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Politique Publié le mardi 10 novembre 2009 | Notre Voie

Lettre ouverte au Professeur Mamadou Koulibaly Camarade militant socialiste, Président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire,

“Je suis fatigué de cette guerre, je n’en peux plus”, tels sont quelques-uns des propos que vous avez tenus récemment à la place Inch’Allah et que le quotidien Notre Voie a rapportés dans sa livraison du mardi 27 octobre 2009. Après la débauche d’énergie que vous avez dû faire pour effacer les mensonges de Dramane Ouattara, dans l’esprit de nos compatriotes malinké, d’Anyama à Korhogo, en passant par Abidjan, Agboville et autres régions de Côte d’Ivoire, l’on peut aisément comprendre que vous soyez effectivement fatigué.Et comme vous êtes désormais une vraie boussole, une vraie lumière pour toutes les jeunes générations de notre pays, il est bon qu’en pareils moments, vous preniez un break bien mérité afin de reprendre votre brillant esprit qui fait de vous le plus jeune agrégé des universités de l’histoire de notre pays !
Et oui, Professeur Koulibaly, quand on est fatigué, on perd la concentration, on s’embrouille vite. Ainsi qu’il ressort de votre dernière sortie. Les journaux dits de l’opposition (?) ont cru voir en cette sortie votre démarcage du camp de la république. Mieux, ils estiment que vous vous êtes définitivement positionné sur la question identitaire ( ?) dans notre pays. Si les débats contradictoires et les opinions nuancées et différenciées nourrissent la vie démocratique, les faux débats et autres discussions artificiellement suscités, eux relèvent du populisme et sont nuisibles au jeu de la démocratie. En posant le problème des enrôlés non encore repérés dans les fichiers nationaux en termes de “peur des étrangers/acceptation des étrangers”, vous mordez à l’appât des ADO et autres populistes irresponsables dont la seule stratégie consiste à créer un complexe de l’identité chez l’Ivoirien : il ne doit jamais parler objectivement de son identité au risque d’être systématiquement traité de xénophobe.
La démocratie telle que la modernité l’a réinventée (démocratie représentative) est une création post-Etat-nation, post-Etat-territorial.
Autrement dit, l’Etat-territorial et la nationalité qui en découlent sont la condition même de l’exercice des démocraties nationales de nos jours. On ne peut donc pas “prendre des gens” comme ça et en faire des nationaux électeurs. En effet, c’est en 1648 que, las de se faire la guerre, les grands empires européens de l’époque de la Réforme ont jeté les bases de l’Etat-nation dans les traités dits de Westphalie qui ont mis fin à la Guerre des Trente Ans. C’est dans ces traités que la notion de Souveraineté Nationale tire son origine. Le français Renan précisera par la suite les contours du concept de nation dans son célèbre ouvrage intitulé : “Qu’est que la Nation ?
C’est bien plus tard que les Montesquieu, Alexis de Tocqueville et autres ont réfléchi sur la forme de la démocratie actuelle, qui n’est en fait rien d’autre que le renforcement des notions de Nation, nationalité et nationalisme ; la démocratie nationale ne s’exerçant que dans les limites et par les citoyens de l’Etat-nation ainsi créé.
Aujourd’hui encore, ceux-là mêmes qui nous ont colonisés et dont nous avons hérité la démocratie dans ses principes en 1990, fonctionnent selon ces principes datant de Westphalie. Malgré l’accélération de la mondialisation qui abolit de plus en plus les frontières et rapproche les peuples, il n’y a pas encore d’Etat-interterritorial. Même l’Union européenne, le modèle d’intégration économique et politique le plus achevé de notre planète, n’en est pas encore là. Les frontières sont certes abolies entre ses Etats membres, mais les Belges ne prennent pas encore part aux élections politiques en France.
Dans vos écrits passés, vous aviez pourtant brillamment exposé les différents modes d’acquisition de la nationalité ivoirienne: par naissance ou naturalisation. Notre pays n’est donc pas fermé aux étrangers qui souhaitent obtenir notre nationalité! C’est pourquoi, j’estime humblement que vos propos du genre “s’ils veulent, on les prend et on fait avec eux” sont gravissimes. Avec des populistes comme Dramane Ouattara qui projètent encore les frontières de la Côte d’Ivoire moderne au-delà de Tombouctou, savez-vous combien d’électeurs potentiels ont passé nos frontières du Nord depuis le 19 septembre 2002 ? Et quand je parle du Nord, je ne suis pas dans l’approche ethniciste du RDR de Ouattara, mais je veux tout simplement évoquer le fait objectif de l’absence de l’autorité de l’Etat dans cette partie du pays depuis la guerre.
Par ailleurs, vous affirmez que la vie d’une nation ne s’arrête pas à des élections. C’est un peu court, Professeur. Ici le leitmotiv doit être : ni exclusion subjective et fantaisiste ni remplissage par complexe identitaire ou de xénophobie. Et je me réjouis que la CEI ait choisi d’être sur cette voie-là.
Vous étayez vos propos par le fait que “Sarkozy est étranger”. Mais je crois que si Dramane Ouattara – puisque vous le citez nommément – était étranger à la Sarko, c’est tous les ivoiriens qui le suivraient depuis 1990 ! Car de tous les présidents français, c’est celui qui chante, crie et écrit le plus l’identité française : Le ministre Brice Ortefeux, le quasi Ministre de l’identité française de Sarko, ça vous dit ? Ou encore: réintroduction obligatoire de La Marseillaise dans les écoles; tolérance zéro pour l’immigration clandestine en France, ça vous dit aussi? Le transfuge du PS Eric Besson qui est maintenant en charge de l’immigration et de l’identité veut même convoquer pour les toutes prochaines semaines des assises sur l’identité française. Un étranger qui place les intérêts de son pays d’accueil en première ligne, moi j’en souhaite de tout cœur pour notre pays!
Vous voyez bien que ce n’est pas une question d’être étranger ou pas ! C’est plutôt une question de se sentir ou non attaché à une nation, de naissance ou d’adoption. Les cas de feu vieux Djibo Sounkalo – la “vieille-mère” Martine m’excusera pour l’évocation de la mémoire de l’illustre disparu et bien d’autres étayent bien cela : de tous les maires qui se sont succédé à la tête de Bouaké, ce monsieur est de loin celui qui a le plus bâti cette ville. Alors que si on veut suivre l’argumentaire identitaire fondé sur “eux/nous”, on serait en droit d’attendre plus des fils Boualé de souche qui ont administré Bouaké. Pourtant, ces derniers n’ont laissé pour tout héritage à cette ville que des scandales financiers et autres malversations hallucinants.
En définitive, ce qui compte, c’est qui est –ce qui se sent membre d’une nation et contribue à la construire avec AMOUR.
Il n’y a pas de problème identitaire en Côte d’Ivoire, c’est une construction idéelle des apprentis-politiciens sans arguments politiques! La Suisse où je réside par exemple se trouve à la croisée de l’Allemagne et de l’Autriche. Elle est majoritairement germanophone. A ce titre, il n’est pas rare d’y rencontrer des noms typiquement alémaniques tels que Müller, Meier, Schmidt… etc. originaires de l’un ou l’autre pays. Mais le Schmidt d’Allemagne n’ira pas s’inscrire systématiquement sur les listes d’électeurs en Suisse juste parce qu’il a des homonymes dans le pays! De même, Müller ne montrera aucun signe de vexation à l’autorité publique suisse si celle-ci lui demande s’il est Müller de Suisse, d’Allemagne ou d’Autriche.

Laurent Hodio-BI
Sociologue
Diplômé de l’Académie Diplomatique de Vienne (MA)
Républicain, militant FPI résidant en Suisse
hodiolaurent@hotmail.com

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