Le soutien aveugle du président Sarkozy à Alassane Dramane Ouattara pourrait laisser des failles dans le pouvoir français. Alors que les Ivoiriens mettent tout en œuvre pour sortir définitivement de la crise actuelle, une certaine France se croit encore en droit de choisir qui doit gouverner la Côte d’Ivoire. Et le débat fait rage en ce moment à l’Elysée. Selon Bernard Kouchner dont les propos ont été rapportés par l’Agence africaine d’information, “la France ne permettra pas que tout l’effort qu’elle a consenti durant de nombreuses décennies pour faire de la Côte d’Ivoire ce qu’elle est aujourd’hui, tombe en ruine à travers une politique dictée par un groupe d’amis qui sont aussi des ennemis pour la France. Il faut faire quelque chose et nous allons faire quelque chose pour que les choses changent en Côte d’Ivoire…”, aurait-il déclaré. Bien que très grave, l’information est presque passée inaperçue dans l’opinion ivoirienne. Kouchner, comme chacun le sait, se veut plus sarkoziste que Sarkozy lui-même. Il est donc un des chefs de file des plus grands béni-oui-oui du chef de l’Etat français. On sait que lorsqu’il parle, c’est Sarkozy qui s’exprime. Et il n’a pas hésité à lâcher le mot “ennemi”. Entendez ceux des Ivoiriens qui ne veulent pas de caution extérieure pour gouverner leur propre pays, ceux qui estiment que la Côte d’Ivoire doit appartenir aux Ivoiriens comme la France appartient aux Français, ceux qui pensent qu’il est temps de donner au mot indépendance tout son sens. Voilà les ennemis de la France, selon Sarkozy. Il a depuis longtemps, laissé de côté ses promesses de politique de rupture d’avec l’ordre ancien. Depuis son séjour au Gabon main dans la main avec Chirac, il a effectué un virage dangereux à 180 degrés. Les fréquents voyages d’Alassane Dramane Ouattara en France alors qu’il devait faire tranquillement campagne au pays, en disent long sur la menace qui plane. Il y a donc à craindre que la fin de la crise et le retour à la tranquillité pour les Ivoiriens ne soient pas pour demain. Certes, le Premier ministre François Fillon ne partagerait pas les vues du président français, toujours selon l’agence africaine d’information. Il estimerait que “seuls les Ivoiriens aient le droit et l’intime conviction de choisir le président qui convient le plus aux aspirations du moment”. Il ne souhaiterait aucune ingérence extérieure, ni de la France, ni de tout l’occident. Ce faisant, le Premier ministre français se montrerait plus lucide. D’autant que, comme le reconnaît un diplomate allemand cité par l’agence africaine, “Paris a mal géré la crise ivoirienne et continue de s’engouffrer dans l’abîme dans ses relations à tous points de vue entre la France et la Côte d’Ivoire”. Apparemment, Sarkozy et les sarkozistes n’en ont cure. Qu’est-ce qui peut bien les pousser à vouloir agir avec autant d’inconséquence ? La première raison a été, depuis quelque temps, donnée par le quotidien du RDR. Selon lui, les jeunes Ivoiriens, déçus par le président Gbagbo, ne seraient plus prêts à descendre dans la rue pour défendre la légalité constitutionnelle, ainsi que la dignité et la liberté de leur pays. Deuxièmement, la France regrette déjà les gros avantages économiques que leur garantissaient les rapports anciens avec la Côte d’Ivoire. En criant lors d’une tournée électorale, que “les refondateurs sont des chinetoques”, Bédié, un autre suppôt de la France colonialiste, ne fait rien d’autre que d’appeler la France à revenir prendre ses biens à la Chine qui avance. Une promesse de rendre la Côte d’Ivoire à la France si cette puissance l’aide à revenir au pouvoir. Cet appel du pied n’est, semble-t-il, pas entré dans des oreilles de sourd. Effectivement, la vie politique de Bédié et Alassane Dramane Ouattara dépend de l’extérieur, en l’occurrence la France. Mais ce pays peut-il se permettre de rééditer la bêtise de novembre 2004 ? Il devrait mener une enquête profonde sur le terrain, avant de se laisser tomber dans le piège de Bédié et d’Alassane Ouattara. Si Sarkozy se met à croire que les Ivoiriens ont changé en si peu de temps au point d’abandonner leur pays à l’ogre de la Fançafrique, il se trompe lourdement. Paul D. Tayoro ptayoro@yahoo.fr
Politique Publié le lundi 16 novembre 2009 | Notre Voie