S’il existe une réalité dans notre société dont on ne saurait nier la valeur, c’est bel et bien l’école. Celle-ci est appréhendée comme un tremplin qui métamorphose le citoyen en matière d’intellect, le nourrir de l’esprit critique et lui permet de faire face aux défis majeurs du monde en évolution. En Côte d’ivoire, le système qui régit le fonctionnement du temple du savoir encore appelé Système Educatif Ivoirien conçu à l’aube des indépendances tâtonne au niveau de son fonctionnement et se voir de plus en plus s’éloigner de ses objectifs primaires et de ses enjeux. Cet état de fait qui s’explique par un certain nombre de facteurs sera mis à nu. Découvrons l’univers de ce secteur.
Depuis son accession à l'indépendance en 1960, la Côte d'Ivoire a inscrit l'éducation et la formation au rang de ses priorités. Cette décision a fait accorder une importance majeure à l'éducation et plus généralement au développement des ressources humaines .Le secteur de l’éducation ivoirienne s’est fondé sur le modèle hérité de l'époque coloniale Il comprend ainsi l'enseignement préscolaire, l'enseignement primaire, l'enseignement secondaire général, dont le premier cycle constitue, avec le primaire, l'éducation de base, l'enseignement technique et la formation professionnelle, l'enseignement supérieur, et l'alphabétisation et l'éducation des adultes .L'enseignement primaire, d'une durée de 6 ans, concerne théoriquement les enfants âgés de 6 à 11 ans. Il conduit au certificat d'études primaires élémentaires (CEPE), tandis que l'accès au 1er cycle de l'enseignement secondaire, d'une durée de 4 ans, est subordonné
à la réussite à l'examen d'entrée en 6ème. Le 1er cycle du secondaire est assuré dans des collèges et sanctionné par le Brevet d'études du premier cycle (BEPC). Le deuxième cycle, qui dure trois ans, se déroule dans des lycées et il est sanctionné par le Baccalauréat, qui autorise l'accès au supérieur. La formation professionnelle et l'enseignement technique se situent essentiellement au niveau secondaire, même si différentes filières du supérieur sont professionnelles ou conduisent à des BTS, notamment dans le privé. L'enseignement supérieur public est constitué de trois Universités (Cocody, Bouaké et Abobo-Adjamé) et de quatre Grandes Ecoles (l'Ecole Nationale Supérieure de Statistique et d'Economie Appliquée ; l'Institut National Polytechnique ; l'Ecole Normale supérieure ; et l'Institut Pédagogique National d'Enseignement Technique et Professionnel).
Performances du système éducatif
Entre 1963 et 1995 le nombre de classes du primaire est passé de 7325 à 38625, dans le secondaire de 587 à 9113. Le nombre d’élèves dans le primaire est passé également de 330551 à 1609925 tandis que dans le secondaire général ce nombre est passé de 20229 à 463910. Au cours de cette période, il a été mis en place un important dispositif d’enseignement professionnel et technique comprenant 68 structures de formation dont 14 unités mobiles d’un effectif d’environ 15000 élèves. Cet impressionnant dispositif a pris réellement forme à travers la loi sur la formation professionnelle continue de 1997, du FDFP et de l’AGEFOP aujourd’hui.
Les handicapes du système éducatif
Le SEI est confronté à une pluralité de problèmes qui peuvent être regroupés en cinq (5) grands traits.
Le premier est relatif au déséquilibre entre l’offre et la demande. Après plus de deux décennies d’efforts en faveur de l’éducation, certains observateurs et spécialistes sont arrivés au constat de l’incapacité de combler l’écart entre la demande et les possibilités d’accueil du système éducatif. Les différents corollaires de ce sombre tableau sont l’inaccessibilité de la scolarisation totale, la régression du taux de scolarisation qui est passée de 80 % dans les années 80 à 69,4 %. De même, la contrainte majeure qui pèse sur le SEI est liée en gros au facteur démographique. En effet, on constate que l’expansion de l’enseignement primaire est de 3,3 % par an alors que la croissance des populations scolarisables est de l’ordre de 4,4 %. Par conséquent, bien que le nombre d’élèves du primaire ait augmenté, le taux de scolarisation est en baisse. En outre, les capacités d’accueil au niveau du secondaire n’augmentent pas assez vite pour absorber les admis au concours d’entrée en sixième malgré les efforts fournis pour promouvoir l’enseignement privé. La pression démographique atteint également l’Université où le nombre d’étudiants s’accroît d’environ 12,5 % par an. Les grandes écoles n’échappent pas non plus à cette pression. Ce qui a conduit à instituer différents concours pour y avoir accès.
Le second répond à la faiblesse des capacités de planification, de programmation et d’évaluation. En réalité, en matière d’ouverture d’école, la planification n’a pas toujours été respectée c’est-à-dire les estimations correctes des besoins d’éducation surtout de marché en main d’œuvre n’ont pas été effectuées. On a pas pris suffisamment en compte les possibilités budgétaires de l’Etat. Par ailleurs, les bilans diagnostic ont été négligés. Au total, le SEI a évolué sans une définition claire des objectifs et des finalités.
Le poids des dépenses de personnel, de transfert et d’intervention constitue la troisième véritable épine du milieu éducatif. En fait, l’Etat d’éburnie s’est engagée dans une revalorisation audacieuse de la condition du personnel enseignant, des élèves et étudiants. Pour les premiers, c’est le décrochage du statut général de la fonction publique, les logements gratuits. Pour les seconds c’est-à-dire les élèves et étudiants se sont les attributions de bourses et aides et l’amélioration des conditions générales d’étude par la gratuité du transport, de l’hébergement et de restauration. Des subventions accordées à l’enseignement privé laïque et confessionnel. Face à cette situation, ces dépenses sont considérées comme insupportables d’autant plus que leur impact sur la qualité de l’enseignement n’est pas évident. Les dépenses du personnel de l’enseignement représentent 98 % du budget. Ce qui signifie qu’il reste très peu pour les investissements et la conséquence c’est le manque de matériel pédagogique de base.
L’avant dernier point porte sur la dégradation du patrimoine mobilier et immobilier. Ici, la crise va conduire à des restrictions budgétaires au niveau de l’entretien des locaux et du matériel pour les nouveaux investissements. Cette situation va provoquer la dégradation d’une grande partie des établissements scolaires et universitaires. De plus, l’encombrement des classes par les effectifs pléthoriques va également accélérer l’usure et la dégradation du patrimoine mobilier.
S’agissant du dernier problème, il fait allusion au faible rendement du système. Il est bon de relever sans ambages que les résultats obtenus par le SEI sont faibles au regard des moyens colossaux investis dans ce secteur. Pour ce faire, deux paramètres permettent de mesurer le rendement d’un système. Ce sont les rendements internes et externes. Le rendement interne du système s’apprécie par les taux d’admission, d’abandon et de redoublement. Le taux d’admission en 6ème se situait autour de 25 % dans les années 1995.Sur la période 1990-1994, il était libellé ainsi 21 % en 1990, 22% en 1991, 20 % en 1992, 26 % 1993 .En seconde, la situation est identique. Le taux de réussite varie autour de 25 %. Au BAC, il tourne autour de 20 %. Le taux de redoublement au niveau des différents cycles de formation sont élevés et se présentent ainsi 60 % au CM2 dont 55 % de filles et 45 % de garçons. Pour preuve, la chance de survie d’une
cohorte de 1000 élèves de CP1, que l’on pouvait noter il y a quelques années étaient de 468 élèves au CM2, soit 46,8 % ; 126 en 6ème ; 97 en 3ème soit 9,7 % ; 31 en seconde soit 3,1 % et de 13 en terminale soit 1,3 % . Autrement dit, il n’y avait que 13 élèves qui arrivaient en terminale sans redoubler et réussissaient au BAC. Le SEI n’est pas très productif à la vérité, on le voit en considérant par exemple encore le rendement apparent calculé en établissant le rapport entre les effectifs du supérieur (plus de 80 000 étudiants) et ceux du primaires (plus de 1 600 000 élèves) pour la même période. Au regard de ces chiffres, on se rend compte que notre système est sélectif. Il comporte des goulots d’étranglement. Le premier se situe à l’entrée de la classe 6ème, au sortir du CM2, le second à partir de la classe de 3ème, et le troisième à l’entrée dans le supérieur au sortir de la terminale. Quant au rendement externe, lui pose l’épineux problème celui de l’adéquation de l’éducation aux exigences de l’environnement économique. Il s’agit en réalité de l’efficacité des produits de l’école c’est-à-dire le taux de placement des diplômés sur le marché du travail. D’où la problématique de savoir si les ressources humaines produites par le système sont toujours conformes aux attentes et aux besoins. En tout état de cause, il existe une discordance entre les produits de l’école et la qualification ou la spécialisation réelle nécessaire pour assurer une croissance économique. En effet, les diplômes qui symbolisent la préparation à un genre de travail ne correspondent pas aux qualifications et aux spécialisations effectives pour accomplir le travail. On assiste à une mauvaise utilisation des gens formés. Par ailleurs, un autre problème lié au rendement externe du système éducatif est celui du chômage des diplômés. Au fur et à mesure que l’enseignement se généralise, de plus en plus de personnes instruites se retrouvent en concurrence serrée devant des emplois de moins en moins nombreux. Au total, il faut reconnaître que le système d’éducation et de formation a été conçu exclusivement pour préparer aux emplois urbains du secteur moderne alors que le pays est à vocation rurale. Il importe donc de créer une main d’œuvre prête à s’orienter vers l’agriculture ou vers le secteur traditionnel ou non formel.
Jean-Louis KRAH
Depuis son accession à l'indépendance en 1960, la Côte d'Ivoire a inscrit l'éducation et la formation au rang de ses priorités. Cette décision a fait accorder une importance majeure à l'éducation et plus généralement au développement des ressources humaines .Le secteur de l’éducation ivoirienne s’est fondé sur le modèle hérité de l'époque coloniale Il comprend ainsi l'enseignement préscolaire, l'enseignement primaire, l'enseignement secondaire général, dont le premier cycle constitue, avec le primaire, l'éducation de base, l'enseignement technique et la formation professionnelle, l'enseignement supérieur, et l'alphabétisation et l'éducation des adultes .L'enseignement primaire, d'une durée de 6 ans, concerne théoriquement les enfants âgés de 6 à 11 ans. Il conduit au certificat d'études primaires élémentaires (CEPE), tandis que l'accès au 1er cycle de l'enseignement secondaire, d'une durée de 4 ans, est subordonné
à la réussite à l'examen d'entrée en 6ème. Le 1er cycle du secondaire est assuré dans des collèges et sanctionné par le Brevet d'études du premier cycle (BEPC). Le deuxième cycle, qui dure trois ans, se déroule dans des lycées et il est sanctionné par le Baccalauréat, qui autorise l'accès au supérieur. La formation professionnelle et l'enseignement technique se situent essentiellement au niveau secondaire, même si différentes filières du supérieur sont professionnelles ou conduisent à des BTS, notamment dans le privé. L'enseignement supérieur public est constitué de trois Universités (Cocody, Bouaké et Abobo-Adjamé) et de quatre Grandes Ecoles (l'Ecole Nationale Supérieure de Statistique et d'Economie Appliquée ; l'Institut National Polytechnique ; l'Ecole Normale supérieure ; et l'Institut Pédagogique National d'Enseignement Technique et Professionnel).
Performances du système éducatif
Entre 1963 et 1995 le nombre de classes du primaire est passé de 7325 à 38625, dans le secondaire de 587 à 9113. Le nombre d’élèves dans le primaire est passé également de 330551 à 1609925 tandis que dans le secondaire général ce nombre est passé de 20229 à 463910. Au cours de cette période, il a été mis en place un important dispositif d’enseignement professionnel et technique comprenant 68 structures de formation dont 14 unités mobiles d’un effectif d’environ 15000 élèves. Cet impressionnant dispositif a pris réellement forme à travers la loi sur la formation professionnelle continue de 1997, du FDFP et de l’AGEFOP aujourd’hui.
Les handicapes du système éducatif
Le SEI est confronté à une pluralité de problèmes qui peuvent être regroupés en cinq (5) grands traits.
Le premier est relatif au déséquilibre entre l’offre et la demande. Après plus de deux décennies d’efforts en faveur de l’éducation, certains observateurs et spécialistes sont arrivés au constat de l’incapacité de combler l’écart entre la demande et les possibilités d’accueil du système éducatif. Les différents corollaires de ce sombre tableau sont l’inaccessibilité de la scolarisation totale, la régression du taux de scolarisation qui est passée de 80 % dans les années 80 à 69,4 %. De même, la contrainte majeure qui pèse sur le SEI est liée en gros au facteur démographique. En effet, on constate que l’expansion de l’enseignement primaire est de 3,3 % par an alors que la croissance des populations scolarisables est de l’ordre de 4,4 %. Par conséquent, bien que le nombre d’élèves du primaire ait augmenté, le taux de scolarisation est en baisse. En outre, les capacités d’accueil au niveau du secondaire n’augmentent pas assez vite pour absorber les admis au concours d’entrée en sixième malgré les efforts fournis pour promouvoir l’enseignement privé. La pression démographique atteint également l’Université où le nombre d’étudiants s’accroît d’environ 12,5 % par an. Les grandes écoles n’échappent pas non plus à cette pression. Ce qui a conduit à instituer différents concours pour y avoir accès.
Le second répond à la faiblesse des capacités de planification, de programmation et d’évaluation. En réalité, en matière d’ouverture d’école, la planification n’a pas toujours été respectée c’est-à-dire les estimations correctes des besoins d’éducation surtout de marché en main d’œuvre n’ont pas été effectuées. On a pas pris suffisamment en compte les possibilités budgétaires de l’Etat. Par ailleurs, les bilans diagnostic ont été négligés. Au total, le SEI a évolué sans une définition claire des objectifs et des finalités.
Le poids des dépenses de personnel, de transfert et d’intervention constitue la troisième véritable épine du milieu éducatif. En fait, l’Etat d’éburnie s’est engagée dans une revalorisation audacieuse de la condition du personnel enseignant, des élèves et étudiants. Pour les premiers, c’est le décrochage du statut général de la fonction publique, les logements gratuits. Pour les seconds c’est-à-dire les élèves et étudiants se sont les attributions de bourses et aides et l’amélioration des conditions générales d’étude par la gratuité du transport, de l’hébergement et de restauration. Des subventions accordées à l’enseignement privé laïque et confessionnel. Face à cette situation, ces dépenses sont considérées comme insupportables d’autant plus que leur impact sur la qualité de l’enseignement n’est pas évident. Les dépenses du personnel de l’enseignement représentent 98 % du budget. Ce qui signifie qu’il reste très peu pour les investissements et la conséquence c’est le manque de matériel pédagogique de base.
L’avant dernier point porte sur la dégradation du patrimoine mobilier et immobilier. Ici, la crise va conduire à des restrictions budgétaires au niveau de l’entretien des locaux et du matériel pour les nouveaux investissements. Cette situation va provoquer la dégradation d’une grande partie des établissements scolaires et universitaires. De plus, l’encombrement des classes par les effectifs pléthoriques va également accélérer l’usure et la dégradation du patrimoine mobilier.
S’agissant du dernier problème, il fait allusion au faible rendement du système. Il est bon de relever sans ambages que les résultats obtenus par le SEI sont faibles au regard des moyens colossaux investis dans ce secteur. Pour ce faire, deux paramètres permettent de mesurer le rendement d’un système. Ce sont les rendements internes et externes. Le rendement interne du système s’apprécie par les taux d’admission, d’abandon et de redoublement. Le taux d’admission en 6ème se situait autour de 25 % dans les années 1995.Sur la période 1990-1994, il était libellé ainsi 21 % en 1990, 22% en 1991, 20 % en 1992, 26 % 1993 .En seconde, la situation est identique. Le taux de réussite varie autour de 25 %. Au BAC, il tourne autour de 20 %. Le taux de redoublement au niveau des différents cycles de formation sont élevés et se présentent ainsi 60 % au CM2 dont 55 % de filles et 45 % de garçons. Pour preuve, la chance de survie d’une
cohorte de 1000 élèves de CP1, que l’on pouvait noter il y a quelques années étaient de 468 élèves au CM2, soit 46,8 % ; 126 en 6ème ; 97 en 3ème soit 9,7 % ; 31 en seconde soit 3,1 % et de 13 en terminale soit 1,3 % . Autrement dit, il n’y avait que 13 élèves qui arrivaient en terminale sans redoubler et réussissaient au BAC. Le SEI n’est pas très productif à la vérité, on le voit en considérant par exemple encore le rendement apparent calculé en établissant le rapport entre les effectifs du supérieur (plus de 80 000 étudiants) et ceux du primaires (plus de 1 600 000 élèves) pour la même période. Au regard de ces chiffres, on se rend compte que notre système est sélectif. Il comporte des goulots d’étranglement. Le premier se situe à l’entrée de la classe 6ème, au sortir du CM2, le second à partir de la classe de 3ème, et le troisième à l’entrée dans le supérieur au sortir de la terminale. Quant au rendement externe, lui pose l’épineux problème celui de l’adéquation de l’éducation aux exigences de l’environnement économique. Il s’agit en réalité de l’efficacité des produits de l’école c’est-à-dire le taux de placement des diplômés sur le marché du travail. D’où la problématique de savoir si les ressources humaines produites par le système sont toujours conformes aux attentes et aux besoins. En tout état de cause, il existe une discordance entre les produits de l’école et la qualification ou la spécialisation réelle nécessaire pour assurer une croissance économique. En effet, les diplômes qui symbolisent la préparation à un genre de travail ne correspondent pas aux qualifications et aux spécialisations effectives pour accomplir le travail. On assiste à une mauvaise utilisation des gens formés. Par ailleurs, un autre problème lié au rendement externe du système éducatif est celui du chômage des diplômés. Au fur et à mesure que l’enseignement se généralise, de plus en plus de personnes instruites se retrouvent en concurrence serrée devant des emplois de moins en moins nombreux. Au total, il faut reconnaître que le système d’éducation et de formation a été conçu exclusivement pour préparer aux emplois urbains du secteur moderne alors que le pays est à vocation rurale. Il importe donc de créer une main d’œuvre prête à s’orienter vers l’agriculture ou vers le secteur traditionnel ou non formel.
Jean-Louis KRAH