Jeudi dernier, comme chaque année, le chef de l’Etat a dit son discours de nouvel an. Mais ce qui a frappé au cours de l’intervention de Laurent Gbagbo, à aucun moment, l’on n’a senti un souci de l’intérêt national. Le chef de l’Etat a encore démontré qu’il est l’homme d’un clan. Au moment où les Ivoiriens attendaient le chef de l’Etat sur son bilan de l’année et ce qu’il entend faire en cette année nouvelle, c’est un discours emprunt de contrevérités qui leur été servi. Le discours du nouvel an est comme le discours de l’Union aux Etats-Unis ou le discours du Trône en Grande Bretagne. C’est un discours fédérateur et rassembleur au cours duquel le chef de l’Exécutif aborde les sujets d’intérêt général et dégage les perspectives pour la nouvelle année. C’est au cours de ce discours que le chef de l’Etat campe pleinement sa posture de chef de la nation toute entière. Ce qui n’a pas été le cas pour Laurent Gbagbo, jeudi dernier. Quand il dit que la crise que les Ivoiriens vivent depuis quelques années, est née de « la guerre des héritiers débutée en 1993, à la mort d’Houphouët-Boigny », il n’est plus dans son rôle de chef de toute la nation. Mais plutôt dans celui d’un seul camp. Car indexer ses adversaires politiques-même sans les nommer- comme étant les responsables de nos malheurs dans une adresse qui se veut une invite à la conscience nationale, est maladroit. Mais également peu digne de celui qui veut être le chef de tous les Ivoiriens. Le discours de nouvel an n’est une occasion pour régler ses comptes politiques. Mais une belle opportunité pour ressouder les liens. Non ! La crise que connait la Côte d’Ivoire depuis maintenant 7 ans n’est pas « une crise de succession ». Les causes de cette crise sont connues. Et ce n’était ni le moment ni le cadre pour en parler. Laurent Gbagbo en le faisant, achève malheureusement de démontrer qu’il n’a pas et ne peut avoir la carrure d’un homme d’Etat qui a le souci permanent de l’unité et de la cohésion nationale. Sinon, comment comprendre que là où la sagesse et le bon sens politique recommandaient des paroles apaisantes pour cette nouvelle année qui vient à peine de commencer, le chef de l’Etat étale, dans un discours qui engage toute la nation, une théorie qui pue à mille lieues, la manipulation politique. La théorie de « la guerre de succession » pour expliquer la grave crise que les Ivoiriens, seul Laurent Gbagbo et à un degré moindre ses partisans y croient. Pas les Ivoiriens dans leur grande majorité. Laurent Gbagbo n’avait pas le droit de chercher à leur imposer cette version des faits qui ressemble à un argument de campagne qu’il entend utiliser pour se dédouaner au moment opportun. Qu’à cela ne tienne ! Si Laurent Gbagbo pense que « les élections à venir nous feront sortir définitivement du schéma de la dévolution du pouvoir par héritage ou par la voie des coups d’Etat », on ne peut s’en réjouir et souhaiter qu’elles interviennent assez rapidement. Mais il n’a pas utilisé une tribune aussi importante et sérieuse comme le discours du nouvel an pour dire des choses aussi discutables que détestables. Laurent Gbagbo parle d’ « élections à venir qui permettront de fonder une fois pour toutes, la légitimité du pouvoir sur la base du suffrage universel ». Est-ce à dire qu’il veut rappeler aux Ivoiriens qu’il n’a pas été élu démocratiquement, lui, « l’enfant des élections » ? Veut-il enfin reconnaitre par ces propos qu’il a accédé au pouvoir par un coup de force ? Alors qu’il le dise clairement aux Ivoiriens. Au lieu d’utiliser des formules alambiquées pour embrouiller le peuple. Car un discours de nouvel an est fait pour apporter la sérénité dans les foyers. Et non en rajouter à l’angoisse des Ivoiriens en début d’année.
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly