Un document renfermant ce concept ne circule plus sous les manteaux comme en 1990-1991. Mais la charte du Nord renaît progressivement de ses cendres. Cette fois-ci dans les discours des cadres du RDR, très proches d’Alassane Dramane Ouattara. A l’invitation de la jeunesse du RDR de Korhogo, Hamed Bakayoko a co-animé, le samedi 19 décembre dernier, un meeting dans la capitale du grand Nord, avec Amadou Gon Coulibaly, directeur national de campagne d’Alassane Ouattara. S’adressant aux jeunes et adultes de la localité, le directeur national de campagne de Ouattara chargé de la jeunesse a lancé cet appel imbibé de tribalisme et d’ethnicisme : «la seule nourriture qui nous a nourris, c’est la nourriture de la dignité. (…) Nous sommes un peuple qui a de l’honneur. Nous devons mener un combat pour le respect. Je vous demande donc d’être déterminés. N’acceptez pas qu’on vous manque de respect. Qu’on nous respecte dans ce pays (…) Qu’on ne nous achète pas avec quelques billets de banque». Parlant d’Alassane Dramane Ouattara, Hamed Bakayoko poursuivra, en ces termes : «On nous a dit, ici, qu’il ne sera jamais candidat ; il est aujourd’hui candidat. Les mêmes nous ont dit qu’il ne sera jamais président ; il sera le prochain président de Côte d’Ivoire. Rien ne se fera dans ce pays sans nous. Rien ne se fera dans ce pays sans notre respect. Ceux qui ont joué avec ça ont vu. Ceux qui veulent jouer encore avec ça verront. Il faut qu’on nous respecte». Ces propos tenus par M. Hamed Bakayoko et rapportés fidèlement par le quotidien gouvernemental Fraternité Matin dans son édition N°13535 du lundi 21 décembre 2009 livrent plusieurs révélations. Notamment que le ministre des Télécommunications et des NTIC, par ailleurs directeur national de campagne adjoint du président du RDR, revendique en des termes à peine voilés, le coup d’Etat de décembre 1999 contre Henri Konan Bédié et par extension, la tentative de coup d’Etat de septembre 2002 muée en rébellion armée contre le régime de Laurent Gbagbo. «Rien ne se fera dans ce pays sans notre respect. Ceux qui ont joué avec ça ont vu. Ceux qui veulent jouer avec ça verront», dixit Hamed Bakayoko. Comme quoi une autre menace plane. Ce qui apparaît également révélateur, après analyse, dans la déclaration de ce proche collaborateur de Ouattara, c’est l’utilisation du «nous» qui inclut visiblement toutes les populations du Nord. Hamed Bakayoko et le RDR qui ont longtemps pris en otage les populations du Nord estiment que «la cause» que défend Ouattara en voulant prendre le pouvoir vaille que vaille même par les armes n’est rien d’autre que la leur. Quand Hamed Bakayoko, qui est originaire de Séguéla anime un meeting à Korhogo en tenant des propos aussi tribalistes, c’est qu’il a une idée sordide derrière la tête. Et cette idée n’est rien d’autre qu’un venin comparable à l’ivoirité de Bédié. Il s’agit de la charte du Nord, concept inique monté par les thuriféraires d’Alassane Ouattara et soutenu activement par celui-ci, alors Premier ministre sous Houphouët. Ouattara se présentait comme «le pion» du Nord pour la succession d’Houphouët. On sait tout le drame dans lequel cette vaste démagogie nauséeuse portée à bout de bras par Ouattara a entraîné toute la Côte d’Ivoire y compris les innocentes populations du Nord. Aujourd’hui encore, Ouattara redonne vie à sa charte du Nord en se présentant comme «le candidat» du Nord à l’élection présidentielle. Face à la crispation du terrain, il envoie ses lieutenants «tontons macoutes» sur le terrain, parmi lesquels Hamed Bakayoko, Amadou Gon Coulibaly et Amadou Soumahoro. Pour tenter de faire passer la pilule par la violence au cas échéant. Le docteur Coulibaly Issa Malick, directeur national de campagne du président Laurent Gbagbo et sa délégation en ont été les récentes victimes. Hier, c’était l’ivoirité avec Bédié. Aujourd’hui, revoilà la Charte du Nord de Ouattara.
Didier Depry didierdepri@yahoo.fr
Didier Depry didierdepri@yahoo.fr