Le président ghanéen, John Evans Atta Mills, et son gouvernement ont offert, dans l'après-midi du mercredi 4 novembre 2009, au State House à Accra (Ghana), un toast au président ivoirien Laurent Gbagbo, avant son retour à Abidjan. Les anciens présidents ghanéens Jerry John Rawlings et John Kufuor ont pris part à cette sympathique cérémonie. Leur présence et les accolades de “réconciliation” qu'ils ont échangées devant tout le monde ont sonné comme une leçon par procuration à l'ex-président ivoirien, Henri Konan Bédié. D'autant que les bons offices du chef de l'Etat ivoirien, Laurent Gbagbo, ne sont assurément pas étrangers au rapprochement entre les frères ghanéens. Mais surtout l'esprit patriotique et l'intérêt de la nation que Rawlings et Kufuor ont fait prévaloir sur leurs intérêts personnels ont été déterminants dans le climat de convivialité constaté. Dans la grande salle des congrès du State House qui a abrité le toast à l'honneur du président Laurent Gbagbo, John Rawlings et John Kufuor occupaient des positions géographiques qui en disaient long sur leurs rapports heurtés. Cependant, ils ont tenu, par leur présence, à soutenir John Evans Atta Mills qui recevait “un des grands leaders politiques du continent africain”, a confié, à propos de Laurent Gbagbo, un homme d'affaires ghanéen à son concitoyen. Rawlings et Kufuor étaient assis, l'un au versant gauche des présidents Gbagbo et Atta Mills, et l'autre au versant droit. Cette présence des prédécesseurs de l'actuel chef de l'Etat ghanéen est clairement apparue comme une preuve éloquente de la marche inexorable du Ghana vers la démocratie. Dans son intervention, le chef de l'Etat ivoirien, Laurent Gbagbo, l'a souligné : “Au 20ème siècle, le Ghana nous a montré la voie du cacao, puis celle de l'or. Aujourd'hui, il nous montre la voie de la victoire à travers celle à la coupe du monde des jeunes ghanéens de moins de 20 ans. Mais ce qu'il faut surtout mentionner, c'est que le Ghana nous montre la voie de l'humilité et de la démocratie. Je vois, présents dans cette salle, les anciens présidents Rawlings et Kufuor. C'est un bel exemple qu'on ne voit nulle part en Afrique. Alors qu'on devrait multiplier ce genre d'exemples. Je dis souvent aux amis européens qui viennent me voir qu'on n'approuve pas la démocratie en Afrique pour les imiter. La démocratie est une nécessité pour l'Afrique. Nous avons tellement d'ethnies dans nos différents pays que seule la démocratie peut réguler le mode de gestion des Etats. C'est one man, one vote, comme on dit. Je suis fier du Ghana pour cet exemple”. Au-delà des propos du président Gbagbo et du bel exemple que le Ghana a effectivement livré, le 4 novembre dernier, à la face du monde, c'est la question de la conception du pouvoir par certains politiques africains qui se trouve posée. Pourquoi certains hommes politiques africains font-ils du pouvoir une obsession au point qu'une fois qu'ils l'ont perdu, ils en deviennent malades ? Une maladie qui inhibe quasiment leur bon sens, si bien que leurs successeurs immédiats ou lointains deviennent leurs ennemis, ou qu'ils leur voient comme tels. C'est le cas en Côte d'Ivoire où certains esprits retors trouveraient inimaginable que l'ancien président Henri Konan Bédié veuille ranger ses intérêts personnels au placard pour laisser émerger ceux de la Côte d'Ivoire incarnés par l'actuel président Laurent Gbagbo. Ce que M. Bédié n'ose pas faire en Côte d'Ivoire, MM. Kufuor et Rawlings le font avec patriotisme et humilité au Ghana. Et nul n'a appris que le ciel est tombé sur “la tête” du pays de John Atta Mills. Bien au contraire, le Ghana se porte bien et John Atta Mills peut souvent bénéficier des conseils de John Kufuor, qui n'est pas de son parti politique. Ce qui importe assurément pour Kufuor, c'est l'intérêt supérieur du Ghana et non le sien ou celui de son parti politique. L'exemple ghanéen pourra inspirer Bédié ? Wait and see. Didier Depry didierdepri@yahoo.fr
Politique Publié le mardi 10 novembre 2009 | Notre Voie