C’est devenu une tradition. A la fin de chaque tournée, le candidat Alassane Dramane Ouattara se soumet volontiers au feu roulant des questions de la presse. La règle a été respectée à Bouaflé. Pendant plusieurs minutes, les journalistes ont fait avec ADO le tour du monde et le point sur la tournée qu’il venait d’achever. Nous vous proposons l’intégralité des échanges.
Propos liminaires
Je voudrais dire que je suis très heureux de cette deuxième tournée. Je crois qu’elle s’est bien passée, la mobilisation a été bonne, les messages ont été bien reçus. Nous avons pu rencontrer des groupes de chefs avec qui nous avons discuté et qui manifestement comprennent que le pays ne peut pas rester dans cet immobilisme et qu’il est important d’aller de l’avant et que nous,nous avons un programme pour ce faire. Je suis très content. Tout à l’heure nous avons une dernière visite chez une personnalité de la région assez âgée. Je tiens beaucoup à présenter mes respects aux personnalités qui ont tant fait pour le pays. Chaque fois que je suis dans une région j’essaie de le faire discrètement et quelques fois malheureusement ce n’est pas aussi discret parce que la presse est vigilante. J’ai cette visite tout à l’heure. J’étais surtout très ému hier (vendredi dernier ndlr) à Zuenoula quand je suis allé m’incliner sur la tombe de notre premier directeur régional, Alexandre Djè Bi Djè qui a été un homme de courage, de fidélité, un grand militant et un excellent conseiller,un grand sage de son vivant. Je lui rends hommage à nouveau. Je suis prêt à répondre à vos questions et à écouter vos suggestions
Q : nous voudrions vous féliciter pour cette brillante sortie. Monsieur le président l’opinion nationale avait l’impression que vous aviez pris une longueur d’avance sue vos adversaires dans la course à la présidentielle. Puis sont intervenus des évènements tels que le sondage de Sofres, l’accès palustre dont vous avez été victime à Gagnoa. Après ce coup de froid, quel est votre état d’esprit et à quel niveau situez vous vos actions pour la campagne
Alassane Dramane Ouattara : Je vous remercie. J’ai déjà parlé des sondages. Je crois que c’était à Abengourou. Je ne ferai plus de commentaire sur la question. J’ai dit que moi je préfère la réalité, je préfère le terrain, je préfère les contacts avec les populations, je préfère parler des problèmes des Ivoiriens. Et surtout, leur dire les solutions que je propose. Les Ivoiriens choisiront en tant réel. Si l’opinion croit à toute ces propagandes payées par le contribuable – car ce se sont des centaines de millions qui sont donnés à ces institutions (et je suis sûr que ce n’est pas le dernier sondage) – elle prend le risque d’être déstabilisée. Et déstabiliser l’opinion, c’est l’objectif de ceux qui commanditent ces sondages. Rencontrons-nous dans la campagne et que chaque candidat dise ce qu’il va faire pour les Ivoiriens. Puis allons à l’élection le 29 novembre. Les Ivoiriens choisiront. Je suis très serein par rapport à tout cela. D’ailleurs, peut être que les sondages ne sont plus vraiment nécessaires, puisque un de ceux-ci avait annoncé que sur les 6 millions d’enrôlés, il y avait 4 millions qui étaient favorables au Chef de l’Etat. Si c’est le cas, je ne vois pas le rôle de ces sondages et tous ces discours et affirmations qui l’accompagnent. Je dirais que c’est de la pure manipulation, c’est de la propagande. Je n’en tiens pas compte. Je continue mon action sur le terrain. D’ailleurs, la semaine prochaine, je serai dans le N’Zi Comoé.
Q : la campagne comme on le voit, nécessite beaucoup de moyens. Si je mets dans la perspective d’un report de l’élection présidentielle, le RDR a-t-il les moyens de supporter tout report de l’élection présidentielle, en termes de mobilisation de ressource ?
- Monsieur le président, après ce que vous avez souffert durant votre parcours politique, vos adversaires ne doivent-ils pas craindre que vous fassiez une chasse aux sorcières, si vous accédez au pouvoir d’Etat?
ADO : je pense que le RDR est un parti qui a grandi sur toute cette période de 15 ans. C’est un parti fort qui à plus de 800 000 militants. Nous, nous sommes confiants que l’élection aura lieu le 29 novembre. Il n’y pas de doute sur la question. Nous avons les moyens de financer cette campagne. Si par extraordinaire la campagne devrait être reportée à 2015, nous aurions encore les moyens pour la financer. Ceux qui jouent sur le temps se trompent. Les moyens seront là parce que le RDR est un parti qui a de l’énergie et qui a les moyens. Pour la deuxième question, je prends toujours exemple sur Mandela. Certains ont dit que c’était de la prétention, ce n’est pas de la prétention, parce que je l’ai rencontré à maintes occasions. C’est moi qui l’ai accueilli ici après sa sortie de prison, le Président Houphouët était à Yamoussoukro, souvenez-vous. Certains sont jeunes pour s’en souvenir, mais c’est moi qui l’ai accueilli à l’aéroport. On a traversé la ville ensemble, je l’ai logé au Palais. Ensuite nous sommes montés ensemble dans l’avion pour Yamoussoukro. Nous étions 4 dans l’entretien. Thabo M’Beki était avec lui, moi, j’étais avec le Président Houphouët, nous sommes restés des heures. Je l’ai raccompagné ensuite à Abidjan. C’est pour vous dire que c’est quelqu’un que j’ai écouté. Au delà de cette période, quand j’ai été nommé directeur général adjoint du fonds, j’ai réservé ma première visite au Président Mandela en Afrique du sud, en février 95. Je l’ai ensuite rencontré au Gabon puis à Washington. J’ai eu souvent l’occasion de parler avec lui. A ces occasions, je lui ai toujours posé la question de savoir comment il était arrivé à oublier les 27 années de prison, où on lui donnait quasiment des pierres à tailler. Il m’a dit : «mon fils, ce n’est que par le pardon qu’on peut construire une nation». J’ai fait de cela ma devise. Quand je dis que j’ai pardonné, j’ai vraiment pardonné. Je l’ai fait très sincèrement. Vous parlez de chasse aux sorcières. Non, ce n’est pas dans mes habitudes. Souvenez-vous, quand j’étais Premier ministre, il n’y a pas eu de chasse aux sorcières. Je me souviens que j’ai quelques fois nommé, contre l’avis de certains, des cadres qui étaient reconnus comme militants du FPI à des fonctions importantes dans l’administration. J’ai annoncé publiquement qu’une fois élu, je formerai un gouvernement de rassemblement avec tous les partis politiques. L’administration doit être une administration de compétence, une administration d’efficacité, une administration d’action. Et non pas une administration basée sur le tribalisme et la politique politicienne. Je ne peux pas faire le tour du pays, tenir des propos et me renier par la suite. Ce n’est pas mon genre. Retenez cela et vous pourrez me juger une fois élu, car je respecterai scrupuleusement tout ce que j’annonce dans cette campagne. La Côte d’Ivoire a besoin de paix. C’est par le pardon, c’est par la réconciliation que nous allons véritablement avoir une paix durable, que nous allons reconstruire notre pays et que nous allons amener nos compatriotes à vivre ensemble, dans le bonheur et dans le progrès.
Q : permettez-moi, monsieur le président, de revenir sur la tenue de l’élection le 29 novembre. Juste avant d’entamer votre tournée dans la Marahoué, vous avez rencontré le Président Blaise Compaoré. Avec lui, avez-vous évoqué l’éventualité d’un report de ces élections? De quoi avez-vous parlé ?
ADO : Vous avez raison, le Président Compaoré a fait preuve d’une amabilité et d’une compréhension. Il est d’ailleurs reconnu pour sa courtoisie. Parce que quand nous avons eu l’information concernant sa visite officielle, on nous a dit qu’il était prévu qu’il rencontre le président Bédié à 11h et moi-même à midi. Je l’ai fait contacter par son représentant, M Badini, pour lui dire que j’avais une obligation dans la Marahoué et que je partais le 17 septembre pour rentrer le 19 et que c’était une date fixée après un report qu’il m’était difficile de solliciter à nouveau. Il m’était donc difficile de rencontrer le Président Blaise Compaoré à la date indiquée, j’ai donc demandé qu’il voit dans qu’elle mesure il pourrait me recevoir avant mon départ pour la Marahoué. C’est ainsi qu’il m’a reçu le 16 à 21 h, après qu’il soit arrivé à Abidjan ce jour là à 20h ou 20h30. J’étais accompagné de Mme la secrétaire générale, qui n’est pas là aujourd’hui ainsi que Amadon Gon et Aly Coulibaly. Nous avons échangé sur le processus. Nous lui avons indiqué que nous tenions à la date du 29 novembre. Nous sommes surpris des retards qu’il y a eu. Nous lui avons proposé, en tant que facilitateur, qu’il puisse identifier ceux qui sont responsables des retards et les mettre en garde pour qu’il n’y ait plus de nouveau retard. C’était le premier point. Pour le second point, nous lui avons proposé que le chronogramme puisse être réaménagé pour réduire certains délais attribués à certaines tâches afin que la
date du 29 novembre soit respectée. Selon nos informations, cela est encore possible. Si nous considérons que le processus a été jusque là consensuel et que les structures chargées de l’opération reçoivent les financements à la bonne date, le 29 novembre est encore possible avec plus d’efficacité de la part des uns et des autres. Nous avons déjà indiqué qu’il fallait dire à la CEI qu’elle est responsable des élections. Et qu’elle doit tout faire pour que le premier tour ait lieu le 29 novembre. Pour nous, il n’est pas question d’envisager une autre date. Il faut que ces élections aient lieu, parce que chaque semaine qui passe est une semaine de perdue pour la Côte d’Ivoire. Nous n’avons pas de temps à perdre. Nous voulons arriver aux affaires avant la fin de l’année.
Q : Monsieur le président, je voudrais revenir sur la date du 29. Sur la question, le Président Compaoré a indiqué qu’il faut éviter des élections bâclées. Avec les retards qui s’accumulent, les élections du 29 ne seront-elles pas des élections bâclées ?
ADO : vous savez, je suis en déplacement, je n’ai donc pas écouté le Président Compaoré. Mais il a raison de dire qu’il faut éviter des élections bâclées. C’est pour cela que ce processus en Côte d’Ivoire, qui est l’un des plus chers au monde, a été mis en œuvre avec toutes ces structures qui sont impliquées : la CEI d’abord, SAGEM, un opérateur international, l’INS, l’ONI, la CSNI. Si après tout cet aréopage de structures, on doit aller à des élections bâclées, c’est à se décourager. Je ne pense pas que les élections puissent être bâclées en Côte d’Ivoire. On nous promet que la liste provisoire sera prête avant la fin du mois. Deux mois, après nous pouvons faire les élections. Le Nigeria a sorti sa liste provisoire un mois avant les élections, je ne prends pas le Gabon en exemple compte tenu de sa population, là-bas c’étaient 8 jours. Deux mois suffisent pour faire le contentieux, on me dit que les cartes d’électeur et les cartes d’identité sont en train d’être confectionnées. Il n’y a aucun obstacle. S’il y a un problème maintenant, c’est qu’il y a quelqu’un qui bloque. Cette personne doit être identifiée, indiquée au Conseil de sécurité de l’ONU.
Q. Nous sommes aujourd’hui, 19 septembre 2009, cela fait 7 ans que la Côte d’Ivoire est en crise. Quel bilan faites-vous de ces 7 longues années ?
ADO : je pense que je n’ai pas de bilan à faire. Tout le monde constate l’état du pays aujourd’hui. Je pense que cette crise est regrettable. C’est aussi regrettable que la Côte d’Ivoire se trouve dans cette détérioration avancée pour diverses raisons. Je ne veux pas remuer le couteau dans la plaie mais, j’estime que c’est du temps perdu pour la Côte d’Ivoire. C’est pour cela que nous voulons des élections rapidement pour effacer ces années perdues.
Q : monsieur le président, au cours du meeting vous avez dénoncé l’exclusion notamment, les délits de faciès et de patronymes dans l’exécution de documents administratifs, des passeports. Il revient également, selon des témoignages que certains de vos collaborateurs, seraient victimes de ces choses-là. Comment expliquez vous que ces pratiques qui sont à l’origine de la guerre reviennent de plus belle ?
ADO : je pense qu’il faut tout simplement constater que ces problèmes n’ont pas trouvé de solutions définitives. C’est seulement quand nous aurons un véritable Etat de droit dans la pratique et que nous serons convaincus que le régime est démocratique que chacun aura à jouer son rôle et à l’appliquer de manière ouverte et équitable, que nous finirons avec ces pratiques. Beaucoup de cas nous ont été rapportés. Cela est regrettable et même dommageable. Nous considérons qu’il faut que cela change. Cela fait partie du changement dont j’ai parlé ce matin. Il faut que la Côte d’Ivoire avance et que ces pratiques soient derrière nous. La nationalité est un droit, ce n’est pas une faveur.
Q : monsieur le président, vous avez été reçu par le Président Sarkozy, il n’y a pas longtemps. Quand nous avons suivi le ministre, nous avons compris que vous avez des relations avec le Président Obama. A quand la rencontre avec Obama ?
ADO : j’envoie en éclaireur le Président Gbagbo (rire dans la salle, ndlr). Je pense que je ne sais pas quoi vous dire mais je trouve toutes ces agitations, ces supputations un peu bizarres. Parce que l’amitié est une chose qui se construit. Je me souviens que quand j’étais Premier ministre, il m’avait été signalé qu’un certain Henry Emmanuelli, qui était président de l’Assemblée nationale avait accueilli Laurent Gbagbo à l’aéroport, parce que c’était son ami. Je crois qu’ils sont nés le même jour, pas la même année. Ils s’appellent jumeaux. Il a des amis comme Emmanuelli, moi j’ai des amis comme Sarkozy. La vie est ainsi faite. Chacun à ses amis et j’ai d’autres amis et même des collaborateurs qui sont dans le gouvernement américain à de hauts postes de responsabilité. Je ne vais pas en faire un fond de commerce. Ce qui est important, c’est de faire en sorte que chacune de ces relations servent la Côte d’Ivoire. Quand je suis à Paris, j’ai le Président Sarkozy au téléphone ou je le vois. Trois fois sur quatre, la presse ne le sait pas. De temps en temps, c’est su. Mais c’est un ami. Pour moi, ce n’est pas vraiment le Président de la République que je vais voir. C’est mon ami avec qui on se tutoie, on se connaît depuis beaucoup d’années. Quand on voit un ami, on évoque avec lui un certain nombre d’informations, d’analyses, on parle de la Côte d’Ivoire, on parle de l’économie mondiale, on parle de son action en France, ainsi de suite. Tout cela me parait tout à fait normal. Mais en faire une préoccupation, démontre que peut-être l’amitié n’est pas sincère. Pour moi, elle l’est.
Q : Par anticipation, quelle est, monsieur le président, votre message pour la communauté musulmane à le veille de la fête du Ramadan ?
ADO : en tant que bon musulman, j’attends qu’on voie la lune, que je fasse la prière avant de faire ma prière. Ce sera un message de paix, de réconciliation et surtout je demanderai à Allah le Tout Puissant de continuer de protéger la Côte d’Ivoire et de faire en sorte que les enfants du pays réapprennent à vivre ensemble, dans la paix, une paix durable et sincère.
Q. Sur une télévision internationale, le Président a évoqué un probable report de 2 semaines à 3 semaines. Pourtant, dans vos discours vous n’êtes pas pour un report. Que feriez-vous en cas de report ?
ADO : Comme je l’ai dit, le Président Compaoré nous a reçu le mercredi soir à 21 h, je vois ai dit ce que nous nous sommes dits. Nous avons insisté sur la date du 29 novembre. Nous n’avons pas parlé de report. Maintenant, il devrait rencontrer les différents acteurs du processus, à l’issue de ces rencontres, s’il a l’intime conviction qu’un report s’impose, je pense qu’il a la possibilité de demander une réunion du CPC pour en discuter. En tout état de cause, nous, nous voulons avoir notre propre évaluation pour nous assurer qu’il n’y pas de manœuvre dilatoire et de volonté réelle de retarder les élections pour gagner une semaine ou 2. Nous ne sommes pas d’accord. Il faut en débattre au CPC.
Q. l’un des messages qui est revenu est que vous comptez gagner les élections au premier tour. Dans le même temps, certains de vos cadres soutiennent qu’aucun des candidats en lice ne pourra gagner l’élection au premier tour. Je suis un peu surpris de ce message
ADO. Bien entendu, quand on regarde la composition politique et électoral du pays, à priori, on peut dire que personne ne peut gagner ces élections au premier tour. Mais une chose est certaine, c’est qu’au niveau des suffrages exprimés auquel le RDR a participé, le RDR sort comme le premier parti en Côte d’Ivoire. Nous avons gagné les municipale, non seulement en nombre de commune mais en nombre de voix, ensuite aux conseils généraux nous n’avons pas gagné en nombre de localités mais en nombre de voix. Nous, nous connaissons notre implantation à travers le pays. Nous connaissons aussi l’implantation des autres partis. Nous voyons les résultats de notre campagne. Mon objectif est de gagner au premier tour. Cela dépend de mes concitoyens.
Recueillis Thiery Latt
envoyé spécial
Propos liminaires
Je voudrais dire que je suis très heureux de cette deuxième tournée. Je crois qu’elle s’est bien passée, la mobilisation a été bonne, les messages ont été bien reçus. Nous avons pu rencontrer des groupes de chefs avec qui nous avons discuté et qui manifestement comprennent que le pays ne peut pas rester dans cet immobilisme et qu’il est important d’aller de l’avant et que nous,nous avons un programme pour ce faire. Je suis très content. Tout à l’heure nous avons une dernière visite chez une personnalité de la région assez âgée. Je tiens beaucoup à présenter mes respects aux personnalités qui ont tant fait pour le pays. Chaque fois que je suis dans une région j’essaie de le faire discrètement et quelques fois malheureusement ce n’est pas aussi discret parce que la presse est vigilante. J’ai cette visite tout à l’heure. J’étais surtout très ému hier (vendredi dernier ndlr) à Zuenoula quand je suis allé m’incliner sur la tombe de notre premier directeur régional, Alexandre Djè Bi Djè qui a été un homme de courage, de fidélité, un grand militant et un excellent conseiller,un grand sage de son vivant. Je lui rends hommage à nouveau. Je suis prêt à répondre à vos questions et à écouter vos suggestions
Q : nous voudrions vous féliciter pour cette brillante sortie. Monsieur le président l’opinion nationale avait l’impression que vous aviez pris une longueur d’avance sue vos adversaires dans la course à la présidentielle. Puis sont intervenus des évènements tels que le sondage de Sofres, l’accès palustre dont vous avez été victime à Gagnoa. Après ce coup de froid, quel est votre état d’esprit et à quel niveau situez vous vos actions pour la campagne
Alassane Dramane Ouattara : Je vous remercie. J’ai déjà parlé des sondages. Je crois que c’était à Abengourou. Je ne ferai plus de commentaire sur la question. J’ai dit que moi je préfère la réalité, je préfère le terrain, je préfère les contacts avec les populations, je préfère parler des problèmes des Ivoiriens. Et surtout, leur dire les solutions que je propose. Les Ivoiriens choisiront en tant réel. Si l’opinion croit à toute ces propagandes payées par le contribuable – car ce se sont des centaines de millions qui sont donnés à ces institutions (et je suis sûr que ce n’est pas le dernier sondage) – elle prend le risque d’être déstabilisée. Et déstabiliser l’opinion, c’est l’objectif de ceux qui commanditent ces sondages. Rencontrons-nous dans la campagne et que chaque candidat dise ce qu’il va faire pour les Ivoiriens. Puis allons à l’élection le 29 novembre. Les Ivoiriens choisiront. Je suis très serein par rapport à tout cela. D’ailleurs, peut être que les sondages ne sont plus vraiment nécessaires, puisque un de ceux-ci avait annoncé que sur les 6 millions d’enrôlés, il y avait 4 millions qui étaient favorables au Chef de l’Etat. Si c’est le cas, je ne vois pas le rôle de ces sondages et tous ces discours et affirmations qui l’accompagnent. Je dirais que c’est de la pure manipulation, c’est de la propagande. Je n’en tiens pas compte. Je continue mon action sur le terrain. D’ailleurs, la semaine prochaine, je serai dans le N’Zi Comoé.
Q : la campagne comme on le voit, nécessite beaucoup de moyens. Si je mets dans la perspective d’un report de l’élection présidentielle, le RDR a-t-il les moyens de supporter tout report de l’élection présidentielle, en termes de mobilisation de ressource ?
- Monsieur le président, après ce que vous avez souffert durant votre parcours politique, vos adversaires ne doivent-ils pas craindre que vous fassiez une chasse aux sorcières, si vous accédez au pouvoir d’Etat?
ADO : je pense que le RDR est un parti qui a grandi sur toute cette période de 15 ans. C’est un parti fort qui à plus de 800 000 militants. Nous, nous sommes confiants que l’élection aura lieu le 29 novembre. Il n’y pas de doute sur la question. Nous avons les moyens de financer cette campagne. Si par extraordinaire la campagne devrait être reportée à 2015, nous aurions encore les moyens pour la financer. Ceux qui jouent sur le temps se trompent. Les moyens seront là parce que le RDR est un parti qui a de l’énergie et qui a les moyens. Pour la deuxième question, je prends toujours exemple sur Mandela. Certains ont dit que c’était de la prétention, ce n’est pas de la prétention, parce que je l’ai rencontré à maintes occasions. C’est moi qui l’ai accueilli ici après sa sortie de prison, le Président Houphouët était à Yamoussoukro, souvenez-vous. Certains sont jeunes pour s’en souvenir, mais c’est moi qui l’ai accueilli à l’aéroport. On a traversé la ville ensemble, je l’ai logé au Palais. Ensuite nous sommes montés ensemble dans l’avion pour Yamoussoukro. Nous étions 4 dans l’entretien. Thabo M’Beki était avec lui, moi, j’étais avec le Président Houphouët, nous sommes restés des heures. Je l’ai raccompagné ensuite à Abidjan. C’est pour vous dire que c’est quelqu’un que j’ai écouté. Au delà de cette période, quand j’ai été nommé directeur général adjoint du fonds, j’ai réservé ma première visite au Président Mandela en Afrique du sud, en février 95. Je l’ai ensuite rencontré au Gabon puis à Washington. J’ai eu souvent l’occasion de parler avec lui. A ces occasions, je lui ai toujours posé la question de savoir comment il était arrivé à oublier les 27 années de prison, où on lui donnait quasiment des pierres à tailler. Il m’a dit : «mon fils, ce n’est que par le pardon qu’on peut construire une nation». J’ai fait de cela ma devise. Quand je dis que j’ai pardonné, j’ai vraiment pardonné. Je l’ai fait très sincèrement. Vous parlez de chasse aux sorcières. Non, ce n’est pas dans mes habitudes. Souvenez-vous, quand j’étais Premier ministre, il n’y a pas eu de chasse aux sorcières. Je me souviens que j’ai quelques fois nommé, contre l’avis de certains, des cadres qui étaient reconnus comme militants du FPI à des fonctions importantes dans l’administration. J’ai annoncé publiquement qu’une fois élu, je formerai un gouvernement de rassemblement avec tous les partis politiques. L’administration doit être une administration de compétence, une administration d’efficacité, une administration d’action. Et non pas une administration basée sur le tribalisme et la politique politicienne. Je ne peux pas faire le tour du pays, tenir des propos et me renier par la suite. Ce n’est pas mon genre. Retenez cela et vous pourrez me juger une fois élu, car je respecterai scrupuleusement tout ce que j’annonce dans cette campagne. La Côte d’Ivoire a besoin de paix. C’est par le pardon, c’est par la réconciliation que nous allons véritablement avoir une paix durable, que nous allons reconstruire notre pays et que nous allons amener nos compatriotes à vivre ensemble, dans le bonheur et dans le progrès.
Q : permettez-moi, monsieur le président, de revenir sur la tenue de l’élection le 29 novembre. Juste avant d’entamer votre tournée dans la Marahoué, vous avez rencontré le Président Blaise Compaoré. Avec lui, avez-vous évoqué l’éventualité d’un report de ces élections? De quoi avez-vous parlé ?
ADO : Vous avez raison, le Président Compaoré a fait preuve d’une amabilité et d’une compréhension. Il est d’ailleurs reconnu pour sa courtoisie. Parce que quand nous avons eu l’information concernant sa visite officielle, on nous a dit qu’il était prévu qu’il rencontre le président Bédié à 11h et moi-même à midi. Je l’ai fait contacter par son représentant, M Badini, pour lui dire que j’avais une obligation dans la Marahoué et que je partais le 17 septembre pour rentrer le 19 et que c’était une date fixée après un report qu’il m’était difficile de solliciter à nouveau. Il m’était donc difficile de rencontrer le Président Blaise Compaoré à la date indiquée, j’ai donc demandé qu’il voit dans qu’elle mesure il pourrait me recevoir avant mon départ pour la Marahoué. C’est ainsi qu’il m’a reçu le 16 à 21 h, après qu’il soit arrivé à Abidjan ce jour là à 20h ou 20h30. J’étais accompagné de Mme la secrétaire générale, qui n’est pas là aujourd’hui ainsi que Amadon Gon et Aly Coulibaly. Nous avons échangé sur le processus. Nous lui avons indiqué que nous tenions à la date du 29 novembre. Nous sommes surpris des retards qu’il y a eu. Nous lui avons proposé, en tant que facilitateur, qu’il puisse identifier ceux qui sont responsables des retards et les mettre en garde pour qu’il n’y ait plus de nouveau retard. C’était le premier point. Pour le second point, nous lui avons proposé que le chronogramme puisse être réaménagé pour réduire certains délais attribués à certaines tâches afin que la
date du 29 novembre soit respectée. Selon nos informations, cela est encore possible. Si nous considérons que le processus a été jusque là consensuel et que les structures chargées de l’opération reçoivent les financements à la bonne date, le 29 novembre est encore possible avec plus d’efficacité de la part des uns et des autres. Nous avons déjà indiqué qu’il fallait dire à la CEI qu’elle est responsable des élections. Et qu’elle doit tout faire pour que le premier tour ait lieu le 29 novembre. Pour nous, il n’est pas question d’envisager une autre date. Il faut que ces élections aient lieu, parce que chaque semaine qui passe est une semaine de perdue pour la Côte d’Ivoire. Nous n’avons pas de temps à perdre. Nous voulons arriver aux affaires avant la fin de l’année.
Q : Monsieur le président, je voudrais revenir sur la date du 29. Sur la question, le Président Compaoré a indiqué qu’il faut éviter des élections bâclées. Avec les retards qui s’accumulent, les élections du 29 ne seront-elles pas des élections bâclées ?
ADO : vous savez, je suis en déplacement, je n’ai donc pas écouté le Président Compaoré. Mais il a raison de dire qu’il faut éviter des élections bâclées. C’est pour cela que ce processus en Côte d’Ivoire, qui est l’un des plus chers au monde, a été mis en œuvre avec toutes ces structures qui sont impliquées : la CEI d’abord, SAGEM, un opérateur international, l’INS, l’ONI, la CSNI. Si après tout cet aréopage de structures, on doit aller à des élections bâclées, c’est à se décourager. Je ne pense pas que les élections puissent être bâclées en Côte d’Ivoire. On nous promet que la liste provisoire sera prête avant la fin du mois. Deux mois, après nous pouvons faire les élections. Le Nigeria a sorti sa liste provisoire un mois avant les élections, je ne prends pas le Gabon en exemple compte tenu de sa population, là-bas c’étaient 8 jours. Deux mois suffisent pour faire le contentieux, on me dit que les cartes d’électeur et les cartes d’identité sont en train d’être confectionnées. Il n’y a aucun obstacle. S’il y a un problème maintenant, c’est qu’il y a quelqu’un qui bloque. Cette personne doit être identifiée, indiquée au Conseil de sécurité de l’ONU.
Q. Nous sommes aujourd’hui, 19 septembre 2009, cela fait 7 ans que la Côte d’Ivoire est en crise. Quel bilan faites-vous de ces 7 longues années ?
ADO : je pense que je n’ai pas de bilan à faire. Tout le monde constate l’état du pays aujourd’hui. Je pense que cette crise est regrettable. C’est aussi regrettable que la Côte d’Ivoire se trouve dans cette détérioration avancée pour diverses raisons. Je ne veux pas remuer le couteau dans la plaie mais, j’estime que c’est du temps perdu pour la Côte d’Ivoire. C’est pour cela que nous voulons des élections rapidement pour effacer ces années perdues.
Q : monsieur le président, au cours du meeting vous avez dénoncé l’exclusion notamment, les délits de faciès et de patronymes dans l’exécution de documents administratifs, des passeports. Il revient également, selon des témoignages que certains de vos collaborateurs, seraient victimes de ces choses-là. Comment expliquez vous que ces pratiques qui sont à l’origine de la guerre reviennent de plus belle ?
ADO : je pense qu’il faut tout simplement constater que ces problèmes n’ont pas trouvé de solutions définitives. C’est seulement quand nous aurons un véritable Etat de droit dans la pratique et que nous serons convaincus que le régime est démocratique que chacun aura à jouer son rôle et à l’appliquer de manière ouverte et équitable, que nous finirons avec ces pratiques. Beaucoup de cas nous ont été rapportés. Cela est regrettable et même dommageable. Nous considérons qu’il faut que cela change. Cela fait partie du changement dont j’ai parlé ce matin. Il faut que la Côte d’Ivoire avance et que ces pratiques soient derrière nous. La nationalité est un droit, ce n’est pas une faveur.
Q : monsieur le président, vous avez été reçu par le Président Sarkozy, il n’y a pas longtemps. Quand nous avons suivi le ministre, nous avons compris que vous avez des relations avec le Président Obama. A quand la rencontre avec Obama ?
ADO : j’envoie en éclaireur le Président Gbagbo (rire dans la salle, ndlr). Je pense que je ne sais pas quoi vous dire mais je trouve toutes ces agitations, ces supputations un peu bizarres. Parce que l’amitié est une chose qui se construit. Je me souviens que quand j’étais Premier ministre, il m’avait été signalé qu’un certain Henry Emmanuelli, qui était président de l’Assemblée nationale avait accueilli Laurent Gbagbo à l’aéroport, parce que c’était son ami. Je crois qu’ils sont nés le même jour, pas la même année. Ils s’appellent jumeaux. Il a des amis comme Emmanuelli, moi j’ai des amis comme Sarkozy. La vie est ainsi faite. Chacun à ses amis et j’ai d’autres amis et même des collaborateurs qui sont dans le gouvernement américain à de hauts postes de responsabilité. Je ne vais pas en faire un fond de commerce. Ce qui est important, c’est de faire en sorte que chacune de ces relations servent la Côte d’Ivoire. Quand je suis à Paris, j’ai le Président Sarkozy au téléphone ou je le vois. Trois fois sur quatre, la presse ne le sait pas. De temps en temps, c’est su. Mais c’est un ami. Pour moi, ce n’est pas vraiment le Président de la République que je vais voir. C’est mon ami avec qui on se tutoie, on se connaît depuis beaucoup d’années. Quand on voit un ami, on évoque avec lui un certain nombre d’informations, d’analyses, on parle de la Côte d’Ivoire, on parle de l’économie mondiale, on parle de son action en France, ainsi de suite. Tout cela me parait tout à fait normal. Mais en faire une préoccupation, démontre que peut-être l’amitié n’est pas sincère. Pour moi, elle l’est.
Q : Par anticipation, quelle est, monsieur le président, votre message pour la communauté musulmane à le veille de la fête du Ramadan ?
ADO : en tant que bon musulman, j’attends qu’on voie la lune, que je fasse la prière avant de faire ma prière. Ce sera un message de paix, de réconciliation et surtout je demanderai à Allah le Tout Puissant de continuer de protéger la Côte d’Ivoire et de faire en sorte que les enfants du pays réapprennent à vivre ensemble, dans la paix, une paix durable et sincère.
Q. Sur une télévision internationale, le Président a évoqué un probable report de 2 semaines à 3 semaines. Pourtant, dans vos discours vous n’êtes pas pour un report. Que feriez-vous en cas de report ?
ADO : Comme je l’ai dit, le Président Compaoré nous a reçu le mercredi soir à 21 h, je vois ai dit ce que nous nous sommes dits. Nous avons insisté sur la date du 29 novembre. Nous n’avons pas parlé de report. Maintenant, il devrait rencontrer les différents acteurs du processus, à l’issue de ces rencontres, s’il a l’intime conviction qu’un report s’impose, je pense qu’il a la possibilité de demander une réunion du CPC pour en discuter. En tout état de cause, nous, nous voulons avoir notre propre évaluation pour nous assurer qu’il n’y pas de manœuvre dilatoire et de volonté réelle de retarder les élections pour gagner une semaine ou 2. Nous ne sommes pas d’accord. Il faut en débattre au CPC.
Q. l’un des messages qui est revenu est que vous comptez gagner les élections au premier tour. Dans le même temps, certains de vos cadres soutiennent qu’aucun des candidats en lice ne pourra gagner l’élection au premier tour. Je suis un peu surpris de ce message
ADO. Bien entendu, quand on regarde la composition politique et électoral du pays, à priori, on peut dire que personne ne peut gagner ces élections au premier tour. Mais une chose est certaine, c’est qu’au niveau des suffrages exprimés auquel le RDR a participé, le RDR sort comme le premier parti en Côte d’Ivoire. Nous avons gagné les municipale, non seulement en nombre de commune mais en nombre de voix, ensuite aux conseils généraux nous n’avons pas gagné en nombre de localités mais en nombre de voix. Nous, nous connaissons notre implantation à travers le pays. Nous connaissons aussi l’implantation des autres partis. Nous voyons les résultats de notre campagne. Mon objectif est de gagner au premier tour. Cela dépend de mes concitoyens.
Recueillis Thiery Latt
envoyé spécial