Sévère réquisitoire contre la junte militaire Guinéenne. Les opposants Guinéens n’ont pas porté de gants, hier à la bourse du travail de Treichville (Abidjan), pour « tancer » Dadis Camara et le CNDD. De retour d’Abuja (Nigeria) où ils ont participé à la réunion du groupe de contact sur la Guinée, Sydia Touré et ses amis ont fait une escale de 2 h à Abidjan pour rencontrer «les forces vives Guinéennes basées en Côte d’Ivoire ». Accueillis dans une ambiance carnavalesque à Treichville, ceux-ci ont, séance tenante, animé un meeting d’explication à la Bourse du travail pleine à ras bord. Après le discours de bienvenue du docteur Condé, c’est le porte-parole de cette délégation, M. Jean-Marie Doré qui a ouvert le bal des allocutions. Visiblement très déterminé, l’opposant Guinée a rappelé avec beaucoup d’émotions, les massacres des populations civiles dont ont été l’objet, ses concitoyens le 28 septembre 2009 à Conakry. «Sans la providence divine, nous ne serions pas aujourd’hui devant vous, pour vous parler » a indiqué Doré. Qui s’empresse d’ailleurs d’ajouter : « ce qui s’est passé en Guinée le 28 septembre est inadmissible, inconcevable… Notre pays a été bafoué, humilié, souillé par des ignorants, incultes qui sont incapables de comprendre la leçon de liberté et de démocrate » a dénoncé l’orateur. Et de poursuivre en ces termes : « Nous revenons d’Abuja et de la là-bas, nous avons compris que le monde entier condamne, avec la dernière énergie, la sauvagerie de Dadis Camara ». Pour lui donc, les données sont désormais claires. Car, à l’en croire, « la communauté internationale exige désormais le départ immédiat des militaires ». Très en verve, Jean-Marie Doré a, néanmoins, estimé que cette position de la communauté internationale à elle seule ne suffit pas pour bouter la junte hors du pouvoir. C’est pourquoi, il demande aux forces vives de Guinée, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, de se mobiliser pour contraindre Dadis Camara à quitter sans délai le fauteuil présidentiel par tous les moyens. A sa suite, la parole est revenue à M. Sydia Touré, ex-premier ministre Guinéen. Tout comme son prédécesseur, l’orateur a exhorté ses compatriotes à l’union, à la cohésion et à la mobilisation pour arracher la liberté et la démocratie hélas ! Confisquées au pays de Diallo Telly par une junte tyrannique et sanguinaire. « Aucun Guinéen digne de ce nom ne peut accepter ce qui s’est passé le 28 septembre à Conakry. Que tout le monde se mobilise donc désormais pour bouter hors de la Guinée, ces militaires dont on ne sait pas d’où ils viennent » a martelé Sydia pour qui, « Dadis Camara doit partir ici et maintenant pour avoir trahi son peuple ». Après quoi, le témoin a été passé à l’opposant François Fall qui, lui-aussi, n’a pas du tout été tendre envers le CNDD et son chef, Moussa Dadis Camara. « Nous avons été sans distinction arrêtés, battus, traînés dans le boue et proprement humiliés par des militaires totalement hostiles au changement ». Mais, plus que cette sauvagerie de Dadis Camara, c’est surtout les viols perpétrés sur ses compatriotes Guinéennes qui irritent Fall et l’amènent à se demander « dans quel monde sommes-nous aujourd’hui ? ». Cela dit, l’orateur, faisant une incursion dans l’histoire, a rappelé que si le 28 septembre 1945, le peuple Guinéen a courageusement dit « non » à l’impérialisme du colonisateur, la manifestation du 28 septembre 2009 avait aussi pour but de dire « non » à la dictature de Moussa Dadis Camara. Fort donc de cela, du haut de sa tribune, l’intervenant a lâché sans sourciller : « plus que jamais, nous réclamons le départ immédiat de la junte militaire. Que Dadis le veuille ou non, le processus est désormais irréversible et il partira par tous les moyens ». Pour le docteur Sékou Konaté, l’un des opposants farouches au CNDD, Dadis Camara a driblé tout le monde. « Il nous a dit qu’il n’était pas intéressé par le pouvoir, mais aujourd’hui, il use de stratagèmes pour le confisquer contre la volonté des Guinéens » a-t-il révélé avant de menacer : «Dadis a allumé le feu, il devra l’éteindre lui-même, dans le cas contraire, Dieu l’éteindra et en ce moment, c’en sera fini pour lui ». Idem pour Moctar Diallo qui a rappelé qu’alors que tous les Guinéens sont prêts et veulent le changement, Dadis seul refuse d’entendre raison. « Ce monsieur est un menteur, il nous a dit que le jour où le peuple Guinéen réclamera son départ, il s’en ira. Qu’est-ce qu’il attend donc pour s’en aller ? » s’est-il interrogé. En tout état de cause, a argué Moctar Diallo : « il n’y a plus d’alternative pour lui, soit il accepte d’aller en douceur, soit il s’attend à subir l’humiliation du peuple », a-t-il prévenu. Avant de céder le micro, le plus jeune opposant Guinéen a appelé toutes les forces vives de la Guinée à se mobiliser pour faire partir Dadis Camara pour tous les moyens. Dame Fatou Karidiatou, le N° 2 du parti de Lansana Kouyaté a, quant à elle, rappelé qu’en trois (3) ans, les militaires Guinéens ont perpétré trois grands massacres en 2006 ; 2007 et en 2009. Mais cette fois, soutient-elle, « la goûte d’eau a débordé le vase ». C’est pourquoi, elle a appelé ses compatriotes à se mobiliser pour le triomphe des forces vives et le départ immédiat de Dadis Camara. Car pour elle, rien au monde ne peut expliquer, à plus forte raison justifier les viols et les humiliations dont les Guinéens ont été l’objet le 28 septembre dernier. Au nom de la société civile guinéenne, M. Fofana a indiqué que la récente opération ville morte décrétée en Guinée est un avertissement à la junte militaire. « Le monde entier nous soutient et nous ne devrons plus reculer. Nous devons nous mobiliser davantage pour exiger le départ immédiat de la junte militaire » a-t-il recommandé. Avant de prévenir que « si les Guinéens ne prennent pas leurs responsabilités devant l’histoire, personne ne viendra le faire à leur place ». Pour M. Fofana, l’heure est venue de contraindre les militaires à abdiquer afin d’éviter le pire qui, selon lui est à venir. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les opposants Guinéens sont désormais déterminés à en découdre avec le CNDD et son chef, Moussa Dadis Camara dont les jours semblent désormais comptés.
Michel Ziki
Michel Ziki