Je me sens meurtri de me trouver en ce moment chez moi, dans ma chambre, à Abidjan. Depuis des mois, je croyais que je serai à Ouagadougou en ce mois de novembre. J’attendais mon invitation. Elle n’est pas venue. Tout le monde connait ma passion pour livre. Je ne cesse d’expliquer, à tout moment et à toutes les occasions, que notre retard et notre sous-développement sont liés à notre manque de la pratique quotidienne du livre et de la lecture. Notamment et surtout de la pratique des cinq genres de lecture. A savoir, la lecture dite d’information ; la lecture de distraction ; la lecture d’acquisition ; la lecture de ravissement et l lecture d’élévation. La seule lecture d’acquisition, celle liée à l’école et aux diplômes universitaires ne peut pas faire un homme total, un homme complet, et surtout un homme à l’esprit tourné vers le développement de son pays. Hélas, les bailleurs de fonds continuent de croire que nos problèmes sont matériels et financiers. Ils trouveront ridicules qu’on leur demande des crédits pour construire, dans toutes nos villes, des centres de lecture. Et pourtant, leur propre parcours et ceux de leur pays sont liés au livre et à la lecture. A Ouagadougou, se tient en ce moment le Filo, La Foire Internationale du Livre de Ouagadougou. Elle a commencé le 24 de ce mois et prendra fin le dimanche. Par la magie de la télévision, on voit l’engouement de cette foire auprès du public. Tenez-vous bien, cette foire est à sa neuvième édition et se tient chaque année. Ici, on a voulu faire la concurrence à la foire du livre de Dakar en tenant un salon tous les deux ans. Ne me demandez pas à combien d’édition nous sommes. On n’en parle même plus. Je me souviens encore de la première édition, à la Bibliothèque Nationale. J’étais assis dans mon stand quand Laurent Gbagbo vint vers moi et me dit : « Biton, accompagne moi visiter les stands des éditeurs. » Il était encore dans l’opposition. Je ne peux pas comprendre, disons admettre, que Ouagadougou nous dépasse en matière de promotion du livre après le cinéma et l’artisanat. Jamais on n’a eu dans notre pays deux personnes aussi passionnés de livre et de la lecture. Laurent Gbagbo c’est un secret de polichinelle. C’est l’enfant du livre. Soro Guillaume dort avec les livres. Pourquoi ne serions nous pas en tête en matière de développement et de promotion du livre. J’ai été malade hier, je n’ai pas bien dormi la nuit, quand j’ai appris que ces cinq derniers mois sont sortis des presses du Sénégal 170 livres dans tous les genres. Insupportable pour moi. LG, tu dis quoi ? Soro, on fait quoi ? C’est bien les élections. Mais comme l’a dit le Président Blaise Compaoré, « notre problème en Afrique est un déficit de savoir et de la connaissance » qu’on ne peut combler que par la pratique quotidienne des cinq genres de la lecture. Les cinq piliers de la connaissance et du savoir. Se tenir sur un pilier ne suffit pas à faire tenir l’édifice. Les Ouagalais sont dans la joie et le plaisir. Les livres sont en mouvement dans leur pays. Quand je participais à la première Foire Internationale du Livre de Ouagadougou, en 2000, où j’étais l’invité d’honneur, avec Cheick Hamidou Khane, j’étais loin d’imaginer que les organisateurs arriveraient à neuf éditions. Quelque chose ne va pas à Abidjan. Attendons la fin des élections. On va parler. On doit parler. Aucun de nos hommes ou femmes politiques ne parle du livre et de la lecture. J’ai lu dans la presse qu’une femme a « osé » demander à son leader politique une bibliothèque dans sa ville. Je ne sais pas si on a pris la peine de lui répondre à ce sujet. A Ouaga, ils font bien de prendre comme thème de leur foire la littérature africaine au xx1 siècle. Je me demande si l’un des exposants aura le livre de Pattrizia d’Addario sur son stand. Le livre n’est sorti que le mercredi dernier. Souvenez-vous de cette call girl qui a fait la une de toute la presse mondiale. Dans son livre, elle raconte son enfance et comment elle est arrivée à la prostitution. Elle livre au lecteur des chapitres croustillants de ses ébats amoureux avec Il Cavaliere, en l’occurrence, Silvio Berlusconi, au Palais Gazzioli, la résidence privée de Rome de l’Italien le plus célèbre. Les journalistes, après avoir lu son livre, lui demandèrent si elle avait dans sa clientèle d’autres hommes politique. Elle répondit de manière laconique : « J’ai eu le numéro 1. » Moi, j’ai acheté un livre intitulé : « Epouses et Concubines de Chefs d’Etat Africains . » J’ai voulu en faire une de mes chroniques du Samedi. Dès que je l’ai lu, j’ai renoncé. En matière de démocratie , l’Afrique, nous ne sommes pas encore au niveau de l’Occident. Il ne faut pas chercher palabre où « y en a pas » Je ne suis pas Norbert Zongo. Lire cet ouvrage, comme la lecture de tous les livres, a fait mon bonheur et ma joie. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
PS : Le samedi 14 novembre dernier s’est déroulée, sur le parvis de l’église Sainte Cécile des 2 Plateaux, la levée de corps d’Adou Koffi, professeur de philosophie, auteur, président de l’ONG « Eclat Culturel » et président de l’Association de défense du consommateur « Mieux Etre », décédé le 5 Octobre 2009. Evidemment, la mort de ce grand militant de la culture est passée sous silence par notre presse. Jamais, je n’ai vu un homme aussi déterminé à faire la promotion du livre et de la lecture. Cher frère, on continuera ton combat. Dors en paix.
PS : Le samedi 14 novembre dernier s’est déroulée, sur le parvis de l’église Sainte Cécile des 2 Plateaux, la levée de corps d’Adou Koffi, professeur de philosophie, auteur, président de l’ONG « Eclat Culturel » et président de l’Association de défense du consommateur « Mieux Etre », décédé le 5 Octobre 2009. Evidemment, la mort de ce grand militant de la culture est passée sous silence par notre presse. Jamais, je n’ai vu un homme aussi déterminé à faire la promotion du livre et de la lecture. Cher frère, on continuera ton combat. Dors en paix.