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Société Publié le lundi 14 septembre 2009 | Le Temps

Soro Mamadou (Sg du Synesci) - “Nos conditions pour une année scolaire apaisée”

Accusés très souvent, à tort ou à raison, d'être à la base des souffrances de l'école pour leur trop grand activisme syndical, les enseignants, par la voix de Soro Mamadou, secrétaire général du Syndicat des enseignants du secondaire de Côte d'Ivoire, situent les responsabilités. Dans un entretien-vérité prenant parfois l'allure de procès de la tutelle.
80% d'échec au Bac, 77% au Bepc. De mauvais résultats qualifiés d'historiques par certains observateurs de l'école ivoirienne. Qu'en pense l'enseignant et le responsable syndical que vous êtes ?
Les émotions étant tombées, nous pouvons maintenant féliciter les élèves qui se sont admirablement battus pour être reçus à leurs examens. Nous ne pouvons que les féliciter et les encourager pour leur ardeur au travail. Nous voulons ensuite traduire nos encouragements et notre solidarité à la grande majorité qui n'ont pas eu les notes nécessaires pour obtenir qui le Baccalauréat, qui le Bepc. Aux parents d'élèves, je demande de prendre courage. Puisqu'à regarder de plus près, l'ensemble des résultats est négatif. Plus de la moitié ayant échoué. Mais nous, en tant que technicien, qui, chaque année sommes au parfum des résultats, ce n'est pas une surprise. Puisque, effectivement, depuis près de 20 ans, les résultats ont toujours oscillé entre un taux de réussite de 20 à 35%. Nous ne sommes donc pas surpris. Parce qu'effectivement, il y a des causes lointaines et des causes immédiates.
Quelques unes de ces causes ?
Nous notons que depuis près de 25 ans, l'Etat de Côte d'Ivoire s'est désengagé des investissements au niveau de l'école. D'un budget d'investissement qui était de l'ordre de près de 28% aujourd'hui, on est à 0,18%. Cela veut dire que l'investissement au niveau de l'école est nul. En clair, il n'y a plus de construction d'écoles. Si bien que nous sommes arrivés à une situation d'engorgement dans les salles de classe. La moyenne est aujourd'hui, de cent élèves dans les classes de Terminale. C'est difficile. On est en situation de foule. Donc l'apprentissage est quasiment impossible. Nous notons également que l'administration elle-même doit prendre des mesures pour que l'interdiction du recrutement parallèle soit une réalité. Parce que nous avons noté qu'en dépit de la décision, lors de la réunion de rentrée, d'interdire le recrutement parallèle partout, il s'est fait. Et, en dépit de nos dénonciations, rien n'y fit. Aucune sanction.
Vous semblez pourtant, en tant qu'enseignant, profiter de cette mesure. Puisque vous avez droit à des places dans vos établissements.
C'est la face hideuse de l'opération. On veut faire croire qu'il y a des enseignants qui réclament des places alors que c'est l'administration et la tutelle qui voulant justifier le grand lot de recrutés parallèlement, offrent une place aux enseignants pour justifier les 3 225 cas injectés dans les effectifs. Donc, il y a la question du recrutement parallèle et aussi la question de la méthode pédagogique utilisée. Avec la Formation par objectif (Fpo), on n'a pas fait de bilan concret pour voir les forces, les faiblesses et dégager des perspectives sur la base des faiblesses de la formation par objectif. On a plutôt introduit d'autorité la Formation par compétence (Fpc). Pourtant, 90% des enseignants méconnaissent cette méthode pédagogique. Si bien qu'en réalité, elle n'est pas appliquée tant dans sa technicité que dans sa force motrice. Résultat, on a affaire à un enseignement hybride sans un fondement de lisibilité. Ce sont toutes ces raisons qu'il faut analyser.
En évoquant les raisons de la débâcle, pourquoi ne faites vous pas cas du fait que vous avez été constamment en grève au cours de cette année ?
Nous n'avons pas été constamment en grève. C'est la première remarque que je voulais faire. Nous avons plutôt observé deux arrêts de travail en janvier et en mars. Et les deux arrêts ont duré au total 20 jours. C'est-à-dire 10 jours chacun.
Vous avez tout de même bloqué les copies pendant tout un trimestre ?
La démarche d'un syndicaliste citoyen, c'est une démarche qui permet à l'autorité de négocier. Voyez-vous, nous avons adressé un ultimatum d'un mois au gouvernement. Si le gouvernement était attentif et avait voulu que l'école fonctionne normalement, pendant ce mois, il aurait tout mis en œuvre pour qu'avant l'expiration de l'ultimatum, une solution soit trouvée. Un mois durant, l'autorité, dans une indifférence méprisante, a ignoré notre ultimatum. En dépit de tous les rappels. Chaque semaine, on faisait un rappel concernant notre ultimatum, mais rien n'y fit. C'est à partir de ce moment que nous avons décidé d'initier une action qui ne puisse pas gripper l'appareil. Mais qui puisse encore donner une chance à la tutelle. C'est pourquoi nous avons entamé la rétention des notes d'évaluation, à partir du 11 novembre. En dépit de cette action, aucune négociation n'a été engagée par le gouvernement jusqu'à ce qu'on arrive aux congés de noël. C'est pourquoi, dès le retour, nous avons déposé un préavis. Mais pis, en dépit du dépôt du préavis aucune négociation n'a été engagée jusqu'à ce que nous observions l'arrêt de travail. Vous comprenez à partir de là que les syndicalistes, que nous sommes, avons témoigné toute notre bonne foi et notre rigueur en vue d'engager le dialogue social. Malheureusement, dans un dialogue, il faut deux parties.
N'est-ce pas parce que vous faisiez monter les enchères ?
Pour parler d'enchères, il faut une négociation pour que chacun présente ce qu'il veut. Mais il n' y a pas eu de négociation. Comment pouvez-vous savoir qu'il y a eu enchère montée ? Mais nous ne demandions qu'un simple petit décret.
Un décret n'est pas aussi simplement petit…
Je dis bien simple parce qu'à la télévision, par un matraquage médiatique, on n'a voulu faire croire que nous demandions des montagnes d'or. Alors qu'on ne demandait qu'on parachève le processus de profil de carrière pour lequel le décret avait déjà été pris le 31 décembre 2007. Donc deux ans après, nous avons demandé qu'on prenne un autre décret pour achever cette œuvre qui est une œuvre de reclassement pure et simple. Même les 20 jours d'arrêt de travail ont été rattrapés par les enseignants. Pour preuve, tous les programmes ont été achevés et les révisions ont été faites avant les examens. Donc ce n'est pas la grève qui a influencé les résultats. Je pense que les raisons sont des raisons de fond. Avec des classes surchargées, la mauvaise méthode pédagogique appliquée, la non formation des enseignants à ces méthodes. Il faut donc s'y attaquer.
Mais les enseignants ont quand même leur part de responsabilité.
Je crois qu'il faut laisser de côté les émotions. Je demande d'observer les résultats depuis 10 ans. Ils oscillent entre 20 et 35%, c'est donc dans la fourchette. Si c'était de la responsabilité des enseignants, nous aurions fait changer ça. Quand une salle de classe du second cycle doit compter au maximum 23 élèves et qu'il en compte 100, je crois qu'on est en situation de non classe.
Est-ce que cela peu justifier que des enseignants vendent les notes ?
J'aurais pu vous répondre par la négative. Dans un ensemble, on fait un ratio. Quel est le ratio des enseignants qui vendent les notes et le ratio des enseignants qui font consciencieusement leur travail. Le ratio est largement à l'avantage de ceux qui continuent de faire consciencieusement et patiemment leur travail. En tout cas, en matière de conscience professionnelle, les enseignants sont les plus conscients professionnellement. C'est pourquoi, ils sont rigoureux quand ils posent leurs revendications. Mais si vous allez dans tout corps socioprofessionnel, il y a toujours des inconscients. Et surtout quand on a affaire à 21352 enseignants au niveau de l'enseignement secondaire et technique. Si vous avez cent brebis galeuses, en faisant le ratio, vous vous rendez compte que ce n'est rien. C'est un corps propre. C'est cela que vous devez retenir.
L'année dernière a été très tumultueuse du fait des grèves que vous avez observées. Quelle assurance donnez-vous pour l'année prochaine ?
Le syndicaliste agit par rapport au traitement dont il fait l'objet de la part de son employeur. Si réellement le premier novembre, notre reclassement est fait ; si réellement après le premier novembre, les enseignants ne sont pas insultés par la tutelle ou par son supérieur hiérarchique ; si des enseignants ne sont pas injustement frappés par des élèves ; injustement incarcérés pour des motifs fallacieux, pourquoi allons-nous nous mettre en grève? L'année va bien se dérouler. Donc le bon déroulement de l'année est entre les mains de l'autorité compétente.
Vous étiez quand même en négociation vers la fin de l'année. Où en êtes-vous ?
Comme il a eu à le faire en mars, le président de la république a encore engagé le dialogue direct avec les enseignants, le 27 juin dernier, qui a abouti le 29 juin à la signature du décret 2009-208 portant sur le nouveau traitement des enseignants. Partant de là, c'est tout un processus qui est engagé jusqu'au premier novembre.
Au bout de ce processus, quels sont, en chiffre, les acquis des enseignants ?
Le décret 76-22 date du 9 janvier 1976. Il faut donc noter que nous bénéficions aujourd'hui, d'une nouvelle grille. Anciennement, la grille était de 1015 d'indices pour les professeurs Cap-cm, 1070 pour les professeurs licenciés et 1225 pour les professeurs certifiés. Avec ce nouveau décret, nous allons donc à une nouvelle grille. A savoir 1225 comme indices de départ pour les Cap-cm. Les licenciés ne vont plus être recrutés. Donc, ceux qui sont sur le terrain et les Capes sont reversés en A4 avec comme indice de départ 1330. Donc, il y a un léger progrès quant à la rémunération. Ensuite, les aînés qui sont déjà en poste vont bénéficier du déblocage de leurs avancements indiciaires. Donc il y aura une revalorisation salariale selon l'ancienneté. Plus on est ancien, plus le salaire est bonifié. Par exemple, un professeur certifié qui totalise 20 ans de service, a droit à dix avancements. Dans l'ancien grade A3, on va compter les dix avancements. Ce qui laisse découvrir qu'il devrait être payé à l'indice 2380 par l'Etat. Mais l'Etat continue de le payer à l'indice 1225 ce qui est anormal. On viendra donc dans le grade A4, rechercher les 2380. On trouve plutôt un équivalent de 2460. Ce qui fait que ce monsieur qui était payé à l'indice 1225, sera désormais payé à l'indice 2460. Ce qui lui fait une bonification indiciaire de 1235 points. Donc près du double du salaire.
On peut donc au regard de votre démonstration s'assurer que tout est aplani avec la tutelle ?
En tant que syndicalistes, nous sommes quand même surpris. Puisque, quand le Président de la République lui-même, premier responsable de ce pays, a initié la négociation les 27-28 juin pour signer le décret le 29 du même mois, nous pensons que cela a marqué la décrispation, le consensus entre les enseignants et le Président de la République. Si bien que nous avons appelé les enseignants à ouvrir les centres, à organiser les examens et à s'éloigner de la fraude pour faire des examens de qualité. Vous voyez d'ailleurs bien que les résultats reflètent la qualité. Quand cela est fait, pour nous c'est la décrispation totale. Mais nous sommes surpris que pendant que le Président de la République décrispe, un ministre dise que les enseignants sont les fossoyeurs de l'école. Veut-on véritablement qu'on parle des fossoyeurs ? Mais qu'on nous dise alors qui a fait 3225 recrutements parallèles ? Quand on a fini de surcharger les salles de classe, on ne peut accuser les enseignants qui croupissent sous le travail. Quand on se refuse à toute négociation pendant qu'on a un préavis de grève datant de deux ou trois mois sur la table, au point que le Président de la République décide de négocier lui-même directement, où veut-on trouver les fossoyeurs ?
Que pensez-vous de l'application de la formation par compétence (FPC) ?
Au cours d'une réunion que nous avons eue le 6 août 2009 au cabinet, nous avons donné notre position. Nous pensons qu'il faut suspendre impérativement la Fpc. Et la tutelle, apparemment, nous a compris. Puisque ce jour- là, elle nous a dit qu'elle le ferait. Mais jusqu'à ce jour, on attend la déclaration. Il faut suspendre la formation par compétence, continuer à former les enseignants et, une fois que les 90% auront assimilé la méthode, on va l'appliquer. Si les formateurs ne sont pas formés, on n'aura pas de résultat.
Vos solutions pour sauver l'école...
Nous avons participé ardemment à l'élaboration du plan triennal, dans le cadre du Dsrp (Document stratégique de réduction de la pauvreté). Et nous avons mis l'accent, en ce qui nous concerne la construction d'écoles : 9000 classes pour le primaire, 160 collèges et 40 lycées. Si avec la tutelle, on a pu embrasser ce programme, ce serait tant mieux.
Interview réalisée par Emmanuel Fofana
efofana7@yahoo.fr
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