A la veille du premier Congrès ordinaire du Rassemblement pour la Paix, le Progrès et le Partage (RPP), Laurent Dona Foologo, président de cette formation politique donne le sens du rassemblement de Yamoussoukro. Il en profite pour indiquer clairement que pour lui, Laurent Gbagbo est le vrai successeur de Félix Houphouet-Boigny.
Notre Voie : Généralement, quand on est à la veille des élections comme celle que la Côte d’Ivoire s’apprête à vivre, le 29 novembre et que les partis vont en congrès, c’est pour élire leur candidat. Mais vous, vous avez déjà votre candidat. Pourquoi allez-vous donc en congrès ?
Laurent Dona Fologo : En effet, on peut se poser la question. C’est pourquoi, je dis à mes amis que notre congrès n’est pas un congrès comme les autres. Ce n’est pas un congrès habituel. D’abord, c’est le premier congrès du parti. Le premier congrès d’un parti a pour objet de préciser son orientation et de faire une démonstration de force pour montrer que nous sommes désormais un acteur important sur l’échiquier politique national. Nous n’allons pas pour élire un candidat à la candidature présidentielle. Tout le monde connaît notre position sur cette question. Nous n’allons même pas pour désigner des candidatures aux législatives. Le temps n’est pas encore venu. Nous n’allons pas élire ni le bureau politique ni le secrétaire général. Nous n’allons mettre en place aucune structure particulière du parti. Ce congrès, je l’ai dit, est un congrès de forte mobilisation. Ceci pour montrer que notre parti, bien qu’il soit nouveau, ne fait pas partie de ces partis dont on dit que les militants peuvent tenir dans une cabine téléphonique. Et vous constaterez avec les quatre mille délégués que nous attendons que toutes les régions du pays sans exception sont représentées. Nous voulons aussi que les Ivoiriens sachent que, lorsque nous avons dit que nous avons choisi notre candidat, même s’il ne s’est pas encore déclaré, ce n’était pas pour nous amuser. C’était bien la vérité et nous allons le confirmer publiquement. Notre candidat, bien qu’il ne soit pas notre candidat en particulier, mais en partie, nous allons même le pousser à déclarer sa candidature avant même que sa formation mère ne le fasse. Parce que comme vous savez, le RPP qui est passé d’un statut de mouvement de paix à un statut de parti politique depuis le mois de mai 2008, a décidé de réparer des torts. Nous sommes contre tout ce qui a été entrepris pour bloquer le président de la République, voire pour le renverser. Il y en a même qui disent pour le tuer. Nous sommes contre tout cela.
N.V : Monsieur le président, vous n’allez pas pour changer les statuts, vous n’allez pas pour élire les instances. Alors qu’est-ce que vous allez faire pendant les trois jours à Yamoussoukro en dehors du fait que vous allez réaffirmer le choix de votre candidat?
L.D.F. : Nous allons travailler. Et sérieusement. Depuis deux mois, les responsables du RPP sont au travail. A l’heure où je vous parle, nous avons sorti un document qui s’appelle le projet de société du RPP. Ce projet traduit la position du RPP en tant que parti politique sur les questions nationales importantes comme l’école, la santé, l’agriculture, l’environnement. Il se pourrait que certaines de nos positions coïncident avec les positions d’autres partis politiques. Mais chacun à sa manière de dire les choses et surtout de les exécuter. Deuxièmement, un parti politique, comme vous le savez, a pour objectif la conquête et l’exercice du pouvoir d’Etat. Si nous ne voulons pas conquérir le pouvoir maintenant, parce que nous considérons qu’on n’a pas été juste avec notre président, cela ne veut pas dire que de façon définitive, nous y renonçons. Nous aurons un candidat lorsque nous aurons estimé que nous pouvons en avoir.
Troisièmement, nous avons une série de résolutions sur des questions qui préoccupent la nation. Le président a parlé récemment du problème de l’eau, du problème de sécheresse. Vous savez que je viens d’une région aride. Donc le problème de l’eau est crucial. Le problème de l’agriculture vivrière, le président en a parlé également et nous avons une position là-dessus. Nous avons également une position sur l’école. Vous savez que l’école ivoirienne est dégradée aujourd’hui. Nous faisons des propositions pour la ressusciter. Nous avons également des propositions par rapport à l’environnement qui est très sensible dans le nord plus qu’ici, encore que quand vous allez à la plage aujourd’hui, vous voyez des plages disparaître sous vos yeux à Port-Bouet, à Bassam et ailleurs. Cela est très important. La communauté internationale se réunit pour cela. Il y a très bientôt une conférence à Genève et au mois de novembre une grande conférence à Copenhague. Cela veut dire que c’est un problème extrêmement important. Donc je pense que lorsque vous aurez toutes ces résolutions, vous verrez nos prises de positions. Et comme nous aurons des candidats aux législatives, il faut que les Ivoiriens sachent ce que veut le RPP, ce qu’il ferait s’il était au pouvoir.
N.V : Monsieur le président, votre Secrétaire général dit que votre parti a quelque chose de différent avec les autres partis. Est-ce que vous pouvez nous dire quelle est cette différence ?
L.D.F. : Ce qui est différent, c’est ceci : nous sommes un parti du centre. Nous ne sommes pas des socialistes, mais nous sommes d’accord avec les socialistes sur beaucoup de points. Nous sommes des libéraux centraux. Mais nous sommes en désaccord avec certains libéraux sur d’autres points. Et puis nous faisons des propositions concrètes. Nous ne sommes pas des rêveurs. Nous ne sommes pas de ceux qui font pleuvoir des milliards sur la Côte d’Ivoire et dont ils sont les seuls à voir tomber les gouttes et que nous n’avons jamais vus depuis qu’on nous le promet. Ça aussi c’est une différence. Nous sommes un parti assez pratique. L’épine dorsale du RPP, c’est le social. Le social est l’une des préoccupations des socialistes, mais lorsque ce sont des centristes qui proposent le social, comme le disait le président Houphouët-Boigny, c’est un social hardi. Par exemple, nous disons qu’un Ivoirien ne doit pas mourir de maladie par manque de moyens. Nous sommes pour qu’il y ait des médicaments dans les hôpitaux. Et si nous devrions cotiser une fois par mois pour acheter des médicaments, nous ferions cette campagne-là. Nous disons également qu’il faut trouver une formule pour qu’il n’y ait plus de grèves dans les écoles. Nous sommes contre la grève. La grève est un acquis démocratique, c’est vrai, mais dans un pays sous-développé, il ne faut pas en abuser. Aujourd’hui, vous voyez les résultats scolaires. Certes la guerre explique beaucoup. Mais la guerre ne suffit pas à tout expliquer. C’est pourquoi nous proposons la création d’une commission nationale pour tous les secteurs vitaux qui existent. De sorte que dès qu’un problème important se pose dans un secteur donné, la Commission concernée par la question se réunit rapidement, pour qu’en accord avec les acteurs concernés, elle trouve une solution rapide. Cela pourra nous coûter ce que cela nous coûtera, mais il faut que les Ivoiriens acceptent qu’à diplôme égal, le médecin soit mieux payé, qu’à diplôme égal, l’instituteur soit mieux payé. C’est pourquoi il y a des décrochages. Donc, nous avons des propositions concrètes que ne semblent pas faire d’autres partis politiques.
Nous sommes aussi différents des autres parce que nous sommes contre ceux qui amassent. Nous sommes pour le partage. Nous sommes le seul parti politique libéral à avoir mis dans son appellation le mot «Partage». Nous sommes pour la production. Mais la production doit être partagée équitablement.
N.V. : Parlant justement de partage, on dit que c’est une touche personnelle de M. Fologo pour faire la différence avec son ancien chef de parti dont on dit qu’il ne partage pas ?
L.D.F. : Permettez-moi de ne pas personnaliser les problèmes. Nous avons encore tellement de temps. Nous avons le congrès, nous avons la campagne électorale pour dire un certain nombre de choses. Ce que je peux vous dire, c’est que c’est de façon unanime que les camarades ont accepté qu’on ajoute sur l’appellation de notre parti le mot partage. Nous pensons que les Africains ont le sens du partage, dans les villages, dans les familles et même partout. Alors si on le fait, pourquoi ne pas le dire ? Cela nous oblige à nous efforcer à partager. Je vais vous donner un exemple sans verser dans l’autocélébration. Peut-être que vous avez suivi le président de la République quand il a foulé le sol de Péguékaha. C’est la première fois que je recevais un président de la république chez moi. C’était pour moi une grande fierté, un grand honneur. Vous avez constaté que c’est un village nouveau qui est créé. C’est moi qui ai construit ce village avec toutes mes économies. Aucun paysan de Péguékaha ne peut vous dire qu’il connaît le coût de sa maison en géo béton. Je les ai délogés des cases rondes sénoufo, sans fenêtres, sans hygiène, sans renouvellement d’oxygène, etc., du vieux village sans le casser, pour les reloger dans des maisons plus décentes où il y a renouvellement de l’oxygène. Cela m’a pris mes économies de 30 années de travail. C’est volontairement que je l’ai fait. J’ai été aidé par la BNI qui était à l’époque la caisse autonome d’amortissement qui avait un guichet qu’on appelait «modernisation des villages». Mais j’ai payé la part sociale de tous les paysans. Cela tournait autour de 8 millions, c’était beaucoup pour moi. Vous savez qu’à l’époque les ministres n’étaient pas bien payés. En tout cas, je suis assez fier d’avoir construit un nouveau village pour mes parents. Quand je naissais dans ce village, il n’y avait ni électricité, ni eau potable, ni route, ni dispensaire, ni école, bref, il n’y avait rien. J’avais fait le pari en 1974, que tout ce que je n’ai pas vu à Péguékaha au moment où je naissais, je vais le mettre avant de mourrir. Aujourd’hui nous avons un centre de santé qui est équipé et qui fonctionne avec un infirmier et une sage-femme. Aujourd’hui nous avons la route, le village est loti et électrifié. Mes parents n’ont pas vu l’électricité avant de mourir, mais ceux qui vivent aujourd’hui ont l’électricité. Nous allons inaugurer dans une semaine le château d’eau du village. Nous l’avons obtenu grâce au soutien du ministre de l’énergie et des mines. Nous avons presque fini l’école de 6 classes. J’ai arrêté la construction de ma propre maison que j’étais en train de construire lorsque les rebelles nous ont chassés. Je l’ai abandonnée et j’ai dit, tant que je n’ai pas achevé la construction de l’école, je ne reviens pas aux travaux de cette maison. C’est un cas qui peut paraître personnel, mais je ne suis candidat à rien, donc je peux le dire. Je ne suis même pas candidat à la députation. J’ai déjà fait deux mandats à l’Assemblée. Donc nous voulons prouver par l’acte qu’on peut partager. On n’a pas besoin d’être milliardaire avant de partager. Je crois qu’en vérité, le président Gbagbo et moi, quand bien même nous nous combattions, nous nous ressemblions sans le savoir. Parce que j’ai vu comment il vit. C’est le seul chef d’Etat qui n’a pas de compte bancaire hors du continent. Je dis bien que c’est le seul, si vous connaissez un autre vous pouvez me le dire, moi je n’en connais pas. Cela veut dire qu’il applique le combat auquel il a consacré toute sa vie. Il n’a pas de compte hors de la Côte d’ivoire, ni en Afrique, ni ailleurs, il n’est pas accroché à l’argent comme d’autres. On dit de ses ministres qu’ils ont de grosses voitures, de grosses villas, je n’en sais rien parce que je ne les connais pas. Mais le président Gbagbo en ce qui le concerne, il vit modestement.
N.V. : Monsieur le Président, vous n’êtes candidat à rien. Vous n’êtes pas candidat à la présidentielle, aux législatives encore moins aux municipales. Vous avez pourtant créé un parti politique qui, par essence, a pour objet principal la conquête du pouvoir. Alors qu’est-ce qui vous fait courir ?
L.D.F : Après l’expérience qui est la mienne, après l’itinéraire que vous savez, j’ai pensé que j’avais appris un peu auprès du président Houphouët. Dans un an j’aurai 70 ans, d’ailleurs je vais le célébrer, je vous inviterai. J’ai pensé qu’à cet âge on doit restituer, on doit donner. On ne doit pas chercher à recevoir. J’ai reçu toute ma vie. J’ai commencé à travailler à l’âge de 25 ans à Fraternité Matin. Donc j’estime qu’aujourd’hui, je dois restituer. Nous avons créé ce parti pour prouver à ceux qui pensaient qu’ils étaient les seuls à pouvoir en créer, que c’est parce que nous ne voulions pas en créer. Et que c’est volontairement que nous avons travaillé avec eux. Sinon, nous avons la capacité de créer un parti. Quand le président Gbagbo créait le FPI, il n’était pas milliardaire. C’est la volonté, c’est l’engagement. Et c’est un peu ça que nous faisons. Deuxièmement, je leur ai dit que le moucheron ne peut pas tuer l’éléphant, mais il peut l’empêcher de dormir. Moi j’empêche certains de dormir et je n’ai pas fini. Si j’ai la santé, je suis loin d’avoir fini. Donc on n’a pas nécessairement besoin de viser un poste électif pour apporter sa contribution par une voie ou une autre à la construction nationale, à la construction de la démocratie. C’est le président Gbagbo et la gauche qui ont conquis les éléments essentiels de la démocratie en Côte d’Ivoire. Je veux dire la commission électorale indépendante, le vote à 18 ans, l’urne transparente, le bulletin unique et que sais-je encore ? Tout cela n’existait pas. Ceux qui disent aujourd’hui que les listes ne sont pas propres et ne sont pas affichées à temps, je leur réponds que la constitution existait, mais on n’avait jamais rien affiché ici et personne n’a jamais levé le doigt pour dire que les élections sont fausses. Même le président Gbagbo qui était notre adversaire, n’avait jamais dit qu’Houphouët est mal élu. En 1990, il était candidat, c’est moi qui étais le directeur de campagne du président Houphouët contre lui. Mais quand on a été élu, il a reconnu les résultats. C’est un démocrate. C’est pourquoi je ne suis pas d’accord que son tour venu, on lui crée tous ces problèmes inutiles qui retardent la Côte d’Ivoire et qui ont souillé la réputation de notre pays.
N.V. : Alors est-ce qu’on peut retenir que c’est cette obstination à défendre les valeurs nationales, à défendre la nation, puisque vous êtes le père du “sursaut national”, qui vous a conduit à créer ce parti ?
L.D.F. : Je ne veux pas me jeter les fleurs et dire que je suis le seul à défendre la Nation. Vous avez vu les patriotes quand on nous a attaqués. Mais je crois que vous êtes journaliste et vous avez vu que j’ai été le premier à lancer l’appel à la résistance lorsque le pays a été agressé. Le président de la république était en Italie. Je ne lui avais pas demandé son avis, il n’était pas encore revenu. Au moment où je lançais l’appel la veille, c`est-à-dire le 20 septembre 2002, je ne savais pas où étaient les assaillants. Ils auraient même pu être au Conseil Economique et Social et me descendre après mon appel. Mais j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai dit que si on ne se lève pas, ces gens vont prendre le pays. Et grâce à nos militaires, à nos jeunes, à nos femmes, ils ont fui. Ils sont allés s’installer à Bouaké, mais ils n’ont pas pu prendre Abidjan qui était leur objectif principal. Allez voir aujourd’hui Monrovia, vous allez voir comment se retrouve une capitale lorsqu’elle a connu la guerre. Abidjan n’a pas connu la guerre grâce aux patriotes. Je dis dans le slogan de notre congrès, «La Nation, d’abord la Nation et toujours la Nation». C’est un slogan du RPP. Ça veut dire que pour nous, c’est la Nation. Je suis en train de préparer un livre qui s’appelle «Un amour de Nation». J’aime ma Nation comme on aime une femme. Je veux dire que quel que soit le parti auquel j’appartiens, quand le feu est à la Nation, je ne connais plus de parti. Il faut l’éteindre. C’est ce que j’ai demandé à mes amis, ils n’ont pas voulu me suivre et voilà où nous en sommes. S’ils avaient reconnu les résultats de l’élection de 2000 comme M. Gbagbo avait reconnu les précédentes. S’ils l’avaient reconnu comme le chef de l’Etat, comme il nous avait reconnus à notre tour, on n’en serait pas là. Parce que souvenez-vous, le président avait dit lui-même que cette élection a été calamiteuse, parce qu’il a fallu qu’il sorte pour que les militaires se sauvent. Il avait dit que les vraies élections se passeront en l’an 2005. Cela veut dire qu’il n’envisageait pas poursuivre son mandat au-delà de 2005 sans élections. Donc, on ne peut pas dire aujourd’hui que c’est lui qui ne veut pas des élections. Il a dit avant même la guerre qu’il va y avoir élection en 2005, deux jours après son élection. Nul ne savait ce qui nous attendait. Ceux qui préparaient la guerre, eux, savaient qu’on n’atteindrait pas 2005. Nous ne sommes pas des comploteurs, ni des assaillants, ni des rebelles. C’est cela que je veux dire. Pour moi, la Nation est au- dessus de tout.
N.V. : Monsieur le président, du «Où est le feu ? Il n’y a pas le feu à la maison» en 1993, à l’appel à voter pour Gbagbo aujourd’hui,en passant par cet autre appel au sursaut national en 2002, vous donnez le sentiment de défendre l’Etat, la Côte d’Ivoire. Mais est-ce que vous pensez être compris ?
L.D.F. : Non malheureusement. Mais de plus en plus, j’ai l’impression que beaucoup de gens commencent à me comprendre. Vous pouvez aller au siège du RPP, n’importe quel jour, c’est toujours rempli. La petite demeure que nous avons aux II-Plateaux est devenue trop petite. C’est rempli tous les jours. Et tous les jours, nous recevons des lettres d’adhésion. Nous avons enregistré 301000 adhérents, qui ont pris leur carte à ce jour. C`est-à-dire, des gens qui adhèrent à notre façon de voir les choses. Avec mesure et dans la vérité.
N.V : Quelle vérité vous leur dites ?
LDF : Je pense qu’en Côte d’Ivoire, on aurait dû créer une Commission vérité et réconciliation comme au Libéria et en Afrique du Sud. Ici, on n’a pas osé ajouter vérité. Est-ce que ça veut dire que nous aimons le mensonge ? Or une fois que vous avez craché la vérité, vous vous réconciliez pour de bon. Mais si vous mentez, la réconciliation, elle est artificielle. Je le déplore. De la même manière que je déplore que les gens ne m’aient pas suivi en 2000 lorsque le président a été élu. Et comme par hasard, c’est moi qui suis allé à Abuja à la fin du mandat de 2005 pour défendre la Constitution et permettre qu’on nous laisse tranquille, parce qu’il était prévu dans notre Constitution que le président reste en fonction quand il y a des troubles qui rendent impossible l’organisation d’une quelconque élection. Quand j’ai démontré ça devant, paix à son âme feu madame Sarata Ottro, le président Obassanjo m’a dit qu’il n’avait jamais lu la Constitution ivoirienne et donc il ne savait pas qu’il y avait une disposition qui empêchait la tenue de ce sommet. C’est pourquoi, il était venu ici lorsque le GTI a voulu dissoudre l’Assemblée nationale.
NV : Pour dire que vous avez raison de résister ?
LDF : Il est venu nous donner raison, et il a produit un communiqué officiel avec le président Gbagbo. C’est comme ça que Blé Goudé a mis fin à la grève de la faim qu’il avait entamée bien avant. J’ai trouvé Blé Goudé couché par terre sur un petit matelas avec à côté, le drapeau ivoirien. Je me suis assis à côté de lui, je l’ai supplié pour qu’il arrête la grève de la faim. Je lui ai dit : «Tu as gagné. Le président Obassanjo vient de reconnaître notre combat. Donc il faut arrêter si tu aimes le président Gbagbo. Parce que s’il t’arrive quelque chose ça sera le pire». Il a dit d’accord et je lui ai dit, bois un verre d’eau devant moi, ce qu’il a fait. Vous pouvez lui demander. Il a bu un verre d’eau et puis il a fait une déclaration sur place. C’est comme ça qu’il a arrêté la grève de la faim.
Le lendemain, on a enlevé les barricades partout et on est reparti au travail. Je dis, si on est de bonne foi et si on est honnête, on peut régler tous les problèmes par le dialogue. Mais les gens sont ce qu’ils sont. Les gens croient qu’ils sont nés pour être éternellement les seuls chefs. Ils croient que la présidence de la République n’est pas faite pour d’autres régions. Tant que vous avez ça dans la tête, vous ne pouvez pas faire avancer le pays. N’importe quel Ivoirien peut être président si Dieu le lui permet. Moi, je suis plus âgé que le Président Gbagbo, mais c’est notre président de la République et je le respecte. Chez les Sénoufo, chez nous, c’est comme ça. On respecte les chefs (…). Chez nous dans le village, on n’élit pas un chef. Quand vous naissez, on vous dit voilà la famille des chefs, c’est tout. Le chef du village peut être malade. Même lépreux, il est enfermé dans la maison mais il est le chef du village. C’est comme ça ! Peut-être que je suis marqué par cette culture-là. Pour moi, le chef c’est le chef. Le président Gbagbo a respecté le président Houphouët. Il le combattait démocratiquement, mais il le respectait. La preuve, c’est qu’il poursuit ses travaux. Il y en a qui ont laissé ça pour construire les leurs. Alors !
N.V. : Vous disiez tout à l’heure que vous avez été malheureux de n’avoir pas été compris par certains de vos compatriotes. Pensez-vous que c’est ce qui a fait dire au président du PDCI, tout récemment sur une chaîne étrangère, que ceux qui sont partis du PDCI sont des militants alimentaires ?
L.D.F. : Comme vous le constatez, j’évite de dire des noms parce que je peux faire la politique sans dire des noms. Je leur ai dit que les politiciens alimentaires, on les a connus autour du président Houphouët. Je crois que lorsque le président Houphouët m’a choisi pour être d’abord son directeur de campagne en 1990 contre le président Gbagbo, et ensuite secrétaire général de son parti en 1991, je n’étais pas seul au Comité exécutif. Tous ces gens qui sont là et qui parlent aujourd’hui, ils étaient tous là. Houphouet les connaissait mieux que moi. Mais s’il m’avait choisi, c’est que j’avais un petit plus quelque part. Deuxièmement, il savait que je n’étais pas un militant alimentaire, ni avec lui, ni aujourd’hui. Parce que ceux qui gagnaient de l’argent à l’époque, ce n’était pas avec les salaires de ministre qu’on nous donnait. C’est ceux qui avaient des quotas de cacao, de café, de riz et que sais-je encore et qui avaient de grands projets d’investissement.
D’ailleurs, c’est ceux-là qu’on a accusés plus tard d’avoir fait des surfacturations. Moi, je n’ai jamais signé de contrat. Pendant Côte d’Ivoire 84, c’est moi qui ai retapé le stade Houphouët, le Parc des sports qu’on appelle le Palais des sports. C’est moi qui ai reconstruit le stade de Bouaké. Mais demandez aux entrepreneurs s’ils me connaissent. Aucun entrepreneur ne me connaît et moi, je ne connais aucun. Parce que chacun a fait son travail. Quand j’étais dans ce département, une fois que le ministère des Finances a mis en place le budget, je ne touchais jamais au dossier sauf pour signer lorsque tout était terminé. Malheureusement, mon DAF est décédé, c’était monsieur Dahi Pierre de Gagnoa. Et donc, au moment où les militants alimentaires prospéraient à cette époque-là, je n’ai pas pu être un politicien alimentaire. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais l’être. Lorsque le Président Gbagbo m’a proposé le Conseil économique et social, j’ai hésité et je lui ai dit humblement : «Vos camarades de lutte avec qui vous avez traversé le désert sont là». Il m’a dit : «Je veux justement montrer qu’on peut ne pas être du même parti et travailler ensemble». Souvenez-vous du premier gouvernement qu’il avait fait. On n’a pas besoin d’aller à Marcoussis pour faire un gouvernement d’ouverture. Il l’avait fait déjà. Et il l’avait renouvelé le 5 août 2002. C’est-à-dire un mois avant la guerre. Au moment où on lui préparait la guerre, il renouvelait le gouvernement de large ouverture. Et ceux qui ont fait la guerre étaient entrés dans le gouvernement, souvenez-vous ! Je ne veux pas revenir sur tout ça parce que ça me donne la nausée. Alors, quand ils disent cela, ça me fait rire parce que eux-mêmes savent très bien que je ne suis pas une personnalité alimentaire. J’ai construit cette maison où nous sommes assis (ndlr : sa maison d’habitation) en 20 mois. Et j’ai payé un crédit de 250 mille francs par mois pendant 10 ans. J’ai les traites ici. Je peux les montrer à tout moment. C’est avec une banque de la place que j’ai traité. Elle ne m’a pas fait un franc de cadeau. Et pourtant, j’étais à côté d’Houphouët. J’étais aimé de lui. J’étais même choyé et tout. Et pourtant ! C’est sûrement pour ça qu’il m’avait confié des responsabilités auxquelles les gens ne s’attendaient pas. Je ne suis pas un génie. Mais j’étais propre. Quand on a parlé des affaires sales, je n’étais pas dans le lot. Alors, je leur ai dit que je ne suis pas un militant alimentaire ni un soutien alimentaire. Parce que d’abord, je ne mange pas beaucoup et quand je mange une banane, ça me suffit. Ensuite parce que je n’ai pas cet esprit-là.
N.V. : Monsieur le Président, revenons au congrès qui a lieu à partir de jeudi (aujourd’hui, ndlr). Quelles sont les grandes résolutions qui vont en sortir?
L.D.F. : Les amis qui ont préparé les documents de ce congrès ont mis en place 5 commissions. Après une analyse approfondie, les commissions ont préparé des résolutions sur la politique générale, le projet de société, la politique économique et financière, la politique culturelle et surtout sur l’éducation. Evidemment, je ne vais pas vous les donner avant le congrès. Elles seront présentées aux congressistes, elles seront adoptées en commissions avant d’aller en plénière. Mais ceci étant, je peux vous dire que les points essentiels sur lesquels nous insistons, c’est vraiment le social. Nous pensons que n’eût été cette sale guerre, cette triste rébellion que j’ai appelé le désordre militaro-civil venu de je ne sais où, eh bien, vous connaissez le programment du président Gbagbo, la Côte d’Ivoire aurait changé positivement de visage. Je crois que tout y est clair. Si on lui avait laissé le temps de montrer ce qu’il sait faire, c’est aujourd’hui que nous aurions droit à lui demander des comptes. Mais on l’a empêché d’appliquer son programme et on lui demande des comptes. Je vois des gens se promener partout, des faiseurs de pluies de milliards et crier partout, «rien ne va dans le pays, si vous me le donnez dans un mois, dans un an, tout ira très bien». Mais personne ne rappelle d’où nous vient le mal. (…) Il y a des gens qui ont fait deux mois en brousse avant d’arriver à Abidjan à pied. Des gens qui se sont déguisés avec des barbes, pour échapper aux tueurs. J’ai des photos. Moi-même, j’ai été bloqué à Bouaké alors que j’allais aux obsèques de mon frère. Pendant 5 ans, je n’ai pas pu aller chez moi. Et pendant ce temps, il y a d’autres Ivoiriens qui y allaient tranquillement. Si on veut rappeler tout cela, on ne peut pas aller à la paix. Je suis obligé d’avaler ça parce que j’ai accepté l’application de l’Accord politique de Ouagadougou. Mais je suis obligé de vous dire la vérité parce que je sais que tôt ou tard la vérité sera dite. Mais je ne reviens pas sur la page tournée. Donc pour revenir sur ce que je disais, notre point focal c’est le social. D’ailleurs, on ne peut pas dire que c’est un vrai parti au sens idéologique du terme. Regardez sur l’échiquier politique international. J’ai dit au président Gbagbo que vous les socialistes, vous arrivez au moment où toutes ces idéologies n’ont plus de sens. Vous arrivez au moment de la mondialisation. Au moment où le camp soviétique s’est écroulé. Au moment où le camp de l’Est est en morceaux et où l’Occident règne en maître. Et c’est ça qui nous a envoyé la crise financière internationale dans laquelle nous sommes. Donc chaque système a montré ses limites. Dans ces conditions, il est urgent que l’Afrique cherche sa propre voie. Ce n’est ni l’une, ni l’autre.
N.V. : Selon vous quelle pourrait être cette voie ?
L.D.F. : Je pense que l’essentiel serait le social. Et l’Afrique doit exiger le respect de la souveraineté de ses Etats. Le président Houphouët disait : «Nous, nous avons acquis l’indépendance nominale, politique. Mais la vraie indépendance viendra plus tard. C’est avec vous les jeunes. Quand vous serez capables de discuter avec les autres d’égal à égal, vous parlerez de vraie indépendance». Il était donc conscient que cette indépendance était artificielle. Pour moi, l’heure qu’il avait prophétisée est arrivée aujourd’hui. C’est pourquoi, je dis que le vrai successeur d’Houphouët, c’est Gbagbo. Entre les deux, c’est une parenthèse. Nous avons vécu une parenthèse constitutionnelle et le coup d’Etat. La preuve, tous les plans d’Houphouët qui existaient et qui étaient dans les cartons, le vrai successeur les a sortis. Tout le monde est là pour le voir quand même. Le transfert de la capitale, l’hôpital, etc. Ecoutez, à l’époque il y avait de l’argent réservé à l’hôpital. Pourquoi on n’a pas sorti cet argent pour construire cet hôpital? Alors, il faut être juste dans la vie et rendre à César ce qui est à César. Cela ne veut pas dire que le président Gbagbo est parfait. Il n’y a aucun chef qui n’a pas de défaut et qui n’est pas critiquable. C’est pour cela que la démocratie est là. Mais on ne peut pas avoir pour programme de gouvernement la haine. Ce programme de gouvernement-là, je ne le suivrai jamais.
N.V. : Monsieur le Président, vous avez dit que votre parti sera présent aux élections locales. Est-ce que vous entrevoyez déjà les difficultés qui interviendraient entre vous et vos alliés de la présidentielle ?
L.D.F. : Je pense que nous sommes des hommes sérieux et raisonnables. Il y a des villes où il y a eu tellement de frustrés de divers horizons que nous sommes sûrs que le candidat RPP va passer. Dans de telles villes, nous dirons à nos amis de nous laisser conduire les listes. Parce que ce qui est important, si les choses se passent comme nous le souhaitons, à l’Assemblée nationale, quels que soient les groupes parlementaires, les alliances doivent se faire pour qu’on vote les projets de loi qui viendront de l’exécutif. Notamment, les lois organiques. Le plus important, ce n’est pas de dire : «J’ai tel nombre de députés». Mais même si tel est le cas, vous êtes obligé d’avoir des alliés. Le président Gbagbo, dans son programme de gouvernement, avait décidé de doter le pays de tous les organes juridiques d’un vrai Etat moderne. Il a juste eu le temps de mettre le Conseil constitutionnel. Il allait mettre le Conseil d’Etat, la Cour de cassation, la Cour des comptes, le Sénat. Tout ça était prévu. Mais dès que les gens sont revenus d’exil et que j’ai dû céder le fauteuil de chef de parti, tout a été bloqué. Toutes ces lois sont des lois organiques. Il faut avoir les ? des députés pour les voter. Si j’avais été là, on les aurait votées. Mais les autres les ont bloquées. C’est comme ça qu’ils conçoivent leur amour pour le pays. Mais moi, ce n’est pas ma vision.
Je crois qu’il n’y aura pas de problème grave entre nous. Il y a des endroits où nous serons obligés de nous asseoir ensemble et discuter pour voir qui est le mieux placé. Si nous sommes les mieux placés, nous demanderons qu’on nous laisse et après on va se retrouver à l’Assemblée.
Par contre, là où ils seront les mieux placés, nous n’insisterons pas. Au contraire, nous les soutiendrons. Evidemment, on ne peut pas dire qu’on ne peut pas se tromper. Il peut y avoir des erreurs mais on va les minimiser. En tout cas, nous ferons tout pour qu’il n’y ait pas de friction importante au cours des campagnes, législative, municipale, et au Conseil général.
N.V. : A quel RPP vous attendez-vous dans les cinq années à venir ?
L.D.F. : Nous allons justement à Yamoussoukro pour dessiner le RPP pour les 5 années à venir.
D’abord j’ai décidé que dans ce parti, il y ait un esprit RPP. Vous savez que je suis passé dans des structures qu’on appelle des grands partis, etc. J’en connais la maladie de l’intérieur. C`est-à-dire les frustrations, des gens inaccessibles, des gens qui ont abusé de leur pouvoir, etc. Ce sont des choses qui n’existeront pas au RPP. Je leur ai dit ça avec force. Deuxièmement, j’ai dit que tous les militants au RPP seront respectés quel que soit leur niveau. Parce que ça aussi, ça a manqué par moments dans des formations que j’ai connues. Troisièmement, toujours au niveau de l’esprit, j’ai demandé que le RPP soit ouvert. Bien que jeune, nous avons des sections en France, en Italie, au Canada, en Angleterre, un peu partout. Quatrièmement, chaque fois qu’un problème social se posera, le RPP sera là. Les problèmes de l’école et de santé nous tiennent à cœur, je vous le dis. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour apporter notre contribution au règlement de ces problèmes. Nous ferons des campagnes dans ce sens. Regardez par exemple ces enrôlements que je n’ai jamais acceptés. ça été une bêtise, parce que je ne peux pas comprendre qu’un pays qui vote depuis avant les indépendances, et surtout qui vote régulièrement depuis 1960, quelles que soient les erreurs commises, on a voté régulièrement et personne n’a remis en cause les résultats de ces élections. Mais mieux, en 1990, avec le multipartisme, il y avait des candidats autres que le nôtre. Comment pouvez-vous donc dire que tout était faux (c’est que le président n’avait pas été élu dans ce cas-là) et recommencer tout à zéro ? C’est là où ils nous ont eu. Moi, j’aurais été à Ouagadougou que je me serais battu pour qu’on déclare nul et de nul effet désormais Marcoussis. On ne devait pas construire Ouagadougou sur Marcoussis. Il fallait demander une nouvelle composition de la Commission électorale indépendante. Le parti du président de la République est minoritaire dans la CEI. Et ce sont les rebelles et certains de leurs alliés, les formations politiques qui y siègent qui sont majoritaires. C’est quoi ça ? Ce n’est pas juste. Comment se fait-il que moi qui ai négocié à Lomé pendant deux mois avec la rébellion, je n’ai pas été invité à Marcoussis, pourquoi ? Au moins avant de continuer les négociations, on devait demander à celui qui négociait de le faire.
N.V : Peut-être parce que vous vous entendiez bien avec le facilitateur d’alors.
LDF : Vous savez, le président Eyadema a été invité à Klébert après Marcoussis. Le Président Chirac lui a téléphoné devant moi pour lui demander d’aller à Klébert. Le président Eyadema a répondu : «Cher ami, je ne viendrai pas à Klébert parce qu’il ne faut quand même pas se moquer de nous. On négocie et brusquement, on ne nous dit rien, on convoque les gens ailleurs et puis ils s’en vont». L’ambassadeur de France de l’époque à Lomé est venu le lendemain supplier le président Eyadema. Il lui a dit : «Ma carrière dépend de votre déplacement, je vous en supplie». Eyadema lui a dit : «On ne négocie pas. Je suis un soldat, je vous ai dit non». Il n’a pas été à Klébert. Je ne sais pas si c’est ça qui l’a tué mais en tout cas, il n’a pas été à Klébert. Et donc il faut le dire avec force, Marcoussis et son gouvernement ont échoué. Quant au deuxième Premier ministre, on ne sait même pas comment il est parti. Je crois que c’est sur la pointe des pieds. On ne connaît pas le jour où il est parti. Ça veut dire que ce qui est mauvais Dieu ne peut pas supporter ça ! Moi, je suis un croyant, je suis pour la vérité et pour l’honnêteté. Nous, on a travaillé autour d’Houphouët, mais c’était un grand monsieur. Et puis ce n’est pas lui qui disait aux gens d’abuser de leur pouvoir. Quelque fois, il ne savait même pas. Et puis je leur ai dit, nous étions dans le même train, mais pas dans le même wagon. Ce n’est pas parce que vous êtes tous dans un parti politique que vous vous ressemblez tous. Je n’étais pas dans le même wagon que certains, ils le savent d’ailleurs. Alors, quand ils n’ont pas voulu me suivre, je les ai laissés et voilà le résultat aujourd’hui. Ceux qui ont voulu écourter le mandat du président, ils l’ont doublé. Ils n’ont pas voulu qu’il travaille dans les conditions normales. Mais n’empêche que c’est lui qui signe les décrets. Que d’autres essaient de signer un décret, un seul, et on va voir ce qui va se passer. Que les gens le veuillent ou non, même pour nommer un petit fonctionnaire, c’est lui qui signe les décrets. Je trouve qu’on a perdu du temps inutilement sur cette affaire d’enrôlement et d’audience foraine. C’est vrai qu’il y avait quelques corrections à faire. Mais on pouvait les faire sans recommencer tout à zéro. Il suffisait de mettre des gens honnêtes, au-dessus de tout soupçon. On enlève les morts et on ajoute les nouveaux majeurs. C’était faisable et ça n’allait pas coûter près de 200 milliards. En trois mois, on aurait fini et on aurait déjà fait les élections.
Interview réalisée par
Abdoulaye Villard Sanogo,
Augustin Kouyo et Boga Sivori
Notre Voie : Généralement, quand on est à la veille des élections comme celle que la Côte d’Ivoire s’apprête à vivre, le 29 novembre et que les partis vont en congrès, c’est pour élire leur candidat. Mais vous, vous avez déjà votre candidat. Pourquoi allez-vous donc en congrès ?
Laurent Dona Fologo : En effet, on peut se poser la question. C’est pourquoi, je dis à mes amis que notre congrès n’est pas un congrès comme les autres. Ce n’est pas un congrès habituel. D’abord, c’est le premier congrès du parti. Le premier congrès d’un parti a pour objet de préciser son orientation et de faire une démonstration de force pour montrer que nous sommes désormais un acteur important sur l’échiquier politique national. Nous n’allons pas pour élire un candidat à la candidature présidentielle. Tout le monde connaît notre position sur cette question. Nous n’allons même pas pour désigner des candidatures aux législatives. Le temps n’est pas encore venu. Nous n’allons pas élire ni le bureau politique ni le secrétaire général. Nous n’allons mettre en place aucune structure particulière du parti. Ce congrès, je l’ai dit, est un congrès de forte mobilisation. Ceci pour montrer que notre parti, bien qu’il soit nouveau, ne fait pas partie de ces partis dont on dit que les militants peuvent tenir dans une cabine téléphonique. Et vous constaterez avec les quatre mille délégués que nous attendons que toutes les régions du pays sans exception sont représentées. Nous voulons aussi que les Ivoiriens sachent que, lorsque nous avons dit que nous avons choisi notre candidat, même s’il ne s’est pas encore déclaré, ce n’était pas pour nous amuser. C’était bien la vérité et nous allons le confirmer publiquement. Notre candidat, bien qu’il ne soit pas notre candidat en particulier, mais en partie, nous allons même le pousser à déclarer sa candidature avant même que sa formation mère ne le fasse. Parce que comme vous savez, le RPP qui est passé d’un statut de mouvement de paix à un statut de parti politique depuis le mois de mai 2008, a décidé de réparer des torts. Nous sommes contre tout ce qui a été entrepris pour bloquer le président de la République, voire pour le renverser. Il y en a même qui disent pour le tuer. Nous sommes contre tout cela.
N.V : Monsieur le président, vous n’allez pas pour changer les statuts, vous n’allez pas pour élire les instances. Alors qu’est-ce que vous allez faire pendant les trois jours à Yamoussoukro en dehors du fait que vous allez réaffirmer le choix de votre candidat?
L.D.F. : Nous allons travailler. Et sérieusement. Depuis deux mois, les responsables du RPP sont au travail. A l’heure où je vous parle, nous avons sorti un document qui s’appelle le projet de société du RPP. Ce projet traduit la position du RPP en tant que parti politique sur les questions nationales importantes comme l’école, la santé, l’agriculture, l’environnement. Il se pourrait que certaines de nos positions coïncident avec les positions d’autres partis politiques. Mais chacun à sa manière de dire les choses et surtout de les exécuter. Deuxièmement, un parti politique, comme vous le savez, a pour objectif la conquête et l’exercice du pouvoir d’Etat. Si nous ne voulons pas conquérir le pouvoir maintenant, parce que nous considérons qu’on n’a pas été juste avec notre président, cela ne veut pas dire que de façon définitive, nous y renonçons. Nous aurons un candidat lorsque nous aurons estimé que nous pouvons en avoir.
Troisièmement, nous avons une série de résolutions sur des questions qui préoccupent la nation. Le président a parlé récemment du problème de l’eau, du problème de sécheresse. Vous savez que je viens d’une région aride. Donc le problème de l’eau est crucial. Le problème de l’agriculture vivrière, le président en a parlé également et nous avons une position là-dessus. Nous avons également une position sur l’école. Vous savez que l’école ivoirienne est dégradée aujourd’hui. Nous faisons des propositions pour la ressusciter. Nous avons également des propositions par rapport à l’environnement qui est très sensible dans le nord plus qu’ici, encore que quand vous allez à la plage aujourd’hui, vous voyez des plages disparaître sous vos yeux à Port-Bouet, à Bassam et ailleurs. Cela est très important. La communauté internationale se réunit pour cela. Il y a très bientôt une conférence à Genève et au mois de novembre une grande conférence à Copenhague. Cela veut dire que c’est un problème extrêmement important. Donc je pense que lorsque vous aurez toutes ces résolutions, vous verrez nos prises de positions. Et comme nous aurons des candidats aux législatives, il faut que les Ivoiriens sachent ce que veut le RPP, ce qu’il ferait s’il était au pouvoir.
N.V : Monsieur le président, votre Secrétaire général dit que votre parti a quelque chose de différent avec les autres partis. Est-ce que vous pouvez nous dire quelle est cette différence ?
L.D.F. : Ce qui est différent, c’est ceci : nous sommes un parti du centre. Nous ne sommes pas des socialistes, mais nous sommes d’accord avec les socialistes sur beaucoup de points. Nous sommes des libéraux centraux. Mais nous sommes en désaccord avec certains libéraux sur d’autres points. Et puis nous faisons des propositions concrètes. Nous ne sommes pas des rêveurs. Nous ne sommes pas de ceux qui font pleuvoir des milliards sur la Côte d’Ivoire et dont ils sont les seuls à voir tomber les gouttes et que nous n’avons jamais vus depuis qu’on nous le promet. Ça aussi c’est une différence. Nous sommes un parti assez pratique. L’épine dorsale du RPP, c’est le social. Le social est l’une des préoccupations des socialistes, mais lorsque ce sont des centristes qui proposent le social, comme le disait le président Houphouët-Boigny, c’est un social hardi. Par exemple, nous disons qu’un Ivoirien ne doit pas mourir de maladie par manque de moyens. Nous sommes pour qu’il y ait des médicaments dans les hôpitaux. Et si nous devrions cotiser une fois par mois pour acheter des médicaments, nous ferions cette campagne-là. Nous disons également qu’il faut trouver une formule pour qu’il n’y ait plus de grèves dans les écoles. Nous sommes contre la grève. La grève est un acquis démocratique, c’est vrai, mais dans un pays sous-développé, il ne faut pas en abuser. Aujourd’hui, vous voyez les résultats scolaires. Certes la guerre explique beaucoup. Mais la guerre ne suffit pas à tout expliquer. C’est pourquoi nous proposons la création d’une commission nationale pour tous les secteurs vitaux qui existent. De sorte que dès qu’un problème important se pose dans un secteur donné, la Commission concernée par la question se réunit rapidement, pour qu’en accord avec les acteurs concernés, elle trouve une solution rapide. Cela pourra nous coûter ce que cela nous coûtera, mais il faut que les Ivoiriens acceptent qu’à diplôme égal, le médecin soit mieux payé, qu’à diplôme égal, l’instituteur soit mieux payé. C’est pourquoi il y a des décrochages. Donc, nous avons des propositions concrètes que ne semblent pas faire d’autres partis politiques.
Nous sommes aussi différents des autres parce que nous sommes contre ceux qui amassent. Nous sommes pour le partage. Nous sommes le seul parti politique libéral à avoir mis dans son appellation le mot «Partage». Nous sommes pour la production. Mais la production doit être partagée équitablement.
N.V. : Parlant justement de partage, on dit que c’est une touche personnelle de M. Fologo pour faire la différence avec son ancien chef de parti dont on dit qu’il ne partage pas ?
L.D.F. : Permettez-moi de ne pas personnaliser les problèmes. Nous avons encore tellement de temps. Nous avons le congrès, nous avons la campagne électorale pour dire un certain nombre de choses. Ce que je peux vous dire, c’est que c’est de façon unanime que les camarades ont accepté qu’on ajoute sur l’appellation de notre parti le mot partage. Nous pensons que les Africains ont le sens du partage, dans les villages, dans les familles et même partout. Alors si on le fait, pourquoi ne pas le dire ? Cela nous oblige à nous efforcer à partager. Je vais vous donner un exemple sans verser dans l’autocélébration. Peut-être que vous avez suivi le président de la République quand il a foulé le sol de Péguékaha. C’est la première fois que je recevais un président de la république chez moi. C’était pour moi une grande fierté, un grand honneur. Vous avez constaté que c’est un village nouveau qui est créé. C’est moi qui ai construit ce village avec toutes mes économies. Aucun paysan de Péguékaha ne peut vous dire qu’il connaît le coût de sa maison en géo béton. Je les ai délogés des cases rondes sénoufo, sans fenêtres, sans hygiène, sans renouvellement d’oxygène, etc., du vieux village sans le casser, pour les reloger dans des maisons plus décentes où il y a renouvellement de l’oxygène. Cela m’a pris mes économies de 30 années de travail. C’est volontairement que je l’ai fait. J’ai été aidé par la BNI qui était à l’époque la caisse autonome d’amortissement qui avait un guichet qu’on appelait «modernisation des villages». Mais j’ai payé la part sociale de tous les paysans. Cela tournait autour de 8 millions, c’était beaucoup pour moi. Vous savez qu’à l’époque les ministres n’étaient pas bien payés. En tout cas, je suis assez fier d’avoir construit un nouveau village pour mes parents. Quand je naissais dans ce village, il n’y avait ni électricité, ni eau potable, ni route, ni dispensaire, ni école, bref, il n’y avait rien. J’avais fait le pari en 1974, que tout ce que je n’ai pas vu à Péguékaha au moment où je naissais, je vais le mettre avant de mourrir. Aujourd’hui nous avons un centre de santé qui est équipé et qui fonctionne avec un infirmier et une sage-femme. Aujourd’hui nous avons la route, le village est loti et électrifié. Mes parents n’ont pas vu l’électricité avant de mourir, mais ceux qui vivent aujourd’hui ont l’électricité. Nous allons inaugurer dans une semaine le château d’eau du village. Nous l’avons obtenu grâce au soutien du ministre de l’énergie et des mines. Nous avons presque fini l’école de 6 classes. J’ai arrêté la construction de ma propre maison que j’étais en train de construire lorsque les rebelles nous ont chassés. Je l’ai abandonnée et j’ai dit, tant que je n’ai pas achevé la construction de l’école, je ne reviens pas aux travaux de cette maison. C’est un cas qui peut paraître personnel, mais je ne suis candidat à rien, donc je peux le dire. Je ne suis même pas candidat à la députation. J’ai déjà fait deux mandats à l’Assemblée. Donc nous voulons prouver par l’acte qu’on peut partager. On n’a pas besoin d’être milliardaire avant de partager. Je crois qu’en vérité, le président Gbagbo et moi, quand bien même nous nous combattions, nous nous ressemblions sans le savoir. Parce que j’ai vu comment il vit. C’est le seul chef d’Etat qui n’a pas de compte bancaire hors du continent. Je dis bien que c’est le seul, si vous connaissez un autre vous pouvez me le dire, moi je n’en connais pas. Cela veut dire qu’il applique le combat auquel il a consacré toute sa vie. Il n’a pas de compte hors de la Côte d’ivoire, ni en Afrique, ni ailleurs, il n’est pas accroché à l’argent comme d’autres. On dit de ses ministres qu’ils ont de grosses voitures, de grosses villas, je n’en sais rien parce que je ne les connais pas. Mais le président Gbagbo en ce qui le concerne, il vit modestement.
N.V. : Monsieur le Président, vous n’êtes candidat à rien. Vous n’êtes pas candidat à la présidentielle, aux législatives encore moins aux municipales. Vous avez pourtant créé un parti politique qui, par essence, a pour objet principal la conquête du pouvoir. Alors qu’est-ce qui vous fait courir ?
L.D.F : Après l’expérience qui est la mienne, après l’itinéraire que vous savez, j’ai pensé que j’avais appris un peu auprès du président Houphouët. Dans un an j’aurai 70 ans, d’ailleurs je vais le célébrer, je vous inviterai. J’ai pensé qu’à cet âge on doit restituer, on doit donner. On ne doit pas chercher à recevoir. J’ai reçu toute ma vie. J’ai commencé à travailler à l’âge de 25 ans à Fraternité Matin. Donc j’estime qu’aujourd’hui, je dois restituer. Nous avons créé ce parti pour prouver à ceux qui pensaient qu’ils étaient les seuls à pouvoir en créer, que c’est parce que nous ne voulions pas en créer. Et que c’est volontairement que nous avons travaillé avec eux. Sinon, nous avons la capacité de créer un parti. Quand le président Gbagbo créait le FPI, il n’était pas milliardaire. C’est la volonté, c’est l’engagement. Et c’est un peu ça que nous faisons. Deuxièmement, je leur ai dit que le moucheron ne peut pas tuer l’éléphant, mais il peut l’empêcher de dormir. Moi j’empêche certains de dormir et je n’ai pas fini. Si j’ai la santé, je suis loin d’avoir fini. Donc on n’a pas nécessairement besoin de viser un poste électif pour apporter sa contribution par une voie ou une autre à la construction nationale, à la construction de la démocratie. C’est le président Gbagbo et la gauche qui ont conquis les éléments essentiels de la démocratie en Côte d’Ivoire. Je veux dire la commission électorale indépendante, le vote à 18 ans, l’urne transparente, le bulletin unique et que sais-je encore ? Tout cela n’existait pas. Ceux qui disent aujourd’hui que les listes ne sont pas propres et ne sont pas affichées à temps, je leur réponds que la constitution existait, mais on n’avait jamais rien affiché ici et personne n’a jamais levé le doigt pour dire que les élections sont fausses. Même le président Gbagbo qui était notre adversaire, n’avait jamais dit qu’Houphouët est mal élu. En 1990, il était candidat, c’est moi qui étais le directeur de campagne du président Houphouët contre lui. Mais quand on a été élu, il a reconnu les résultats. C’est un démocrate. C’est pourquoi je ne suis pas d’accord que son tour venu, on lui crée tous ces problèmes inutiles qui retardent la Côte d’Ivoire et qui ont souillé la réputation de notre pays.
N.V. : Alors est-ce qu’on peut retenir que c’est cette obstination à défendre les valeurs nationales, à défendre la nation, puisque vous êtes le père du “sursaut national”, qui vous a conduit à créer ce parti ?
L.D.F. : Je ne veux pas me jeter les fleurs et dire que je suis le seul à défendre la Nation. Vous avez vu les patriotes quand on nous a attaqués. Mais je crois que vous êtes journaliste et vous avez vu que j’ai été le premier à lancer l’appel à la résistance lorsque le pays a été agressé. Le président de la république était en Italie. Je ne lui avais pas demandé son avis, il n’était pas encore revenu. Au moment où je lançais l’appel la veille, c`est-à-dire le 20 septembre 2002, je ne savais pas où étaient les assaillants. Ils auraient même pu être au Conseil Economique et Social et me descendre après mon appel. Mais j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai dit que si on ne se lève pas, ces gens vont prendre le pays. Et grâce à nos militaires, à nos jeunes, à nos femmes, ils ont fui. Ils sont allés s’installer à Bouaké, mais ils n’ont pas pu prendre Abidjan qui était leur objectif principal. Allez voir aujourd’hui Monrovia, vous allez voir comment se retrouve une capitale lorsqu’elle a connu la guerre. Abidjan n’a pas connu la guerre grâce aux patriotes. Je dis dans le slogan de notre congrès, «La Nation, d’abord la Nation et toujours la Nation». C’est un slogan du RPP. Ça veut dire que pour nous, c’est la Nation. Je suis en train de préparer un livre qui s’appelle «Un amour de Nation». J’aime ma Nation comme on aime une femme. Je veux dire que quel que soit le parti auquel j’appartiens, quand le feu est à la Nation, je ne connais plus de parti. Il faut l’éteindre. C’est ce que j’ai demandé à mes amis, ils n’ont pas voulu me suivre et voilà où nous en sommes. S’ils avaient reconnu les résultats de l’élection de 2000 comme M. Gbagbo avait reconnu les précédentes. S’ils l’avaient reconnu comme le chef de l’Etat, comme il nous avait reconnus à notre tour, on n’en serait pas là. Parce que souvenez-vous, le président avait dit lui-même que cette élection a été calamiteuse, parce qu’il a fallu qu’il sorte pour que les militaires se sauvent. Il avait dit que les vraies élections se passeront en l’an 2005. Cela veut dire qu’il n’envisageait pas poursuivre son mandat au-delà de 2005 sans élections. Donc, on ne peut pas dire aujourd’hui que c’est lui qui ne veut pas des élections. Il a dit avant même la guerre qu’il va y avoir élection en 2005, deux jours après son élection. Nul ne savait ce qui nous attendait. Ceux qui préparaient la guerre, eux, savaient qu’on n’atteindrait pas 2005. Nous ne sommes pas des comploteurs, ni des assaillants, ni des rebelles. C’est cela que je veux dire. Pour moi, la Nation est au- dessus de tout.
N.V. : Monsieur le président, du «Où est le feu ? Il n’y a pas le feu à la maison» en 1993, à l’appel à voter pour Gbagbo aujourd’hui,en passant par cet autre appel au sursaut national en 2002, vous donnez le sentiment de défendre l’Etat, la Côte d’Ivoire. Mais est-ce que vous pensez être compris ?
L.D.F. : Non malheureusement. Mais de plus en plus, j’ai l’impression que beaucoup de gens commencent à me comprendre. Vous pouvez aller au siège du RPP, n’importe quel jour, c’est toujours rempli. La petite demeure que nous avons aux II-Plateaux est devenue trop petite. C’est rempli tous les jours. Et tous les jours, nous recevons des lettres d’adhésion. Nous avons enregistré 301000 adhérents, qui ont pris leur carte à ce jour. C`est-à-dire, des gens qui adhèrent à notre façon de voir les choses. Avec mesure et dans la vérité.
N.V : Quelle vérité vous leur dites ?
LDF : Je pense qu’en Côte d’Ivoire, on aurait dû créer une Commission vérité et réconciliation comme au Libéria et en Afrique du Sud. Ici, on n’a pas osé ajouter vérité. Est-ce que ça veut dire que nous aimons le mensonge ? Or une fois que vous avez craché la vérité, vous vous réconciliez pour de bon. Mais si vous mentez, la réconciliation, elle est artificielle. Je le déplore. De la même manière que je déplore que les gens ne m’aient pas suivi en 2000 lorsque le président a été élu. Et comme par hasard, c’est moi qui suis allé à Abuja à la fin du mandat de 2005 pour défendre la Constitution et permettre qu’on nous laisse tranquille, parce qu’il était prévu dans notre Constitution que le président reste en fonction quand il y a des troubles qui rendent impossible l’organisation d’une quelconque élection. Quand j’ai démontré ça devant, paix à son âme feu madame Sarata Ottro, le président Obassanjo m’a dit qu’il n’avait jamais lu la Constitution ivoirienne et donc il ne savait pas qu’il y avait une disposition qui empêchait la tenue de ce sommet. C’est pourquoi, il était venu ici lorsque le GTI a voulu dissoudre l’Assemblée nationale.
NV : Pour dire que vous avez raison de résister ?
LDF : Il est venu nous donner raison, et il a produit un communiqué officiel avec le président Gbagbo. C’est comme ça que Blé Goudé a mis fin à la grève de la faim qu’il avait entamée bien avant. J’ai trouvé Blé Goudé couché par terre sur un petit matelas avec à côté, le drapeau ivoirien. Je me suis assis à côté de lui, je l’ai supplié pour qu’il arrête la grève de la faim. Je lui ai dit : «Tu as gagné. Le président Obassanjo vient de reconnaître notre combat. Donc il faut arrêter si tu aimes le président Gbagbo. Parce que s’il t’arrive quelque chose ça sera le pire». Il a dit d’accord et je lui ai dit, bois un verre d’eau devant moi, ce qu’il a fait. Vous pouvez lui demander. Il a bu un verre d’eau et puis il a fait une déclaration sur place. C’est comme ça qu’il a arrêté la grève de la faim.
Le lendemain, on a enlevé les barricades partout et on est reparti au travail. Je dis, si on est de bonne foi et si on est honnête, on peut régler tous les problèmes par le dialogue. Mais les gens sont ce qu’ils sont. Les gens croient qu’ils sont nés pour être éternellement les seuls chefs. Ils croient que la présidence de la République n’est pas faite pour d’autres régions. Tant que vous avez ça dans la tête, vous ne pouvez pas faire avancer le pays. N’importe quel Ivoirien peut être président si Dieu le lui permet. Moi, je suis plus âgé que le Président Gbagbo, mais c’est notre président de la République et je le respecte. Chez les Sénoufo, chez nous, c’est comme ça. On respecte les chefs (…). Chez nous dans le village, on n’élit pas un chef. Quand vous naissez, on vous dit voilà la famille des chefs, c’est tout. Le chef du village peut être malade. Même lépreux, il est enfermé dans la maison mais il est le chef du village. C’est comme ça ! Peut-être que je suis marqué par cette culture-là. Pour moi, le chef c’est le chef. Le président Gbagbo a respecté le président Houphouët. Il le combattait démocratiquement, mais il le respectait. La preuve, c’est qu’il poursuit ses travaux. Il y en a qui ont laissé ça pour construire les leurs. Alors !
N.V. : Vous disiez tout à l’heure que vous avez été malheureux de n’avoir pas été compris par certains de vos compatriotes. Pensez-vous que c’est ce qui a fait dire au président du PDCI, tout récemment sur une chaîne étrangère, que ceux qui sont partis du PDCI sont des militants alimentaires ?
L.D.F. : Comme vous le constatez, j’évite de dire des noms parce que je peux faire la politique sans dire des noms. Je leur ai dit que les politiciens alimentaires, on les a connus autour du président Houphouët. Je crois que lorsque le président Houphouët m’a choisi pour être d’abord son directeur de campagne en 1990 contre le président Gbagbo, et ensuite secrétaire général de son parti en 1991, je n’étais pas seul au Comité exécutif. Tous ces gens qui sont là et qui parlent aujourd’hui, ils étaient tous là. Houphouet les connaissait mieux que moi. Mais s’il m’avait choisi, c’est que j’avais un petit plus quelque part. Deuxièmement, il savait que je n’étais pas un militant alimentaire, ni avec lui, ni aujourd’hui. Parce que ceux qui gagnaient de l’argent à l’époque, ce n’était pas avec les salaires de ministre qu’on nous donnait. C’est ceux qui avaient des quotas de cacao, de café, de riz et que sais-je encore et qui avaient de grands projets d’investissement.
D’ailleurs, c’est ceux-là qu’on a accusés plus tard d’avoir fait des surfacturations. Moi, je n’ai jamais signé de contrat. Pendant Côte d’Ivoire 84, c’est moi qui ai retapé le stade Houphouët, le Parc des sports qu’on appelle le Palais des sports. C’est moi qui ai reconstruit le stade de Bouaké. Mais demandez aux entrepreneurs s’ils me connaissent. Aucun entrepreneur ne me connaît et moi, je ne connais aucun. Parce que chacun a fait son travail. Quand j’étais dans ce département, une fois que le ministère des Finances a mis en place le budget, je ne touchais jamais au dossier sauf pour signer lorsque tout était terminé. Malheureusement, mon DAF est décédé, c’était monsieur Dahi Pierre de Gagnoa. Et donc, au moment où les militants alimentaires prospéraient à cette époque-là, je n’ai pas pu être un politicien alimentaire. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais l’être. Lorsque le Président Gbagbo m’a proposé le Conseil économique et social, j’ai hésité et je lui ai dit humblement : «Vos camarades de lutte avec qui vous avez traversé le désert sont là». Il m’a dit : «Je veux justement montrer qu’on peut ne pas être du même parti et travailler ensemble». Souvenez-vous du premier gouvernement qu’il avait fait. On n’a pas besoin d’aller à Marcoussis pour faire un gouvernement d’ouverture. Il l’avait fait déjà. Et il l’avait renouvelé le 5 août 2002. C’est-à-dire un mois avant la guerre. Au moment où on lui préparait la guerre, il renouvelait le gouvernement de large ouverture. Et ceux qui ont fait la guerre étaient entrés dans le gouvernement, souvenez-vous ! Je ne veux pas revenir sur tout ça parce que ça me donne la nausée. Alors, quand ils disent cela, ça me fait rire parce que eux-mêmes savent très bien que je ne suis pas une personnalité alimentaire. J’ai construit cette maison où nous sommes assis (ndlr : sa maison d’habitation) en 20 mois. Et j’ai payé un crédit de 250 mille francs par mois pendant 10 ans. J’ai les traites ici. Je peux les montrer à tout moment. C’est avec une banque de la place que j’ai traité. Elle ne m’a pas fait un franc de cadeau. Et pourtant, j’étais à côté d’Houphouët. J’étais aimé de lui. J’étais même choyé et tout. Et pourtant ! C’est sûrement pour ça qu’il m’avait confié des responsabilités auxquelles les gens ne s’attendaient pas. Je ne suis pas un génie. Mais j’étais propre. Quand on a parlé des affaires sales, je n’étais pas dans le lot. Alors, je leur ai dit que je ne suis pas un militant alimentaire ni un soutien alimentaire. Parce que d’abord, je ne mange pas beaucoup et quand je mange une banane, ça me suffit. Ensuite parce que je n’ai pas cet esprit-là.
N.V. : Monsieur le Président, revenons au congrès qui a lieu à partir de jeudi (aujourd’hui, ndlr). Quelles sont les grandes résolutions qui vont en sortir?
L.D.F. : Les amis qui ont préparé les documents de ce congrès ont mis en place 5 commissions. Après une analyse approfondie, les commissions ont préparé des résolutions sur la politique générale, le projet de société, la politique économique et financière, la politique culturelle et surtout sur l’éducation. Evidemment, je ne vais pas vous les donner avant le congrès. Elles seront présentées aux congressistes, elles seront adoptées en commissions avant d’aller en plénière. Mais ceci étant, je peux vous dire que les points essentiels sur lesquels nous insistons, c’est vraiment le social. Nous pensons que n’eût été cette sale guerre, cette triste rébellion que j’ai appelé le désordre militaro-civil venu de je ne sais où, eh bien, vous connaissez le programment du président Gbagbo, la Côte d’Ivoire aurait changé positivement de visage. Je crois que tout y est clair. Si on lui avait laissé le temps de montrer ce qu’il sait faire, c’est aujourd’hui que nous aurions droit à lui demander des comptes. Mais on l’a empêché d’appliquer son programme et on lui demande des comptes. Je vois des gens se promener partout, des faiseurs de pluies de milliards et crier partout, «rien ne va dans le pays, si vous me le donnez dans un mois, dans un an, tout ira très bien». Mais personne ne rappelle d’où nous vient le mal. (…) Il y a des gens qui ont fait deux mois en brousse avant d’arriver à Abidjan à pied. Des gens qui se sont déguisés avec des barbes, pour échapper aux tueurs. J’ai des photos. Moi-même, j’ai été bloqué à Bouaké alors que j’allais aux obsèques de mon frère. Pendant 5 ans, je n’ai pas pu aller chez moi. Et pendant ce temps, il y a d’autres Ivoiriens qui y allaient tranquillement. Si on veut rappeler tout cela, on ne peut pas aller à la paix. Je suis obligé d’avaler ça parce que j’ai accepté l’application de l’Accord politique de Ouagadougou. Mais je suis obligé de vous dire la vérité parce que je sais que tôt ou tard la vérité sera dite. Mais je ne reviens pas sur la page tournée. Donc pour revenir sur ce que je disais, notre point focal c’est le social. D’ailleurs, on ne peut pas dire que c’est un vrai parti au sens idéologique du terme. Regardez sur l’échiquier politique international. J’ai dit au président Gbagbo que vous les socialistes, vous arrivez au moment où toutes ces idéologies n’ont plus de sens. Vous arrivez au moment de la mondialisation. Au moment où le camp soviétique s’est écroulé. Au moment où le camp de l’Est est en morceaux et où l’Occident règne en maître. Et c’est ça qui nous a envoyé la crise financière internationale dans laquelle nous sommes. Donc chaque système a montré ses limites. Dans ces conditions, il est urgent que l’Afrique cherche sa propre voie. Ce n’est ni l’une, ni l’autre.
N.V. : Selon vous quelle pourrait être cette voie ?
L.D.F. : Je pense que l’essentiel serait le social. Et l’Afrique doit exiger le respect de la souveraineté de ses Etats. Le président Houphouët disait : «Nous, nous avons acquis l’indépendance nominale, politique. Mais la vraie indépendance viendra plus tard. C’est avec vous les jeunes. Quand vous serez capables de discuter avec les autres d’égal à égal, vous parlerez de vraie indépendance». Il était donc conscient que cette indépendance était artificielle. Pour moi, l’heure qu’il avait prophétisée est arrivée aujourd’hui. C’est pourquoi, je dis que le vrai successeur d’Houphouët, c’est Gbagbo. Entre les deux, c’est une parenthèse. Nous avons vécu une parenthèse constitutionnelle et le coup d’Etat. La preuve, tous les plans d’Houphouët qui existaient et qui étaient dans les cartons, le vrai successeur les a sortis. Tout le monde est là pour le voir quand même. Le transfert de la capitale, l’hôpital, etc. Ecoutez, à l’époque il y avait de l’argent réservé à l’hôpital. Pourquoi on n’a pas sorti cet argent pour construire cet hôpital? Alors, il faut être juste dans la vie et rendre à César ce qui est à César. Cela ne veut pas dire que le président Gbagbo est parfait. Il n’y a aucun chef qui n’a pas de défaut et qui n’est pas critiquable. C’est pour cela que la démocratie est là. Mais on ne peut pas avoir pour programme de gouvernement la haine. Ce programme de gouvernement-là, je ne le suivrai jamais.
N.V. : Monsieur le Président, vous avez dit que votre parti sera présent aux élections locales. Est-ce que vous entrevoyez déjà les difficultés qui interviendraient entre vous et vos alliés de la présidentielle ?
L.D.F. : Je pense que nous sommes des hommes sérieux et raisonnables. Il y a des villes où il y a eu tellement de frustrés de divers horizons que nous sommes sûrs que le candidat RPP va passer. Dans de telles villes, nous dirons à nos amis de nous laisser conduire les listes. Parce que ce qui est important, si les choses se passent comme nous le souhaitons, à l’Assemblée nationale, quels que soient les groupes parlementaires, les alliances doivent se faire pour qu’on vote les projets de loi qui viendront de l’exécutif. Notamment, les lois organiques. Le plus important, ce n’est pas de dire : «J’ai tel nombre de députés». Mais même si tel est le cas, vous êtes obligé d’avoir des alliés. Le président Gbagbo, dans son programme de gouvernement, avait décidé de doter le pays de tous les organes juridiques d’un vrai Etat moderne. Il a juste eu le temps de mettre le Conseil constitutionnel. Il allait mettre le Conseil d’Etat, la Cour de cassation, la Cour des comptes, le Sénat. Tout ça était prévu. Mais dès que les gens sont revenus d’exil et que j’ai dû céder le fauteuil de chef de parti, tout a été bloqué. Toutes ces lois sont des lois organiques. Il faut avoir les ? des députés pour les voter. Si j’avais été là, on les aurait votées. Mais les autres les ont bloquées. C’est comme ça qu’ils conçoivent leur amour pour le pays. Mais moi, ce n’est pas ma vision.
Je crois qu’il n’y aura pas de problème grave entre nous. Il y a des endroits où nous serons obligés de nous asseoir ensemble et discuter pour voir qui est le mieux placé. Si nous sommes les mieux placés, nous demanderons qu’on nous laisse et après on va se retrouver à l’Assemblée.
Par contre, là où ils seront les mieux placés, nous n’insisterons pas. Au contraire, nous les soutiendrons. Evidemment, on ne peut pas dire qu’on ne peut pas se tromper. Il peut y avoir des erreurs mais on va les minimiser. En tout cas, nous ferons tout pour qu’il n’y ait pas de friction importante au cours des campagnes, législative, municipale, et au Conseil général.
N.V. : A quel RPP vous attendez-vous dans les cinq années à venir ?
L.D.F. : Nous allons justement à Yamoussoukro pour dessiner le RPP pour les 5 années à venir.
D’abord j’ai décidé que dans ce parti, il y ait un esprit RPP. Vous savez que je suis passé dans des structures qu’on appelle des grands partis, etc. J’en connais la maladie de l’intérieur. C`est-à-dire les frustrations, des gens inaccessibles, des gens qui ont abusé de leur pouvoir, etc. Ce sont des choses qui n’existeront pas au RPP. Je leur ai dit ça avec force. Deuxièmement, j’ai dit que tous les militants au RPP seront respectés quel que soit leur niveau. Parce que ça aussi, ça a manqué par moments dans des formations que j’ai connues. Troisièmement, toujours au niveau de l’esprit, j’ai demandé que le RPP soit ouvert. Bien que jeune, nous avons des sections en France, en Italie, au Canada, en Angleterre, un peu partout. Quatrièmement, chaque fois qu’un problème social se posera, le RPP sera là. Les problèmes de l’école et de santé nous tiennent à cœur, je vous le dis. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour apporter notre contribution au règlement de ces problèmes. Nous ferons des campagnes dans ce sens. Regardez par exemple ces enrôlements que je n’ai jamais acceptés. ça été une bêtise, parce que je ne peux pas comprendre qu’un pays qui vote depuis avant les indépendances, et surtout qui vote régulièrement depuis 1960, quelles que soient les erreurs commises, on a voté régulièrement et personne n’a remis en cause les résultats de ces élections. Mais mieux, en 1990, avec le multipartisme, il y avait des candidats autres que le nôtre. Comment pouvez-vous donc dire que tout était faux (c’est que le président n’avait pas été élu dans ce cas-là) et recommencer tout à zéro ? C’est là où ils nous ont eu. Moi, j’aurais été à Ouagadougou que je me serais battu pour qu’on déclare nul et de nul effet désormais Marcoussis. On ne devait pas construire Ouagadougou sur Marcoussis. Il fallait demander une nouvelle composition de la Commission électorale indépendante. Le parti du président de la République est minoritaire dans la CEI. Et ce sont les rebelles et certains de leurs alliés, les formations politiques qui y siègent qui sont majoritaires. C’est quoi ça ? Ce n’est pas juste. Comment se fait-il que moi qui ai négocié à Lomé pendant deux mois avec la rébellion, je n’ai pas été invité à Marcoussis, pourquoi ? Au moins avant de continuer les négociations, on devait demander à celui qui négociait de le faire.
N.V : Peut-être parce que vous vous entendiez bien avec le facilitateur d’alors.
LDF : Vous savez, le président Eyadema a été invité à Klébert après Marcoussis. Le Président Chirac lui a téléphoné devant moi pour lui demander d’aller à Klébert. Le président Eyadema a répondu : «Cher ami, je ne viendrai pas à Klébert parce qu’il ne faut quand même pas se moquer de nous. On négocie et brusquement, on ne nous dit rien, on convoque les gens ailleurs et puis ils s’en vont». L’ambassadeur de France de l’époque à Lomé est venu le lendemain supplier le président Eyadema. Il lui a dit : «Ma carrière dépend de votre déplacement, je vous en supplie». Eyadema lui a dit : «On ne négocie pas. Je suis un soldat, je vous ai dit non». Il n’a pas été à Klébert. Je ne sais pas si c’est ça qui l’a tué mais en tout cas, il n’a pas été à Klébert. Et donc il faut le dire avec force, Marcoussis et son gouvernement ont échoué. Quant au deuxième Premier ministre, on ne sait même pas comment il est parti. Je crois que c’est sur la pointe des pieds. On ne connaît pas le jour où il est parti. Ça veut dire que ce qui est mauvais Dieu ne peut pas supporter ça ! Moi, je suis un croyant, je suis pour la vérité et pour l’honnêteté. Nous, on a travaillé autour d’Houphouët, mais c’était un grand monsieur. Et puis ce n’est pas lui qui disait aux gens d’abuser de leur pouvoir. Quelque fois, il ne savait même pas. Et puis je leur ai dit, nous étions dans le même train, mais pas dans le même wagon. Ce n’est pas parce que vous êtes tous dans un parti politique que vous vous ressemblez tous. Je n’étais pas dans le même wagon que certains, ils le savent d’ailleurs. Alors, quand ils n’ont pas voulu me suivre, je les ai laissés et voilà le résultat aujourd’hui. Ceux qui ont voulu écourter le mandat du président, ils l’ont doublé. Ils n’ont pas voulu qu’il travaille dans les conditions normales. Mais n’empêche que c’est lui qui signe les décrets. Que d’autres essaient de signer un décret, un seul, et on va voir ce qui va se passer. Que les gens le veuillent ou non, même pour nommer un petit fonctionnaire, c’est lui qui signe les décrets. Je trouve qu’on a perdu du temps inutilement sur cette affaire d’enrôlement et d’audience foraine. C’est vrai qu’il y avait quelques corrections à faire. Mais on pouvait les faire sans recommencer tout à zéro. Il suffisait de mettre des gens honnêtes, au-dessus de tout soupçon. On enlève les morts et on ajoute les nouveaux majeurs. C’était faisable et ça n’allait pas coûter près de 200 milliards. En trois mois, on aurait fini et on aurait déjà fait les élections.
Interview réalisée par
Abdoulaye Villard Sanogo,
Augustin Kouyo et Boga Sivori