et regrettable», souligne le technicien. Avant de déplorer le fait que de tels comportements font perdre beaucoup d’argent à l’Etat dont les caisses sont mises à rude épreuve du fait des effets pervers de la crise sociopolitique. Fofana D, mécanicien auto, emboîte le pas au président de l’Untaci. «Cela fait six mois que j’ai arrêté de faire la visite technique pour mes clients à cause des nombreuses difficultés qu’on rencontre dans les stations de la Sicta», rouspète-t-il ce mercredi 29 juillet, assis sur un banc dans l’enceinte de la Sicta à Vridi. Vêtu d’un tee-shirt et d’un pantalon Jeans tachetés d’huile, il rappelle que s’il est présent ce jour (Ndlr : mercredi) à Vridi, c’est juste pour rendre service à un ami. Ce dernier, précise-t-il l’a, à la limite, supplié pour qu’il fasse la visite de son automobile. «Je suis venu avec le véhicule d’un de mes amis qui est vraiment très occupé. Sinon vous n’alliez pas me voir ici », lâche-t-il. Environ 30 à 40 mètre plus loin, des véhicules sont alignés et passent à tour de rôle sur le pont dressé pour la visite. Des agents, habillés en blouse de couleur grise font plusieurs mouvements de va-et-vient vers le conducteur assis à l’intérieur de son véhicule. Certainement pour lui expliquer les manœuvres qu’il doit effectuer pour le contrôle technique. Des panneaux de couleur jaune avec des inscriptions noires (Identification, contrôles visuels par exemple) renseignent globalement sur les différentes étapes de la visite. Les infrastructures sont modernes et offrent fière allure aux installations de la Sicta. Les propriétaires de véhicules sont unanimes sur la nécessité du contrôle technique. Il sert principalement à vérifier l’état du parc automobile. C’est un gage de sécurité qui rappelle et oblige les conducteurs à prendre conscience qu’un véhicule doit être entretenu. De l’avis de Touré Adama, président de la Coordination des gares routières de Côte d’Ivoire, les transporteurs ne sont pas opposés à la visite technique, mais ils s’insurgent plutôt contre les conditions dans lesquelles elle est effectuée à Abidjan. «Aujourd’hui, on charge souvent les cars pour aller jusqu’à Yamoussoukro pour justement y passer la visite technique. La Sicta utilise actuellement les mêmes appareils qu’en région parisienne en France. Ce sont des appareils informatisés et sophistiqués. Or nous avons nos routes qui connaissent un état de dégradation très avancée. Si vous mettez votre véhicule en état et que vous devez partir par exemple d’Adjamé à Vridi (Sicta), cela va dérégler quelque chose à cause de l’état défectueux de la voirie », critique-t-il. Il est convaincu que ces nouveaux appareils sont incompatibles avec la qualité du réseau routier national qui laisse à désirer dans plusieurs communes d’Abidjan. Finalement à chaque visite, ce sont les mêmes défaillances techniques qui sont relevées : des problèmes liés au mauvais état des suspensions, des rotules, des amortisseurs,…A la différence des véhicules de particuliers qui ont droit à une seule visite par an, les véhicules de transport font deux visites, soit un contrôle tous les six mois. Peut-être pour des raisons de sécurité afin de d’éviter les nombreux accidents qui ne cessent d’endeuiller les familles.
Communiquer sur le fonctionnement des appareils
Mais Touré Adama souhaite qu’à Abidjan, les agents commis au contrôle soient moins rigides. A l’en croire, dans les stations de l’intérieur, ce ne sont pas les mêmes appareils que l’on utilise pour le contrôle. C’est l’ancien système où «le contrôle est plus axé sur la sécurité et non sur les questions de bruit». Il s’offusque contre la trop forte propension qu’a prise la corruption dans le milieu. Pour lui, des deux côtés (transporteurs et agents de contrôle) des cupides existent. «Même si le véhicule est neuf, vous pouvez échouer à la visite. Parce que des agents véreux attendent que vous leur payier quelque chose. Nous l’avons déjà dénoncé devant le ministre des Transports », maugrée le premier responsable de la Cngr. Pour lui, les autorités avaient annoncé la visite allégée. Mais ce n’était qu’un leurre. D’autant que les pratiques ne se sont pas encore assouplies dans la capitale économique. «Au moment où l’agence de Vridi est vide, à Yamoussoukro c’est vraiment l’encombrement. Alors, la question qu’on se pose, c’est de savoir pourquoi rendre la vie difficile à l’endroit où se trouve le pôle économique (Abidjan)», s’interroge Touré Adama. Certains propriétaires de véhicules estiment que la Sicta ne communique pas assez sur les critères qui fondent le contrôle technique. Une chose qui peut conduire à de «mauvaises interprétations ou des défaillances imaginaires sur un véhicule.» «La visite coûte cher parce qu’on nous demande des choses qui ne sont pas quelque fois justifiées. Il faut dans ce cas mettre la main à la poche pour passer ce cap. L’un des gros problèmes avec la Sicta, c’est que nous ne savons pas quels sont ses critères de contrôle. Vous faites votre préparation d’avant visite. Mais vous ignorez les points sur lesquels on peut vous recaler. Si on nous disait que tel ou tel point défaillant est synonyme d’élimination, on pourra mieux préparer la visite. La Sicta doit communiquer avec tous les acteurs», recommande Touré Almamy, secrétaire général de l’Union patronale des transporteurs de Côte d’Ivoire.
Cissé Cheick Ely
Pour échapper au contrôle tatillon des agents de la Société ivoirienne de contrôle automobile (Sicta) à Abidjan. Coulibaly K., propriétaire d’un taxi de marque Toyota, a décidé cette année de se rendre dans la ville de Gagnoa pour passer, la visite technique automobile. Il n’a pas hésité à parcourir les 271 kilomètres qui séparent ces deux villes, soit 542 km en aller-retour pour avoir sa carte de visite technique. Il voulait faire sa visite partout sauf à Abidjan. «Cette année, je me suis rendu à Gagnoa pour le contrôle de mon véhicule pour éviter les emmerdements des agents de la Sicta à Abidjan. Ils sont trop compliqués. Pour des défauts mineurs (absence de tatouage sur les carreaux ou pare-brise légèrement fissuré), ils te font échouer. Pour une voiture de 11 chevaux comme la mienne, il faut préalablement payer la carte de visite à 14.500 Fcfa. En cas d’échec, il faut une nouvelle carte qui te revient à 12.500 Fcfa. On peut te recaler plusieurs fois. Pour éviter cela, il faut donner des dessous de table. Le contrôle technique est devenu plus cher à Abidjan. Or, à l’intérieur, les choses ne sont aussi compliquées», explique l’automobiliste.
Tenir compte de l’état défectueux des routes
Selon lui, c’est vrai que le carburant lui a coûté 30.000 Fcfa. Mais avec un montant global de 60.000 Fcfa y compris les frais de transport, il a pu obtenir sa carte verte (certificat de visite) dans la ville du maire Gnohité. «Si je devais la passer à Abidjan, je dépenserais plus. Or actuellement la situation du pays ne nous permet pas de faire les dépenses de façon désinvolte. Donc j’ai choisi le moindre mal», poursuit Coulibaly K. Ils sont nombreux les automobilistes qui évitent les stations de la Sicta à Vridi ou à Yopougon. A l’instar de Coulibaly K, ils se dirigent vers la rase campagne où tout se passe dans une certaine quiétude. Que ce soit les véhicules de particuliers, utilitaires ou de transport, les propriétaires n’hésitent pas à les conduire eux-mêmes ou parfois les laisser aux mains de leurs mécaniciens afin qu’ils partent faire le contrôle ailleurs. Doumbia Moussa, président de l’Union nationale des techniciens automobiles de Côte d’Ivoire (Untaci) ne décolère pas contre les pratiques des agents de la Sicta. «Ils inventent des défauts que votre véhicule n’a pas. Ce n’est pas normal car nous avons l’impression qu’on ne respecte pas trop les automobilistes à Abidjan. Aujourd’hui nous prenons les véhicules de nos clients pour aller passer la visite dans les villes comme Adzopé ou Abengourou avant de revenir à Abidjan. Puisque souvent, la Sicta organise des contrôles tournants dans certaines communes», révèle-t-il. Il trouve paradoxale qu’au moment où cette entreprise semble être plus rigoureuse sur les bords de la lagune Ebrié à l’intérieur les choses se font avec plus de souplesse. Et pourtant il s’agit des mêmes agents de la même société. La conséquence d’une telle «rigueur apparente», c’est que automobilistes ne tardent pas à trouver des voies de contournement. En complicité avec certains agents des forces de l’ordre, ils vont jusqu’à conduire leur véhicule sans visite technique. « Quand les agents de la Sicta sont trop intransigeants, les automobilistes sont obligés de les contourner. Pour preuve, de nombreux chauffeurs de Wôrô-wôrô et gbakas préfèrent donner de l’argent aux agents des forces de l’ordre qui les laissent circuler sans visite technique. C’est vraiment dommage et regrettable», souligne le technicien. Avant de déplorer le fait que de tels comportements font perdre beaucoup d’argent à l’Etat dont les caisses sont mises à rude épreuve du fait des effets pervers de la crise sociopolitique. Fofana D, mécanicien auto, emboîte le pas au président de l’Untaci. «Cela fait six mois que j’ai arrêté de faire la visite technique pour mes clients à cause des nombreuses difficultés qu’on rencontre dans les stations de la Sicta», rouspète-t-il ce mercredi 29 juillet, assis sur un banc dans l’enceinte de la Sicta à Vridi. Vêtu d’un tee-shirt et d’un pantalon Jeans tachetés d’huile, il rappelle que s’il est présent ce jour (Ndlr : mercredi) à Vridi, c’est juste pour rendre service à un ami. Ce dernier, précise-t-il l’a, à la limite, supplié pour qu’il fasse la visite de son automobile. «Je suis venu avec le véhicule d’un de mes amis qui est vraiment très occupé. Sinon vous n’alliez pas me voir ici », lâche-t-il. Environ 30 à 40 mètre plus loin, des véhicules sont alignés et passent à tour de rôle sur le pont dressé pour la visite. Des agents, habillés en blouse de couleur grise font plusieurs mouvements de va-et-vient vers le conducteur assis à l’intérieur de son véhicule. Certainement pour lui expliquer les manœuvres qu’il doit effectuer pour le contrôle technique. Des panneaux de couleur jaune avec des inscriptions noires (Identification, contrôles visuels par exemple) renseignent globalement sur les différentes étapes de la visite. Les infrastructures sont modernes et offrent fière allure aux installations de la Sicta. Les propriétaires de véhicules sont unanimes sur la nécessité du contrôle technique. Il sert principalement à vérifier l’état du parc automobile. C’est un gage de sécurité qui rappelle et oblige les conducteurs à prendre conscience qu’un véhicule doit être entretenu. De l’avis de Touré Adama, président de la Coordination des gares routières de Côte d’Ivoire, les transporteurs ne sont pas opposés à la visite technique, mais ils s’insurgent plutôt contre les conditions dans lesquelles elle est effectuée à Abidjan. «Aujourd’hui, on charge souvent les cars pour aller jusqu’à Yamoussoukro pour justement y passer la visite technique. La Sicta utilise actuellement les mêmes appareils qu’en région parisienne en France. Ce sont des appareils informatisés et sophistiqués. Or nous avons nos routes qui connaissent un état de dégradation très avancée. Si vous mettez votre véhicule en état et que vous devez partir par exemple d’Adjamé à Vridi (Sicta), cela va dérégler quelque chose à cause de l’état défectueux de la voirie », critique-t-il. Il est convaincu que ces nouveaux appareils sont incompatibles avec la qualité du réseau routier national qui laisse à désirer dans plusieurs communes d’Abidjan. Finalement à chaque visite, ce sont les mêmes défaillances techniques qui sont relevées : des problèmes liés au mauvais état des suspensions, des rotules, des amortisseurs,…A la différence des véhicules de particuliers qui ont droit à une seule visite par an, les véhicules de transport font deux visites, soit un contrôle tous les six mois. Peut-être pour des raisons de sécurité afin de d’éviter les nombreux accidents qui ne cessent d’endeuiller les familles.
Communiquer sur le fonctionnement des appareils
Mais Touré Adama souhaite qu’à Abidjan, les agents commis au contrôle soient moins rigides. A l’en croire, dans les stations de l’intérieur, ce ne sont pas les mêmes appareils que l’on utilise pour le contrôle. C’est l’ancien système où «le contrôle est plus axé sur la sécurité et non sur les questions de bruit». Il s’offusque contre la trop forte propension qu’a prise la corruption dans le milieu. Pour lui, des deux côtés (transporteurs et agents de contrôle) des cupides existent. «Même si le véhicule est neuf, vous pouvez échouer à la visite. Parce que des agents véreux attendent que vous leur payier quelque chose. Nous l’avons déjà dénoncé devant le ministre des Transports », maugrée le premier responsable de la Cngr. Pour lui, les autorités avaient annoncé la visite allégée. Mais ce n’était qu’un leurre. D’autant que les pratiques ne se sont pas encore assouplies dans la capitale économique. «Au moment où l’agence de Vridi est vide, à Yamoussoukro c’est vraiment l’encombrement. Alors, la question qu’on se pose, c’est de savoir pourquoi rendre la vie difficile à l’endroit où se trouve le pôle économique (Abidjan)», s’interroge Touré Adama. Certains propriétaires de véhicules estiment que la Sicta ne communique pas assez sur les critères qui fondent le contrôle technique. Une chose qui peut conduire à de «mauvaises interprétations ou des défaillances imaginaires sur un véhicule.» «La visite coûte cher parce qu’on nous demande des choses qui ne sont pas quelque fois justifiées. Il faut dans ce cas mettre la main à la poche pour passer ce cap. L’un des gros problèmes avec la Sicta, c’est que nous ne savons pas quels sont ses critères de contrôle. Vous faites votre préparation d’avant visite. Mais vous ignorez les points sur lesquels on peut vous recaler. Si on nous disait que tel ou tel point défaillant est synonyme d’élimination, on pourra mieux préparer la visite. La Sicta doit communiquer avec tous les acteurs», recommande Touré Almamy, secrétaire général de l’Union patronale des transporteurs de Côte d’Ivoire.
Cissé Cheick Ely