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Politique Publié le lundi 10 août 2009 | Notre Voie

Bernard Dadié parle aux Ivoiriens : “Ah ! Paris des pouvoirs”

Les Ivoiriens iront aux urnes pour choisir leur président, le 29 novembre 2009. A l`approche de l`événement et face aux chants de sirènes, l`écrivain dramaturge ivoirien, Bernard Binlin Dadié, a décidé de prendre sa plume. Pour interpeller contre les vendeurs d`illusions, les adeptes de la perversion politique qui prennent nos désirs de liberté et de dignité pour une soif d`argent à tous les prix.

“Le but de la guerre (1939-1945), n`était-il pas la libération de toutes les races? Je fais confiance au RDA pour l`avenir de mon pays” (Gabriel Binlin Dadié in Claude Gérard les pionniers de l`indépendance). “La grande valeur humaine c`est l`homme lui-même. Pour mettre en valeur le globe terrestre, il faut d`abord mettre l`homme en valeur. Pour exploiter le sol, les mines, les sources, toutes les substances et toutes les forces de la planète, il faut l`homme, tout l`homme, l`humanité, toute l`humanité. L`exploitation complète du globe terrestre exige le travail combiné des hommes blancs, jaunes et noirs”, disait Anatole France. Or les guerres qui nous ont été imposées ne sont-elles pas des guerres de “rapines” qualifiées “de guerres d`expansion”, de “civilisation” ? Ces pillards n`osent-ils pas parler de “civilisation supérieure” à imposer à des peuples soumis? Des peuples à gérer jusqu`à l`éternité?

La guerre. Elle s`annonce. On la voit venir, Ethiopie, Espagne. Défilé de tirailleurs sénégalais, comme pour les compter. “Tout va très bien Madame la marquise”, chantait-on. Mais le ciel se couvre et les Anglais annoncent: “Nous irons pendre notre linge sur la ligne Siégfried”. Paris, 3 septembre 1939, 16 heures elle se déclenche et Paris se vide peu à peu des résistants. La liste des fusillés s`allonge.

Les jeunes gens protestent et meurent au Mont Valerien. De tristes souvenirs vécus ensemble: Blancs et Noirs, soldats pour la défense de la patrie. Secours national. Effort de guerre. Blancs et Noirs se pressent, et emplissent de leurs prières, églises, temples et mosquées et autres lieux pour sortir de ce déluge. A Dakar, nous écoutions la BBC en cachette.

Quoique dans l`une des quatre communes où l`homme noir méritait quelque respect depuis la guerre de 14-18, ne nous était-il pas pourtant
interdit d`écouter des radios étrangères?

De l`intérieur du pays et des autres colonies, nous parvenaient des nouvelles de répressions et parfois de révoltes. Ah ! Ces longs défilés de légionnaires du régime du Maréchal Pétain qui nous a laissé en souvenir la fête des Mères et des Pères. A la BBC, on répétait “Radio Paris ment”. Parce qu`émise de Paris occupé, la radio était forcément allemande”. Comme de nos jours, dans le cas de la Côte d`Ivoire, Radio-Paris officielle dit-elle toujours la vérité? Son rôle en guerre n`a-t-il pas été de jeter le discrédit sur des peuples qui entendaient récupérer leur pleine liberté après cette guerre terrible de 1939-45 à l`issue de laquelle on a parlé de “libération” de tous les peuples occupés.

Restriction ici, famine là-bas et des morts encore et toujours sans oublier ceux qui étaient fusillés à Fann pour avoir voulu rejoindre de Gaulle... Et ce fut Thiaroye à notre grande surprise. Thiaroye.

Certes on savait que des démobilisés avaient eu des problèmes en France avec les autorités militaires. Thiaroye, un vendredi, marqua le début de la reconquête des colonies françaises. La participation à la guerre et la vue des prisonniers blancs ne risquaient-elles pas de tuer le respect dû au maître colon? Chez nous, en Côte d`Ivoire, tout commença avec la naissance du Syndicat agricole africain et la création du PDCI, parti par lequel les Noirs entendaient prendre leur destin en main. Certains ont parlé au sujet du Syndicat de récidive du “travail forcé”. Il y avait les grands travaux officiels auxquels participaient de nombreuses gens venues de l`extérieur, notamment chaque année des deuxièmes portions du recrutement militaire et des travaux que faisaient les gens du cru? Certes des colons eurent recours au recrutement forcé pour mettre en valeur leur domaine, ce n`était pas le cas des indigènes qui allaient prendre leurs travailleurs sur le marché de Bouaké. D`ailleurs, ces travailleurs dès leur arrivée dans le campement prenaient la poudre d`escampette. Le chemin des grandes villes les attirait. “Libération de toutes les races.... A ceux qui aujourd`hui voudraient ne pas reconnaître que vous êtes morts pour qu`ils vivent, à ceux qui, hier ont trahi la France et qui s`opposent à l`Union Française, il fallait qu`un enfant africain parlât sur ces tombes avec la franchise propre à nos races. Chevaliers des temps modernes... Vous avez contribué à détruire la fiction de la colonisation, du fascisme. Vous avez rétabli le droit de l`homme à la liberté! Par vous, l`Afrique a payé sa contribution à la paix, elle a acquis le droit de vivre sur la base de l`égalité des hommes, des races et des peuples”, déclarait le député Ouezzin Coulibaly à l`inauguration du tata des morts de Chasselay. Mais Paris, lui avait-il vraiment aboli la traite, dans tous les sens du mot? Sétif, Constantine. 8 mai, à l`heure où l`on rangeait les armes en Europe, fusillades en Côte d`Ivoire; les Alaouites en mission mettent partout le feu sur leur passage, prisons pleines, des morts, des morts des dirigeants politiques enfermés, tristes événements qu`on refusa de faire passer à l`Assemblée nationale. Le rapporteur Léon Gontran Damas par son intransigeance n`y perdit-il pas son écharpe de député et des documents ne furent-ils pas volés chez lui?

“J`ai reçu l`ordre de vous arrêter”, nous avait dit un juge. “Il nous faut 10.000 morts pour rétablir l`ordre”, hurle un colon au gouverneur Orselli qui préféra quitter son poste en AOF pour rejoindre la France où de tels propos auraient été sanctionnés. Salut, Maître Bataillet (une dame) qui s`offrit à nous défendre gratuitement tant elle était indignée par tout cet arbitraire qui jetait le discrédit sur son pays, la France de la fraternité.

En 1914-1918, le gouverneur général Van Vollenhoven n`avait-il pas quitté son poste en AOF pour rejoindre le Front parce que le général Mangin réclamait le recrutement de 300.000 tirailleurs? Ces personnalités nous donnent un autre visage de la France. 10.000 morts, 300.000 tirailleurs. Oui Maître Vergès, c`est “un crime contre l`humanité” Ces hommes, ces femmes, ces enfants, ces vieillards abattus à la kalachnikov, à bout portant... personnes brûlées vives, achevées à l`arme blanche, enlèvements, viols, pays à feu et à sang, des massacres impunis “encouragés” (Me Vergès). Le drapeau français déployé.
Oui. Il y avait eu Madagascar, etc.

Arrestation des élus parmi lesquels Jacques Rabemanajara. Il y eut la pacification de la RCA dont le président à vie est fait empereur à la foire de Paris, et j`en passe. N`est-il pas révolu le temps où sur les écrans, en quelques secondes, pour distraire les spectateurs, passaient des Nègres, le visage enfariné de poudre blanche ? Aujourd`hui de vrais artistes noirs, produisent des chefs-d`œuvre !

Bâtir le pays ! C`est le rôle qui nous revient après tant d`années de colonisation, soit de sujétion, contre laquelle se sont dressés tant de gens : Félix Couchoro, Ray Autra (Mamadou Traoré), Moussa Travelé, Paul Hazoumé, Adandé, Tidjani Serpos, Nazi Boni, Boubou Hama, des héros dont je salue la mémoire de “primaires” sans oublier tous ceux qui, ailleurs, avaient reçu un enseignement supérieur.

Lutter pour notre survie! Il nous faut écouter non ceux qui nous promettent des milliards, mais ceux qui nous exhortent au travail, pour faire fructifier notre propre fonds.

Ivoiriens, libérons notre pays, cessons d`en faire une prison pour nos descendants, en nous constituant nous-mêmes les geôliers. Rejetons les suggestions des mercenaires et de ces vice-rois que Paris lance à nos trousses. Dans le rapport de force entre les hommes et les peuples, ne serait-il pas temps que ces responsables parisiens sortent des temps révolus pour se mettre à jour, entrent dans les temps nouveaux dans lesquels nous sommes entrés après les guerres d`Ethiopie, d`Espagne et l`avalanche qui les a suivie? Ivoiriens, choisissons le Paris des droits de l`homme, le Paris des révolutions contre un Paris favorable au despotisme et aux putschs, le Paris de 1789. Contre cet autre Paris des pouvoirs délégués qui s`entretuent sur notre continent, Paris des corsaires et des pirates, des mercenaires recrutés partout à l`heure où l`homme après avoir atteint la Lune et Mars rêve d`atteindre d`autres planètes...“Le cri sourd du pays qu`on enchaîne” M. Druon.

Tout cela parce `qu`un homme neuf a obstrué dans son palais un tunnel par lequel un Président en exercice et aux ordres pouvait prendre la fuite en cas de difficulté avec le peuple. Les fusils? A ces mercenaires lettrés ou illettrés Joseph Ki-Zerbo dit : “Les fusils dont vous avez la garde, sont des fusils du peuple. Ils ne peuvent en aucun cas être utilisés contre ce peuple”. “Les indigènes étant des hommes comme nous, il faut les traiter comme nous”, recommandait Albert Sarraut. “Certes le fait colonial brutal, le maintien d`une souveraineté qui ne reposerait que sur la force est aujourd`hui impossible. Cette période historique de la colonisation est révolue. Une Nation, la nôtre en particulier, ne maintiendrait son influence dans les territoires d`Outre Mer qu`avec le consentement libre des populations qui l`habitent”, reconnaissait Marius Moutet et Edouard Balladur déclarait :
“Comme le monde, nous avons les uns et les autres beaucoup changé”. Or la guerre actuelle qui nous a été imposée ne serait pas la suite logique des guerres de conquête du 19ème et du 20ème siècles ?

En 1937, un historien ne me confiait-il pas que “la France très difficilement abandonnerait la Côte d`Ivoire, la Guinée française et le Gabon”.

Patriotes ivoiriens, nous avons ensemble vécu 14-18,39-45, ensemble nous avons chanté la victoire après avoir prié dans les diverses langues pour nos morts et nous voici toujours victimes de certains français et de certains indigènes, leurs hommes de main. A Paris, la France fut divisée, la Côte d`Ivoire est divisée, nous continuons d`entretenir des occupants qui nous pillent et s`enrichissent.

Marcoussis. Invité à l`exil, à Paris, l`homme neuf, devenu Président, préféra rejoindre son pays qui était en feu à l`heure où beaucoup d`autres pliaient bagages pour rejoindre la capitale et leurs Maîtres. Ils oubliaient même de prendre leurs enfants, dit le peuple. Qui nous fallait-il suivre sinon celui qui croyait en son pays? Les canons français, nuits et jours, furent à l`œuvre pour vider les patriotes des rues et des ponts. Les vrais Ivoiriens résistèrent. Aujourd`hui dans le désordre présent des idées, des écoles deviennent des lieux de culte et des “fraternités”, d`habitude discrètes, occupent des carrefours sur de grandes voies de circulation. Des taxis font concours pour brûler les feux rouges et obscurcir le ciel et notre discernement après leur passage, des taxis qui depuis des années ne cessent de circuler, “des taxis pourris et bavards” comme le disent les enfants. Et peut-on dénombrer tous les rois des rackets qui nuit et jour sont à l`œuvre pour énerver le peuple?

“Dignité” ! Oui, dignité. Ah ! Le mot qui chez nous pose tant de problèmes.
Pour avoir, dit-on, tué des militaires français en cantonnement dans la ville devenue camp retranché de rebelles, notre flotte fut détruite au sol.
N`était-elle pas composée de Sukoï? Ainsi fit l`Allemagne, détruisant la flotte soviétique avant d`attaquer cet adversaire, le 22 juin 1941.

Partage de l`Afrique à Berlin en 1885 et partage de la Côte d`Ivoire entre des partis en 2002. Quelle symétrie et quelle ironie de l`histoire!
Se pencher sur cette partie de notre histoire, n`est-ce pas prendre position évoquer Biaka Boda pendu à une branche en croissance et Boka Ernest pendu à un tuyau de douche?

Que dire aussi d`un fameux passeport délivré à un sujet français? Paris et ses historiens savent ce qu`il faut en penser. Peut-on en effet dénombrer tous les rois des rackets qui nuit et jour sont à l`œuvre pour énerver le peuple?
Hier, nous eûmes nous aussi notre Bastille, Assabou, dont nombreuses sont les victimes qui traînent encore aujourd`hui, maladies et misères.

L`histoire contemporaine nous réservera encore des surprises quand on la restituera dans son authenticité.

“La jeune fille refusa de parler; l`oxygène fut suspendu et elle mourut peu après”. “Les nazis étaient des spécialistes de l`avilissement (Jacques Delarue). “C`est le temps où dans la campagne nous interrogions les aboiements des chiens au fond de la nuit” (André Malraux) Oui, nous aussi nous avons écouté, interrogé le bruit des pas, les arrêts des véhicules, les bruits de coup de feu dans la nuit lors du règne des zinzins et des baefoués, et de ceux qui se cachaient derrière un pseudo pronunciamento militaire. Nous avons reçu notre ordre d`élimination et notre nom a figuré sur les listes des gens à faire disparaître. Paris serait-il jamais pour la paix dans “les anciennes possessions?” Des pas dans la nuit, des toc toc à une porte, une voiture qui s`arrête près de chez vous.. . Cependant à Paris des pouvoirs chantaient les prouesses des compagnons qui avaient passé les armes à des vandales et des incendiaires.

Paris et ses affidés nègres sortiront-ils jamais de la “kollaboration” quand pourtant même à Dakar, au Sénégal, en 1940 certains de ces blancs nous refusaient les trottoirs. Un affront que les jeunes sénégalais eux refusaient de subir. “D`autres peuples avaient comme le mien le goût de la liberté et ces hommes jaunes ou noirs pouvaient exiger eux aussi “la liberté ou la mort. Il était absurde,coupable et contraire à la vocation comme aux intérêts de la France de s`y opposer. Le colonial que j`étais est ainsi devenu agent: de la , décolonisation” (Bernard Comut-Gentil).

Leurs hommes à la tête de nos Etats! Cela avait commencé avec l`intronisation de Bernard Omar de Franceville et le progrès actuel, c`est le fils qui remplace le père, la République monarchique qui, demain, sera combattue par les mêmes qui refusent que l`Afrique ait jamais de paix. Bâtir un pays! Notre pays, Patriotes! Tendre la main, nous relier hommes de paix.

Ivoiriens, c`est là notre rôle, il nous faut hurler à tous ceux qui veulent devenir des maîtres: “On ne monte pas au pouvoir avec des rêves d’enfance mais avec la connaissance des problèmes réels du pays”. Dignité. Tous ceux qui à côté des Allemands prirent les armes contre leur pays, Paris ne les appela-t-il pas les traîtres? C`est ça l`histoire.

Rappeler l`histoire, n`a pas pour but de raviver les souffrances passées, mais celui de nous rendre conscients de nos fautes afin de ne pas retomber dans les mêmes errements, et nolens volens construire ensemble notre patrie et notre continent. “Ils prennent tout”, constate la sagesse populaire. Et c`est vrai”.

“Dès août 1940, les Allemands ont fixé à 400 millions de trancs par jour, les frais d`entretien de leurs soldats dans les territoires occupés”. (Pierre Bourget. Paris).

Mais quelle est notre propre situation actuelle avec des mercenaires dont beaucoup parlent de millions, voire de milliards récoltés en quelques années ?

Souvenons-nous, le 21 août, une colonne du coeur de l`Afrique, le Tchad, conduite par un Noir, le Gouverneur Eboué, rallié à De Gaulle déclencha la résistance (Robert Delavignette), une résistance armée. lci, les patriotes ont les mains nues et Paris des pouvoirs, s`acharne contre eux, Paris capitale de la France qui a toujours pour devise Liberté, Egalité, Fraternité. Bible, Coran, Thora, aucun de ces livres n`ordonne la tuerie et comme l`écrit le philosophe Pascal Bruckner: “Réclamer plus d`égalité, l`arrêt de la surexploitation du Sud, la destitution des dictatures maintenues par les super grands, c`est encore œuvrer pour la dignité de l`homme”.

“Querelle entre Ivoiriens”, dit Paris mais une querelle dans laquelle s`est immiscé le Paris des pouvoirs. Cadavres, sur les routes, en brousse, foyers ardents dans lesquels on mêle des femmes et des enfants, chemins jalonnés de morts que veillent des mouches affamées se sont multipliés.

Patriotes, résistants, Ivoiriens, Africains, soyons Hommes...maintenant avec, vigilance la visée sur les valeurs qui nous , unissent. Merci à tous les amis des noirs, ces hommes qui depuis le 18ème sont toujours sur la brêche pour clamer l`unicité de destin des habitants de la terre.
Seigneur Dieu, libère nous de tous les assaillants.

Bernard Binlin Dadié
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