Les superstitions en Côte d’Ivoire continuent d’être encrées dans nos habitudes, malgré le modernisme. Bien malheureusement, ce sont des croyances qui nuisent à la vie de nombreuses personnes. Notre dossier.
En venant au monde les plantes du pied complètements plates, Nahoua Traoré, 32 ans, était loin d’imaginer qu’un jour cela lui causerait un grand tort. Mariée à l’âge de 21 ans à un riche commerçant de pièces détachées à Adjamé 220 logements, non loin de l’école primaire Delafosse, elle vit le bonheur. Tout va bien dans ce jeune couple qui a convolé en juste noce en 2002. Nahoua met au monde une fille. Mais, en 2007, de retour d’un voyage à Lomé, Mohamad est victime d’un accident de la circulation. Après avoir fait le tour des Chu d’Abidjan, sa santé s’améliore. Mais hélas, ses ventes de pièces détachées prennent un coup. Plus rien ne marche pour l’époux. Alors, celui-ci commence à rechercher la cause de ses malheurs. Son entourage, indexe son épouse : Nahoua Traoré. Elle a la plante du pied plate, disent-ils. Et ce signe est un malheur pour le couple. Les malheurs de Nahoua débutent. « Au début, il (mon mari) me boudait, m’accusait d’être la cause de ses malheurs, parce que la plante de mon pied est plate. Il disait que je suis une femme qui porte malheur », se souvient-elle avec tristesse. L’époux est sans équivoque. Les femmes dont la plante des pieds est plate portent malheur. Et il raconte : « Bien avant mon mariage, ma mère m’avait prévenu que les femmes qui ont la plante des pieds plate portent malheur. Mais, je ne croyais pas à ses histoires. Aujourd’hui, j’ai la preuve de ce qu’elle me disait, avec Nahoua.
Les albinos visés
Depuis qu’elle est entrée dans cette maison, les choses se passent mal», indique-t-il. Coïncidence où réalité ? En tout cas, depuis le 24 décembre 2007, Nahoua Traoré a été répudiée de son foyer. Aujourd’hui en famille à Abobo Avocatier, elle vend du poisson frais, avec l’espoir de se remarier un jour... avec quelqu’un qui ne croit pas aux superstitions. Ce cas interpelle. La superstition est une réalité. Et elle constitue un lourd fardeau pour certaines personnes qui y croient et un danger pour les victimes, albino, femmes à la plante du pied plate, handicapés… Le cas des albinos semble le plus grave. Ils sont souvent utilisés comme sacrifice. Les croyances prêtent à ces personnes, considérées comme mi-hommes mi-génies, des vertus occultes, sources de pouvoirs maléfiques ou bénéfiques tels que la capacité de jeter des mauvais sorts ou rendre riche. Amy Bamba, tante de Karim, un albinos de 6 ans, se bat actuellement pour préserver son neveu. Le garçon est l’objet de convoitise chez les coiffeurs. « Il y a des personnes véreuses qui n’hésitent pas à lui raser la tête et à emporter ses cheveux, sous prétexte de les utiliser pour devenir riche. Il y a des personnes qui viennent me proposer des sommes exorbitantes justes pour avoir une touffe de cheveu», explique-t-elle. Lasse de voir ce genre de scène se répéter, par la faute de la superstition, la tante surveille le garçon comme du lait sur le feu. Car, si les coiffeurs guêttent leurs cheveux, certains sont à la recherche de leurs organes pour devenir des hommes puissants. Certains vont même jusqu’à dire qu’épouser une albinos est source de bonheur. Ce qui fait de ces personnes la cible de certains superstitieux. Et si ce ne sont pas les albinos où les femmes aux plantes des pieds plates qui en font les frais, ce sont le veuves.
Komalé Habiba, veuve, mère de trois filles, a perdu son mari il y a un peu plus de cinq ans. Elle s’est remariée au frère de ce dernier conformément à leur tradition. Lorsqu’une veuve se remarie, le premier enfant qui naît de cette union doit être de sexe féminin, selon certaines superstitions. Dans le cas contraire, c’est-à-dire si c’est un garçon, l’un des époux (la veuve ou le mari) va mourir. C’est dans cette situation que Habiba s’est retrouvée. « Lorsque j’ai contracté ma grossesse mon souhait était d’avoir un garçon, car je n’ai fait que des filles», révèle-t-elle. Ses prières vont être exaucées. Le 4 janvier 2009, elle accouche d’un garçon de 4 kg et demi au Chu de Yopougon. Mais, si son désir de mère est comblé, ce n’est pas le cas pour son époux. Une semaine après son accouchement, celui-ci l’accuse de vouloir le tuer. « Notre premier enfant ne peut pas être un garçon. Si cet enfant arrive à survivre l’un de nous va mourir. Or, je ne suis pas encore prêt à partir de ce monde », se plaint-il. Comme si cette pauvre dame a le pouvoir de choisir le sexe de son enfant . Et d’où vient cette croyance qui dit que l’un d’entre eux doit mourir parce qu’elle a accouché d’un garçon? Pour l’époux, la solution est simple, il faut éliminer le bébé. Curieusement le lundi 19 janvier, le bébé nommé Gérard est pris de convulsion et rend l’âme. Volonté divine ? En tout cas, la coïncidence est nette. Mais, le mari est soulagé et la mère a le cœur meurtri.
Beaucoup de personnes vivent au quotidien le poids de ses pratiques superstitieuses. Certains y sacrifient leur bonheur et causent du tort à leurs prochains.
Des jumeaux adorés comme des dieux
Karidjatou S., relate toujours avec amertume la situation dans laquelle elle s’est retrouvée lorsque ses jumeaux sont nés. Dans sa société, les jumeaux sont vus comme des demi-dieux. C’est une bénédiction, une grâce pour les familles dans lesquelles naissent ces enfants. Ayant épousé un homme qui n’avait pas les mêmes croyances qu’elle, elle a eu du mal à élever ses enfants. Aux dires de sa communauté, ses jumeaux sont exceptionnels. Parce qu’ils sont nés en plus avec chacun six doigts. «Il est dit qu’un enfant qui naît avec un doigt supplémentaire aura la chance toute sa vie », révèle la mère. Selon elle, les voisins ayant compris cela, ne lui ont pas laissé de repit. Chacun venait leur faire des dons dans le but que leurs vœux se réalisent. « Plus tard, certains de ceux qui sont venus faire des dons, sont revenus me donner des présents parce qu’ils voulaient soit réussir à un concours, soit être embauché dans une entreprise. J’étais excédée », souligne-t-elle. Si bien qu’elle avait l’impression d’être une mendiante. Le plus dur, dit-elle, c’est qu’elle n’avait pas le droit de refuser un seul sacrifice : «Ma maison a été transformée en un lieu d’adoration. Les matins, quand je me réveillais, je trouvais toujours des personnes assises qui attendent la bénédiction des jumeaux avant de vaquer à leurs occupations. Mon mari qui ne comprenait rien à tout celà me menaçait de trouver une solution ». Fatiguée, horripilée Karidjatou n’a eu le choix que de quitter Ferkessédougou pour Abidjan. Ah, superstition, quand tu nous tiens !
Soro Sita (Stagiaire)
En venant au monde les plantes du pied complètements plates, Nahoua Traoré, 32 ans, était loin d’imaginer qu’un jour cela lui causerait un grand tort. Mariée à l’âge de 21 ans à un riche commerçant de pièces détachées à Adjamé 220 logements, non loin de l’école primaire Delafosse, elle vit le bonheur. Tout va bien dans ce jeune couple qui a convolé en juste noce en 2002. Nahoua met au monde une fille. Mais, en 2007, de retour d’un voyage à Lomé, Mohamad est victime d’un accident de la circulation. Après avoir fait le tour des Chu d’Abidjan, sa santé s’améliore. Mais hélas, ses ventes de pièces détachées prennent un coup. Plus rien ne marche pour l’époux. Alors, celui-ci commence à rechercher la cause de ses malheurs. Son entourage, indexe son épouse : Nahoua Traoré. Elle a la plante du pied plate, disent-ils. Et ce signe est un malheur pour le couple. Les malheurs de Nahoua débutent. « Au début, il (mon mari) me boudait, m’accusait d’être la cause de ses malheurs, parce que la plante de mon pied est plate. Il disait que je suis une femme qui porte malheur », se souvient-elle avec tristesse. L’époux est sans équivoque. Les femmes dont la plante des pieds est plate portent malheur. Et il raconte : « Bien avant mon mariage, ma mère m’avait prévenu que les femmes qui ont la plante des pieds plate portent malheur. Mais, je ne croyais pas à ses histoires. Aujourd’hui, j’ai la preuve de ce qu’elle me disait, avec Nahoua.
Les albinos visés
Depuis qu’elle est entrée dans cette maison, les choses se passent mal», indique-t-il. Coïncidence où réalité ? En tout cas, depuis le 24 décembre 2007, Nahoua Traoré a été répudiée de son foyer. Aujourd’hui en famille à Abobo Avocatier, elle vend du poisson frais, avec l’espoir de se remarier un jour... avec quelqu’un qui ne croit pas aux superstitions. Ce cas interpelle. La superstition est une réalité. Et elle constitue un lourd fardeau pour certaines personnes qui y croient et un danger pour les victimes, albino, femmes à la plante du pied plate, handicapés… Le cas des albinos semble le plus grave. Ils sont souvent utilisés comme sacrifice. Les croyances prêtent à ces personnes, considérées comme mi-hommes mi-génies, des vertus occultes, sources de pouvoirs maléfiques ou bénéfiques tels que la capacité de jeter des mauvais sorts ou rendre riche. Amy Bamba, tante de Karim, un albinos de 6 ans, se bat actuellement pour préserver son neveu. Le garçon est l’objet de convoitise chez les coiffeurs. « Il y a des personnes véreuses qui n’hésitent pas à lui raser la tête et à emporter ses cheveux, sous prétexte de les utiliser pour devenir riche. Il y a des personnes qui viennent me proposer des sommes exorbitantes justes pour avoir une touffe de cheveu», explique-t-elle. Lasse de voir ce genre de scène se répéter, par la faute de la superstition, la tante surveille le garçon comme du lait sur le feu. Car, si les coiffeurs guêttent leurs cheveux, certains sont à la recherche de leurs organes pour devenir des hommes puissants. Certains vont même jusqu’à dire qu’épouser une albinos est source de bonheur. Ce qui fait de ces personnes la cible de certains superstitieux. Et si ce ne sont pas les albinos où les femmes aux plantes des pieds plates qui en font les frais, ce sont le veuves.
Komalé Habiba, veuve, mère de trois filles, a perdu son mari il y a un peu plus de cinq ans. Elle s’est remariée au frère de ce dernier conformément à leur tradition. Lorsqu’une veuve se remarie, le premier enfant qui naît de cette union doit être de sexe féminin, selon certaines superstitions. Dans le cas contraire, c’est-à-dire si c’est un garçon, l’un des époux (la veuve ou le mari) va mourir. C’est dans cette situation que Habiba s’est retrouvée. « Lorsque j’ai contracté ma grossesse mon souhait était d’avoir un garçon, car je n’ai fait que des filles», révèle-t-elle. Ses prières vont être exaucées. Le 4 janvier 2009, elle accouche d’un garçon de 4 kg et demi au Chu de Yopougon. Mais, si son désir de mère est comblé, ce n’est pas le cas pour son époux. Une semaine après son accouchement, celui-ci l’accuse de vouloir le tuer. « Notre premier enfant ne peut pas être un garçon. Si cet enfant arrive à survivre l’un de nous va mourir. Or, je ne suis pas encore prêt à partir de ce monde », se plaint-il. Comme si cette pauvre dame a le pouvoir de choisir le sexe de son enfant . Et d’où vient cette croyance qui dit que l’un d’entre eux doit mourir parce qu’elle a accouché d’un garçon? Pour l’époux, la solution est simple, il faut éliminer le bébé. Curieusement le lundi 19 janvier, le bébé nommé Gérard est pris de convulsion et rend l’âme. Volonté divine ? En tout cas, la coïncidence est nette. Mais, le mari est soulagé et la mère a le cœur meurtri.
Beaucoup de personnes vivent au quotidien le poids de ses pratiques superstitieuses. Certains y sacrifient leur bonheur et causent du tort à leurs prochains.
Des jumeaux adorés comme des dieux
Karidjatou S., relate toujours avec amertume la situation dans laquelle elle s’est retrouvée lorsque ses jumeaux sont nés. Dans sa société, les jumeaux sont vus comme des demi-dieux. C’est une bénédiction, une grâce pour les familles dans lesquelles naissent ces enfants. Ayant épousé un homme qui n’avait pas les mêmes croyances qu’elle, elle a eu du mal à élever ses enfants. Aux dires de sa communauté, ses jumeaux sont exceptionnels. Parce qu’ils sont nés en plus avec chacun six doigts. «Il est dit qu’un enfant qui naît avec un doigt supplémentaire aura la chance toute sa vie », révèle la mère. Selon elle, les voisins ayant compris cela, ne lui ont pas laissé de repit. Chacun venait leur faire des dons dans le but que leurs vœux se réalisent. « Plus tard, certains de ceux qui sont venus faire des dons, sont revenus me donner des présents parce qu’ils voulaient soit réussir à un concours, soit être embauché dans une entreprise. J’étais excédée », souligne-t-elle. Si bien qu’elle avait l’impression d’être une mendiante. Le plus dur, dit-elle, c’est qu’elle n’avait pas le droit de refuser un seul sacrifice : «Ma maison a été transformée en un lieu d’adoration. Les matins, quand je me réveillais, je trouvais toujours des personnes assises qui attendent la bénédiction des jumeaux avant de vaquer à leurs occupations. Mon mari qui ne comprenait rien à tout celà me menaçait de trouver une solution ». Fatiguée, horripilée Karidjatou n’a eu le choix que de quitter Ferkessédougou pour Abidjan. Ah, superstition, quand tu nous tiens !
Soro Sita (Stagiaire)