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Société Publié le mardi 12 janvier 2010 | Nord-Sud

Mariage civil : Pourquoi les Ivoiriens se bousculent devant le maire…

Disposés à vivre sans gène en concubinage hier, les Ivoiriens se présentent aujourd’hui de plus en plus aux portes des mairies pour l’alliance civile. Pourquoi ce changement brutal ? Les nouveaux foyers légaux résistent-ils au temps ? Des chiffres à vous couper le souffle !

Ils attendent dans une longue file de voitures pour se présenter à leur tour, face à l’officier de l’état civil commis pour célébrer les mariages, ce 12 décembre 2009. Ils, ce sont les couples candidats au mariage. Leur sourire est visible à travers les vitres des véhicules. Mais, cela ne dissimule pas leur appréhension. Ils présentent par moment des visages livides, comme s’ils étaient à la proclamation des résultats de l’examen du bac. La scène se déroule sur le parking de l’hôtel communal de Cocody. Il est 10 heures 28. A l’intérieur, un beau monde a pris d’assaut la salle de mariage. Parents, amis, connaissances et anonymes ont voulu entendre de leurs propres oreilles, le « oui » solennel du couple Yao. Tous lèvent les yeux pour mieux admirer les mariés qui viennent d’opter pour la communauté de biens. Parés de coiffes, parures, bijoux, tissus et pagnes de valeur, les invités n’arrivent pas à cacher leur joie. «Que la mariée est belle !», entend-on lorsque l’époux soulève le voile de sa femme. Des cris de joie et des acclamations fusent des quatre coins de la salle. Si la nouvelle mariée a l’air heureuse, avec un sourire sincère et gracieux, à l’espace Bonoumin où se déroule la réception, ce n’est pas le cas pour Konan Pulchérie, 29 ans, l’une des invités qui occupe un siège dans le fond. Cette jeune fille, bien que présente à la cérémonie, reste repliée sur elle-même, le regard vague. Elle attend impatiemment son mariage qui vient d’être repoussé pour la deuxième fois. La cause : son témoin a un calendrier chargé. Pour le plus beau jour de sa vie, Pulchérie n’a pas voulu faire dans la dentelle. Elle s’est choisi un témoin célèbre. La mine affligée, l’interlocutrice précise : «La dame travaille dans une institution internationale. Ce qui fait qu’elle voyage très souvent. J’espère qu’elle sera disponible avant fin janvier, surtout qu’elle prend en charge une partie des dépenses». Témoin ou marraine ? Peu importe, Pulchérie veut se marier et c’est ce qui compte. Comme elle, beaucoup frappent de plus en plus aux portes des mairies pour officialiser leur union.

10.000 mariages pour Abidjan !

Mais, la tâche n’est pas toujours aisée. « Mon fiancé est né à Taï (une ville de l’Ouest). Il doit y aller pour renouveler son extrait de naissance, qui fait partie des pièces à fournir à la mairie du Plateau. Comme il travaille en plein temps dans le privé, il n’a pas encore eu le temps de le faire. Mais, il a promis remédier à cela pour bientôt », explique, avec optimisme, Mathilde Ehouman, une fonctionnaire de 37 ans qui habite à Angré-Sicogi. Il y a près d’une décennie, les Ivoiriens se contentaient des mariages coutumiers et religieux. Aujourd’hui, le terme de mariage est difficilement accepté quand une bague ne brille pas à l’auriculaire gauche du prétendu marié, signe de l’alliance légale.

Le 15 décembre, un tour au service mariage de la mairie d’Abobo a suffi pour se rendre compte de l’engouement. Une pile de documents attend sur le bureau. Les requérants font des va-et-vient incessants. Soit pour payer les frais de mariage soit pour prendre une information supplémentaire. Le lendemain, cap est mis sur le Plateau. L’ambiance est la même au service de mariage. L’horloge marque 13 heures 58 et M. Mobio, agent à ce service, n’arrive pas à se reposer pendant la pause, contrairement à ses collègues endormis sur les sièges. L’agent est tellement occupé à traiter des dossiers en attente si bien que c’est avec peine qu’il répond aux questions de l’équipe de reportage. «Repassez à 15 heures. Je suis débordé», nous lance-t-il. Son service avait plus de 150 mariages à gérer pour la fin de l’année 2009. A Cocody, même si le service ne grouille pas de monde à 12 heures 43, quelques agents, avec à leur tête leur chef, sont concentrés sur les dossiers. «C’est la période des mariages actuellement. Les Ivoiriens aiment se marier pendant les fêtes. En février, nous enregistrons de nombreuses demandes en raison de la saint Valentin. La période des grandes vacances est également sollicitée. Mais les jeudis et samedis sont les jours de grandes messes», confie M. Ouattara Kouakou, chef du service mariage à la mairie d’Abobo. Remarque que confirment les chargés de mariages interrogés. M. Abié Jean, responsable du mariage à la mairie de Bingerville ajoute que « les mariages sont célébrés rarement les autres jours de la semaine. En général, ce sont des mariages discrets ». Selon lui, « les reports de mariages constatés sont dus aux calendriers chargés des témoins et des parrains ou souvent des cas de maladie chez l’un des fiancés». Désistements ou reports, le constat est que le nombre de mariage augmente relativement d’année en année. Mieux, on assiste de plus en plus à la célébration des mariages collectifs. La direction générale de la Société des transports abidjanais (Sotra) a célébré le 23 décembre, son 19e mariage collectif. 48 agents, tout grade confondu, ont dit “oui“ à leurs époux et épouses ce jour-là. La Direction s’est dite heureuse d’avoir conduit chez le maire 1.051 agents en 19 éditions de mariages collectifs. En 2009, Attécou­bé a officié 2 mariages collectifs. 29 personnes d’une entreprise de la place et 10 couples issues d’une communauté religieuse. La banlieue de Bingerville a également célébré des mariages collectifs de militaires et de chrétiens en 2008. Port-Bouët, qui enregistrait 282 unions en 2000, a abrité 586 cérémonies d’échange d’alliances en 2005. De 584 mariages en 2000, la mairie de Cocody est passée au triple avec environ 1.500 pour l’année 2006. A la mi- décembre 2009, la cité du maire Gomon enregistrait au total 1.939 mariages pour l’année. Dans la même cité, on dénombre 1.807 unions légales pour 2008 contre 26 désistements. En 2007, le nombre de mariages célébrés s’élevait à 1.861. Seulement 33 couples enregistrés ont renoncés au mariage au cours de la même année. La mairie du Plateau est passée de 225 mariages en 2000 à 919 en 2005. Près de 1.700 mariages ont eu lieu en 2009 au Plateau (le chiffre concerne les célébrations à la mairie et à l’hôtel du district). En 2008, le cen­tre des affaires comptait 1.080 unions.

Ce qui revient à une hausse d’environ 420 alliances légales. A Abobo, 1.528 mariages ont eu lieu en 2008 quand, en 2007, 1.458 couples ont dit « oui » devant le maire. Ce qui fait une hausse de 70 alliances. Selon les chiffres en notre possession, le district d’Abidjan a enregistré à lui seul, 10.000 mariages en 2007. Ces chiffres sont nettement en déphasage avec ceux des années antérieures relevés plus haut. Malheureusement, les données n’étant pas informatisées dans la majorité des mairies contactées, il a été difficile d’entrer en possession des chiffres antérieurs pour certaines localités. Toutefois, les spécialistes s’accordent sur le constat d’une explosion des mariages. Selon M. Ouattara Kouakou, «les services de mariages n’utilisaient pratiquement qu’un registre pour toute l’année. Mais depuis ces six dernières années, il en faut une dizaine ». Et dire qu’un registre équivaut à 100 actes de mariages ! Il ajoute que les jeunes sont les plus nombreux à solliciter ses services. « Nous enregistrons toutes les tendances mais les jeunes représentent 60% ». Mais, quelles sont les motivations de cette ruée vers les mariages ? De nouveaux mariés répondent à la question. Pour Yao Mathieu, 35 ans, il a dû céder à la volonté de sa compagne en décembre. « Ma femme exige le mariage parce que toutes ses amies l’ont déjà fait. Pour son anniversaire je lui ai offert ce cadeau. Et je reste convaincu que le mariage est un accomplissement. Il y a trois actes dans la vie. La naissance, le mariage et le décès », explique-t-il. Kouakou Ismaël, conseiller clientèle dans une société de la place, confie s’être marié le 16 août 2008 par amour et par responsabilité : « je me suis marié d’ abord par amour. Ensuite parce que le mariage est source de responsabilité. Ceux qui pensent que se marier, c’est se mettre la corde au cou, abordent autrement la question. Se marier, c’est plutôt se rapprocher de Dieu ». Le chargé de mariage à la mairie d’Attécoubé justifie cette explosion par la crise qu’a connue le pays. «Du fait de la guerre, les mariages augmentent de plus en plus depuis 2003, parce que les gens veulent se mettre à l’abri en cas de catastrophe».

Le divorce n’est pas loin

Dr Kassoro Gnaboua, anthroposociologue du développement, pense aussi que, «s’il y a une explosion du mariage ces derniers temps, elle s’explique par la guerre. Certains se sont sentis interpellés. Surtout qu’il y a eu une campagne pour les militaires les invitant à se marier aux femmes qu’ils avaient à la maison pour les sécuriser en cas de décès au front. En même temps, les civils aussi ont pris conscience. Et il y a eu l’effervescence. Les gens qui vivaient en concubinage pendant un long moment ont fini par se marier légalement pour être sécurisés. La guerre a participé à la prise de conscience. Le mariage est vu maintenant comme une sécurité (…) Les jeunes se marient beaucoup plus parce que cela fait plus responsable. Les entreprises ne recrutent que les jeunes aujourd’hui. Ils occupent de hautes responsabilités. Et c’est valorisant dans une entreprise que d’être marié ». La protection des enfants est aussi l’une des raisons évoquées. Le Père Georges Scholastique, responsable de la fraternité Cana, une association chrétienne spécialisée dans la gestion des foyers, l’explique dans la mission du mariage : « lorsqu’un couple se marie, il reçoit une mission. La première mission est la fidélité. La deuxième consiste à s’occuper des enfants. La troisième mission est celle de l’Eglise. A travers le couple qui remplit ces conditions, les autres voient que Dieu est vivant ». La loi n’est pas non plus muette sur les raisons du mariage. Parmi les dispositions générales du code civil ivoirien sur les effets du mariage, on retient que « le mariage crée la famille légitime. Les époux s’obligent à la communauté de vie, ils se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance. Le mariage a aussi pour effet de créer entre les époux une communauté de biens à moins que ceux-ci ne déclarent expressément opter pour la séparation».
Si les alliances se célèbrent avec faste, les cas de divorces ne sont pas loin. En 2006, un jeune couple d’une église Forsquare de Yopougon s’est séparé après seulement deux années de mariage. Marie Louise Kikié, l’ex-épouse a accepté les avances de sieur Kouakou N’dri en se présentant faussement comme une institutrice en fonction à l’intérieur du pays. Elle passait ses vacances au domicile conjugal à Abidjan et une autre partie de sa vie dans le Centre-Ouest de la Côte d’Ivoire. La roublardise de la dulcinée a été dévoilée à partir des soupçons de l’époux. Ce qui a conduit l’homme à demander la séparation. Le divorce qui devrait être prononcé par consentement mutuel, a dégénéré en contentieux car des membres de la communauté religieuse se sont divisés en partisans du divorce contre partisans du pardon. Les cas similaires sont légion. En 2005, le tribunal de Yopougon a dû prendre la mesure conservatoire de séparation de corps pour préserver dame Aké Joséphine de la fougue de son mari, avant de prononcer le divorce après sept mois. Ce dernier s’est déguisé en maître des arts martiaux pour combattre l’infidélité flagrante de son épouse, qui jurait, il y a trois années, amour et fidélité devant le maire.

N.D
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