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Société Publié le mercredi 9 décembre 2009 | Nord-Sud

A la veille des fêtes de fin d’année : Les pétards créent la psychose à Abidjan

Les détonations des pétards de plus en plus audibles à l’approche des fêtes de fin d’année, sèment la panique à Abidjan. Les lanceurs et les victimes se partagent les coups.

Francine Dassé s’est évanouie, en pleine journée, le 3 décembre dernier derrière sa tablette de cigarette au quartier les Grâces d’Abobo. Il est 10 heures et demi quand une bande de garçonnets débarque dans le secteur, les poches et les mains chargées de pétards. Poh! Pah! Boom ! Les pétards explosent. C’est le sauve-qui-peut général. L’adolescente de 17 ans, ne supporte pas le branle-bas et les nombreuses détonations produits par ces explosifs. Francine craque, s’écroule et perd connaissance. Heureusement, elle reprend ses esprits et le cours normal de son activité. Pendant ce temps, la bande par laquelle le malaise est arrivé, continue de lancer les pétards, tout en s’éloignant, sifflotant, sans même se rendre compte des dégâts qu’elle venait de causer.

Vente en cachette

Un autre lieu, une autre scène. Nous sommes le 29 novembre à Adjamé Bracodi. Une grande explosion se fait entendre et Ahmed Koné, se sentant en danger, commence à fuir. Il a certainement cru à la reprise de la guerre alors que ce n’était qu’un pétard appelé «Tigre bison» lancé par des adolescents. Même étant rappelé à la réalité, ce déplacé de guerre s’est sou­venu. «Exactement le son d’un mortier !» s’est exclamé Ahmed Koné. Les pétards communément appelé «bangers » font leur apparition à cette veille de fêtes de fin d’année dans le district d’Abidjan. Mais les quartiers populaires sont les plus excités. Pour marquer l’approche de Noël et du nouvel an, les jeunes s’organisent. «Dans notre secteur, nous lançons les «Mitraillettes» de 100 coups et on nous respecte», lance avec fierté, Cyril. Ce jeune homme de 18 ans habite à Yopougon-Sicogi. Il défie ainsi son cousin, Gervais, chez qui il passe le week-end à Williamsville.
Gervais, quant à lui, préfère les «Papillons», les «Fusées», les «Dynamiques» et les «Policiers». Ces pétards explosent en faisant un bruit semblable à un tremblement de terre. Les « Papillons » méritent bien leur nom. A la forme de l’insecte, ces feux d’artifice se cachent sous un emballage de couleur. Le banger « Policier », lui, fait un mouvement circulaire dans l’air avant d’exploser. Quant aux « Fusées », elles produisent des explosions en s’élevant. Il y a aussi des « Toupies volantes» qui s’élèvent en faisant des tourbillons. Pour les faire exploser, il faut allumer le bout de la mèche, comme une bougie. Au fait, où trouver ces pétards et comment se les procurer ? Pour ça ilfaut être discret. Les vendeuses qui les commercialisaient par le passé à tous les coins de rue, se camouflent désormais. Est-ce la crainte d’une répression ? Elles n’ont pas voulu en dire un mot. Mardi 8 décembre, il est 9 heures. Le grand marché d’Abobo draine plus de monde que d’habitude. Normal, c’est la saison des achats à gogo. On se bouscule, on se lance des jurons et on avance. Jouets en plastiques, ustensiles pour cuisine, sceaux et autres objets pour ménage se découvrent sur l’étalage d’une commerçante, non loin de la place aux ‘’tôfis’’ (sucette artisanale), sur l’alignement des vendeuses de draps. Pour avoir les pétards, il faut être subtil et discret. « Attendez-moi un instant», supplie-t-elle. La commerçante déballe un sachet noir qu’elle vient de sortir d’un carton sous sa table, en regardant avec insistance de gauche à droite. Rassurée de l’absence d’un quelconque danger, elle vente le bruit produit par chaque marque de pétard avec prix à l’appui. Comment s’est-elle approvisionnée en marchandise ? Après plusieurs hésitations, la jeune dame indique le marché d’Adjamé comme l’endroit où on peut se ravitailler facilement. Méfiante, elle est peu bavarde sur le lieu exact. Deux autres vendeuses contactées dans le même marché, ont la même attitude que la première. Mais, vers la sortie du marché, une autre dame a pris le risque d’exposer ses articles. Elle ne sait pas si la vente est autorisée ou pas.

Des congés précipités en vue

A la différence de toutes ces dames, Patricia est installée à domicile. Cette commerçante peu ordinaire ne sert que par affinité. A Abobo Plaque I, son quartier, elle est l’amie des inconditionnels de pétards. « Je ne vends pas les bangers aux personnes que je ne connais pas. Parce qu’il me semble que la vente est interdite. Et je crains qu’on me dénonce si tel est vraiment le cas », se justifie-t-elle, ignorant notre identité. Une source policière révèle que « les pétards se vendent en gros, en cachette au Port d’Abidjan à cause de certaines mesures prises (voir encadré) contre ce commerce ». En vente interdite ou clandestine, la perturbations causés par les pétards restent les mêmes.

Alassane, élève en classe de 4e, est membre d’une bande à Williamsville. Il a accepté de se confier à nous. « Le bruit nous amuse. Ce que nous aimons le plus c’est quand les gens courent dans tous les sens et s’énervent. Cela veut dire qu’on a réussi. C’est un peu comme à la guerre». C’est avec impuissance que la population assiste à une guerre de clan entre lanceurs de pétards. Ils se défient à travers les déflagrations. Chacun voulant prouver sa supériorité en la matière. Alassane précise qu’un spécial jet de congés est prévu pour cette semaine. « Dès l’arrêt des notes, nous attaquons les écoles. Ainsi les congés de Noël vont être précipités et nous serons à l’abri de toutes sanctions sur les notes. Nous commençons vendredi. Même les filles nous encouragent. Elles participent à l’achat en nous procurant l’argent», confie cet élève du lycée Nangui Abrogoua d’Adjamé. Alassane, conscient des risques, est tout de même fonceur. «Beaucoup d’entre nous se brûlent lors des jets. Mais quand tu te blesses et tu arrêtes de lancer les bangers, cela signifie que tu es un peureux. L’année dernière, les Féscistes nous ont poursuivi mais cela ne nous a pas empêché de continuer », relate-t-il, tel un brave. L’union fait la force, dit-on. Cet adage est aussi mis en pratique par nos amis. Patrick, 11 ans, avoue : « quand tu fais seul, ce n’est pas chic. Avec le groupe, il y a plus d’ambiance. Souvent on surprend nos camarades en jetant brusquement un banger. Nous som­mes à l’aise et nous sentons les fêtes ». Des fêtes avec des blessures corporelles, des nuisances sonores, des troubles à l’ordre public… Allons-y comprendre.

N.D
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