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Société Publié le jeudi 10 décembre 2009 | Nord-Sud

Florent Assie Yarabé (Ministère de la ville) : “Ordures : Tout le monde va payer”

Les états généraux de la salubrité organisés du 25 au 28 novembre à Yamoussoukro ont arrêté entre autres résolutions la participation de la population au financement de la salubrité publique. Florent Assie Yarabé, Directeur général du Fonds de financement des programmes de salubrité urbaine au ministère de la Ville et de la salubrité urbaine donne des détails.


Le ministère de la Ville de la Salubrité urbaine veut instituer un nouveau mode de financement du ramassage des ordures ménagères. De quoi s’agit-il concrètement ?

C’est un système qui vient d’être mis en place. Le gouvernement a constaté que la question de la salubrité est importante. Par conséquent, on ne peut pas la traiter de manière légère. Il a donc souhaité qu’on trouve des ressources pour gérer ces programmes. Il a mis en place un fonds de financement des programmes. Ces programmes mis en place par l’Agence nationale de la salubrité urbaine (Anasur), qui concède ses planifications à des sociétés privées. Le fonds a le devoir de chercher des ressources publiques intérieures ou extérieures pour permettre à l’Anasur de gérer ces programmes. Le fonds a pour responsabilité d’appuyer les collectivités territoriales. Lorsqu’une commune ou un département a un programme qui dépasse ses possibilités, elle peut s’adresser au fonds qui, après étude du dossier, peut lui apporter son aide.


Comment les ressources seront-elles mobilisées ?

Il y aura plusieurs niveaux. D’abord sur le budget national. La question de la salubrité est d’intérêt public. L’Etat a le devoir de contribuer à sa gestion. Le budget va accorder une subvention.


A quelle hauteur ?

Les conclusions des états généraux ne sont pas encore présentées au gouvernement. Mais, la commission qui a réfléchi sur la question a estimé que l’Etat pouvait apporter 20% des besoins de l’année et que le fonds se charge de mobiliser les 80% restants.


A combien s’élèvent les besoins de l’année ?

Globalement, pour Abidjan et l’intérieur du pays, le coût annuel de la collecte, le ramassage et le transfert dans les lieux de traitement est évalué à 47 milliards FCFA, soit 17 milliards FCFA pour Abidjan et 30 milliards FCFA pour les villes de l’intérieur.


D’où viendront les 80% restants ?

D’abord, il y a une affectation des revenus fonciers. L’annexe fiscale de 2008 dit que le taux de recouvrement de ces revenus est de 40%. Le fonds va se mettre en rapport avec la Direction générale des impôts et avec le Trésor pour mobiliser ces ressources. Deuxièmement, je crois que la gestion de la salubrité ne doit pas être laissée à l’Etat seul parce qu’il n’en a pas les moyens aujourd’hui. Même si l’Etat avait suffisamment de moyens, le citoyen qui est le premier pollueur doit contribuer à la gestion de la filière. Au cours des états généraux, nous avons répertorié un certain nombre de sources de financement. Je ne les appelle pas taxes, ni redevances. La première mesure qui va être mise en vigueur, c’est la redevance. L’Etat a créé une société d’intérêt et d’économie mixte qui aura le monopole de la gestion de la filière à Abidjan. Il s’agit de la Société abidjanaise de salubrité qui va entrer en vigueur en 2010. Nous estimons que les privés avec lesquels le ministère a conclu cette convention ont les moyens de gérer la filière. Pendant un certain moment, la société va se substituer aux petits collecteurs et aux sociétés de ramassage qui interviennent à Abidjan.


Que deviendront ces opérateurs ?

C’est un plan de travail. Pour la notoriété de la ville d’Abidjan, il faut que ce soit cette société qui détienne les moyens nécessaires pour gérer la ville d’Abidjan. Les autres sociétés qui ont déjà des compétences vont être redéployées à l’intérieur. Parce que les villes de l’intérieur ont également besoin d’appui pour la gestion de la filière. Nous allons instituer une redevance. C’est-à-dire que la société va travailler pour un niveau de service plus élevé. On va demander une participation à la population. Les états généraux on constaté que depuis toujours la population contribue en payant de l’argent aux petits collecteurs qui passent. Selon le quartier où l’on se trouve, on paye 1.000 Fcfa, 2.000 F, 3.000 F etc. Les assises ont demandé la mise en place d’un comité d’experts pour déterminer la forme et le niveau de contribution de chaque population dans les différents quartiers. Lorsque tout cela sera défini, le gouvernement va veiller à leur application.


Le principe de la contribution est -t-il déjà adopté ?.

Ce principe est adopté. On ne peut pas l’éviter. Aujourd’hui, le déficit de la filière est énorme. Quand on dit que l’Etat a des problèmes, des personnes disent que le budget de l’Etat augmente chaque année. Mais, il faut pouvoir mobiliser tous ces fonds. Le budget augmente parce que les services chargés de mobiliser l’argent sont ingénieux. La croissance de l’économie n’est pas aussi élevée pour sécréter suffisamment de ressources. Mais, avec les ressources mobilisées par les Impôts et la douane, on a des dépenses incompressibles dont le financement des élections. Les dépenses se sont démultipliées alors que les ressources de l’Etat se sont amenuisées. Il faut que la population elle-même contribue à l’enlèvement des ordures ménagères.


Les milliards apportés par la Banque mondiale n’ont-ils pas servi à réduire le déficit de manière à éviter une nouvelle taxe à la population en ces temps de crise ?

La Banque mondiale a fait une opération ponctuelle pour aider l’Etat de Côte d’Ivoire à enlever les dépôts sauvages d’ordures. Elle continue. Mais, il faut que nous nous appropriions notre propreté.


La population ne contribue-t-elle pas déjà à travers les taxes prélevées par les communes ?

Les taxes prélevées par les communes sont destinées à des services bien précis. Les taxes prélevées dans les marchés servent à l’entretien de ces marchés. Les commerçants payent pour les ordures qu’ils produisent et qui sont enlevées par la commune. Il s’agit désormais d’institutionnaliser tout cela pour qu’avec le système de la mutualité, la contribution de chacun arrive dans une caisse qui va participer à une gestion globale. On souhaite que chacun contribue à la dimension de ce qu’il peut. Dans mon quartier, chaque appartement paye 5.000 Fcfa par mois. 5.000 Fcfa, c’est beaucoup ! Il y a des quartiers où c’est 2.000 Fcfa. Ce qui va être nouveau, c’est que la société qui arrive va permettre au gouvernement de donner des poubelles à la population. Il y aura deux poubelles pour chaque foyer. On indiquera pour chaque quartier les horaires de passage. Et à ces horaires, il faut que la population soit ponctuelle afin qu’on puisse faire sortir les poubelles pour que les ramassages soient faits.

On constate dans ce projet un désengagement de l’Etat du financement de la salubrité publique, au détriment de la population. Pourtant cela fait partie des devoirs régaliens prévus par la constitution. L’Etat doit assurer la salubrité au même titre que l’accès à l’eau potable et à l’électricité. Vu que les Ivoiriens payent déjà pour les deux derniers services, ne devrait-on pas les épargner de nouvelles dépenses ?

La constitution à son article 19 dit effectivement que l’Etat doit créer un cadre de vie saint pour la population. Vous avez parlé de l’eau et de l’électricité. D’abord l’électricité n’est pas sur toute l’étendue du territoire. L’eau potable non plus. Pourquoi ? Parce que l’Etat seul ne peut pas gérer cette question. Ensuite, l’eau et l’électricité ne sont pas gratuites. Et les tarifs du kilowattheure d’électricité et du mètre cube d’eau appliqués aux consommateurs sont en déçà des taux normaux. C’est parce que l’Etat contribue que les populations ne payent pas plus cher.


On a déjà l’expérience de la redevance-Rti (Radio-télévision ivoirienne) qui a été imposée à la population pour un service qui laisse beaucoup d’Ivoiriens sur leur faim. Quelle garantie avez-vous à donner à cette population qui est appelée à payer une autre taxe ?

Vous savez, les Ivoiriens sont compréhensifs. Nous avons des amis dans cette population. Quand vous dites à quelqu’un que vous êtes du ministère de la Salubrité, sa première réaction consiste à dire qu’Abidjan doit être propre. Ce qui montre que la question de la salubrité tient à cœur aux Ivoiriens. Si le service est bien fait et que les Ivoiriens commencent à voir qu’à Abidjan et dans les villes de l’intérieur, les ordures sont régulièrement enlevées, et qu’il y a la proprété, ils vont payer sans se plaindre.


Environ 50% de la population ivoirienne est pauvre. Une bonne partie des Ivoiriens trouve difficilement le minimum vital. Ne faut-il pas épargner ces couches qui n’auront certainement pas les moyens de payer cette redevance ?

La population très pauvre crée quand même des déchets. Alors elle va participer à la hauteur de ses moyens. De toute façon, l’Etat apporte une contribution. Et avec cette contribution on pourra faire un système. Et puis il ne faut pas injurier les gens en disant qu’ils sont très pauvres.


Cette pauvreté n’est-elle pas une réalité ?

Oui c’est une réalité. Mais on ne dira pas : Vous êtes pauvres donc vous ne payez rien. On dira par exemple : Comme vous n’avez pas de grands moyens, vous payez 100 Fcfa là où les autres payent 2.000 Fcfa.


Interview réalisée par Cissé Sindou
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