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Économie Publié le mercredi 25 novembre 2009 | Nord-Sud

Simplice Kouassi, chercheur-généticien : “La tomate peut remplacer le café cacao”

Anciennement en service au Centre national de recherche agronomique (Cnra), où il a fait d’importantes découvertes, Simplice Kouassi a décidé de voler de ses propres ailes. Il vient d’expérimenter avec succès, une innovation au niveau de la production de la tomate fraîche à partir de matières locales.

Vous avez expérimenté une nouvelle technologie sur la production de la tomate. Expliquez-nous succinctement de quoi il s’agit?
C’est une initiative de la Maison du Génie Agricole, Agribusiness & Contract Farming (GenieAgro) qui est une organisation indépendante créée en 2006, basée à Abidjan. Cette institution développe des solutions à l’attention des agriculteurs et des opérateurs économiques du secteur à l’effet de créer une synergie générale pour booster le développement agricole en Côte d’Ivoire. Il s’agit à la fois d’une force de travail et d’une intelligence agricole. En tant que force de travail, l’organisation crée et manage des exploitations agricoles. En tant qu’intelligence agricole, elle mène des activités de recherche-développement. L’enjeu fondamental est de réduire la pauvreté en milieu rural. Nos activités de recherche ont abouti à des résultats concluants sur la culture hydroponique (ou culture hors sol) en Côte d’Ivoire. Il faut noter que cela constitue une innovation en Afrique au Sud du Sahara, qui lève une importante contrainte pour la diffusion de l’agriculture de précision devant occasionner la révolution verte en Afrique au Sud du Sahara. Cette issue augure d’une bonne perspective pour la réalisation de la sécurité alimentaire.

En plein champ, la tomate ne dépasse pas 30 tonnes à l’hectare. Quel est le niveau de rendement de la culture hors sol?
Les meilleurs rendements obtenus en plein champ sont de l’ordre de 25 tonnes à l’hectare. Par contre, en culture hydroponique, on réalise 90 à 120 tonnes par hectare pour un cycle de culture de trois mois.

Les rendements sont élevés, on le voit, mais pour le petit planteur, où trouver le substrat ? Quel est le coût des sacs ?
Nous disposons d’une unité opérationnelle dénommée Bureau de formulation de substrats (Bfs) basée à Abadjin Bimbresso dans la sous-préfecture de Songon. Cette unité a pour mission de mener toutes les recherches fondamentales en matière de formulation de substrats de culture, d’engrais organiques et de composites. Il faut signaler que la capacité de production actuelle du BFS est faible, autour de 200 sacs de substrats par jour. En attendant que les opérateurs économiques privés implantent une véritable industrie de formulation de substrats dans le pays, les planteurs peuvent s’approvisionner en substrats de culture à partir du Bfs sis à Abadjin Bimbresso.

Nous avons entendu dire que le substrat est composé de déchets industriels de type végétal.
Les déchets industriels d’origine végétale posent des problèmes d’environnement dans le secteur industriel du pays. Il s’agit, notamment, des copeaux de bois (issus de l’industrie de transformation secondaire du bois), des sciures de bois (issues de l’industrie de transformation primaire du bois), des parches de café (issues de l’industrie agroalimentaire du café), des coques de cacao (issues de l’industrie agroalimentaire du cacao). La tourbe de coco est, quant à elle, une matière première exportée par l’industrie de transformation de la bourre de coco vers les pays tempérés qui en font des substrats de culture. Nous nous sommes attelés à faire de ces déchets végétaux industriels, des produits nobles pour l’agriculture. Ceci participe de notre engagement à promouvoir une agriculture respectueuse de l’environnement et contributive de la préservation du cadre de vie et de travail. Notre Bureau de formulation de substrats (Bfs) exploite ces produits végétaux industriels pour booster les rendements agricoles, notamment des tomates et autres cultures maraîchères.

A combien peut-on évaluer les charges d’exploitation pour un hectare par exemple ?
Le besoin de financement de 1.000 mètres carrés est de l’ordre de 3.190.500 Fcfa. Il faut multiplier ce besoin par un facteur de 10 quand on s’intéresse à 1 hectare de plantation. Il faut souligner que la culture hydroponique est une agriculture intensive à haute intensité de main d’œuvre ; de petites surfaces permettent de gran­des récoltes. Par exemple, sur 1.000 m2, on récolte facilement 9 tonnes de tomates.

Comment va se faire la vulgarisation de l’innovation technologique ?
Nous avons mené des recherches sur fonds privés qui ont abouties à ces résultats. Toutefois, GenieAgro s’est investie d’une mission de développement communautaire. C’est pour­quoi, la maison est disposée à s’associer à toutes les parties prenantes du système national de recherche et de développement à l’effet de procéder au transfert de la technologie de culture hydroponique aux agriculteurs. Déjà, nous procédons à la formation des planteurs et à l’assistance technique des plantations hors sol en cours de création sur toute l’étendue du territoire national.

Avez-vous pris attache avec les organismes publics et privés ?
Compte tenu des priorités actuelles du gouvernement, des autorités politiques et administratives, nous nous préoccupons de faire notre part de travail, à savoir, créer les fondements scientifiques et techniques de base pouvant soutenir le développement des nouvelles filières agricoles basées sur la culture hydroponique. En temps opportun, notamment au cours de la reconstruction agricole du pays, nous nous associerons aux initiatives publiques et privées pour assurer la remise en route du développement agricole.

Il est évident comme vous le dites, qu’avec la sortie de crise, les priorités sont ailleurs, qu’allez-vous faire pour obtenir les financements ?
Nous pensons que le développement agricole constitue une priorité implicite de l’administration publique et privée. Les besoins de financement sont importants pour poursuivre les investigations et améliorer davantage les performances actuelles. Nous solliciterons des financements pour des sujets circonscrits dont l’impact sur les progrès technologiques peut être anticipé à court terme. Nous envisageons également mener des recherches en partenariat avec les autres institutions de recherche afin de partager les efforts et bénéficier des nombreuses intelligences de la nation.

La tomate est une plante qui pousse en milieu tropical chaud. La meilleure zone en Côte d’Ivoire, c’est le Nord. Votre système va-t-il prendre en compte tout le territoire?
La zone de prédilection de la tomate est effectivement le Nord parce qu’il y fait plus chaud et que l’humidité relative y est plus faible ; toute chose qui limite les attaques parasitaires. La culture hydroponique de la tomate au Nord constitue un véritable challenge économique. L’administration publique des années 1970 y avait déjà pensé ; il s’agit de saisir l’opportunité de cette innovation technologique pour relever le défi. Il faut dire que les zones très ensoleillées comme le Nord ont un avantage comparatif par rapport aux zones du Sud. Toutefois, les rendements de 120 tonnes à l’hectare ont été obtenus dans les mêmes conditions au Sud du pays ; on peut raisonnablement en espérer davantage dans les conditions du Nord, tout facteur étant égal par ailleurs.

Les infrastructures de base sont-elles opérationnelles en ce moment ?
Nous disposons d’infrastructures opérationnelles, notamment le Centre d’innovation horticole (Cih) et le Bureau de formulation du Substrats (Bfs).

Pouvez-vous expliquer un peu les options. Il semble qu’il y en a plusieurs.
La culture hydroponique peut se faire en exploitant plusieurs matériaux comme contenant du substrat de culture. On peut utiliser les bacs de culture incrustés au sol, les caisses en bois, les sachets, les sacs, les seaux, etc. En utilisant un contenant facilement déplaçable, la culture hors sol peut être pratiquée à la maison ou en pleine ville sur les dalles d’immeubles.

L’engrais chimique est efficace mais ne tient pas compte de la bio. L’engrais organique va-t-il régler ce problème ?
Les substrats de culture sont formulés de façon complète, c’est-à-dire que le planteur n’a pas besoin d’y épandre des engrais en cours de culture. Il s’agit d’une agriculture à tendance biologique. Les engrais chimiques sont totalement exclus de l’environnement du planteur qui adopte la culture hydroponique sur substrat tel que formulé par GenieAgro. Apres 2 à 3 cycles de culture, le planteur recharge le substrat auprès du fournisseur sans avoir à manipuler ou à acheter des engrais chimiques. Les engrais organiques, ainsi que les biopesticides sont compatibles avec la culture hydroponique.

Est-ce que vos tomates ont le même goût que ce que nous avons déjà ?
Les tomates issues de la culture hors sol ont meilleur goût que les tomates ordinaires ; elles sont plus fermes, colorées de façon homogène et elles durent plus longtemps dans le circuit commercial.

Entretien réalisé par Lanciné Bakayoko
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