Malgré la présence d'un nordiste à la tête de l'appareil de campagne de Laurent Gbagbo, les tracasseries contre les ressortissants du nord ne cessent pas. Et semblent même s'amplifier ces derniers temps.
Le Dr Issa-Malick Coulibaly a été, sans doute la coqueluche médiatique du dernier semestre de l'an 2009. Sa nomination-surprise comme directeur de cabinet adjoint de la présidence de la République puis son incroyable ascension au poste de Directeur national de campagne de Laurent Gbagbo, candidat de La majorité présidentielle (LMP), en ont fait un mi-lourd de la politique domestique. Si Gbagbo gagne les élections, on peut s'attendre à ce que le Dr Malick entre dans la catégorie des poids lourds. Mais d'ici là, il y a des géants à affronter et des ténors à qui se mesurer. Des sources proches du Front populaire ivoirien affirment, mezza voce, que l'arrivée de ce médecin spécialiste du sida à la tête de l'exécutif de campagne du candidat Gbagbo a pris de court bien des cadors du parti, y compris la Première dame. Et mis au placard bien des ambitions, dont celle de M. Paul-Antoine Bohoun Bouabré que beaucoup de frontistes voyaient bien diriger la campagne pour, en cas de victoire, devenir le futur Premier ministre. Pourquoi donc Malick ? Parce qu'une évidence s'est imposée à Laurent Gbagbo. Tous les sondages que l'on lui remettait indiquaient qu'il peinait à impacter durablement le milieu nordiste traditionnel d'une part et qu'il lui fallait prendre pied dans le milieu musulman d'autre part, milieu que l'on présentait comme viscéralement attaché à Alassane Ouattara. «Quand on s'est réuni en cellule de stratégie, on s'est vite rendu compte qu'il nous fallait au moins 10% des voix totales du nord pour conforter notre avance et aller au deuxième tour » explique un député Fpi. D'où le choix d'Issa-Malick Coulibaly. C'est un musulman respecté qui a fait sept fois le pèlerinage à la Mecque. Il est introduit auprès de tous les grands imams d'Abidjan. Ensuite, il est sénoufo, membre de la famille Gon Coulibaly, qui constitue l'aristocratie dominante dans la région de Korhogo. Il peut s'appuyer sur le prestige politique de ses aînés que sont les députés Kassoum et Ousmane Coulibaly. En plus, il est très introduit auprès des sept chefs de cantons de Korhogo, qui l'ont publiquement adoubé quand il a été nommé au cabinet du chef de l'Etat. Il a l'avantage d'être politiquement neuf, donc il ne traîne pas de casseroles. Le moins que l'on puisse dire d'Issa-Malick Coulibaly, c'est qu'il a pris très à cœur sa fonction de directeur national de campagne de Gbagbo. Pas une semaine ne passe sans qu'il ne soit en visite dans une localité, dans une mosquée, ou en train d'animer des meetings dans les bastions traditionnels de l'opposition. Le coup politique le plus spectaculaire qu'il a réalisé, c'est le ralliement à la candidature de Laurent Gbagbo de 17 hauts cadres du nord, tous opérateurs économiques importants ou cadres administratifs de haut niveau. La majorité d'entre eux, sont issus du Rdr et du Pdci et sont des personnalités influentes dans leurs régions. Ces cadres-là, dont certains ont été insérés dans les structures officielles de campagne, s'investissent sur le terrain et dépensent sans compter pour atteindre leur objectif : la réélection de Laurent Gbagbo.
Le Fpi fonctionne en contournant Malick Coulibaly
Mais tout ce travail pour ancrer l'image de Laurent Gbagbo dans le mental nordiste est en train d'être réduit à néant. A l'approche de la fin de la période de traitement du contentieux électoral, comme un ogre qui s'était assoupi, l'appareil politico-sécuritaire anti-nordiste s'est emballé. Chaque semaine, des dizaines de citoyens, tous originaires du nord de la Côte d'Ivoire, sont interpellés manu militari par des hommes en armes et battus la plupart du temps. Les hommes qui procèdent à ces interpellations, en-dehors de toute règle de droit, sont membres du Cecos. C'est ainsi que le 28 décembre, à 3 heures du matin, des gendarmes de cette unité sont allés fracturer des portes à Williamsville pour enlever 18 citoyens sur la base d'une liste préétablie, les faire filmer par la télévision nationale qui les présente comme des délinquants et des faussaires, avant de les relâcher le lendemain, en pleine nuit. Faute de preuves. Avant cela, le vendredi 11 décembre à Toupah, dans la commune de Dabou, la même unité a interpellé 17 personnes, toutes ressortissantes du nord. Pour le même motif : fraude sur la nationalité. Avant de les relâcher
Il y a deux semaines, c'étaient vingt personnes qui étaient interpellées par les forces de l'ordre dans le district d'Abidjan, en majorité du nord, pour le même délit de patronyme.
« Nous ne sommes pas des étrangers encore moins des animaux pour qu'on nous brutalise de la sorte. Nous avons subi un traitement inhumain. On a été humiliés malgré nos documents qui prouvent que nous sommes des Ivoiriens. Cela m'a trop choquée. La télévision nationale est venue nous filmer comme des animaux. Ce n'est pas comme cela que ça se passe. Dans un premier temps, on devait nous envoyer une convocation » témoigne une victime de ces dérives qui ont eu lieu à Williamsville, dans les colonnes de «Nord-Sud Quotidien» du lundi 4 janvier.
La télévision nationale apporte, elle aussi, son grain de sel à la décomposition de l'atmosphère sociale en publiant des reportages. Qui présentent les ressortissants de la Cedeao vivant en Côte d'Ivoire comme des fraudeurs compulsifs. Le journaliste Eugène Attoubé, interrogé par Brou Amessan le 31 décembre, a eu le courage de prononcer ces mots nauséeux : «La région du moyen comoé pullule de ces fraudeurs. Ebilassokro, Zaranou, Kobina et même Damakro qui est un gros village d'allochtone. C'est devenu comme une gangrène dans la région ». Ces étrangers fraudent «parce qu'ils ont la volonté manifeste de vouloir (sic) bénéficier des faveurs de la Côte d'Ivoire ». Dans le registre chasse à l'homme, on ne fait pas mieux. Dans un tel contexte, les Konaté navigué auront beau jeu de s'époumoner à Kouto, le 29 décembre dernier : «Laurent Gbagbo n'a jamais été contre les nordistes. Tout ce qui vous a été raconté n'est rien que du mensonge pur». Personne ne les croira.
Pourquoi le Dr Issa-Malick Coulibaly qui est le chef de l'appareil de campagne du candidat Laurent Gbagbo, peut-il accepter autant de forfaitures, qui fragilisent son candidat ? Sert-il finalement à quelque chose, lui qui est censé rapprocher Gbagbo des nordistes et des musulmans, si malgré sa présence dans le saint des saints, ses compatriotes et ses coreligionnaires continuent d'être maltraités comme c'est le cas ? A quoi sert Malick Coulibaly s'il n'est pas capable d'empêcher les tracasseries contre les nordistes ? S'il n'est pas capable d'imposer le respect de ses compatriotes à ses camarades de parti ? A quoi sert-il, finalement, si sa présence est égale à son absence au sein d'un groupe qui, après l'avoir accepté, semble s'être organisé pour fonctionner en-dehors de lui?
Touré Moussa
Le Dr Issa-Malick Coulibaly a été, sans doute la coqueluche médiatique du dernier semestre de l'an 2009. Sa nomination-surprise comme directeur de cabinet adjoint de la présidence de la République puis son incroyable ascension au poste de Directeur national de campagne de Laurent Gbagbo, candidat de La majorité présidentielle (LMP), en ont fait un mi-lourd de la politique domestique. Si Gbagbo gagne les élections, on peut s'attendre à ce que le Dr Malick entre dans la catégorie des poids lourds. Mais d'ici là, il y a des géants à affronter et des ténors à qui se mesurer. Des sources proches du Front populaire ivoirien affirment, mezza voce, que l'arrivée de ce médecin spécialiste du sida à la tête de l'exécutif de campagne du candidat Gbagbo a pris de court bien des cadors du parti, y compris la Première dame. Et mis au placard bien des ambitions, dont celle de M. Paul-Antoine Bohoun Bouabré que beaucoup de frontistes voyaient bien diriger la campagne pour, en cas de victoire, devenir le futur Premier ministre. Pourquoi donc Malick ? Parce qu'une évidence s'est imposée à Laurent Gbagbo. Tous les sondages que l'on lui remettait indiquaient qu'il peinait à impacter durablement le milieu nordiste traditionnel d'une part et qu'il lui fallait prendre pied dans le milieu musulman d'autre part, milieu que l'on présentait comme viscéralement attaché à Alassane Ouattara. «Quand on s'est réuni en cellule de stratégie, on s'est vite rendu compte qu'il nous fallait au moins 10% des voix totales du nord pour conforter notre avance et aller au deuxième tour » explique un député Fpi. D'où le choix d'Issa-Malick Coulibaly. C'est un musulman respecté qui a fait sept fois le pèlerinage à la Mecque. Il est introduit auprès de tous les grands imams d'Abidjan. Ensuite, il est sénoufo, membre de la famille Gon Coulibaly, qui constitue l'aristocratie dominante dans la région de Korhogo. Il peut s'appuyer sur le prestige politique de ses aînés que sont les députés Kassoum et Ousmane Coulibaly. En plus, il est très introduit auprès des sept chefs de cantons de Korhogo, qui l'ont publiquement adoubé quand il a été nommé au cabinet du chef de l'Etat. Il a l'avantage d'être politiquement neuf, donc il ne traîne pas de casseroles. Le moins que l'on puisse dire d'Issa-Malick Coulibaly, c'est qu'il a pris très à cœur sa fonction de directeur national de campagne de Gbagbo. Pas une semaine ne passe sans qu'il ne soit en visite dans une localité, dans une mosquée, ou en train d'animer des meetings dans les bastions traditionnels de l'opposition. Le coup politique le plus spectaculaire qu'il a réalisé, c'est le ralliement à la candidature de Laurent Gbagbo de 17 hauts cadres du nord, tous opérateurs économiques importants ou cadres administratifs de haut niveau. La majorité d'entre eux, sont issus du Rdr et du Pdci et sont des personnalités influentes dans leurs régions. Ces cadres-là, dont certains ont été insérés dans les structures officielles de campagne, s'investissent sur le terrain et dépensent sans compter pour atteindre leur objectif : la réélection de Laurent Gbagbo.
Le Fpi fonctionne en contournant Malick Coulibaly
Mais tout ce travail pour ancrer l'image de Laurent Gbagbo dans le mental nordiste est en train d'être réduit à néant. A l'approche de la fin de la période de traitement du contentieux électoral, comme un ogre qui s'était assoupi, l'appareil politico-sécuritaire anti-nordiste s'est emballé. Chaque semaine, des dizaines de citoyens, tous originaires du nord de la Côte d'Ivoire, sont interpellés manu militari par des hommes en armes et battus la plupart du temps. Les hommes qui procèdent à ces interpellations, en-dehors de toute règle de droit, sont membres du Cecos. C'est ainsi que le 28 décembre, à 3 heures du matin, des gendarmes de cette unité sont allés fracturer des portes à Williamsville pour enlever 18 citoyens sur la base d'une liste préétablie, les faire filmer par la télévision nationale qui les présente comme des délinquants et des faussaires, avant de les relâcher le lendemain, en pleine nuit. Faute de preuves. Avant cela, le vendredi 11 décembre à Toupah, dans la commune de Dabou, la même unité a interpellé 17 personnes, toutes ressortissantes du nord. Pour le même motif : fraude sur la nationalité. Avant de les relâcher
Il y a deux semaines, c'étaient vingt personnes qui étaient interpellées par les forces de l'ordre dans le district d'Abidjan, en majorité du nord, pour le même délit de patronyme.
« Nous ne sommes pas des étrangers encore moins des animaux pour qu'on nous brutalise de la sorte. Nous avons subi un traitement inhumain. On a été humiliés malgré nos documents qui prouvent que nous sommes des Ivoiriens. Cela m'a trop choquée. La télévision nationale est venue nous filmer comme des animaux. Ce n'est pas comme cela que ça se passe. Dans un premier temps, on devait nous envoyer une convocation » témoigne une victime de ces dérives qui ont eu lieu à Williamsville, dans les colonnes de «Nord-Sud Quotidien» du lundi 4 janvier.
La télévision nationale apporte, elle aussi, son grain de sel à la décomposition de l'atmosphère sociale en publiant des reportages. Qui présentent les ressortissants de la Cedeao vivant en Côte d'Ivoire comme des fraudeurs compulsifs. Le journaliste Eugène Attoubé, interrogé par Brou Amessan le 31 décembre, a eu le courage de prononcer ces mots nauséeux : «La région du moyen comoé pullule de ces fraudeurs. Ebilassokro, Zaranou, Kobina et même Damakro qui est un gros village d'allochtone. C'est devenu comme une gangrène dans la région ». Ces étrangers fraudent «parce qu'ils ont la volonté manifeste de vouloir (sic) bénéficier des faveurs de la Côte d'Ivoire ». Dans le registre chasse à l'homme, on ne fait pas mieux. Dans un tel contexte, les Konaté navigué auront beau jeu de s'époumoner à Kouto, le 29 décembre dernier : «Laurent Gbagbo n'a jamais été contre les nordistes. Tout ce qui vous a été raconté n'est rien que du mensonge pur». Personne ne les croira.
Pourquoi le Dr Issa-Malick Coulibaly qui est le chef de l'appareil de campagne du candidat Laurent Gbagbo, peut-il accepter autant de forfaitures, qui fragilisent son candidat ? Sert-il finalement à quelque chose, lui qui est censé rapprocher Gbagbo des nordistes et des musulmans, si malgré sa présence dans le saint des saints, ses compatriotes et ses coreligionnaires continuent d'être maltraités comme c'est le cas ? A quoi sert Malick Coulibaly s'il n'est pas capable d'empêcher les tracasseries contre les nordistes ? S'il n'est pas capable d'imposer le respect de ses compatriotes à ses camarades de parti ? A quoi sert-il, finalement, si sa présence est égale à son absence au sein d'un groupe qui, après l'avoir accepté, semble s'être organisé pour fonctionner en-dehors de lui?
Touré Moussa