Une liste détaillée d’évadés fiscaux en Suisse sommés de régulariser, les banquiers à nouveau convoqués à Bercy cette semaine pour coopérer, Eric Woerth, ministre du budget, intensifie sa lutte contre l’évasion fiscale.
On dit que le guichet fiscal qui permet aux évadés fiscaux français de rapatrier leurs avoirs n'a pas donné les résultats attendus?
En avril, nous avons mis en place une cellule de régularisation qui fonctionne sur la base de déclarations spontanées des contribuables. A ce jour, nous avons instruit 200 dossiers, bouclé 20 régularisations et 80 autres sont en cours de traitement. Les 20 premiers dossiers représentent déjà une collecte d'impôt d'un demi million d'euros.
Vingt dossiers c'est marginal non?
C'est pour cela que le gouvernement français a décidé de passer à la vitesse supérieure. La lutte contre les paradis fiscaux est une composante essentielle de la moralisation du capitalisme dans laquelle le Président de la République est totalement engagé, comme il l'a encore montré cette semaine avec les bonus des traders. Nous avons renforcé notre arsenal de lutte contre l'évasion fiscale. Aujourd’hui nous allons plus loin. Nous avons récupéré les noms de 3000 contribuables détenteurs de comptes dans les banques suisses dont une partie correspond très probablement à de l'évasion fiscale. Ces comptes sont ouverts dans trois banques et représentent des avoirs à hauteur de 3 milliards d'euros. C'est la première fois que nous avons ce type d'informations, précises, avec les noms, les numéros de comptes et les montants en dépôt. C'est exceptionnel.
Qu'allez-vous faire avec cette liste suisse?
Nous allons poursuivre nos investigations pour vérifier si ces comptes ont été déclarés. Tout le monde doit bien comprendre que nous avons changé d'époque. Les contribuables concernés ont vraiment intérêt à régulariser au plus vite. Il y a cette cellule de régularisation, il faut qu'ils l'utilisent et payent spontanément un rappel d'impôts sur ces avoirs. S'ils ne le font pas, nous utiliserons le contrôle fiscal. Nous sommes en cohérence totale avec les objectifs affichés lors du G 20 de Londres : en matière de lutte contre les paradis fiscaux, nous voulons avoir des résultats, et nous les aurons.
Comment avez-vous obtenus les noms de ces contribuables?
La majorité des noms ont été obtenus par le biais du renseignement fiscal, de manière non anonyme et sans contrepartie financière et d'autres, par des déclarations d'établissements bancaires. Et comme je l'avais fait pour le fichier Lichtenstein, je souhaite rencontrer rapidement Didier Migaud et Gilles Carrez (président et rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale) pour leur faire un point précis sur ces informations.
Quel délai allez-vous leur accorder pour régulariser?
La cellule de régularisation sera fermée le 31 décembre 2009. Je vous l'annonce officiellement. Après le 31 décembre, il sera trop tard. Je le répète, nous passerons alors au contrôle fiscal qui s'appliquera dans toute sa rigueur : enquête détaillée et saisie de la justice au besoin.
Quelles autres actions comptez-vous déployer?
L'objectif est que 100% des résidents Français qui détiennent un compte non déclaré à l'étranger le déclare. Je souhaite, qu'avec Christine Lagarde, nous réunissions les représentants des banques installées en France dans les prochains jours et nous leur demanderons de nous communiquer l'identité des personnes ayant transféré des avoirs dans des pays à fiscalité privilégiée.
Les banquiers pourront-ils refuser de livrer les noms de leurs clients?
Nous sommes en train de construire un capitalisme d'après-crise, et les banques sont un maillon essentiel du changement. Elles ont montré leur volonté de changer les règles des bonus des traders, je pense qu'elles souhaiteront participer activement à la lutte contre l'évasion fiscale. Bien sûr, si leur collaboration est insuffisante, le droit fiscal prévoit d'ores et déjà des sanctions dissuasives (pénalité représentant 50 % des sommes transférées). Mais je n'imagine pas que nous en arrivions là. Ce que le Président de la République (Nicolas Sarkozy, NDLR) a dit lors du dernier G20, nous le faisons.
Que ferez-vous une fois ces noms obtenus?
Comme nous avons signé des conventions d'échange d'informations fiscales avec de nombreux pays qui figurent sur la liste grise de l'OCDE, ceux-ci devront nous fournir des détails sur les comptes bancaires concernés. Christine Lagarde a signé avec la Suisse jeudi, je me suis rendu à Singapour et souhaite signer très rapidement avec Gibraltar, le Lichtenstein et Andorre. Mais ce qui est encore plus important, c'est que ces conventions soient utilisées et que les échanges d'informations aient réellement lieu !
Pensez-vous que les personnes qui ont opté pour la régularisation rapatrieront les sommes placées dans les paradis fiscaux?
J'en ai la conviction. Nous avons d'ailleurs constaté, à l'occasion de contrôles fiscaux, que dans les deux tiers des cas, les contribuables sanctionnés rapatrient leurs avoirs.
A combien chiffrez-vous l'évasion fiscale en France?
Je ne la mesure pas. Le chiffre de 50 milliards d'euros circule mais il comprend la fraude à la TVA et aux prélèvements sociaux. C'est pourquoi j'ai chargé la Délégation nationale de lutte contre la fraude d'élaborer une méthodologie de chiffrage.
Pourquoi ne pas introduire une amnistie fiscale comme la pratiquent certains de nos voisins européens?
Ce serait une injustice insupportable ! Pour le Gouvernement, ce qui devait être payé doit l'être. La France, les Etats-Unis et la Grande Bretagne, entre autres, ont la même politique à l'égard de l'évasion fiscale : identifier les contribuables concernés en obtenant la collaboration des banques, et exiger d'eux qu'ils payent les impôts qu'ils n'ont pas déclarés, avec des pénalités. N'attendez pas une amnistie. Nous refusons même d'y réfléchir.
Que donne le bouclier fiscal mis en place pour faire revenir en France les exilés fiscaux?
Nous n'avons pour l'instant que des chiffres 2007, mais l'effet est concluant : il y a moins de gens qui partent et plus de contribuables qui reviennent. Quant à ceux qui ont critiqué le bouclier en disant que cela ferait chuter les recettes de l'impôt sur le revenu, ils se sont trompés : le produit de l'impôt sur le revenu se maintient, alors que la crise a divisé par deux les recettes d'impôt sur les sociétés !
On dit que vous avez acheté la liste des évadés au Lichtenstein?
C'est totalement faux. L'Allemagne a acheté des informations, et ne s'en est pas cachée. Nous avons ensuite obtenu des informations concernant les contribuables français dans le cadre de l'assistance administrative entre Etats : nous n'avons pas déboursé le moindre euro.
Outre 64 familles françaises, la fraude au Lichtenstein mettait en cause Elf, Adidas et Michelin où en sont ces dossiers?
Des investigations sont en cours sur les 800 millions d'euros d'avoirs concernés, puisque ces dossiers ont été transférés à la justice.
Franck Boyo Source : Le JDD
On dit que le guichet fiscal qui permet aux évadés fiscaux français de rapatrier leurs avoirs n'a pas donné les résultats attendus?
En avril, nous avons mis en place une cellule de régularisation qui fonctionne sur la base de déclarations spontanées des contribuables. A ce jour, nous avons instruit 200 dossiers, bouclé 20 régularisations et 80 autres sont en cours de traitement. Les 20 premiers dossiers représentent déjà une collecte d'impôt d'un demi million d'euros.
Vingt dossiers c'est marginal non?
C'est pour cela que le gouvernement français a décidé de passer à la vitesse supérieure. La lutte contre les paradis fiscaux est une composante essentielle de la moralisation du capitalisme dans laquelle le Président de la République est totalement engagé, comme il l'a encore montré cette semaine avec les bonus des traders. Nous avons renforcé notre arsenal de lutte contre l'évasion fiscale. Aujourd’hui nous allons plus loin. Nous avons récupéré les noms de 3000 contribuables détenteurs de comptes dans les banques suisses dont une partie correspond très probablement à de l'évasion fiscale. Ces comptes sont ouverts dans trois banques et représentent des avoirs à hauteur de 3 milliards d'euros. C'est la première fois que nous avons ce type d'informations, précises, avec les noms, les numéros de comptes et les montants en dépôt. C'est exceptionnel.
Qu'allez-vous faire avec cette liste suisse?
Nous allons poursuivre nos investigations pour vérifier si ces comptes ont été déclarés. Tout le monde doit bien comprendre que nous avons changé d'époque. Les contribuables concernés ont vraiment intérêt à régulariser au plus vite. Il y a cette cellule de régularisation, il faut qu'ils l'utilisent et payent spontanément un rappel d'impôts sur ces avoirs. S'ils ne le font pas, nous utiliserons le contrôle fiscal. Nous sommes en cohérence totale avec les objectifs affichés lors du G 20 de Londres : en matière de lutte contre les paradis fiscaux, nous voulons avoir des résultats, et nous les aurons.
Comment avez-vous obtenus les noms de ces contribuables?
La majorité des noms ont été obtenus par le biais du renseignement fiscal, de manière non anonyme et sans contrepartie financière et d'autres, par des déclarations d'établissements bancaires. Et comme je l'avais fait pour le fichier Lichtenstein, je souhaite rencontrer rapidement Didier Migaud et Gilles Carrez (président et rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale) pour leur faire un point précis sur ces informations.
Quel délai allez-vous leur accorder pour régulariser?
La cellule de régularisation sera fermée le 31 décembre 2009. Je vous l'annonce officiellement. Après le 31 décembre, il sera trop tard. Je le répète, nous passerons alors au contrôle fiscal qui s'appliquera dans toute sa rigueur : enquête détaillée et saisie de la justice au besoin.
Quelles autres actions comptez-vous déployer?
L'objectif est que 100% des résidents Français qui détiennent un compte non déclaré à l'étranger le déclare. Je souhaite, qu'avec Christine Lagarde, nous réunissions les représentants des banques installées en France dans les prochains jours et nous leur demanderons de nous communiquer l'identité des personnes ayant transféré des avoirs dans des pays à fiscalité privilégiée.
Les banquiers pourront-ils refuser de livrer les noms de leurs clients?
Nous sommes en train de construire un capitalisme d'après-crise, et les banques sont un maillon essentiel du changement. Elles ont montré leur volonté de changer les règles des bonus des traders, je pense qu'elles souhaiteront participer activement à la lutte contre l'évasion fiscale. Bien sûr, si leur collaboration est insuffisante, le droit fiscal prévoit d'ores et déjà des sanctions dissuasives (pénalité représentant 50 % des sommes transférées). Mais je n'imagine pas que nous en arrivions là. Ce que le Président de la République (Nicolas Sarkozy, NDLR) a dit lors du dernier G20, nous le faisons.
Que ferez-vous une fois ces noms obtenus?
Comme nous avons signé des conventions d'échange d'informations fiscales avec de nombreux pays qui figurent sur la liste grise de l'OCDE, ceux-ci devront nous fournir des détails sur les comptes bancaires concernés. Christine Lagarde a signé avec la Suisse jeudi, je me suis rendu à Singapour et souhaite signer très rapidement avec Gibraltar, le Lichtenstein et Andorre. Mais ce qui est encore plus important, c'est que ces conventions soient utilisées et que les échanges d'informations aient réellement lieu !
Pensez-vous que les personnes qui ont opté pour la régularisation rapatrieront les sommes placées dans les paradis fiscaux?
J'en ai la conviction. Nous avons d'ailleurs constaté, à l'occasion de contrôles fiscaux, que dans les deux tiers des cas, les contribuables sanctionnés rapatrient leurs avoirs.
A combien chiffrez-vous l'évasion fiscale en France?
Je ne la mesure pas. Le chiffre de 50 milliards d'euros circule mais il comprend la fraude à la TVA et aux prélèvements sociaux. C'est pourquoi j'ai chargé la Délégation nationale de lutte contre la fraude d'élaborer une méthodologie de chiffrage.
Pourquoi ne pas introduire une amnistie fiscale comme la pratiquent certains de nos voisins européens?
Ce serait une injustice insupportable ! Pour le Gouvernement, ce qui devait être payé doit l'être. La France, les Etats-Unis et la Grande Bretagne, entre autres, ont la même politique à l'égard de l'évasion fiscale : identifier les contribuables concernés en obtenant la collaboration des banques, et exiger d'eux qu'ils payent les impôts qu'ils n'ont pas déclarés, avec des pénalités. N'attendez pas une amnistie. Nous refusons même d'y réfléchir.
Que donne le bouclier fiscal mis en place pour faire revenir en France les exilés fiscaux?
Nous n'avons pour l'instant que des chiffres 2007, mais l'effet est concluant : il y a moins de gens qui partent et plus de contribuables qui reviennent. Quant à ceux qui ont critiqué le bouclier en disant que cela ferait chuter les recettes de l'impôt sur le revenu, ils se sont trompés : le produit de l'impôt sur le revenu se maintient, alors que la crise a divisé par deux les recettes d'impôt sur les sociétés !
On dit que vous avez acheté la liste des évadés au Lichtenstein?
C'est totalement faux. L'Allemagne a acheté des informations, et ne s'en est pas cachée. Nous avons ensuite obtenu des informations concernant les contribuables français dans le cadre de l'assistance administrative entre Etats : nous n'avons pas déboursé le moindre euro.
Outre 64 familles françaises, la fraude au Lichtenstein mettait en cause Elf, Adidas et Michelin où en sont ces dossiers?
Des investigations sont en cours sur les 800 millions d'euros d'avoirs concernés, puisque ces dossiers ont été transférés à la justice.
Franck Boyo Source : Le JDD