En tournée dans le Nord, Henri Konan Bédié ne pouvait pas ne pas aborder la question de l'Ivoirité qui a marqué sa gouvernance (1993-1999). Le candidat du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (Pdci) a tenté de rassurer cette partie de la Côte d'Ivoire dès l'entame de son périple. « On m'accuse d'avoir instauré l'exclusion en Côte d'Ivoire. Soyons sérieux ! », s'est-il défendu à Ferkessédougou le 3 novembre. «Le concept d'Ivoirité a été présenté comme une équivoque et exploité pour alimenter tous les quiproquos et préjugés sur les populations ivoiriennes et particulièrement celles du nord. Tout simplement parce que le débat sur l'interprétation de ce concept a été volontairement biaisé en même temps qu'il a coïncidé avec des volontés de conquêtes du pouvoir de certains d'entre nous », a poursuivi le candidat. Avant de conclure que tous les « malentendus » avaient été levés « aujourd'hui grâce au dialogue constructif ».
Cette rhétorique cache mal une volonté de minimiser les ravages de l'Ivoirité au sein de la nation ivoirienne. Elle ne remet pas en cause le concept mais son interprétation. Donc, l'Ivoirité a été mal comprise et utilisée comme une arme contre le ''sphinx de Daoukro''.
Quelle belle occasion gâchée ! Henri Konan Bédié aurait pu profiter de sa présence au Nord, en pleine pré-campagne électorale, pour faire enfin son méa-culpa sur cette question. Que non ! Il a préféré ruser avec l'histoire. Ramenant le sujet à une simple levée des « malentendus » avec Alassane Dramane Ouattara (Rdr) qu'il se garde de nommer.
L'histoire commande de ne pas passer par pertes et profits la période de 1994 à 1999 qui a vu la Côte d'Ivoire sombrer dans la catégorisation de ses citoyens. Cela a commencé bien avant que M. Ouattara ne dévoile ses ambitions présidentielles. « Le limogeage de cadres ressortissants du Nord a lieu à chaque Conseil des ministres. Le Conseil national islamique (Cni) parlera alors de chasse aux cadres musulmans et accusera le nouveau régime d'avoir relevé de leurs fonctions près de 500 cadres de l'administration publique et parapublique », note Pr Lemassou Fofana dans son livre sur l'histoire du Rdr (P 32).
La situation se dégradera au fil des ans avec la structuration et la mise en œuvre de la politique de l'Ivoirité. Une chape de plomb s'abattra sur les porteurs de long boubou et tous ceux qui ne portaient pas un nom agréé par le ''prince régnant''. C'est depuis cette période que les éléments des forces de l'ordre se sont donné le droit de décider qui était Ivoirien et qui ne l'était pas. Ceux qui avaient une origine douteuse ne pouvaient même plus circuler librement. Ils risquaient de voir leur carte d'identité tout simplement déchirée. Quand le régime de M. Bédié a lancé la production de la nouvelle carte d'identité de couleur verte dite sécurisée, il n'a pu s'empêcher de nier leurs droits à des millions d'Ivoiriens. Ceux-ci n'ont jamais pu entrer en possession de leurs documents qui ont été fort opportunément oubliés dans les tiroirs de l'Office national de l'identification. Jusqu'à ce qu'ils soient jetés dans la rue en 2000, dans un désordre total. Il y a-t-il pire crime que de nier à un citoyen son droit à l'identité ?
Doit-on réduire les souffrances de ces millions d'Ivoiriens et d'Ivoiriennes, sur les routes, dans les quartiers et même dans les mosquées, à une simple poignée de main entre MM. Ouattara et Bédié ? Les alliances politiques sont ce qu'elles sont. Le Rdr et le Front populaire ivoirien (Fpi) ont été alliés dans le Front républicain, de 1995 jusqu'à la chute de Bédié en 1999. Le Fpi et le Pdci se sont retrouvés dans la grande coalition du « Tous sauf Ouattara » et ont pactisé lors de certaines élections, notamment les départementales. L'Union pour la démocratie et pour la paix (Udpci) était l'allié sûr du Fpi à l'Assemblée nationale, avant que le général Robert Guéi, son fondateur ne prenne ses distances en septembre 2002, après l'assassinat de son conseiller Balla Kéita, le 1er août à Ouagadougou.
Aujourd'hui, le Pdci, le Rdr et l'Udpci forment l'alliance des Houphouétistes avec le Mouvement des forces d'avenir (Mfa). Cet accord entre des acteurs politiques qui veulent, chacun, arriver au pouvoir ne saurait à lui seul apporter la paix du cœur à tous ceux qui ont souffert de l'Ivoirité. La vérité, voilà la clé de la vraie réconciliation. Et, ses victimes attendent toujours.
Kesy B. Jacob
Cette rhétorique cache mal une volonté de minimiser les ravages de l'Ivoirité au sein de la nation ivoirienne. Elle ne remet pas en cause le concept mais son interprétation. Donc, l'Ivoirité a été mal comprise et utilisée comme une arme contre le ''sphinx de Daoukro''.
Quelle belle occasion gâchée ! Henri Konan Bédié aurait pu profiter de sa présence au Nord, en pleine pré-campagne électorale, pour faire enfin son méa-culpa sur cette question. Que non ! Il a préféré ruser avec l'histoire. Ramenant le sujet à une simple levée des « malentendus » avec Alassane Dramane Ouattara (Rdr) qu'il se garde de nommer.
L'histoire commande de ne pas passer par pertes et profits la période de 1994 à 1999 qui a vu la Côte d'Ivoire sombrer dans la catégorisation de ses citoyens. Cela a commencé bien avant que M. Ouattara ne dévoile ses ambitions présidentielles. « Le limogeage de cadres ressortissants du Nord a lieu à chaque Conseil des ministres. Le Conseil national islamique (Cni) parlera alors de chasse aux cadres musulmans et accusera le nouveau régime d'avoir relevé de leurs fonctions près de 500 cadres de l'administration publique et parapublique », note Pr Lemassou Fofana dans son livre sur l'histoire du Rdr (P 32).
La situation se dégradera au fil des ans avec la structuration et la mise en œuvre de la politique de l'Ivoirité. Une chape de plomb s'abattra sur les porteurs de long boubou et tous ceux qui ne portaient pas un nom agréé par le ''prince régnant''. C'est depuis cette période que les éléments des forces de l'ordre se sont donné le droit de décider qui était Ivoirien et qui ne l'était pas. Ceux qui avaient une origine douteuse ne pouvaient même plus circuler librement. Ils risquaient de voir leur carte d'identité tout simplement déchirée. Quand le régime de M. Bédié a lancé la production de la nouvelle carte d'identité de couleur verte dite sécurisée, il n'a pu s'empêcher de nier leurs droits à des millions d'Ivoiriens. Ceux-ci n'ont jamais pu entrer en possession de leurs documents qui ont été fort opportunément oubliés dans les tiroirs de l'Office national de l'identification. Jusqu'à ce qu'ils soient jetés dans la rue en 2000, dans un désordre total. Il y a-t-il pire crime que de nier à un citoyen son droit à l'identité ?
Doit-on réduire les souffrances de ces millions d'Ivoiriens et d'Ivoiriennes, sur les routes, dans les quartiers et même dans les mosquées, à une simple poignée de main entre MM. Ouattara et Bédié ? Les alliances politiques sont ce qu'elles sont. Le Rdr et le Front populaire ivoirien (Fpi) ont été alliés dans le Front républicain, de 1995 jusqu'à la chute de Bédié en 1999. Le Fpi et le Pdci se sont retrouvés dans la grande coalition du « Tous sauf Ouattara » et ont pactisé lors de certaines élections, notamment les départementales. L'Union pour la démocratie et pour la paix (Udpci) était l'allié sûr du Fpi à l'Assemblée nationale, avant que le général Robert Guéi, son fondateur ne prenne ses distances en septembre 2002, après l'assassinat de son conseiller Balla Kéita, le 1er août à Ouagadougou.
Aujourd'hui, le Pdci, le Rdr et l'Udpci forment l'alliance des Houphouétistes avec le Mouvement des forces d'avenir (Mfa). Cet accord entre des acteurs politiques qui veulent, chacun, arriver au pouvoir ne saurait à lui seul apporter la paix du cœur à tous ceux qui ont souffert de l'Ivoirité. La vérité, voilà la clé de la vraie réconciliation. Et, ses victimes attendent toujours.
Kesy B. Jacob