x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Société Publié le mercredi 7 octobre 2009 | Nord-Sud

Hadj 2009 : Ils n’iront pas à La Mecque parce qu’ils sont âgés

Les conditions à remplir pour effectuer le pèlerinage à La Mecque cette année sont difficiles. Celle concernant l’âge limite fixée à 70 ans semble la plus pénible. A l’Institut nationale d’hygiène publique de Treichville où se font les examens de sang et les vaccinations, plusieurs personnes sont refoulées. Reportage.

« Quoi !..., semble s’exclamer S. Amidou, étonné devant la dame qui le reçoit. Je suis trop vieux pour effectuer le pèlerinage… ». La dame lui répète l’information : l’âge limite, c’est 70 ans. Et S. Amidou en a plus. Désolé, le pèlerinage pour vous, ce ne sera pas pour cette année. Le vieil homme, vêtu d’un boubou gris, regarde sa carte d’identité qu’on lui remet presqu’avec indifférence. Les cinq dames qui accueillent les candidats au pèlerinage sous les bâches, devant le « Laboratoire d’hygiène » de l’Institut nationale d’hygiène publique (Inhp) de Treichville, sont très occupées. Il y a du monde qui attend. Pour S. Amidou, c’est fichu. Surtout qu’il l’apprend au dernier moment. Après tant de sacrifices pour s’offrir le pèlerinage à La Mecque, il apprend qu’il ne peut pas effectuer le déplacement même étant bien portant. Il habite Abobo. En quittant son domicile pour l’Inhp à Treichville, ce matin, il s’attendait sûrement à tout sauf à une telle nouvelle. Il est accompagné de proches qui ignoraient aussi cette nouvelle donne. Pour le vieil homme, le rêve de devenir El hadj vient de s’écrouler comme un château de carte. Ce rêve qui était à portée de main...

Ils ont dépensé pour rien

En quittant la tente, S. Amidou continue de fulminer. Lui trop vieux ? Il y a pourtant des gens plus mal en point que lui qui vont à La Mecque… Ses proches tentent de le calmer. Mais, la situation est difficile aussi pour eux. Ils ont économisé pour ce pèlerinage, disent-ils. « Nous avons déjà dépensé assez pour lui et c’est difficile de voir tous nos efforts réduits à néant. Ce pèlerinage est tout pour le vieux », raconte Tahirou, le neveu de S. Amidou, venu l’accompagner. Ils ont déjà payé 40.000 Fcfa à la banque pour les premiers frais du passeport. Sans compter les dépenses annexes. Amidou doit réessayer l’année prochaine dans l’espoir que les conditions seront plus souples. Pendant qu’ils se retirent, le monde abonde sous les bâches. Il est 10h. Assis sur des chaises en plastique, certains ont fini l’étape Amidou. C’est-à-dire l’inscription devant la première équipe médicale composés de cinq dames. C’est là qu’on vérifie si le futur pèlerin remplit la première condition du hadj : avoir un âge compris entre 12 et 70 ans. Ensuite, il faut payer 12.000 Fcfa au guichet et attendre que la seconde équipe médicale, installée sur l’estrade, les appelle dans le laboratoire pour l’examen de sang. Beaucoup comme Amidou n’atteindront pas ces étapes. Ils sont éliminés sous la nouvelle recommandation de l’Arabie Saoudite. Une recommandation qui exclue pour le hadj de cette année les personnes de plus de 70 ans, les enfants de moins de 12 ans et les femmes enceintes pour prévenir toute propagation de la grippe A H1N1 en Terre Sainte qui va enregistrer le déferlement de millions de fidèles venus du monde entier. Apparemment, l’information relayée par la communauté musulmane n’a pas touché tout le monde. Et, beaucoup sont surpris, après tant d’efforts, de se voir refuser l’accomplissement du cinquième pilier de l’Islam. Ce mardi 6 octobre, B.M. est venu faire ces examens. Les examens de sang et les vaccinations qui ont débuté depuis le 1er septembre. Cet homme de 73 ans, ne savait pas l’existence de la condition sur l’âge. C’est tout abattu qu’il l’apprend sous la bâche. L’information l’a assommé comme un coup de massue.
Devant l’Inhp où nous l’avons rencontré le vieux et ses parents repartent chez eux la mort dans l’âme. « On lui a dit que ce n’est pas possible pour lui parce qu’il est trop âgé», explique un garçon qui l’accompagne. Les dames ont eu du mal à le convaincre. Mais, il a l’information que la décision vient de l’Arabie Saoudite. Le plus dur pour lui, c’est qu’il n’habite pas Abidjan. Il vient de Diawala, une ville dans le Nord du pays. Il a fallu le déplacer jusqu’à Abidjan pour le hadj. Et voilà qu’on lui interdit de toucher cette année la tombe du prophète. « C’est contraire à l’Islam. Il n’y a pas d’âge pour prier », se lamente B.M. Les médecins lui ont expliqué que c’est à cause de la menace de la grippe A (H1N1). En quelque sorte, c’est pour son propre bien. Mais, il n’y croit pas un mot. Pour lui c’est une combine. Il est bien portant, c’est un bon musulman et il a toujours rêvé du hadj. Pourquoi lui refuser le pèlerinage ? Ils sont nombreux, ceux qui sont refoulés devant le laboratoire d’hygiène depuis le début des inscriptions à cause de leur âge. « J’ai assisté hier (lundi) au cas d’un veil homme qui a failli se battre avec les dames de l’accueil parce qu’elles lui ont dit qu’il est trop âgé», explique Abdoul Diallo, 69 ans, un candidat au pèlerinage qui vient de faire son examen de sang. Il passera jeudi pour les résultats. C’est-à-dire le 9 octobre, fin des examens. « Une année de plus et je restais », ironise-t-il. A côté de lui, Abdoul Kader, 40 ans, a aussi vu un pèlerin se faire exclure du fait de l’âge. Pour lui, le seul danger pourrait venir des résultats de son examen de sang. L’examen porte sur trois maladies: le diabète, l’insuffisance renale et les problèmes de foie. Mais, il pense qu’il sera apte. Une vingtaine de cas de diabète, de problème de foie et d’insuffisance rénale ont déjà été recensés, selon un membre de l’équipe médicale qui s’occupe des examens de sang. Etre éliminé à cette étape, beaucoup le comprenne. Ce qu’ils acceptent difficilement, c’est de se voir refuser le hadj pour un problème d’âge. Samedi, l’imam Diakité Ousmane, secrétaire général Conseil supérieur des imams (Cosim), avait relevé cet aspect « gênant » des nouvelles conditions fixées par l’Arabie Saoudite à cause de la grippe A (H1N1).

Rêve brisé

Au cours d’une réunion à la mosquée de Williamsville, il avait pris l’exemple d’une vieille personne qui avait quitté son village pour Daloa afin d’établir ses papiers pour le pèlerinage. Le vieux, âgé de plus de 70 ans avait, dit-il, pédalé son vélo sur 30 km jusqu’à la Cité des Antilopes. Arrivé à la mairie, on lui dit qu’il ne voyagera pas parce qu’il a plus de 70 ans. « Le vieux leur a fait savoir que s’il était aussi vieux que ça, il n’aurait pas pu pédaler sa bicyclette jusqu’à Daloa. Il a dit au médecin : Toi le médecin peux-tu pédaler 30 kilomètres à vélo ? », a rapporté l’imam. Cette anecdote, selon lui, montre les limites du critère d’âge. Les guides ont engagé des démarches auprès des autorités pour régler la question. Quand ? La date limite des inscriptions est fixée au 9 octobre, c’est-à-dire dans deux jours. « C’est dur cette année pour ceux qui veulent faire le pèlerinage. Déjà que ce n’est pas facile d’avoir son passeport biométrique, il faut encore affronter la question de l’âge », explique Touré, un pèlerin. En effet, l’obtention du passeport est un autre combat à cause des difficultés à réunir les documents à fournir en un temps record : une carte d’identité verte ou une attestation d’identité, un extrait de naissance, un certificat de nationalité, une pièce d’identité des parents et un ancien passeport, si possible. C’est difficile ! Le délai est trop court, s’est-il lamenté.

Raphaël Tanoh
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Société

Toutes les vidéos Société à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ