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Faits Divers Publié le mardi 17 novembre 2009 | Nord-Sud

Coups et blessures volontaires / Me Yacouba Doumbia (Avocat) : “Certains médecins délivrent des certificats médicaux complaisants”

Comment peut-on définir les coups et blessures volontaires ?
C’est une infraction, c’est-à-dire un comportement qui est prévu et puni par la loi pénale. On classifie cette infraction dans la catégorie des délits, prévus et punis par l’article 345 du code pénal ivoirien. C’est ce code qui prévoit et qui réprime en même temps l’infraction de coups et blessures volontaires.

Pensez-vous que tous les cas de coups et blessures qui passent en jugement au tribunal sont réellement des faits avérés ?
C’est à la suite des altercations, c’est-à-dire les querelles de voisinage, au marché ou dans des cours communes que quelqu’un porte des coups à l’autre. Celui qui a reçu les coups peut être blessé comme ne pas l’être. Si la victime estime qu’elle a subi un dommage, elle saisit la justice pour engager des poursuites à l’encontre de son agresseur. L’affaire peut partir de la police où elle a porté plainte. Le commissariat mène les enquêtes. Puis, le mis en cause est déféré au tribunal devant le procureur de la République. Ou bien la victime va directement au tribunal en saisissant le ministère public par une citation directe. Vous pouvez également saisir le procureur de la République. Il vous délivrera, si vous êtes victime de coups et blessures volontaires, un soit transmis. Et la police va diligenter une enquête pour lui communiquer les conclusions de l’investigation. Par une citation directe, vous pouvez aussi saisir directement la juridiction de jugement qui statue selon les preuves que vous allez présenter.

Souvent les victimes présentent un certificat médical attestant d’une incapacité de travail. Ce document mentionne aussi les dommages subis. Cependant, ces personnes sont apparemment en parfaite santé. Le préjudice n’est pas très souvent à la hauteur de la somme demandée. Est-ce que cette façon de faire ne cache pas une volonté d’escroquer?
C’est le juge qui apprécie. Si vous énoncez les préjudices, il faut le prouver. Le préjudice peut être corporel ou matériel. C’est l’ensemble de tous ces préjudices qui fait souvent que le montant est élevé. Il faut prouver le préjudice qu’on prétend avoir subi. Sinon le juge, en principe, est libre de dire que vous êtes recevable à demander mais mal fondé.

Comment la victime peut-elle prouver qu’elle a reçu des dommages corporels ou matériels ?
Pour les coups et blessures volontaires en général, le plaignant fournit un certificat médical pour dire que les coups ont occasionné des blessures et cela a entraîné une incapacité de travail. Ou aussi, qu’il n’a pas pu travailler durant un certain nombre de jours donc matériellement il a perdu. Car, s’il avait travaillé, il aurait pu gagner autant. Le préjudice peut se prouver autrement aussi, c’est-à-dire quand vous prenez le code Cima des assurances aujourd’hui, il y a une évaluation des divers chefs de préjudice. Donc si vous êtes blessé, on évalue avec un barème bien précis. Ainsi, on prend le code Cima pour calculer les dommages moraux et matériels.
Y a-t-il un moyen pour attester l’authenticité d’un certificat médical?
Le médecin délivre son certificat médical, mais nous savons qu’il y a beaucoup de certificats de complaisance. Il faut donc le démontrer lorsque vous êtes devant le juge. Si vous affirmez que vous avez eu une incapacité de travail de 21 jours par exemple, cela prouve que vous avez été alité pendant tout ce temps à l’hôpital. Il faut à ce moment apporter les preuves de l’hospitalisation. On peut toujours demander une contre expertise du certificat. Si vous n’êtes pas d’accord avec le certificat, vous faite une demande pour dire qu’il s’agit d’un certificat de complaisance. L’accusé peut demander qu’un autre médecin soit désigné pour faire une contre analyse du certificat.

Est-il possible que le prévenu engage une poursuite judiciaire contre la victime pour faux ?
C’est parfaitement possible, vous attaquez donc le faux certificat médical. Mais la simple allégation du faux ne suffit pas à prouver le faux. Donc il faut initier une procédure en faux contre le certificat médical. Le faux aussi est une infraction prévue et punie par le code pénal. On s’appuie sur des éléments scientifiques pour démontrer que le certificat est une attestation de complaisance. Le juge ne pourra pas tenir compte de cela pour vous juger puisque la base de la poursuite est fausse. Autant vous pouvez allez en prison pour avoir causé des coups et blessures volontaires, autant celui qui a fourni le faux certificat et le médecin sont susceptibles d’être poursuivis et retenus pour aller en prison.

Si un homme bat sa femme par exemple, peut-elle porter plainte contre lui pour coups et blessures volontaires ?
C’est possible. La police ne juge pas. Elle mène les enquêtes et fait les auditions, apporte la preuve. Elle transfert le dossier au tribunal. Même le procureur ne juge pas, lui aussi estime qu’il y a des éléments et transfert votre dossier devant la juridiction de jugement où il y a 3 juges qui sont habilités à qualifier le délit et décider de la poursuite de l’affaire. Lorsque la police précise qu’il s’agit de scènes de ménage qu’on pourrait régler à la maison, c’est une vision africaine des choses. Mais, si l’on s’en tient à la loi, une femme battue, ce sont des coups et blessures volontaires. Elle peut demander réparation du préjudice causé. Mais si le mari va en prison, elle doit se débrouiller pour s’occuper des enfants et de lui. Voilà encore d’autres problèmes.

Vous avez dit qu’il est possible de mener une contre expertise pour déceler les anomalies du faux certificat médical. Avez-vous défendu des cas similaires ?
J’ai défendu des cas ou j’ai eu à démontrer devant la juridiction que le certificat délivré contre mon client était com­plaisant. Donc ce certificat n’a plus été utilisé par le juge pour fonder la culpabilité de mon client. La victime disait avoir eu une incapacité de travail de vingt un jours. Or, au-delà de douze jours, il faut pouvoir être alité, alors qu’elle n’avait aucune preuve d’une quelconque hospitalisation. En plus, elle semblait en parfaite santé comme vous le constatez parfois au tribunal. La personne peut être bien portante mais le médecin se sent souvent obligé de lui délivrer un certificat médical. Dans ce cas précis, mon client s’en est bien tiré.

Des plaignants demandent souvent des sommes énormes à la barre pour leur dédommagement. Existe-t-il un barème qui détermine les montants à payer ?
Il n’y a pas de barème. C’est la constitution de partie civile. Par exemple, la victime peut perdre un œil, un membre, du matériel, etc. Elle doit être capable d’évaluer en monnaie le préjudice subi. Mais cela doit se faire avec des justificatifs. La personne doit apporter les preuves et pouvoir évaluer ses dommages de façon scientifique, sinon ce qu’elle demande n’est pas fondé. Donc, la constitution de partie civile est mal fondée. Si elle apporte les preuves de tout ce qu’elle demande à la hauteur du préjudice, elle est dédommagée sans problème. Mais, il y a souvent de telles pratiques qui font que le juge intervient de façon arbitraire. Sinon le juge pénal n’est pas véritablement celui qui devait fixer le montant comme vous l’avez constaté. Par exemple, dans les procédures anglo-saxonnes, le juge reconnaît la culpabilité et la responsabilité de l’auteur de l’infraction. Le principe étant acquis au niveau pénal, vous passez devant le juge civile pour demander les dédommagements avec toutes les preuves de ce que vous demandez. Donc à la hauteur de ce que vous avez subi.

Si Vous avez dépensé ou perdu un million de Fcfa par exemple, vous pouvez réclamer cette somme. Mais avec le système francophone, à l’occasion du procès pénal, vous pouvez vous constituer partie civile. C‘est-à-dire que vous dites le préjudice subi et le dédommagement que vous demandez. Il faut savoir aussi qu’en matière d’infraction, lorsque vous initiez la procédure, vous n’en êtes plus maître. Car on estime qu’il s’agit de quelque chose appartenant au domaine public, qui cause un trouble à l’ordre public. C’est pourquoi le procureur, saisi de l’affaire pénale, qui est l’autorité de poursuite, vous aide au niveau du tribunal. Votre intérêt est d’évaluer le dommage subi et le présenter devant le juge. Mais, cela ne se fait pas de façon automatique. Il faut que le magistrat dise si vous êtes recevable et bien fondé à demander. Car vous pouvez être recevable mais pas bien fondé à demander pour mise en cause des preuves.

Par exemple vous avez été victime de vol et vous avez perdu trois cent mille francs. Si vous connaissez le voleur, alors vous pouvez vous constituer partie civile pour réclamer uniquement vos trois cent mille. Mais si la procédure met du temps, vous pouvez appliquer le taux légal de la banque centrale, pour montrer le taux d’intérêt que cet argent vous aurait rapporté en placement dans une banque. C’est vérifiable et assez scientifique. Les sommes des plaignants à la barre sont soumises à la discrétion des juges. Si la victime demande six cent mille francs, le juge peut retenir 150.000 Fcfa ou 100.000 Fcfa. Par manque de moyen et aussi s’il veut s’adonner à des calculs, les dossiers vont s’entasser. Il faut fixer pour pouvoir vite donner les décisions qui n’ont pas véritablement de base factuelle c’est-à-dire qui ne sont pas véritablement prouvés.

Que veut dire la constitution de partie civile ?
En matière de constitution de partie civile, il faudrait que la loi réglemente afin d’éviter les abus que nous constatons. On le regrette tous, mais nos tribunaux sont suffisamment chargés. Donc aller statuer sur les responsabilités, la culpabilité d’un individu, c’est une autre histoire. On doit s’en accommoder.

En tant que défenseur des droits de l’Homme, que faites-vous pour corriger ces insuffisances ?
Nous ne faisons qu’appliquer les lois. Mais, faisant partie des droits de l’Homme, nous faisons du lobbying au niveau des députés pour montrer qu’ils ont voté des lois sans tenir compte du contexte. Car il faut tenir compte de l’évolution du temps et des délits parce que le code pénal français que nous avons copié évolue avec le temps et en fonction des criminalités. Mais personne n’y songe, on pense plutôt aux élections.

Interview réalisée par LAC
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