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Société Publié le vendredi 23 octobre 2009 | Notre Voie

Daniel Ouattara (Coordinateur National du PNRRC) : “Ceux qui nous contournent ne rendent pas service à la Côte d’Ivoire”

M. Daniel Kossomina Ouattara est le Coordonnateur national du Programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire (PNRRC) qui a été créé le 25 juin 2007 par scission du programme national de désarmement, démobilisation et réinsertion (PNDDR). Il évoque dans cette interview la mission qui lui a été confiée, les difficultés qu'il rencontre et ses espoirs. Notre Voie : M. Daniel Kossomina Ouattara, quelles missions vous a-t-on confiées en vous nommant à la tête de cette structure ? Daniel Kossomina Ouattara : Merci bien. Au sortir de l'Accord politique de Ouagadougou, nos autorités ont créé le Centre de commandement intégré (CCI) pour superviser le volet militaire de l'Accord politique de Ouagadougou. Il est apparu nécessaire de confier le volet civil à une autre structure et celle-ci a été créée par arrêté du Premier ministre pour gérer justement les aspects civils du DDR. Il s'agit d'un pan de la démobilisation auquel s'ajoutent la réinsertion socioéconomique des ex-combattants démobilisés et la réhabilitation communautaire. C'est ainsi qu'est né le programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire (PNRRC). Cette structure était plus qu'indispensable dans la mesure où, sortant d'une crise militaire, il fallait mettre en place des instruments qui sécurisent le processus. Naturellement, ce n'est pas à la gendarmerie ou la police, qui sont des corps militaires et paramilitaires de faire en sorte que ces ex-combattants soient pris en charge dans des programmes permettant au pays de se réconcilier avec lui-même dans un processus de cohésion sociale. Le Centre de commandement intégré (CCI), qui est une structure militaire, n'est pas non plus habilité à faire ce travail. C'est pour cela que le PNRRC a été créé par arrêté du premier ministre, afin de répondre à cette équation importante. Car il ne suffit pas de désarmer un combattant pour en faire simplement un civil. Il faut le prendre en charge dans un processus de réintégration économique. C'est cette tâche qui nous a été confiée et que nous gérons. Il faut profiler les ex-combattants, les identifier. C'est sur la base de ce profilage que le mode opératoire du DDR tel qu'il existe en Côte d'Ivoire a été fait. Après le profilage, nous passons à la phase de désarmement et de démobilisation. N.V. : Quel est, concrètement, le contenu de la réinsertion et de la réhabilitation communautaire ? D.K.O : Dès la création du PNRRC, nous avons élaboré un document cadre et de stratégies pour la définition de la politique de mise en œuvre du programme de réinsertion, de réhabilitation communautaire en Côte d'Ivoire. Tout cela est assorti d'un mode opératoire consensuel avec les parties et les partenaires. La réinsertion concerne spécifiquement et en priorité tous les jeunes ayant appartenu aux groupes militaires des deux parties en conflit depuis septembre 2002 conformément au Plan conjoint des opérations. Il s'agit de faire en sorte qu'ils soient pris en charge dans les différents projets du Programme National de Réinsertion. Le PNRRC, les ayant profilés, possède une base de données qui couvre toute la population cible, aussi bien les Forces Nouvelles que les Groupes d'autodéfense et autres milices. Le profilage permet d'avoir un maximum d'informations sur l'ex-combattant. Ce qui aide à sa bonne orientation pour une bonne prise en charge. Réinsérer les jeunes aujourd'hui pour nous, consiste, après qu'ils aient confirmé leurs aspirations quant à leurs projets de vie, à les prendre en compte dans un environnement où ils sont rassurés pour permettre justement de créer une conjoncture sociopolitique, économique viable à la reprise des activités normales. Voilà le but que nous voulons atteindre par la réinsertion. La réhabilitation communautaire est un préalable à la réinsertion. Nous parlons de réhabilitation des communautés d'accueil. L'ex-combattant démobilisé doit être identifié à un milieu et qui a besoin d'être préparé. Les communautés d'accueil, dans le cadre de la réhabilitation communautaire, sont appelées à accueillir l'élément qui vient pour qu'il se sente intégré et qu'il n'y ait pas des frustrations. La réhabilitation communautaire concerne les infrastructures communautaires de base : centre de santé, écoles, routes pour permettre effectivement aux communautés qui ont vécu les affres de la crise d'être relevées. N.V. : Deux ans après sa création, le PNRRC peut-il présenter un bilan ? D.K.O.: Nous avons un bilan. Nous nous félicitons de ce que nous avons atteint comme objectif. Mais nous pensons que nous aurions pu faire mieux avec un peu plus de moyens, et si les partenaires qui interviennent sur le terrain agissaient davantage en synergie. Les actions seraient mieux coordonnées pour que la Côte d'Ivoire gagne. N.V. : Avant de revenir aux moyens et à la collaboration avec les autres acteurs concrètement, dites-nous, qu'est-ce que le PNRRC a réalisé sur le terrain depuis qu'il existe ? O.D. : Comme nous l'avons dit précédemment, le PNRRC a réalisé une base de données unique en son genre. Et grâce à l'Etat de Côte d'Ivoire il a réinséré un nombre important d'ex-combattants dans le tissu social et qui sont devenus des acteurs de développement. Certains ont créé leurs propres affaires et travaillent discrètement mais efficacement comme des agents de développement. Mais il y a encore une forte population de 21.006 chez les FAFN et 24.208 au niveau des Groupes d'autodéfense qui est en attente d'être réinsérée. N.V. : D'où tirez-vous vos ressources ? O.D. : Principalement de l'Etat de Côte d'Ivoire. Mais je dois vous dire que nous avons des bailleurs de fonds qui nous accompagnent, notamment le PNUD, l'ONUCI, la FAO, la BAD. Je voudrais profiter pour saluer l'apport combien considérable de ces partenaires. N.V. : Quelles sont vos difficultés dans votre collaboration avec certains bailleurs de fonds ? D.K.O. : La principale difficulté que nous avons avec certains bailleurs de fonds, c'est le manque de coordination dans les actions. Ce qui a pour conséquence, malheureusement, de créer des doublons sur le terrain. Alors qu'il aurait fallu se référer au mode opératoire tel qu'élaboré par consensus. Les bailleurs de fonds doivent se rapprocher du PNRRC dans le souci de créer un cadre de coordination pour optimiser les résultats avec un plus grand nombre de bénéficiaires pris en charge. N.V. : Est-ce parce que vous voulez que les bailleurs de fonds vous donnent l'argent pour que vous le gériez vous-mêmes ? D.K.O.: Nous ne demandons pas cela. Il est connu que tous les bailleurs de fonds ont des procédures de décaissement. Il s'agit donc de dépenser l'argent selon leurs procédures, mais en tenant compte de la volonté des autorités ivoiriennes. Il ne s'agit plus de se rendre forcément opérationnel alors que l'opérationnalisation a été confiée à une structure. Mais s'il faut que de façon concertée cet argent soit dépensé, il faut le faire. On le fait avec le PNUD, on le fait avec l'ONUCI pourquoi ne le ferait-on pas avec d'autres partenaires ? Nous avons des audits permanents pour éviter qu'il y ait des dérapages. N.V. : Justement est-ce que vous ne pensez pas que les gens sont un peu échaudés par l'expérience de la CNDDR où on a mis beaucoup d'argent sans obtenir les résultats escomptés ? D.O. : Aujourd'hui, il ne s'agit ni du CNDDR, ni du PNDDR mais du PNRRC. Avant de prendre cette structure, puisque j'ai hérité de l'ex-PNDDR, j'ai pris soin de commander un audit de clôture de compte pour délimiter la frontière entre la PNDDR et le PNRRC. Ceci dit, je souhaiterais quand même que tous ceux qui ont des griefs contre la gestion de mes prédécesseurs viennent nous dire ce qu'ils leur reprochent. Peut-être que cela nous amènerait à prévenir d'éventuels dérapages pour le PNRRC et par ricochet pour le processus de sortie de crise. Mais je voudrais vous dire aussi que j'ai été dans ces structures depuis leur création. Qu'il s'agisse de la CNDDR ou du PNRRC en passant par le PNDDR. Qu'on me dise exactement, puisque j'ai encore les archives, quelle est la structure qui a donné de l'argent à la CNDDR et qui a été détourné. Je vous apprends que tous nos équipements ici ont été acquis après avis de non objection de la Banque mondiale. Ainsi, nous avons acquis du matériel informatique, des véhicules conformément à leurs procédures. Nous sommes ouverts à sortir de cette crise en nous familiarisant avec les principes de bonne gouvernance. La Côte d'Ivoire a à peine cinquante ans. Ceux qui viennent nous aider viennent de pays qui ont plus d'un siècle d'existence. C'est à bras ouverts que nous accueillons l'expérience qu'ils ont afin que nous travaillions ensemble. Nous, maîtrisant la réalité du terrain et eux, ayant une autre expérience pour enfin donner une chance à cette jeunesse. N.V. : Pourquoi refusez-vous de leur remettre les listes des personnes à insérer ? D.K.O. : Nous ne refusons pas de leur donner les listes. Nous leur disons de se rapprocher du Programme national qui a la base de données et qui en assure la gestion pour les raisons de souveraineté. Qu'ils nous présentent leurs besoins et on leur donnera les listes en fonction de cela. Mais, il est impossible de remettre toute la base de données. Mais, non, ça ne marche pas comme ça ! Sagem a bien pu faire l'identification, mais c'est au Premier ministre que la liste a été remise. N.V. : Ils estiment certainement que vous avez plus intérêt à leur donner la liste parce que c'est la jeunesse de votre pays qui doit bénéficier de leur action. N'est-ce pas ? D.K.O. : Mais c'est justement pour réussir ce travail que nous leur demandons de se rapprocher de nous. Mais ils nous contournent, alors ils se cassent la figure. Et nous, nous avons d'autres soucis, parce que ces gens-là, dès qu'il y a un coup de feu, ils vont plier bagages et nous sommes obligés de rester pour faire le suivi. Pourquoi alors ne pas travailler ensemble ? N.V : Certainement que c'est de vous qu'ils ne veulent pas à la tête de cette structure ? D.K.O.: Je crois qu'après la mise en place du cadre de coordination par le Premier ministre, les choses vont dans le bon sens. C'est cela l'essentiel. Les uns et les autres ont compris qu'on a perdu beaucoup trop de temps. N.V. : Il y a donc désormais un cadre pour coordonner les activités des intervenants… D.K.O. : Justement, quand on s'est rendu compte de toutes les difficultés, nous avancions pratiquement seuls avec les maigres moyens et nous n'avions pas les résultats escomptés en terme d'effectifs de réinsérés, nous avons soumis à nos autorités, l'idée de mettre en place un cadre de coordination pour éviter la dispersion des énergies sur le terrain. Et donc je crois que nos autorités nous ont si bien compris qu'elles ont créé, par arrêté, le comité national de coordination des activités de réinsertion économique et de réhabilitation communautaire (CNCA RE-RC). N.V. : Tous les programmes et projets parallèles y sont intégrés ? D.K.O. : La plupart de ces structures sont membres de ce comité. N.V. : Est-ce que ce comité fonctionne déjà ? D.K.O. : Oui il fonctionne. N.V : Qui, en est le président ? C'est M. Diarrassouba Youssouf, représentant le Premier ministre qui est à la tête de ce comité. Et je crois que les choses avancent de mieux en mieux. Et c'est tant mieux pour les bailleurs de fonds qui avaient des difficultés et pour la Côte d'Ivoire aussi. N.V. : On est à la phase de démobilisation qui a commencé depuis un moment dans certaines localités, alors qu'est-ce que le PNRCC fait exactement ? D.K.O. La démobilisation est une étape à plusieurs sections. Il y a un aspect militaire qui est géré par le CCI. L'élément qui est profilé, identifié, vient au CCI pour ce déséquiper de tous ses attributs militaires et c'est après cela que nous le recevons en tant que civil sur présentation du son certificat de démobilisé. Nous lui donnons le kit civil. Il passe par un test médical pour insérer sa fiche individuelle dans notre base de données. S’il présente une infirmité et autres. On a besoin de cela pour mieux apprécier le projet de vie qu'il aura confirmé. N.V. : A quelques semaines de la présidentielle est-ce que les choses avancent bien sur le terrain concernant la démobilisation? Et puis est-ce que PNRRC a aujourd'hui les moyens de récupérer immédiatement ceux qui sont démobilisés ? D.K.O. : Ça marche très bien. Notre objectif, c'est de démobiliser tout le monde. Il y a des endroits où on a de l'affluence et d'autres où c'est un peu lent. Mais les gens viennent. Ça se passe très bien. Du côté de Danané, par exemple, nous avons des effectifs élevés. Les jeunes veulent sortir de cette situation et c'est tant mieux pour nous. Mais il ne faut pas rêver, on ne pourra pas réinsérer tout ce monde en même temps. C'est pour cela que le cadre de coordination a été initié. Parce que quand nous disons que nous gérons la base de données, c'est pour effectivement coordonner un peu la mise à disposition des listes des ex-combattants démobilisés à réinsérer. C'est dangereux de laisser chaque structure aller chercher elle-même les personnes à réinsérer. C'est pourquoi je le répète, au nom de la souveraineté de l'Etat de Côte d'Ivoire, il y a certaines attributions qui ne relèvent que du programme national. N.V. : Cela voudrait-il dire que les choses devront se poursuivre même après les élections ? D.K.O. : Absolument ! Il faut faire un suivi après les élections car, même si par extraordinaire on parvenait à les réinsérer, le suivi est inévitable. Cela s'impose parce qu'il s'agit de faire en sorte qu'aucun de ceux-là ne soit tenté par quoi que ce soit et cela représente une grosse responsabilité. Il ne s'agit pas de faire des rapports, mais plutôt de faire des projets de vie pour des gens qui sont aussi des agents potentiels de développement de leur pays. N.V. : Alors, quelles sont les perspectives pour le PNRRC ? D.K.O.: Je voudrais dire aux Ivoiriens et principalement à notre population cible que le PNRRC et ses partenaires sont plus que déterminés avec le nouveau cadre de coordination à répondre à leurs aspirations. La Côte d'Ivoire que nous voulons réconcilier se doit de se reconnaître en eux à travers leur volonté à s'intégrer dans cette dynamique de sortie de crise en étant des agents de développement. Et ce développement-là nous ne pourrons l'atteindre que si nous avons la paix. Nos leaders qui ont signé l'accord politique de Ouagadougou à l'issu du dialogue direct, se sont approprié le processus et je crois que la volonté politique y est. A partir de ce moment, Il nous appartient, nous techniciens, de tout mettre en œuvre pour que leur objectif de paix totale soit atteint.

Interview réalisée par Augustin Kouyo
Coll : Djè Abel et J-MTokré
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