Ernest Dalli Zabo est le directeur départemental de campagne de Laurent Gbagbo à Lakota. Dans l’interview qui suit, il fait le bilan de l’enrôlement, tire les leçons du séminaire organisé récemment par la DDC, puis de la tournée effectuée après ce séminaire et fait des propositions avant de dérouler son agenda des futures actions. Notre Voie : Monsieur le DDC, à Lakota, quel bilan pouvez-vous faire de l’opération de l’enrôlement ? Ernest Dalli Zabo : Notre bilan est en termes d’actions avant l’opération et en termes du nombre d’enrôlés. Concernant le premier niveau, nous avions trouvé nécessaire de prendre des précautions pour ne rater aucune étape qui permet d’établir la liste électorale. Aussi avons-nous mené une sensibilisation sur les audiences foraines et sur l’enrôlement. Et, pour que nos parents participent massivement à cette dernière opération, nous avons tenu à les aider à se faire établir les pièces exigées. Pour savoir exactement le nombre de personnes qui avaient besoin de ces pièces, nous avons procédé à des investigations. Nos actions ont permis à plus de 20.000 personnes d’obtenir des extraits de naissance et des jugements supplétifs. Nous nous sommes investis à fond parce que, dans notre entendement, 90% de la campagne, ce sont bien ces étapes. En termes du nombre d’enrôlés, nous avons enregistré à Lakota 59.600 personnes. Ce qui est un progrès par rapport à 2000 où Lakota avait une liste électorale de 55.000 personnes. Nous regrettons cependant que, bien qu’étant en possession de leurs papiers, 1234 personnes n’ont pas pu se faire enrôler. Malgré cela, nous pouvons dire que globalement le bilan est positif. N.V.: Pourquoi les 1234 personnes n’ont pas pu se faire enrôler ? E.D.Z. : Parce que l’opération a été arrêtée alors que ces personnes étaient encore dans les rangs. Vous savez, les opérateurs techniques de l’opération se sont montrés très défaillants. Leurs équipes sur le terrain n’étaient pas toujours bien outillées et des problèmes d’électricité se sont posés dans certaines contrées. Les opérateurs techniques n’avaient pas souvent la logistique nécessaire. Nous avons parfois été contraints de transporter les équipes sur le terrain avec nos maigres moyens de déplacement. Donc la défaillance des équipes de la CEI, de SAGEM et autres a fait que certaines personnes ont été laissées sur le carreau. Nous avions espéré une dernière prorogation mais nous ne l’avons pas obtenue. Mais avec la liste électorale que nous avons à Lakota, nous sommes sûrs de faire élire de façon écrasante le président Laurent Gbagbo. N.V. : Le 8 août, la DDC a organisé un séminaire. Ce jour-là, les directeurs locaux de campagne ont tous été unanimes dans leurs rapports respectifs. Ils ont relevé les mêmes griefs et préoccupations des populations et des structures de base du FPI. Quelques jours après, vous avez organisé une tournée dans ces bases. Pourquoi une telle tournée ? E.D.Z. : Mon équipe et moi sommes repartis à la rencontre des bases pour de larges échanges parce que nous nous disons que parmi les reproches que font les militants, il peut y avoir des griefs dus à un déficit de communication. Alors il était important d’aller pour voir parmi ces récriminations, ce qui est pertinent et ce qui est dû à un manque de communication. C’était pour faire une meilleure synthèse et retenir les préoccupations essentielles. N.V. : Comment avez-vous été accueillis et quelles préoccupations les parents ont confirmé ou exprimé ? E.D.Z. : Nous avons été accueillis dans la ferveur. Nous avons fait le constat que le FPI demeure une force à Lakota quelles que soient les difficultés. Les débats ont été francs, très francs. Les militants n’ont pas usé de diplomatie. Ils n’ont pas utilisé la langue de bois. C’était notre souhait. Ils ont vidé leurs cœurs. Ce qui est souvent revenu, c’est le manque de solidarité entre les cadres du parti et la base. Les militants ont également évoqué le manque de moyens logistiques. Ils estiment que le temps a fait son effet, que le FPI est aujourd’hui au pouvoir donc ils ne peuvent pas travailler comme en 1990. Ils attendent alors qu’on les mette dans des conditions pour se déplacer et travailler efficacement. Ils ont parlé des problèmes qui concernent toutes les populations, les problèmes d’infrastructures de base : électricité, centres de santé, écoles. Des problèmes de développement en fait. Enfin, ils ont souhaité une visite du président de la République. Ils souhaitent une visite d’Etat. N.V.: Avez-vous déjà rapporté au Chef de l’Etat cette requête des populations ? E.D.Z.: Je ne l’ai pas encore fait parce qu’il faut y mettre la forme. Pour qu’une telle démarche puisse se faire, il faut impliquer tous les groupes sociaux de Lakota. Il faut associer les cadres, les travailleurs, les responsables de l’administration, les jeunes, les femmes, la chefferie, les élus. Donc, même si je suis le DDC, je ne peux pas, de façon solitaire, faire une telle démarche à l’endroit du Chef de l’Etat. J’ai déjà approché certains acteurs, je vais m’employer à rencontrer d’autres et, ensemble, nous allons trouver la procédure et le cadre pour transmettre la demande des populations. N.V.: Revenons à la tournée. Qu’en tirez-vous comme enseignements ? E.D.Z.: Après avoir écouté les parents, je retiens comme une sorte de symphonie inachevée. Nos parents ont beaucoup attendu l’arrivée de Laurent Gbagbo. Ils ont souffert de beaucoup de frustrations sous le règne du PDCI ; Lakota était un peu marginalisé. La misère était généralisée. Alors, quand ils ont vu le programme de gouvernement de Laurent Gbagbo, ils y ont placé tous leurs espoirs. Malheureusement, la guerre est venue tout remettre en question. La plupart des récriminations sont celles qu’ils avaient avant les élections de 2000 et qui avaient leurs réponses dans les conseils généraux : problèmes de reprofilage des routes, problèmes d’électrification, d’écoles, de centres de santé. Mais comme les conseils généraux n’ont pas fonctionné comme il se devait à cause de la crise, les problèmes n’ont pas été résolus dans plusieurs zones. Je retiens aussi que partout, les parents n’ont pas exprimé de griefs contre le président de la République lui-même. Ils disaient leurs récriminations contre les cadres locaux et face aux problèmes de développement mais ils finissaient par “comme Gbagbo est encore là, il faut le réélire pour espérer que son programme soit appliqué” ou alors après avoir dit leurs griefs, ils concluaient : “Pour la réélection de Gbagbo, il n’y aura pas de problème’’. Donc ils sont prêts à donner un second mandat à Laurent Gbagbo. Nos parents ne reprochent rien au président de la République. Ils louent plutôt son courage, son amour pour le pays et continuent de croire que son programme de gouvernement peut résoudre une grande partie de leurs problèmes ; c’est pour cela ils promettent de se mobiliser pour le réélire. N.V.: Néanmoins, des problèmes posés par les militants et les populations demeurent, alors comment allez-vous y faire face ? E.D.Z. : Je voudrais tout de suite rassurer nos responsables de base. Des solutions appropriées seront apportées dans les prochains jours à la plupart de leurs préoccupations. J’y travaille sérieusement. En ce qui concerne les infrastructures de développement, je leur demande, comme ils l’ont fait en 2000, d’élire massivement le président Laurent Gbagbo parce que les solutions se trouvent dans son programme. N.V. : Lors du séminaire, les différents rapports ressortent que les militants se sont sentis un peu abandonnés par le parti. Alors à ce niveau comment réagir ? E.D.Z. : Ces reproches sont en partie fondés. Ce que je peux dire, c’est que tous les militants de Lakota auront l’honnêteté de reconnaître que le fédéral a toujours été un homme de terrain. On peut tout lui reprocher, sauf dire qu’il n’est pas un homme de terrain. Par le passé naturellement, il a abattu un énorme travail. Le fait qu’il ait été élu à la tête du conseil général, on peut comprendre que cela ait porté un coup au dynamisme de la fédération. Les militants l’ont effectivement relevé. Mais, il appartient à tous les cadres du FPI de rassurer les militants par des actions. N.V. : Après le séminaire et la tournée, quel est l’agenda d’octobre qui conduit au mois des élections? E.D.Z.: Nous avons posé le diagnostic du terrain. Et nous décidons d’engager le combat pour remédier aux difficultés. Notre agenda est donc clair. Nous allons mener l’offensive beaucoup plus en direction des communautés venues des autres contrées et qui traditionnellement ne votent pas FPI. Je ne dis pas que tous les Didas sont FPI mais je sais que majoritairement ils voteront Laurent Gbagbo. Nous comptons donc élargir l’électorat en allant davantage vers nos autres frères pour leur faire comprendre la nécessité de réélire Laurent Gbagbo. Nous avons, pour ce faire, intégré à la direction de campagne des camarades venant des mêmes régions que les allochtones. Le travail a commencé et les premiers résultats sont encourageants. Mais il faut continuer en mettant en exergue les valeurs que défend le président de la République, faire passer le message de la paix, du développement, de la sécurité. Nous allons mettre un point d’honneur sur la formation des camarades pour la lutte contre la fraude, la vigilance et l’éveil lors du scrutin. Partout, nous allons apporter l’information et l’animation. Nous allons organiser nos parents à s’apprêter à aller aux élections. N.V.: Monsieur le DDC, quelles sont les forces et les faiblesses du FPI sur le terrain à Lakota ? E.D.Z.: Notre première force, c’est notre candidat, le président Laurent Gbagbo. Ses qualités morales, son courage, son programme de gouvernement, sa gestion des affaires publiques sont autant d’éléments qui forcent l’admiration et pour lesquels nos parents ne jurent que par lui. Notre deuxième force, c’est le peuple dida qui a fait le choix du FPI depuis longtemps. Notre troisième force, c’est l’organisation du parti et son implantation réelle dans notre département. Nous sommes présents partout. Et enfin, Lakota regorge de cadres qui savent se retrouver face aux grands défis. Et faire triompher Laurent Gbagbo en est un. Notre faiblesse pourrait venir de l’excès d’optimisme. C’est comme un match de football, vous pouvez avoir le meilleur entraîneur, les meilleurs joueurs et en face des joueurs à peine connus, mais si vous faites preuve d’un optimisme béat au lieu de respecter l’adversaire et vous concentrer, si vous ne vous mettez pas dans de bonnes conditions, vous pouvez être surpris. Alors, à Lakota, nous prendrons toutes nos dispositions pour gagner. Ce que nous devons d’abord combattre, c’est notre propre désorganisation. Si nous faisons preuve de solidarité, de cohésion et de bonne organisation, nous allons réaliser un très bon score. N.V.: Le président du RDR était récemment à Lakota. Quels échos avez-vous eus de ce passage et quel commentaire en faites-vous ? E.D.Z.: Les échos que j’ai eus, c’est que le président du RDR est allé à Lakota, il y a passé quelques heures, s’est adressé à ses militants et est reparti aussitôt. Le seul message qu’il a livré, c’est qu’il a promis 80 milliards au département s’il est élu. Les populations attendaient de savoir son programme de gouvernement et son projet de société. Son passage a donné plus d’interrogations que d’espoirs à nos populations. M. Ouattara est venu à Lakota, il a fait un meeting de 30mn dans la ville. Mais à part la ville, le département compte trois sous-préfectures et près de 300 villages. On se demande alors si ses militants ne sont que dans le chef-lieu ou si c’est seulement l’électorat de Lakota ville qu’il vise. Et j’ai remarqué que c’est ce qu’il fait partout ailleurs. Il ne s’arrête qu’en ville. Mais et le pays profond ? Pour moi, c’est un aveu. L’homme se permet juste une animation dans les villes. Les populations du pays profond ne connaissent pas le visage de M.Ouattara si ce n’est à travers la presse pour certains. Les populations de nos villages sont habituées aux tournées du Président Laurent Gbagbo. Quand il était dans l’opposition, il a parcouru tous les villages de Lakota. C’est pareil dans les autres départements. Alors quand M. Ouattara va à Lakota commune et fait deux heures pour repartir, c’est tant mieux pour nous car nous autres, parcourons, à l’image de notre champion, tous les villages et campements du département. M. Ouattara est donc un homme de la ville et ne peut, par conséquent, pas être un adversaire de Gbagbo sur le terrain. C’est ça la différence entre eux et nous et cette différence se sentira dans les urnes. Interview réalisée par Dan Opeli
Politique Publié le jeudi 8 octobre 2009 | Notre Voie