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Politique Publié le jeudi 24 décembre 2009 | Le Temps

Laurent Dona Fologo en colère: “Je n’ai pas peur de Ouattara”

A peine rentré de Paris, le président du Conseil économique et social, Augustin Laurent Dona Fologo, par ailleurs, président du Rpp, a accepté de se prêter à nos questions, pour ce 2000e numéro. Interview !

En tant que journaliste de formation, quel regard portez-vous sur le quotidien Le Temps?
Il n`y a pas de journal 100 % objectif, c`est-à-dire le miroir tout court de la réalité. Dans notre profession, vous le savez, on dit les faits sont sacrés, le commentaire est libre. Je crois que si nous sommes d`accord sur cette définition de la presse, je puis vous dire que Le Temps est l`un des journaux que je lis. Il y a beaucoup de titres à Abidjan, mais je peux vous dire honnêtement que je ne les lis pas tous. Bien que ce soit ma profession et que je fais la politique. Je ne les lis pas tous parce que les simples titres suffisent à me dire les contenus. Si je continue à acheter près de 20 journaux par jour, c`est-à-dire presque tous les titres, c`est plus pour avoir une idée globale du vent et des contrevents que pour m`instruire et savoir ce qui se passe. Depuis le début de la crise, j`ai lancé un appel à mes jeunes confrères. Je leur ai dit, ne faites pas la guerre à la place de ceux qui veulent la faire. Ne transformez pas vos plumes en armes, en fusils. Laissez chacun prendre ses responsabilités. Que les politiciens prennent leur responsabilité et les journalistes prennent la leur. Je crois que vous êtes l`un des journaux qui me donnent une relative satisfaction. J`ai dit qu`aucun journal n`est parfait. Quand vous êtes au journal Le Monde, vous savez que vous n`êtes pas à L`Humanité. Quand vous êtes à L`Express, vous savez que vous n`êtes pas chez Mariane… Ça c`est une réalité, mais il y a un minimum que nous devons respecter. Je voudrais simplement déplorer que depuis quelques temps, alors que les hommes politiques ont signé des chartes de courtoisie, d`apaisement y compris devant le secrétaire général des Nations unies, de passage en Côte d`Ivoire et l`année dernière, je constate que beaucoup de journaux ont pris la place des guerriers politiques. Et cela, je le déplore. Parce que si vous regardez les titres aujourd`hui, les injures des uns et des autres ne se lisent que dans les journaux. Les hommes politiques s`efforcent tout de même de se respecter un peu. Mais malheureusement, la plupart de vos confrères ont pris la relève. Je déplore cela et je souhaite qu`un effort soit fait surtout en cette période de pré-campagne et en cette année d`élection comme je l`espère. Un effort doit être fait pour aller vers la courtoisie, le respect réciproque, tout en disant ses convictions et en ayant le courage politique de les exprimer librement. C`est ce que je souhaite. Et c`est ce que je pense que Le Temps fait.

L`actualité politique nationale, ce sont les grèves à répétition. La dernière en date, c`est celle des médecins. Des grèves qui secouent le pays en période de crise. Quelle est votre analyse de la situation ?
Je déplore cette série de grèves. Je l`ai dit, il y a près de 3 mois. J`ai dit que si j`étais l`un des auteurs de la constitution ivoirienne, je proposerais que les grèves soient interdites dans les domaines de la Santé publique et de l`Ecole. Voilà les deux secteurs où je voudrais que de façon constitutionnelle, on supprime la grève. Non pas pour toucher aux droits de l`homme, à la liberté des travailleurs. Non, ce n`est pas de cela qu`il s`agit. J`estime que dans un pays en voie de développement, dans un pays à développement limité comme le nôtre, regarder des gens mourir, faute de soins est grave et presque criminelle. Quelles qu`en soient les raisons. Ce que je préconise à la place des grèves, c`est un comité national permanent placé auprès du Président de la République ou du 1er ministre. Qui chaque mois, se réunit avec les responsables des travailleurs pour regarder ce qui est possible. Pour ne pas attendre qu`il y ait la grève pour examiner ces choses-là. Il faut les regarder presque mensuellement. En marchant de cette manière, je pense qu`on peut éviter les grèves. Je ne dis pas de ne pas faire la grève ou mal payer les médecins. Mais lorsqu`on voit nos médecins, la plupart d`entre eux travaillent dans les cliniques privées, vous le savez. Il n` y a rien à l`hôpital. Il n`y a pas d`équipements. Certains vont même jusqu`à affirmer que des médecins prennent certains équipements de l`hôpital pour aller dans les cliniques privées. Je ne peux pas l`affirmer, je n`ai pas vérifié. Mais si c`est vrai, c`est grave. Je dis que ce comité interdirait ces pratiques- là. Aller dire à un malade, il n`y a rien dans cet hôpital, trouvez-moi dans telle clinique où il y a tout et où on pourra mieux vous soigner, ça veut dire quoi ça ? C`est travailler contre l`Etat. Or, moi je suis un homme d`Etat, je suis pour l`Etat de Côte d`Ivoire. Je suis contre les privatisations sauvages, je suis contre le dépouillement de l`Etat au profit du privé. Je l`ai dit depuis toujours. Depuis les privatisations, nous étions au gouvernement, j`étais contre les privatisations exagérées. Eh bien ! c`est la même chose aujourd`hui. La Santé et l`Ecole, ces deux secteurs je demande pardon aux ivoiriens, qu`on privilégie le dialogue. La solution des problèmes, par le dialogue, aux grèves. Et c`est ce que je souhaite. Quel que soit le Président de la République, nous devons aller dans ce sens.

Selon le 6e Cpc, les élections doivent avoir lieu dans la période qui part de fin février à début mars. Avec tout ce qu`il y a comme soubresauts, est-ce que cette période est tenable ?
Je demande pardon aux ivoiriens de mettre tout en œuvre pour que cette période soit non seulement respectable, mais respectée. Il faut qu`elle soit respectée. On commence à ne pas nous prendre au sérieux à l`extérieur. Nous-mêmes nous commençons à douter de nous-mêmes. C`est pourquoi, je pense que cette fois-ci nous devons tout mettre en œuvre pour tenir la date. C`est vrai que ce n`est pas facile, si tous les jours on a des grèves, des blocages. Sans compter qu`aujourd`hui, le contrôle des listings électoraux affichés partout dévoile beaucoup d`erreurs et beaucoup d`inexactitude. Je souhaite que tous les moyens soient mis en œuvre pour que, cette fois-ci, la période indiquée fin février-début mars soit respectée. Disons- le premier trimestre 2010, nous devons faire au moins l`élection du Président de la République. Pour le reste, on peut suivre conformément à la constitution. C`est ma prière et je pense qu`on peut l`exaucer.

Pour y arriver, il faut désarmer les ex-combattants. Pensez-vous que ce volet là peut être fait avant qu`on arrive aux élections ?
Pour vous dire la vérité, vous avez constaté que je parle de moins en moins de désarmement. Le Président de la République, lui-même, en parle de moins en moins. C`est vrai, ce n`est pas l`idéal d`aller voter entouré de personnes en armes. Mais, moi je dis si une seule condition est remplie, on peut ne pas exiger un désarmement total avant les élections. Que ceux qui ont encore des armes, ne les utilisent pas pour empêcher ou pour orienter le vote. C`est tout. Lorsque nous allions aux élections depuis toujours, il y a eu des gens pour assurer la sécurité. Si cela est faisable, que l`arme soit noire ou blanche, c`est une arme.

Cela est peut être faisable. Mais récemment à Korhogo, le directeur de cabinet adjoint du président de la république se voyait rudoyé par les partisans du ministre Amadou Gon. Vous qui êtes vraiment introduit dans cette région, qu`est-ce que cette agression dans une mosquée représente à vos yeux?
Deuxièmement, récemment encore à Vavoua, Sam l`Africain, en tournée pour le compte de la majorité présidentielle qui se voyait expulsé. Vous ne craignez pas que s`il n`y a pas un désarmement intégral, ces choses-là puissent avoir droit de citer lors des élections?
Je dis que vous avez raison de craindre de tels comportements. Puisque vous citez deux exemples patents. L`un à Korhogo et l`autre à Vavoua. D`abord en ce qui concerne celui de Korhogo, je vous dirais je connais le terrain. Je suis de là-bas. C`est une querelle de famille. Elle ne date pas d`aujourd`hui. Je la déplore, je la regrette, mais vous constatez que deux frères ou un parent et son neveu, sont tous deux directeurs nationaux de campagne de deux grands calibres candidats. L`un, qui est le neveu, Amadou Gon Coulibaly, directeur de campagne de M. Ouattara du Rdr, l`autre, son oncle, le Dr Issa Malick Coulibaly, directeur de campagne du candidat de La majorité présidentielle. Donc, vous voyez. Avant même d`être nommés à ces hautes responsabilités, il y avait même dans la famille, une situation difficile. Elle ne date pas d`aujourd`hui, ils le savent et je le sais. Donc tout au long de la campagne, il faudra que nous soyons attentifs à cette réalité. Et je demande à mes deux jeunes frères, d`ailleurs je vais leur parler. L`âge que j`ai, me permet de leur parler à tous les deux. Et je suis bien avec tous les deux. Je vais leur demander de faire un effort de famille pour que les choses se fassent de la meilleure façon, bien que nous ne soyons pas du même camp les uns, les autres. C`est cela la démocratie. Donc le cas de Korhogo est un peu spécial. Bien que je n`excuse pas que des ex-rebelles s`en soient mêlés. Mais je veux dire simplement que, quel que soit le citoyen, ex-rebelle ou citoyen normal, qui possède une arme, il ne doit pas l`utiliser dans n`importe quelle circonstance. Et en particulier, pendant la période d`élections. Il ne faut pas que l`arme soit un moyen d`orienter ou de forcer l`élection. Moi, je ne crois pas à cela.

Quelle est la garantie ?
Je n`ai pas de garantie. Mais je suis convaincu que les personnes qui viendront comme observateurs, ceux qui viendront pour renforcer notre sécurité électorale, leur présence fera en sorte que cela ne se produira pas. Moi, c`est mon espoir et c`est la garantie. Et je sais que des bataillons des Nations unies, donc des personnes neutres, assureront la sécurité pendant et après le vote.

Vous êtes optimistes de nature et c`est une bonne chose. Mais j`ai quand même quelques inquiétudes. Quand je vois le président du Rdr qui, en tournée à Touba, voit d`un mauvais œil votre engagement, vous personnellement, aux côtés du Président de la République. S`adresse à vous par des menaces à peine voilées, il y a lieu d`être inquiet ?
Oui. Mais, moi je n`ai peur de rien. Je n`ai peur ni du président du Rdr, ni de ceux qui l`entourent et de personne. Moi, je crois en Dieu. Et je puis vous dire que je ne mourrai pas par une arme. Je crois que la politique, c`est le choix. Quand on choisit, il faut assumer. Moi, j`ai choisi de soutenir le Président actuel de la République, le candidat de La majorité présidentielle. Parce que je trouve qu`on a été injuste avec lui. Que lui, il n`a jamais préconisé la voix des armes pour arriver au pouvoir. J`ai dit cela et je me suis engagé en fonction de ce choix. Personne ne me fera revenir sur ma décision. Ne vous inquiétez pas pour moi. Par contre, vos inquiétudes par rapport à des personnes qui auraient des armes sont fondées. Que ces armes ne servent qu`à assurer la sécurité des électeurs, pendant et après le vote. Quel que soit le résultat. Je pense qu`il y a une campagne à faire dans ce sens. Il y a la communauté internationale qui veille à cela. Vous n`avez pas tort d`être inquiet. Mais moi, j`ai raison de vous rassurer.

Récemment, au tout-puissant congrès d`Abobo, parlant du Président Bédié, du bitumage des réseaux routiers, vous étiez amer. Vous avez dit "On ne fait pas ça à un ami". Est-ce que vous vous sentez toujours amer après le Président Bédié et pourquoi ?
Je viens de vous dire que l`Ivoirien dont je rêve est celui qui n`est pas habité par la haine. Moi, je ne suis pas habité par la haine, par le mépris. Je ne suis même pas habité par le manque de respect à mes aînés. J`ai simplement décrit une situation. J`ai quand même été à un moment donné, le troisième ou le quatrième personnage de ce pays. Ministre d`Etat, secrétaire général du parti au pouvoir, etc. Je ne l`ai quand même pas caché. J`ai demandé 6 kilomètres de bitume, pas pour mon village. Mon village est situé à 6 km de la voie principale. J`ai demandé 6 km de bitume pour la ville de Sinématiali, chef- lieu de sous-préfecture en son temps et aujourd`hui, chef-lieu de département. Ce n`était pas pour moi. Je n`ai jamais demandé que la route qui part de la voie principale de la ville à Péguékaha, mon village natal, soit bitumée. Même le Président Gbagbo a pris la poussière pour venir dans mon village, mais il l`a fait. Cependant, j`avais pensé que pour 30 années de service aux côtés de ces amis, je méritais tout de même ces 6 km de bitume dans la capitale de ma sous-préfecture. Je dis dans la capitale de ma sous-préfecture. Je crois qu`aujourd`hui, lorsque vous passez du côté d`où eux (Ndlr : Bédié) ils sont ressortissants, vous voyez quand même la différence. On a un mur interminable. Je ne sais pas trop ce qu`on voulait mettre devant ou derrière. Mais enfin, le mur est là. Tout le monde peut aller le voir. On a près de 80 km de bitume qui vous conduisent vers des plantations. Je crois que quand on a fait ça pour soi et autour des siens, on peut donner 6 km à un de ses plus proches collaborateurs. Mais ce n`est pas ce qui explique mon choix d`aujourd`hui. Si ce n`était que cela, je crois que je l`aurais dit et je ne serais pas parti. C`est beaucoup plus grave que cela. Il y a d`autres raisons que vous me permettez de taire. Ce que je veux dire aujourd`hui, c`est que je n`ai de haine contre personne. Et lorsque j`ai fini de dire quelque chose, ça s`arrête là. Mais il faut que les Ivoiriens sachent que nous ne devrons pas travailler dans l`égoïsme, quels que soient nos postes. Moi, je hais l`égoïsme. Le président Houphouët-Boigny l`avait qualifié de vilain sentiment et je le répète, c`est un vilain sentiment.

Vos vœux de nouvel an…
Que les Ivoiriens mettent tout en œuvre pour aller aux élections en 2010. Au début de 2010, comme le Cpc l`a recommandé et comme la Cei et le Président de la République le préciseront bientôt. Je crois que c`est le vœu de tout le monde. Je voudrais que la Côte d`Ivoire retrouve une situation normale, pour que nous reprenions la route du développement. Il faut qu`il y ait la sécurité et des conditions de facilités pour l`investissement. D`ailleurs, le budget proposé par le gouvernement prévoit des conditions de fiscalité qui permettent aux investisseurs de revenir. Nous voulons que les jeunes ivoiriens aient tous du travail. Soit par eux-mêmes, soit dans les entreprises, soit dans les champs, un peu partout. Qu`il y ait plus de sécurité. Si toutes ces conditions-là sont remplies, la prospérité va revenir en Côte d`Ivoire. Nous avons tout ce qu`il faut pour retrouver très vite la prospérité. Parce que les infrastructures sont déjà existantes, les fondations sont posées, il nous reste qu`à construire la maison. Mais qu`on laisse les gens travailler tranquillement.

Interview réalisée par
Tché bi Tché
Coll. Frank Toti

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