Encore une mauvaise nouvelle pour l’école ivoirienne. Des enseignants annoncent que les résultats du Bac 2010 seront plus catastrophiques que ceux de cette année. « Les élèves de 1ère qui arrivent en terminale sont plus nuls que ceux de terminale qui viennent d’échouer», affirme Silué Florent, professeur de mathématiques à Port-Bouët. Comme les années précédentes, le faible taux national de réussite, 20,27%, est lié à la mauvaise performance des candidats de la série D, les plus nombreux. Ils ont tiré la moyenne générale vers le bas avec leur petite moisson de 13,68%. Sur 84.756 candidats évalués, seuls 11.597 ont été déclarés admis. La série ‘’A’’ a fait mieux avec 604 admis sur 2058 candidats, soit 29,35%. Comme toujours, les élèves de C ont été les meilleurs de l’enseignement général avec un taux de 66,26%, soit 5.815 admis sur 6.388 candidats. Selon Badou Alain, prof de sciences physiques, le premier problème des apprenants de la série D est le fait qu’ils arrivent à l’examen avec beaucoup de lacunes, et même dans leurs matières spécifiques. Pour lui, ces faiblesses proviennent des effectifs pléthoriques des classes de D. « La majorité des élèves de 2nd C s’orientent vers la 1ère D, puis la Terminale D. Dans mes classes de 1ère et de terminale D, j’ai au moins 80 élèves. Par trimestre, je fais à peine deux devoirs. Et quand des élèves ont des difficultés pour comprendre une leçon, je ne peux pas m’arrêter pour eux. J’avance avec la majorité qui a retenu l’essentiel, au risque de ne pas terminer le programme. Alors qu’en 1ère C ou en terminale C, il suffit qu’un seul élève ait des difficultés pour que je le suive particulièrement parce que la classe compte à peine 30 élèves », confesse l’enseignant. Il n’est pas contre le choix de la série D, mais il estime que l’on devait prendre des dispositions pour que les effectifs de cette série ne débordent pas. Cela implique plus d’infrastructures scolaires et plus d’enseignants pour un ratio plus efficace. Faute d’infrastructures suffisantes, des élèves qui devaient être recalés vont en classe supérieure. «Cet engrenage commence dès le premier cycle», poursuit Sylla Fatoumata, prof de français. Elle rebondit sur la question du surnombre qui oblige beaucoup d’enseignants à «fermer les yeux » pour faire passer, par exemple en classe de 5e puis en 4e ,un enfant de 6e venu du Cm2 sans avoir maîtrisé les règles élémentaires de la grammaire française. Conséquence, qu’ils soient en D, en A ou en C, de nombreux candidats arrivent en terminale avec un très faible niveau en lettres. Au point de ne pas être en mesure de comprendre parfois les énoncés des sujets scientifiques ou littéraires. Ils ont encore plus de peine à formuler les phrases appropriées pour les réponses. «Beaucoup de candidats échouent simplement parce que leurs copies sont truffées de fautes, ou parce que les correcteurs ont du mal à comprendre leurs réponses», regrette l’enseignante. On pourrait encore écrire des pages et des pages sur les causes du naufrage scolaire ivoirien. Pour couper court, M. Cissoko, prof de maths, réclame de nouveaux états généraux sur l’école. Pour lui, ceux de 2002 organisés à Yamoussoukro ont péché par la qualité des participants. « Au lieu de se limiter aux institutions, il faut y associer les acteurs du terrain comme nous les enseignants », recommande-t-il.
Cissé Sindou
Cissé Sindou