Le deuxième ouvrage de Charles Blé Goudé, “D`un stade à un autre” est en librairie depuis le 19 septembre. Il se présente sous la forme d’un recueil de nouvelles mettant en scène des faits politiques de la Côte d`Ivoire en crise. Ces faits se laissent lire isolement mais entretiennent un lien. L`auteur use de symboles pour peindre les tableaux dans une dynamique d`espaces et d`attitudes. Dans la forme comme dans le fond, l`ouvrage est une cohabitation des symboles et des contraires. Les symboles de l`espace et des sports, les contraires des couleurs, des tableaux. L`opposition des mentalités, des aptitudes morales, des actes et des acteurs. Les différents antagonismes que présente “D`un stade à un autre” de Charles Blé Goudé, sont soutenus par une narration sans vernis. Ces oppositions sont mises en scène dans des tableaux où la dynamique des actions féconde des idées nouvelles, des actes nouveaux, des hommes nouveaux. Tout change, tout bouge pour déboucher sur un pays nouveau, un continent nouveau. Avec l`auteur, jeune africain, le lecteur se convainc que sur le nouveau stade, la partie se termine par la victoire de la conscience africaine. Edité par Frat-Mat édition, ce deuxième ouvrage de Blé Goudé après “Crise ivoirienne, ma part de vérité” sorti en 2006 chez l`éditeur du même nom, est en librairie depuis le 19 septembre. “D`un stade à un autre” est un livre de 133 pages. En page de présentation, le contraire des couleurs : “D`un stade” est en rouge et “à un autre” est en bleu”. Le nom de l`auteur en blanc. Les gratins du premier stade sont vides. Et sur l`aire de jeu, se trouve un ballon de rugby. Le second stade est plein de spectateurs. Et sur la pélouse, se trouve un ballon de foot-ball. Avec un seul ticket de 3000FCFA, on entre dans les deux espaces par une préface de Jean-Baptiste Akrou, Directeur général de Fraternité Matin, et on en sort par un postface de Zio Moussa, journaliste et collaborateur de M. Akrou pendant plusieurs années. La trame du livre est présentée sous la forme d`une Nouvelle ( genre littéraire qui raconte plusieurs petites histoires indépendantes les unes des autres). Dans le cas d`espèce, les histoires “D`un stade à un autre” entretiennent un lien. Il y a 10 chapitres. Le chapitre1 a donné son titre à l`ouvrage. Nous assumer Les photographies de l`intérieur sont celles des personnalités de l`histoire politique de la Côte d`Ivoire. Le choix des couleurs et des images et même le choix de la date de sortie (19 septembre) ne sont pas fortuits : elles entrevoient la trame de la “Nouvelle” : la crise ivoirienne déclenchée, le 19 septembre 2002. Aussi les champs syntaxiques et sémantiques de chaque fait reflètent-ils la crise ivoirienne. Les actes posés pour résoudre cette crise mais aussi les attitudes nécessaires de nos jours pour nous assumer en tant qu`Africains dans notre vie quotidienne, dans la façon de concevoir et vivre la politique et dans nos rapports avec l`Occident singulièrement avec la France, l`ex-puissance coloniale. Ce qui autorise à considérer “D`un stade à un autre” comme un essai politique. “D`un stade à un autre”, en tant que premier chapitre, est la narration et l`opinion de l`auteur d`une part, sur la table ronde de Linas-Marcoussis du 15 au 30 janvier 2003 , et d`autre part sur la cérémonie de la Flamme de la paix, le 30 juillet 2007 pour célébrer la paix retrouvée, suite à l`Accord politique de Ouagadougou (APO) signé le 4 mars 2007. Les antagonismes sont tenus par deux champs lexicaux opposés. D`un côté, l`on a des mots comme injuste, victime, injonction, enfermement, prison, hégémonie, néocolonialisme, domination, humiliation, infantilisation ; des groupes de mots tels prise du pouvoir par les armes, caractère carcéral, caractère raciste, tutelle dominatrice. Une dynamique du temps et des mentalités De l`autre côté, on note entre autres, les termes et groupes de mots suivants : dialogue direct, accord ivoiro-ivoirien, adhésion, légitimité, liberté, dignité, reconnaissance des institutions. Les premiers mots provoquent l`indignation et la colère, la déchirure et l`affrontement. On comprend dès lors le choix de la couleur rouge des caractères de “D`un stade”, le premier stade. C`est le rouge sang, le sang d`une Côte d`Ivoire déchirée. Une déchirure née du déclenchement de la guerre et accentuée par les initiateurs et animateurs de la table ronde de Linas-Marcoussis. Par conséquent, ils sont peu nombreux ceux qui sont surpris par le fait que la rencontre débouche sur un échec. Les autres mots expriment la paix retrouvée sans contrainte et donc garantissent le succès. La symbolique des sports: “Du stade de rugby de Linas- Marcoussis au stade de football de Bouaké, que de chemin parcouru à travers la symbolique des espaces et des sports. Dans l`enfermement de la banlieue parisienne au centre d`entrainement d`un sport,-le rugby-fait de brutalité et de violence, la Côte d`Ivoire déjà divisée se déchire un peu plus. Les divisions s`accentuent. Au stade municipal de Bouaké, espace ouvert et de liberté réservé à un sport roi-le football-les Ivoiriens se rapprochent, se réunissent et s`unissent``, écrit l`auteur à la page 35. Là-bas on a infantilisé les responsables politiques ivoiriens, on a humilié les institutions ivoiriennes. Ici les Africains ont prouvé qu`ils pouvaient s`assumer en réglant eux-mêmes leurs problèmes. Le chapitre 2, “le temps du changement, le temps des ruptures” fonctionne également en terme d`opposition et de contraires dans une dynamique du temps et des mentalités. Le temps d`Houphouet-Boigny est différent d`aujourd`hui. Le temps d`Houphouët ne dit rien aux jeunes qui, aujourd`hui ont 22 ans. Le premier Président ivoirien est mort il y a 16 ans. Charles Blé Goudé plaint alors les hommes politiques qui se réclament de lui au sein du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) et qui veulent utiliser son nom pour espérer gagner les élections. “La réalité de l`époque d`Houphouet-Boigny, n`est plus exactement celle d`aujourd`hui. Par conséquent, nous avons bien peur que le RHDP et ses barons ne tiennent des discours en déphasage totale avec les réalités actuelles. Ils gagneraient à écrire leurs propres projets de société qui prennent en compte les aspirations de la population, ce qui leur permettra de marquer eux aussi leur temps comme Félix Houphouet-Boigny” lit-on à la page 43. Si dans le premier chapitre, l`auteur avait déjà lancé à un appel aux Africains à s`assumer face à leurs contradictions et que dans le deuxième chapitre, il a conseillé aux hommes politiques ivoiriens de l`opposition à se forger eux-mêmes et donc à créer la rupture, dans le troisième chapitre, il invite les jeunes à prendre en main leur destin. Charles Blé Goudé leur conseille de frayer leur propre chemin, de faire leur propre lit car le temps où on comptait sur les papas est révolu. Ce temps-là, c`était celui du règne du PDCI-RDA où pour avoir une situation sociale enviable, il fallait être le fils ou l`ami d`un baron du régime. Selon lui, nous sommes passés “De l`époque des fils à papa au temps des papas à fils”. Des fils nés dans des familles pauvres ont su, par leur travail, se hisser au sommet et qui aujourd`hui “font” leurs papas. Les jeunes Ivoiriens sont-ils à la recherche des modèles ? Ils les trouveront en Didier Drogba, Touré Yaya, Alpha Blondy et en Laurent Gbagbo. Ce dernier a un parcours et une aura tels qu`Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara ne peuvent nullement constituer un handicape pour lui. C`est la réponse au chapitre 4 : “Bédié et ADO : handicap ou atout pour Gbagbo ?”. “Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara, parce qu`ils manquent de vision politique, d`idées novatrices et de courage, ne sont pas des obstacles sur le chemin de Laurent Gbagbo, mais plutôt un atout”, (page 65). Appel aux initiatives constructives Ici encore, c`est la mise en parallèles des contraires. MM. Bédié et Ouattara sont tous les deux des héritiers d`Houphouet-Boigny et selon Charles Blé Goudé, ils se battent pour leur amour propre, ils défendent des intérêts égoistes. Alors que chaque fois qu`il en a l`occasion, Laurent Gbagbo met en exergue l`intérêt supérieur de la Nation. Ce chapitre est également une invitation à tous les hommes politiques ivoiriens à proposer des programmes de gouvernement et des projets de société. Le livre est un appel aux initiatives constructives. L`auteur rend alors témoignage de cette logique par ses propres actions : l`accord du café de Versailles (chapitre 5) et la caravane de la paix (chapitre 6). Charles Blé Goudé rapporte que pour ces initiatives, il n`a quelquefois pas été compris mais dit les assumer parce que les ayant trouvées opportunes et justes pour la cause de la paix. Est-ce cette bataille pour la paix que véhiculent les caractères en blanc du nom de l`auteur dès la première page de couverture ? Une chose est affirmée. C`est que la cause l`a poussé à se surpasser pour approcher les ennemis d`hier dont des acteurs clés de l`ex-rébellion. Il le dit dans “Ma rencontre avec Wattao”, chapitre 8. “D`un stade à un autre” n`est-il pas un cheminement de l`inimitié à l`amitié, de la guerre à la paix, de la haine au pardon ? Si ! Surtout qu`au plus haut niveau, Laurent Gbagbo et Guillaume Soro en avait donné l`exemple à travers le dialogue direct. Le pardon pour libérer des énergies nouvelles et se libérer de la France, l`ex-tutelle coloniale. D`ailleurs, aujourd’hui, si nous voulons nous émanciper, “Que pouvons-nous espérer de la France ?”, chapitre 9. Rien, selon l`auteur.Et quelle que soit l`idéologie du locataire de l`Elysée. Si les Africains comprennent qu`ils sont capables de féconder des idées novatrices, alors ils peuvent s`assumer, et si par le travail et l`effort individuel des uns et des autres, ils peuvent se construire et construire leurs pays respectifs, s`ils peuvent savoir que les temps des pères fondateurs et des fils à papas sont révolus, alors “Il y a de l`espoir” (chapitre10) pour que triomphe la conscience africaine.
Dan Opéli dan.opeli@yahoo.fr
Dan Opéli dan.opeli@yahoo.fr