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Politique Publié le lundi 9 novembre 2009 | Nuit & Jour

Interview / Cissé Sindou (Directeur de cabinet adjoint du SG des FN): "Nous n`avons pas pris les armes pour être au pouvoir"

Interview Cissé Syndou

Vous êtes vu ici à Bouaké comme l’homme fort des FN après le SG M. Soro G. Avant d’être des FN, que faisiez-vous ?

Je vivais à New-York depuis 18 ans où j’étais un chef d’entreprise. Je gagnais correctement ma vie grâce aux trois entreprises que j’avais pu mettre sur pied. Mais pour les besoins de la cause, j’ai du tout abandonner pour venir aider mon pays qui avait besoin de moi.

Quelle a été votre motivation réelle puisque vous n’êtes le seul Ivoirien à New-York qui était informé de l’éclatement d’une crise militaro-politique en Côte d’Ivoire.

Je dois dire que mon cas est assez particulier. Fors que j’ai décidé de rentrer cela a fait l’effet d’une bombe. Nombre de mes parents ont cru que j’avais piqué une crise de folie, certains disaient même que j’avais été envoûté pour prendre une telle décision. Mais j’avais une conviction, pour laquelle j’étais prêt à me battre, il s’agissait de répondre à appel de mon pays qui avait besoin de moi. J’ai laissé derrière moi deux restaurants et une entreprise d’import-export.

Comment s’est fait votre intégration aux FN ?

Je ne voudrais pas entrer dans les détails. Retenez seulement qu’en 2002, j’ai rejoins la rébellion depuis Lomé à l’occasion des premières négociations engagées avec le Président Eyadema. J’avais le choix comme beaucoup, de soutenir le combat sans y prendre part sur le terrain ou d’y participer activement. C’est ce que j’ai pris.

A votre arrivée quel a été votre premier rôle au sein de la rébellion ?

J’ai été promu directeur des affaires sociales. J’ai donc ainsi participé activement à la coordination de OCHA en Côte d’Ivoire. Je puis même affirmer que je suis à l’origine. Ils ne sont donc installés ici, pour s’occuper de la situation humanitaire dans la zone. Il fallait donner à l’opinion internationale une image positive de notre combat. J’ai donc œuvré pour que le personnel des organisations humanitaires soient en sécurité. Et puis la population était livrée à elle-même à cette époque-là. Il fallait trouver les moyens de soignés les blessés, combattants et civiles compris. Il ne faut pas croire que la population a adopté les Forces Nouvelles à cause des fusils ! C’est parce que nous avons su donner un visage humain à notre combat. La revendication identitaire que nous avons fait prévaloir était un réel souci pour les populations. Nous avons donc mis en place ces structures pour leur redonner confiance en elles-mêmes. Il fallait faire fonctionner l’école qui était fermée et qui constituait pour nous une grande préoccupation, veiller à ce qu’il y ait à manger pour la population. Ailleurs vous voyez des hélicoptères parachuter des sacs de nourriture à la population. Ce que nous n’avons pas connu chez nous.

Vous essayez de dire que tout allait bien malgré les canons de fusils en plein air, avec la psychose qui s’était emparé des populations, et que tout le monde mangeait à sa faim ?

Non ! Je ne dis pas que tout allait bien. Je veux simplement dire que certes les gens avaient faim, mais ils n’étaient pas affamés ! Nous avons tout fait pour assurer le minimum à la population.

C'est-à-dire que vous reconnaissez que votre présence n’était forcément bénéfique pour les populations des zones où vous vous êtes installés ?

Ecoutez, quand on a décidé de faire une rébellion on assume ses choix ! Nous avions un but à atteindre, mais il fallait aussi s’attendre à des désagréments imprévus, c’est ce qu’on appelle les effets collatéraux.

Aujourd’hui de part et d’autre on parle du retour définitif à la paix, avec pour socle, l’accord politique de Ouagadougou. Si tant est que tout le monde aspire à la paix, pourquoi ne décidez-vous pas de dissoudre les FN, de déposer réellement les armes pour qu’on en finisse?

Ce n’est pas possible. Si cela l’était, les FN, en tout cas la classe dirigeante, serait la plus heureuse.

La plus heureuse dites-vous ?

Bien sûr ! Parce que je vous assure que prendre les armes c’est facile, mais les garder constitue une autre affaire. Quand on a la responsabilité de gérer 60% d’un pays comme la Côte d’Ivoire, sur tous les plans, que ce soit sécuritaire, économique, social, on se rend vite compte que la gestion d’un Etat est loin d’être un jeu d’enfant. Aujourd’hui donc, la question ne se pose même plus. Il n’est plus question pour nous de refaire cela.
Remarquez que les retours à la guerre arrivent dans les pays où l’ONU commet l’erreur de s’imposer en arbitre. Chez, les choses ont été faites différemment. Nous avons dit (et le Président Laurent Gbagbo l’a bien compris lui-aussi) que nous étions les principaux concernés, et qu’il nous fallait régler nous-même cette affaire avant de partir. Nous n’avons pas le droit de nous éclipser après avoir mis le peuple ivoirien dans cette situation. Ce serait irresponsable de notre part, et il aurait donc fallu ne pas commencer. Laissez-nous donc réparer ce qui a été endommagé avant de nous en aller !

Vous me rejoignez alors en reconnaissant qu’il y a eu trop de dommages ?

Ecoutez ! Nous avons fait des revendications dont la plus importante était qu’on permette à tous les Ivoiriens d’appartenir à ce pays. Mais en même temps une guerre, cela va avec ses corollaires. Il est vrai que la population a connu des désagréments, mais je peux vous assurer que le Secrétaire Général M. Soro Guillaume lui-même connaît mieux que quiconque les réalités du terrain. Nous ses collaborateurs essayons de trouver avec lui des voies et moyens pour réinsérer les ex-combattants dans la société, afin qu’après la crise ils soient livrés à eux-mêmes, ils deviendraient une menace pour la paix. C’est un cordon ombilical qui nous lie et qui nous impose de trouver nous-mêmes les solutions appropriées. Ce serait imprudent de laisser cela aux mains de la Communauté internationale qui n’a aucune maîtrise des réalités du terrain et qui par conséquent ne fera qu’empirer les choses cette situation ne se règle pas avec les grandes théories développées à Bruxelles ou à New-York.

M. le Directeur de Cabinet, qu’est-ce qui a réellement motivé la prise des armes pour que finalement vous embourber dans un tel engrenage ? Est-ce que le jeu en valait la chandelle ?

Contrairement à ce que beaucoup ont cru, nous n’avons pas pris les armes pour accéder au pouvoir. Tous ceux qui ont eu cette velléité ont vite été découragés avec les méthodes qu’on nous connaît. Je crois que vous avez souvent entendu dire qu’entre nous ici, il est arrivé qu’on ‘’se rentre dedans’’. Ceux qui parlent d’être président ou qui attendent une quelconque auto-proclamation peuvent encore attendre longtemps. Et puis, il n’est pas question de créer un parti politique alors que la crise n’est pas totalement finie et que nous, nous sommes pour une Côte d’Ivoire unie.
Ce que nous demandions, c’est que cette discrimination qui a failli mettre la Côte d’Ivoire en feu prenne fin.
Partout où les peuples se sont sentis opprimés rejetés sur la terre qui leur est due, il y a eu la guerre. Mais nous FN, voulons que la Côte d’Ivoire se relève de cette crise afin que nous puissions nous hisser au rang que ces pays qui sont passés par le même chemin et qui ont pu s’en sortir.

Pensez-vous donc avoir atteint votre objectif ?

En tout cas, nous sommes convaincus qu’après la résolution de cette crise, beaucoup de choses seront différentes dans ce pays. D’ailleurs les changements sont notables. Nous savons que pour y arriver nous avons fait beaucoup de torts aux Ivoiriens. C’est pourquoi chaque fois que nous en avons l’occasion, nous présentons nos excuses à tous ceux qui ont été marqués à vie par cette guerre, que ce soit physiquement, psychologiquement ou moralement. Car nous ne pouvons pas que nous réjouir des quelques avancées obtenues. Des personnes ont perdu la vie, d’autres un ou plusieurs membres de leur famille, d’autres encore ont perdu des leurs biens ou sont handicapés du fait de la guerre. Nous nous en excusons sincèrement.

Etes-vous en train de me dire que vous regrettez d’avoir fait la guerre ?

Pas du tout ! Cependant, je reconnais qu’en faisant ce choix j’ai causé du tort à des innocents. Ce que je regrette, c’est la souffrance qui a été vécue sans que je le veuille vraiment. Ce n’est pas parce que je ne regrette pas mon choix que je suis insensible au tort qui a été causé. Je n’ai vraiment aucun regret ! Et c’est valable pour nous tous. Cela a été pensé, et l’objectif de chacun n’était autre que de contribuer à l’épanouissement de notre pays. Aujourd’hui, une chose est claire dans ce pays, c’est qu’il ne sera plus question d’Ivoirité en Côte d’Ivoire, même si certains en parlent encore. On doit reconnaître l’Ivoirien tout en se disant qu’on ne demande pas aux étrangers d’être Ivoiriens, et vice-versa. On ne dira pas de quelqu’un qu’il est guinéen parce qu’il s’appelle Cissé Syndou, alors que les mêmes similitudes se constatent à la frontière ghanéenne, sans que cela ne prête à confusion. Pendant longtemps on a tiré sur la sonnette d’alarme mais cela est resté lettre morte. La suite on la connaît. J’espère en tout cas que la Côte d’Ivoire saura tirer les leçons de cette guerre pour rebondir comme tous ceux qui sont passés par-là. Je le dis sans être fataliste.

Tout part de la ferme volonté des belligérants de sortir de l’impasse. Etes-vous animés par cette volonté chez les FN ?

Je crois que l’accord de Ouaga met les deux belligérants face à leurs responsabilités et leur permet de réparer tant les erreurs qui ne sont pas de leur fait, que celles qu’ils ont commises. Aujourd’hui, malgré la cerise, le pays est admis à l’initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés), ce qui permettra de résoudre un très grand nombre de difficultés. Cela veut dire qu’il n’y a pas eu que des effets néfastes dans cette crise. Je vous informe par ailleurs que malgré la crise, le budget d’Etat a connu une hausse grâce à la rigueur dans la gestion que sont imposées les gouvernants. Avant la guerre il n’y avait pas cette rigueur, c’était le laisser aller.

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