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Politique Publié le mardi 8 décembre 2009 | Nord-Sud

Gbagbo-Bédié-Ado : Révélations sur leurs affrontements à Ouaga

La sixième rencontre du Cpc à Ouaga a clos ses portes. «Nord-Sud Quotidien» a échangé avec des acteurs majeurs de ces discussions. Révélations sur ce qui n'a jamais été dit jusque-là.

A Ouagadougou, le jeudi 3 décembre dernier, il y avait une odeur de poudre dans les couloirs de l'hôtel Salam. Les tirs d'artillerie verbale qui retentissaient dans l'un des salons huppés, n'étaient pas moins redoutables que ceux des militaires. Et il y avait de quoi. A moins de trois mois de la prochaine élection présidentielle, la rencontre entre les trois personnalités qui ont le plus de chances de remporter le jackpot, avait de quoi créer des étincelles. En effet, autour de Blaise Compaoré, facilitateur dans la crise ivoirienne et Guillaume Soro chef du gouvernement de transition, la sixième rencontre du Cadre permanent de concertation (Cpc), à Ouaga, l'avant-dernière avant les élections générales de 2010, a été l'occasion d'examiner tous les contentieux en suspens. A froid. Cinq points de discorde ont été mis à jour par le Facilitateur.


Présidentielle : Ado et Bédié exigeaient le 14 février 2010

Il s'agit premièrement de la question de la date de la présidentielle. Ce point fut le plus âprement débattu car étant celui qui cristallisait le plus d'antagonismes. Les ténors de l'opposition, Bédié et Ouattara, ont exigé d'emblée que le Cpc fixe une date claire et précise pour la tenue de la présidentielle. Pour eux, il n'était pas question de revenir à Abidjan sans le précieux sésame qu'ils avaient promis à leurs militants. Selon de très bonnes sources, ils avaient même exigé qu'il soit inscrit en toutes lettres dans le communiqué final, que la date retenue pour la présidentielle est le dimanche 14 févier 2010. Cette position heurtait la conviction de Laurent Gbagbo et la prudence de Guillaume Soro et du Facilitateur. Pour ces derniers, la fixation d'une date sûre et certaine implique la levée de beaucoup de contraintes d'ordre techniques. Certaines de ces contraintes n'ayant même pas encore été abordées, il apparaissait risqué selon eux de se lancer dans la fixation de dates. Ce camp souhaitait que l'on s'engage résolument dans le tunnel électoral avant de fixer une date. Pour eux, il ne fallait pas fixer une date, voire indiquer une période sous peine d'être démentie par la réalité. Les deux positions étaient farouchement antagonistes. Il a fallu de longues minutes et toute la persuasion de Blaise Compaoré pour qu'une solution médiane soit trouvée. Et la solution, c'est celle contenue dans le communiqué final, qui indique un intervalle de temps dans lequel devrait se tenir l'élection présidentielle. Mais Laurent Gbagbo a été clair : il ne signerait aucun décret convoquant le collège électoral tant qu'il ne serait pas sûr que l'élection se tiendrait réellement à la date proposée. Il veut éviter, explique-t-il, d'avoir à revenir sur sa signature.


Gbagbo : l'opposition a le monopole des médias en zones ex-assiégées

Le deuxième point débattu a été celui relatif à l'accès équitable aux médias publics. Selon nos sources, ce débat a été particulièrement virulent. Les challengers de Gbagbo se sont plaints de ne pas avoir accès aux médias publics. Ils ont évoqué le boycott de leurs activités tandis qu'il y avait une inflation dans la couverture des activités du camp présidentiel. Ils ont assuré que les médias d'Etat leur étaient fermés, pour ne pas dire hostiles. Avant que ne s'engage la charge verbale, le Premier ministre a produit un rapport du ministère de la Communication sur cette question. Ce rapport ministériel explicite le contenu d'une décision du Conseil national de la communication audiovisuelle (Cnca) datant d'octobre 2009. Cette décision destinée à régler le problème, réglemente désormais strictement l'accès des formations politiques au journal télévisé des chaînes publiques. Mieux, elle encadre plus fermement les temps de parole et de couverture des différents candidats et des différentes chapelles politiques. De son côté le camp présidentiel s'est plaint du fait que l'opposition exerce un monopole médiatique total dans les zones ex-assiégées. Il n'y aucune couverture des activités de La majorité présidentielle (Lmp) sur la totalité des « stations pirates » qui y émettent. Et Laurent Gbagbo a cité en exemple la dernière visite d'Ado au nord, à laquelle pendant une semaine, toutes les radios et télés de cette zone ont consacré la quasi-totalité de leurs émissions. Et les attaques systématiques qui y sont déversées sur lui et ses partisans. Après des échanges houleux, le Premier ministre a indiqué qu'il ferait en sorte de «muscler» davantage les organes de régulation et de contrôle des médias pour qu'ils puissent jouer pleinement leur rôle dans cette période délicate.


Le cas Adama Dahico suscite la polémique

Le troisième point de débat a été celui relatif à la question des candidatures à la présidentielle. Tous les intervenants ont félicité le Conseil constitutionnel pour avoir validé 14 candidatures sur 20. Mais les débats se sont focalisés surtout sur la candidature d'Adama Dahico. Pour l'opposition, cette candidature est absolument infondée car elle n'est soutenue par aucune loi. Ils ont démontré que le code de la nationalité contient des exceptions qui permettent à un naturalisé d'être électeur, mais n'en contient aucune qui lui permet d'être éligible à la présidentielle. Cela est même contraire à la Constitution. Or le décret signé par Gbagbo libère Adama Dahico de toutes les incapacités, y compris celles prévues par la Constitution. Le Cpc s'est inquiété de ce précédent juridique grave. Pour le Premier ministre, s'il est heureux que l'on ne se soit pas livré cette fois-ci à des exclusions arbitraires de candidats, il ne faudrait pas non plus que l'on pèche en acceptant toutes les candidatures, même celles qui ne sont pas conformes à la loi. Les autres membres du Cpc ont estimé que l'acceptation de cette candidature anticonstitutionnelle, constitue un précédent juridique fâcheux, qui dénote de la fragilité de nos institutions, de nos lois et de notre Etat. Face à la polémique qui s'installait, le Premier ministre a annoncé qu'une fois arrivé à Abidjan, il mettrait en place un comité paritaire de juristes qui examinerait cette question de façon technique et non politique. Les conclusions de ce comité seront archivées en cas de débat dans le futur.


Bédié et Ado exigent le décaissement des budgets 2009 et 2010 de la Cei

Le quatrième point débattu est celui relatif aux moyens à mettre à la disposition de la Commission électorale indépendante (Cei) pour qu'elle puisse mener à bien sa mission. Selon nous sources, la Cei qui a mené un lobbying discret mais efficace auprès des ténors de l'opposition a réussi à les mobiliser autour de cette question. Ainsi, Ouattara et Bédié ont exigé que le reste du budget 2009 et une grande part du budget 2010 de la Cei soient débloqués immédiatement. Ils ont même exigé que le Cpc indique par écrit les montants à payer pour les années 2009 et 2010 et les dates précises auxquelles les fonds seront décaissés. Le Premier ministre a refusé de s'avancer sur un tel chemin, soutenu en cela par le Facilitateur et Laurent Gbagbo. Les autres membres du Cpc ont constaté qu'aucun point n'a été fait par la Cei des décaissements effectués jusque-là. Et aucun décaissement n'a été subordonné à la production préalable d'un rapport d'exécution des dépenses antérieures. Pour dire que la Cei n'a jamais été empêché de travailler, quand bien même, elle n'a pas été exempte de toute critique dans la consommation des budgets mis à sa disposition. Les deux camps se sont affrontés sur cette question, mais au final, l'opposition n'a pas réussi à imposer son point de vue.


Compaoré met en garde contre: «une situation potentiellement confligène »

Le dernier point, et certainement celui qui a le plus motivé la tenue de cette rencontre du Cpc, c'est le ton de la pré-campagne électorale. Le Facilitateur a estimé que le ton de la pré-campagne était assez violent et porteur de germes de violences pour le scrutin à venir. Il a employé l'expression : «situation potentiellement confligène» pour décrire l'ambiance pré-électorale qui prévaut en ce moment en Côte d'Ivoire. Il n'y a pas eu beaucoup de débats et de chicaneries sur cette question, chaque camp reconnaissant avoir des impairs à son passif. Le camp présidentiel a eu très souvent des mots assez durs contre l'opposition. Qui ne se faisait pas prier pour le lyncher verbalement dans ses meetings. En raison de la violence verbale qui commence à gagner du terrain, le Facilitateur a estimé que l'incident survenu à Korhogo entre Amadou Gon-Coulibaly et Issa Malick Coulibaly pourrait constituer le point de départ d'un déclenchement de violence physique au cours de la campagne. Il a demandé qu'il y soit mis fin, au nom du code de bonne conduite signée entre les différents candidats.

Les différents participants sont partis de Ouaga, avec chacun, le sentiment d'une demi-victoire.

Touré Moussa
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