Les séniors du théâtre ivoirien, sont de retour sur la scène. Bienvenu Neba, Thérèse Taba, Attawa Mathieu et bien d'autres signent leur retour sur les planches avec le théâtre classique pour le bonheur des ivoiriens.
Après une longue absence sur les planches, vous décidez de revenir. Pouvez-nous expliquer les motifs de ce retour ?
Bienvenu Neba : Silence ? Non. Dans la mesure où, pendant ces trois dernières années, j'ai travaillé. Peut-être dans l'ombre, mais aux côtés de Souleymane Koly. J'étais le directeur artistique, chargé de l'aspect théâtral du groupe de Koly. Je n'ai pratiquement pas quitté la scène. En somme, ce que vous dites est vrai. Parce que la dernière fois que, je suis monté sur scène pour jouer dans un vrai spectacle de théâtre, c'était au Palais de la Culture.
Dans quelle pièce ?
B.N :C'était dans Ile de Tempête de Bernard Dédié. Que j'ai jouée au Palais de la Culture jusqu'à mars 2008. Si ma mémoire est bonne. Je renoue avec le jeu de scène. Sur cette question, vous avez raison. Mais sachez qu'il y a des choses dans la vie qui vous collent à la peau. On est comédien, prêtre ou pasteur, jusqu'à la tombe. Même si je fais autre chose, un peu. Je suis un homme de théâtre. Après la période que vient de traverser le pays, nous avons pensé qu'il fallait un peu de détente. En un mot, du théâtre qui peut permettre aux gens de rire, de se défouler et de communiquer. Cela permet de faire tomber les barrières. De sorte que les gens se retrouvent dans une salle de spectacle où à une pièce qui dit des choses qui les intéressent. Ils se parlent et font des commentaires. C'est un plan que nous avons fait.
Depuis combien de temps avez-vous réfléchi à ce plan ?
B .N : Oh, c'est un plan que nous avons fait depuis longtemps, depuis le début de la guerre, que nous avons mijoté cette pièce. Parce qu'il fallait trouver quelque chose pour amener les gens à se parler. Mais on n'a pas eu l'opportunité. Une brèche venant de s'ouvrir, nous avons voulu saisir cette occasion.
Vous parlez de quelle occasion ?
B .N : Mais c'est la paix avec laquelle notre pays renoue.
Quel est le titre de cette pièce ?
Le titre d'origine de cette pièce est ''Le grand zèbre''. Mais que nous avons rebaptisé ''La pêche c'est ma passion''. C'est une pièce du boulevard.
De quoi est-il question dans cette pièce ?
B.N : Il s'agit de l'histoire d'un monsieur dont la passion principale est la pêche. À travers cette passion, ce monsieur se camouffle et joue des tours. C'est un monsieur qui se marie normalement et qui disparaît en faisant croire qu'il est mort. Les épouses ne sont pas inquiétées. Parce qu'avant de disparaître, l'épouse bénéficie d'une action sur la vie. Donc, de tout le confort. C'est-à-dire, il lui abandonne tout ce qu'il a comme biens dans la maison. Et part recommencer une autre vie ailleurs. Dans l'esprit de tout le monde, il est mort. Il prendra une autre identité. Dans cette pièce, il est avec une jeune femme qu'il aime bien. Et c'est cette jeune femme qui, pour faire plaisir à son mari, fait publier la photo de ce grand pêcheur sur une grande revue. Cette photo, naturellement, déclenche des recherches. Parce que tout le monde le reconnaît. Et donc elle vient le chercher. Mais ce qui est passionnant, c'est que chacun vient avec une identité différente pour la même personne.
Comment ça ?
B.N : C'est-à-dire, chacune des femmes a une identité. Malgré que ce soit le même personnage (rire). Elles se retrouvent dans un appartement. La suite, vous la verrez.
Quel personnage chacun de vous a campé dans cette pièce ?
B.N : La première des femmes qu'il a abandonnée. C'est la plus vieille. Naturellement, c'est Thérèse Taba. La seconde, c'est Argina Joëlle. Et la dernière qui fait sa joie, c'est la toute jeune. C'est Kouassi Rose. Et ce ''mécréant'', c'est un certain bienvenu Néba. Il a pour ami, Maurice qui est incarné par Attawa Mathieu Maurice dont il emprunte le nom. Parce que cela a aussi contribué à créer la confusion. Dans une de ces identités, il s'appelle Maurice. Et à chaque fois qu'on appelle Maurice, le vrai Maurice refuse de répondre mais lui, répond.
Dans votre recul, vous avez observé les planches en Côte d'Ivoire. Quel diagnostic faites-vous du théâtre ?
BN : C'est une question difficile. Est-ce que vous ne pouvez pas la poser à Thérèse ? Parce qu'elle est plus intelligente que moi (rire).
Thérèse Taba : Comme je l'ai dit hier (nous étions chez elle, la veille de l'interview), il y a une cassure. Parce qu'on revit un problème de salle. A l'époque, nous avions le théâtre de la cité. Et comme le centre culturel français n'est pas à nous, il y a leurs programmations qui nous perturbaient. A l'intérieur du pays, on avait que le centre culturel Jacques Aka. Et de temps en temps, on prestait dans les salles de cinémas qui n'étaient pas appropriées à la chose. Et puis, il y a eu la guerre. Cela a créé un silence au théâtre. Pendant cette période, on a vu sur scène, des humoristes. Mais le théâtre que nous avons appris et que nous voulons reprendre, n'existe plus. C'est vraiment dommage.
Qu'est-ce qui lui a manqué ?
T T : Ce qui manque, c'est ce que je vous dis. Ce sont les grands classiques joués à l'époque et qui ne sont plus. Cela a manqué aux ivoiriens. Parce que des gens que nous rencontrons toujours, réclament ces belles époques où on avait quatre (4) spectacles dans l'année. Les gens s'accrochaient au théâtre. Nous allons reprendre ce boulot, là où on l'a laissé. Pour le bonheur des ivoiriens.
Attawa Mathieu : comme Thérèse, je dirais que la rupture est venue du manque d'infrastructures. Parce que celles que nous avions à l'époque, nous permettaient de travailler.
En résumé, le manque d'infrastructures a-t-il tué le théâtre ivoirien ?
A M : Absolument. Je ne sais pas si vous avez entendu parler du théâtre de la cité. En ce moment, le palais de la culture n'existait pas. Et cela ne nous empêchait pas de faire beaucoup de théâtre et du bon théâtre. C'est ce travail qui a donné naissance au Palais de la culture.
Pourtant, l'avènement du palais de la culture devrait résoudre le problème de salles ?
De vous à moi, combien d'artistes peuvent se produire dans ce palais. Avec la cherté des salles et tout ce qui l'entoure. Nous avons décidé de passer outre ces choses pour monter cette pièce. Et quand on aura fini, on verra bien. Je crois que tout le théâtre va rebondir. Et peut-être, avec la fin de la crise, nos autorités vont doter le pays d'infrastructures.
BN : vous voyez, on est en train de monter un spectacle. Mais en même temps qu'on le monte, j'ai peur.
Et pourquoi ?
BN : Parce que, c'est ici que nous avons l'intention de jouer (il montre une petite salle. La salle de Bo'Zart, située à la Riviera Golf). Selon vous, peut-on faire du théâtre dans une telle salle ? Pour le moment, nous n'avons pas de sponsors. Donc, nous n'allons pas prétendre jouer au palais de la culture. Et même si on avait l'intention de le faire. On ne monte pas un spectacle pour le jouer 2 à10 fois. On monte un spectacle pour le jouer pendant un ou deux ans. C'est un spectacle qui peut tenir l'affiche 2 à 3 ans. Donc, il se pose un réel problème d'infrastructures.
Face à ce problème récurrent d'infrastructures, quelle est la solution que vous proposez?
BN : L'une des solutions est de reprendre cette pièce. Et si elle prend, notre ambition sera de trouver un espace. Mais un espace où on pourra jouer à moindre frais. Et au bout d'un certain temps, les Ivoiriens pourront voir un bon spectacle. Puisque les gens ont apprécié ce que nous avons fait par le passé.
Avez-vous posez ce problème à votre tutelle ?
BN : Oui, la tutelle connaît ces problèmes. Mais vous savez, quand vous dites des choses aux officiels, ils voient grands.
C'est-à-dire ?
BN : Ils vous diront tout de suite qu'il y a le palais de la culture. Or, le Palais de la Culture est une salle normale où on doit lancer un spectacle. C'est-à-dire on joue pour un temps et on se retire. Pour prendre une salle moins coûteuse où on peut jouer à des prix abordables. Les jeunes peuvent continuer de prester au Palais de la culture. Pour se faire connaître. Le temps qu'ils soient confirmés.
Voulez-vous dire que le Palais de la culture coûte cher pour vous ?
B N : Absolument. Le minimum que vous payez au Palais de la culture, c'est 500 000 francs pour 750 places. Si on fait un calcul rapide, cela fait 1500 000 mille francs pour une salle pleine si le ticket est à 2000Fcfa. Ce qui est difficile tous les soirs. Pour les 2/3 de la salle. Cela fait 1000 000f. Si on retient le prix de la salle. Combien reste-il pour payer la publicité, les comédiens et les techniciens ? Une pièce de théâtre est faite pour être jouée longtemps.
TT : Sur cette question, je suis optimiste que nous aurons une salle de spectacle. Parce que le président de la République est un homme de culture. Il nous a promis quelque chose à la maison de fraternité à Bietry. C'est-à-dire, un complexe culturel où il aura des salles de spectacles et un hôtel pour les artistes. Aujourd'hui, avec les difficultés de notre pays, c'est dur. Mais nous ne demandons pas grand- chose. Nous voulons simplement une petite salle comme la salle du théâtre de la cité. Où nous pouvons jouer régulièrement comme l'a dit le doyen (Bienvenu). Je pense que si nous lui demandons ça, il va le faire. Et pour qu'il le fasse, il faut qu'il nous voit à l'œuvre. Voilà pourquoi, on monte ce spectacle. Aujourd'hui, les gens ont perdu les habitudes des grands classiques. Voilà pourquoi, je dis que je suis optimiste. Parce que dès que le president Gbagbo a pris le pouvoir, les artistes ont été les premiers à être décorés. Cela montre l'intérêt qu'il porte à ce corps de métier.
BN : Nous voulons une salle de spectacle de 350 à 500 places, du genre théâtre de la cité. Qui est accessible à tout le monde. Parce qu'il y a des pièces qui peuvent durer 2 à 3 ans. Et si vous avez 2 pièces en alternance, vous en avez pour 5 ans. En Europe, vous avez des pièces qui tiennent 10 ans. Aujourd'hui ? Abidjan grandit et il faut une salle de ce genre à Angré, vers Soleil 2 ou 3 et à la Palmeraie. Des petites salles du genre théâtre de la cité.
Pourquoi le choix de cette pièce ?
BN : Je vais vous dire la vérité. Pendant un certain temps, le théâtre qui construit n'existe pas. Je parle du théâtre en tant que jeu. Et ce genre de théâtre a disparu de la circulation .C'est vrai que mon ami Sidiki Bakaba fait de gros efforts du côté du Palais de la culture. Mais cela ne suffit pas pour Abidjan. A un moment donné, nos jeunes frères humoristes ont commencé à prendre la place. Mais les humoristes ne font pas du théâtre qui construit. Ils ne s'organisent pas en tant que spectacle. Même s'il y a quelqu'un comme Adama Dahico qui fait cet effort. Il est le seul, les autres se réunissent pour amuser les gens. Ce qui est un autre genre.
Ce genre est- il différent de ce que vous faites ?
BN : Bien sûr, comme l'a dit Thérèse Taba. Nous autres, nous avons appris à organiser un jeu dans l'espace. C'est faire parler les déplacements, le corps et la voix. Et construire le décor. Donc, nous avons appris du théâtre entier et construit. Dans les années 1985 et 1986, nous avons monté une pièce de Boulevard qu'on a appelé une femme à louer. Qui a eu du succès. Nous sommes restés au théâtre de la cité pendant près d'une année. En jouant les mercredis et jeudis. On jouait les premières semaines du mois et les dernières semaines du mois. C'est-à-dire à la fin de chaque mois, on jouait deux semaines. Et avec cette pièce, nous sommes allés à l'intérieur du pays sur invitation. C'est une pièce qui a pris, et les gens n'ont vraiment pas cessé de nous redemander. Malheureusement, certains d'entre nous ne sont plus. Je pense à Kodjo Ebouclé, paix à son âme. Donc pour remonter encore Une femme à louer.
Cela allait remuer beaucoup de souvenir. C'est ainsi, parmi tant d'autres pièces, nous avons choisi cette pièce qui va nous servir de tremplin. Notre objectif est de mettre en chantier, une autre pièce de boulevard. Et les nostalgiques de Une femme à louer pourront la voir en troisième position. Nous avons constaté que les ivoiriens ont envie de rire. Mais jusque-là, on leur proposait des spectacles d'improvisation. Pour cela, nous proposons le rire mais dans un spectacle total.
Interview réalisée par
Renaud Djatchi
Après une longue absence sur les planches, vous décidez de revenir. Pouvez-nous expliquer les motifs de ce retour ?
Bienvenu Neba : Silence ? Non. Dans la mesure où, pendant ces trois dernières années, j'ai travaillé. Peut-être dans l'ombre, mais aux côtés de Souleymane Koly. J'étais le directeur artistique, chargé de l'aspect théâtral du groupe de Koly. Je n'ai pratiquement pas quitté la scène. En somme, ce que vous dites est vrai. Parce que la dernière fois que, je suis monté sur scène pour jouer dans un vrai spectacle de théâtre, c'était au Palais de la Culture.
Dans quelle pièce ?
B.N :C'était dans Ile de Tempête de Bernard Dédié. Que j'ai jouée au Palais de la Culture jusqu'à mars 2008. Si ma mémoire est bonne. Je renoue avec le jeu de scène. Sur cette question, vous avez raison. Mais sachez qu'il y a des choses dans la vie qui vous collent à la peau. On est comédien, prêtre ou pasteur, jusqu'à la tombe. Même si je fais autre chose, un peu. Je suis un homme de théâtre. Après la période que vient de traverser le pays, nous avons pensé qu'il fallait un peu de détente. En un mot, du théâtre qui peut permettre aux gens de rire, de se défouler et de communiquer. Cela permet de faire tomber les barrières. De sorte que les gens se retrouvent dans une salle de spectacle où à une pièce qui dit des choses qui les intéressent. Ils se parlent et font des commentaires. C'est un plan que nous avons fait.
Depuis combien de temps avez-vous réfléchi à ce plan ?
B .N : Oh, c'est un plan que nous avons fait depuis longtemps, depuis le début de la guerre, que nous avons mijoté cette pièce. Parce qu'il fallait trouver quelque chose pour amener les gens à se parler. Mais on n'a pas eu l'opportunité. Une brèche venant de s'ouvrir, nous avons voulu saisir cette occasion.
Vous parlez de quelle occasion ?
B .N : Mais c'est la paix avec laquelle notre pays renoue.
Quel est le titre de cette pièce ?
Le titre d'origine de cette pièce est ''Le grand zèbre''. Mais que nous avons rebaptisé ''La pêche c'est ma passion''. C'est une pièce du boulevard.
De quoi est-il question dans cette pièce ?
B.N : Il s'agit de l'histoire d'un monsieur dont la passion principale est la pêche. À travers cette passion, ce monsieur se camouffle et joue des tours. C'est un monsieur qui se marie normalement et qui disparaît en faisant croire qu'il est mort. Les épouses ne sont pas inquiétées. Parce qu'avant de disparaître, l'épouse bénéficie d'une action sur la vie. Donc, de tout le confort. C'est-à-dire, il lui abandonne tout ce qu'il a comme biens dans la maison. Et part recommencer une autre vie ailleurs. Dans l'esprit de tout le monde, il est mort. Il prendra une autre identité. Dans cette pièce, il est avec une jeune femme qu'il aime bien. Et c'est cette jeune femme qui, pour faire plaisir à son mari, fait publier la photo de ce grand pêcheur sur une grande revue. Cette photo, naturellement, déclenche des recherches. Parce que tout le monde le reconnaît. Et donc elle vient le chercher. Mais ce qui est passionnant, c'est que chacun vient avec une identité différente pour la même personne.
Comment ça ?
B.N : C'est-à-dire, chacune des femmes a une identité. Malgré que ce soit le même personnage (rire). Elles se retrouvent dans un appartement. La suite, vous la verrez.
Quel personnage chacun de vous a campé dans cette pièce ?
B.N : La première des femmes qu'il a abandonnée. C'est la plus vieille. Naturellement, c'est Thérèse Taba. La seconde, c'est Argina Joëlle. Et la dernière qui fait sa joie, c'est la toute jeune. C'est Kouassi Rose. Et ce ''mécréant'', c'est un certain bienvenu Néba. Il a pour ami, Maurice qui est incarné par Attawa Mathieu Maurice dont il emprunte le nom. Parce que cela a aussi contribué à créer la confusion. Dans une de ces identités, il s'appelle Maurice. Et à chaque fois qu'on appelle Maurice, le vrai Maurice refuse de répondre mais lui, répond.
Dans votre recul, vous avez observé les planches en Côte d'Ivoire. Quel diagnostic faites-vous du théâtre ?
BN : C'est une question difficile. Est-ce que vous ne pouvez pas la poser à Thérèse ? Parce qu'elle est plus intelligente que moi (rire).
Thérèse Taba : Comme je l'ai dit hier (nous étions chez elle, la veille de l'interview), il y a une cassure. Parce qu'on revit un problème de salle. A l'époque, nous avions le théâtre de la cité. Et comme le centre culturel français n'est pas à nous, il y a leurs programmations qui nous perturbaient. A l'intérieur du pays, on avait que le centre culturel Jacques Aka. Et de temps en temps, on prestait dans les salles de cinémas qui n'étaient pas appropriées à la chose. Et puis, il y a eu la guerre. Cela a créé un silence au théâtre. Pendant cette période, on a vu sur scène, des humoristes. Mais le théâtre que nous avons appris et que nous voulons reprendre, n'existe plus. C'est vraiment dommage.
Qu'est-ce qui lui a manqué ?
T T : Ce qui manque, c'est ce que je vous dis. Ce sont les grands classiques joués à l'époque et qui ne sont plus. Cela a manqué aux ivoiriens. Parce que des gens que nous rencontrons toujours, réclament ces belles époques où on avait quatre (4) spectacles dans l'année. Les gens s'accrochaient au théâtre. Nous allons reprendre ce boulot, là où on l'a laissé. Pour le bonheur des ivoiriens.
Attawa Mathieu : comme Thérèse, je dirais que la rupture est venue du manque d'infrastructures. Parce que celles que nous avions à l'époque, nous permettaient de travailler.
En résumé, le manque d'infrastructures a-t-il tué le théâtre ivoirien ?
A M : Absolument. Je ne sais pas si vous avez entendu parler du théâtre de la cité. En ce moment, le palais de la culture n'existait pas. Et cela ne nous empêchait pas de faire beaucoup de théâtre et du bon théâtre. C'est ce travail qui a donné naissance au Palais de la culture.
Pourtant, l'avènement du palais de la culture devrait résoudre le problème de salles ?
De vous à moi, combien d'artistes peuvent se produire dans ce palais. Avec la cherté des salles et tout ce qui l'entoure. Nous avons décidé de passer outre ces choses pour monter cette pièce. Et quand on aura fini, on verra bien. Je crois que tout le théâtre va rebondir. Et peut-être, avec la fin de la crise, nos autorités vont doter le pays d'infrastructures.
BN : vous voyez, on est en train de monter un spectacle. Mais en même temps qu'on le monte, j'ai peur.
Et pourquoi ?
BN : Parce que, c'est ici que nous avons l'intention de jouer (il montre une petite salle. La salle de Bo'Zart, située à la Riviera Golf). Selon vous, peut-on faire du théâtre dans une telle salle ? Pour le moment, nous n'avons pas de sponsors. Donc, nous n'allons pas prétendre jouer au palais de la culture. Et même si on avait l'intention de le faire. On ne monte pas un spectacle pour le jouer 2 à10 fois. On monte un spectacle pour le jouer pendant un ou deux ans. C'est un spectacle qui peut tenir l'affiche 2 à 3 ans. Donc, il se pose un réel problème d'infrastructures.
Face à ce problème récurrent d'infrastructures, quelle est la solution que vous proposez?
BN : L'une des solutions est de reprendre cette pièce. Et si elle prend, notre ambition sera de trouver un espace. Mais un espace où on pourra jouer à moindre frais. Et au bout d'un certain temps, les Ivoiriens pourront voir un bon spectacle. Puisque les gens ont apprécié ce que nous avons fait par le passé.
Avez-vous posez ce problème à votre tutelle ?
BN : Oui, la tutelle connaît ces problèmes. Mais vous savez, quand vous dites des choses aux officiels, ils voient grands.
C'est-à-dire ?
BN : Ils vous diront tout de suite qu'il y a le palais de la culture. Or, le Palais de la Culture est une salle normale où on doit lancer un spectacle. C'est-à-dire on joue pour un temps et on se retire. Pour prendre une salle moins coûteuse où on peut jouer à des prix abordables. Les jeunes peuvent continuer de prester au Palais de la culture. Pour se faire connaître. Le temps qu'ils soient confirmés.
Voulez-vous dire que le Palais de la culture coûte cher pour vous ?
B N : Absolument. Le minimum que vous payez au Palais de la culture, c'est 500 000 francs pour 750 places. Si on fait un calcul rapide, cela fait 1500 000 mille francs pour une salle pleine si le ticket est à 2000Fcfa. Ce qui est difficile tous les soirs. Pour les 2/3 de la salle. Cela fait 1000 000f. Si on retient le prix de la salle. Combien reste-il pour payer la publicité, les comédiens et les techniciens ? Une pièce de théâtre est faite pour être jouée longtemps.
TT : Sur cette question, je suis optimiste que nous aurons une salle de spectacle. Parce que le président de la République est un homme de culture. Il nous a promis quelque chose à la maison de fraternité à Bietry. C'est-à-dire, un complexe culturel où il aura des salles de spectacles et un hôtel pour les artistes. Aujourd'hui, avec les difficultés de notre pays, c'est dur. Mais nous ne demandons pas grand- chose. Nous voulons simplement une petite salle comme la salle du théâtre de la cité. Où nous pouvons jouer régulièrement comme l'a dit le doyen (Bienvenu). Je pense que si nous lui demandons ça, il va le faire. Et pour qu'il le fasse, il faut qu'il nous voit à l'œuvre. Voilà pourquoi, on monte ce spectacle. Aujourd'hui, les gens ont perdu les habitudes des grands classiques. Voilà pourquoi, je dis que je suis optimiste. Parce que dès que le president Gbagbo a pris le pouvoir, les artistes ont été les premiers à être décorés. Cela montre l'intérêt qu'il porte à ce corps de métier.
BN : Nous voulons une salle de spectacle de 350 à 500 places, du genre théâtre de la cité. Qui est accessible à tout le monde. Parce qu'il y a des pièces qui peuvent durer 2 à 3 ans. Et si vous avez 2 pièces en alternance, vous en avez pour 5 ans. En Europe, vous avez des pièces qui tiennent 10 ans. Aujourd'hui ? Abidjan grandit et il faut une salle de ce genre à Angré, vers Soleil 2 ou 3 et à la Palmeraie. Des petites salles du genre théâtre de la cité.
Pourquoi le choix de cette pièce ?
BN : Je vais vous dire la vérité. Pendant un certain temps, le théâtre qui construit n'existe pas. Je parle du théâtre en tant que jeu. Et ce genre de théâtre a disparu de la circulation .C'est vrai que mon ami Sidiki Bakaba fait de gros efforts du côté du Palais de la culture. Mais cela ne suffit pas pour Abidjan. A un moment donné, nos jeunes frères humoristes ont commencé à prendre la place. Mais les humoristes ne font pas du théâtre qui construit. Ils ne s'organisent pas en tant que spectacle. Même s'il y a quelqu'un comme Adama Dahico qui fait cet effort. Il est le seul, les autres se réunissent pour amuser les gens. Ce qui est un autre genre.
Ce genre est- il différent de ce que vous faites ?
BN : Bien sûr, comme l'a dit Thérèse Taba. Nous autres, nous avons appris à organiser un jeu dans l'espace. C'est faire parler les déplacements, le corps et la voix. Et construire le décor. Donc, nous avons appris du théâtre entier et construit. Dans les années 1985 et 1986, nous avons monté une pièce de Boulevard qu'on a appelé une femme à louer. Qui a eu du succès. Nous sommes restés au théâtre de la cité pendant près d'une année. En jouant les mercredis et jeudis. On jouait les premières semaines du mois et les dernières semaines du mois. C'est-à-dire à la fin de chaque mois, on jouait deux semaines. Et avec cette pièce, nous sommes allés à l'intérieur du pays sur invitation. C'est une pièce qui a pris, et les gens n'ont vraiment pas cessé de nous redemander. Malheureusement, certains d'entre nous ne sont plus. Je pense à Kodjo Ebouclé, paix à son âme. Donc pour remonter encore Une femme à louer.
Cela allait remuer beaucoup de souvenir. C'est ainsi, parmi tant d'autres pièces, nous avons choisi cette pièce qui va nous servir de tremplin. Notre objectif est de mettre en chantier, une autre pièce de boulevard. Et les nostalgiques de Une femme à louer pourront la voir en troisième position. Nous avons constaté que les ivoiriens ont envie de rire. Mais jusque-là, on leur proposait des spectacles d'improvisation. Pour cela, nous proposons le rire mais dans un spectacle total.
Interview réalisée par
Renaud Djatchi