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Société Publié le vendredi 15 janvier 2010 | Nord-Sud

Koné Diakaria (Météo nationale) : “L’harmattan arrive à Abidjan en février”

Koné Diakaria, chef des Services des Prévisions Générales et de la Météo Marine, explique les raisons de l’absence de l’harmattan dans le sud forestier et le littoral.


L’harmattan va-t-il atteindre Abidjan cette année ?

Il faut d’abord préciser que nous travaillons, sur des échelles de temps bien définis. Le domaine de prévision dans lequel nous sommes couvre des périodes allant d’une semaine à dix jours. Et, pour l’instant, toutes les données qui sont à notre disposition ne présage pas d’une imminence de l’harmattan dans le sud forestier et le sud littoral pendant la semaine ou les dix prochains jours à venir, c’est-à-dire, jusqu’au 21, 22, 23 janvier. Par moments, dans le centre, on aura des sensations d’harmattan et des sensations de retrait de l’harmattan. Maintenant, si on devrait donner une tendance de façon climatologique, on dirait que l’harmattan devrait arriver fin janvier, début février dans le sud forestier et le sud littoral. Pour être beaucoup plus précis, nous pourrons vous donner des tendances chaque début de semaine ou chaque début de décade pour vous dire que le risque est dans cette semaine ou dans cette décade.


On peut donc affirmer que l’harmattan atteindra Abidjan cette année ?

De façon climatologique, on peut vous dire que l’harmattan arriverait à Abidjan fin janvier, début février. Nous devons parler avec des conditionnalités. La situation présente est gouvernée par une autre atmosphère, à savoir l’atmosphère européenne. Si la situation présente due à un réchauffement anormale au large du Maroc et de la Mauritanie perdure, et que l’hiver rude constaté au niveau de l’Europe perdure aussi, on pourrait, au niveau de la Côte d’Ivoire, rester dans la situation actuelle jusqu’à la saison des pluies. Si le réchauffement anormal, au large de la Mauritanie et du Maroc, s’amenuise ou disparaît, les anticyclones qui devraient normalement se présenter sur le Sahel et le Sahara vont reprendre leur force et l’harmattan va sûrement s’intensifier et atteindre le sud forestier et le sud littoral de la Côte d’Ivoire.


Des deux scénarii quel est le plus probable ?

Pour le moment, nous restons dans le domaine de la climatologie. Et de ce point de vue, on devrait avoir des prémices de temps d’harmattan fin janvier début février. Et pour vous donner beaucoup plus de détails, nous souhaiterions que les journalistes que vous êtes, et même la population, restiez à l’écoute. Nous pourrons vous donner des détails chaque semaine et chaque décade.


Une modification brusque des paramètres d’intensification de l’harmattan est-elle possible d’ici à la période de fin janvier ou de début février dont vous avez parlé?

Bien sûr, et c’est ce qui fait l’incertitude liée au temps. Il est possible que les conditions changent brusquement. Si les phénomènes qui créent un hiver rude en Europe, ainsi que les interactions entre les phénomènes météo européens et l’atmosphère tropicale cessent brusquement alors les anticyclones vont se réinstaller aussi soudainement avec son temps qui en découle, caractérisé par l’harmattan, brume sèche et poussière.


Pouvez-vous expliquer avec plus de détails les phénomènes qui créent un hiver rude en Europe et qui influencent l’intensité de l’harmattan en Afrique ?

Ce sont des phénomènes qu’on appelle les systèmes frontaux. Un système frontal est un phénomène météorologique qui génère la pluie quand on est en été, ou la neige, quand on est en hiver, au niveau de l’Europe. Il est constitué d’un mélange de masses d’air : Une masse d’air qui vient du pôle, et une autre qui vient du domaine tropical. Ce mélange va constituer un système frontal qui se déplace d’ouest en est, en balayant toute l’Europe. Son mouvement est commandé par le dynamisme des vents à 3.000 mètres d’altitude qu’on appelle dans notre jargon la moyenne altitude. Ce sont ces vents qui se déplacent d’ouest en est et qui se chargent de déplacer les systèmes frontaux. Si on a toujours une fréquence de système frontal qui affecte l’atmosphère tropicale avec une fréquence de un à deux jours ou de deux à trois jours, nous pourrons rester dans cette situation jusqu’à la saison des pluies. Mais, si cette situation s’arrête à un moment donné, les conditions météorologiques qui prévalent normalement au niveau du Sahel et du Sahara vont normalement s’installer et l’harmattan va prendre son cours normal. C’est-à-dire qu’il va toucher le nord, le centre et même le sud forestier et le littoral. La situation actuelle se caractérise par des pluies par moments. On a eu quelques cas de pluies isolées sur le centre-ouest et la région d’Odienné. A part cela, sur toute la région du nord, il n’y a pas eu de pluie. C’est l’harmattan qui y sévit. Ce sont les régions du centre, de l’est et de l’ouest qui, par moments connaissent l’harmattan et par moments connaissent un retrait de l’harmattan en raison de la remontée de l’air humide du sud. Cette situation est anormale. En cette période, l’harmattan devrait sévir jusque dans le centre, dans l’ouest et dans l’est. Ne devrait être épargnée seulement que la région du sud forestier et le littoral qui, normalement, devrait connaître que par moments de brèves sensations d’harmattan.


Vous avez dit que la situation présente est due à un réchauffement anormal des eaux mauritaniennes et marocaines. Pouvez-vous être plus précis ?

Nous sommes actuellement dans une année El Niño. C’est-à-dire que les eaux du Pacifique équatorial sont extrêmement chaudes. Ce phénomène périodique crée un déséquilibre mondial en termes de pluviométrie. Une période El Niño correspondra à une pluviométrie plus ou moins bonne sur les régions du golf de Guinée et une période de pluviométrie mauvaise sur le Sahel où on ne peut pas parler de pluie à ce moment. Le phénomène essentiel aujourd’hui qui est la résultante du phénomène El Niño, c’est le réchauffement du golf de Guinée, qui se retrouve plus réchauffé que l’année dernière, et le réchauffement des eaux marocaine, mauritannienne et sénégalaise. Ce réchauffement interagit avec les phénomènes météorologiques européens qui descendent plus bas que d’habitude. L’imbrication de ces différentes interactions va donner ce que nous constatons aujourd’hui, c’est-à-dire une période d’harmattan beaucoup plus faible et des situations pluviométriques encore possibles sur le sud forestier et le littoral.


Ces perturbations ont-elles un lien avec l’activité humaine ?

Cette question relève du domaine des changements climatiques. Il existe dans nos universités des experts beaucoup plus avertis dans ce domaine et des experts en climatologie qui pourront vous donner des détails plus clairs sur la question. Ce que je puis dire, c’est que, comme vous l’avez entendu un peu partout, les phénomènes de changement climatique résultent essentiellement de la contribution de l’homme à la modification du climat.


Voulez-vous parler des conséquences des gaz à effet de serre ?

Au-delà des conséquences des gaz à effet de serre, il y a la modification même de notre environnement. Ici, nous parlons de l’Afrique qui ne contribue pratiquement en rien dans l’émission des gaz à effet de serre, en dehors des zones industrialisées comme l’Afrique du Sud. Pourtant, nous subissons plutôt les effets du changement, et pourquoi ? Parce que nous avons aussi grandement modifié notre environnement. Nous avons détruit les forêts qui contribuent non seulement à maintenir le Co2, mais aussi à humidifier l’atmosphère par la transpiration des végétaux. Ces végétaux, par le processus de transpiration, émettent de la vapeur d’eau dans l’atmosphère. Cette modification de notre environnement intensifie le phénomène de changement climatique. Alors, il ne faut pas accuser uniquement les pays industrialisés. Nous avons aussi notre part de responsabilité qui devrait être également pris en compte si nous voulons véritablement mettre en place un plan efficace de diminutions des risques liés aux changements climatiques.

Les Abidjanais connaissent en ce moment une certaine sensation de chaleur. A quoi est dû cela ?

Comme nous vous l’expliquions, l’année dernière à la même période, cette chaleur humide provenait du réchauffement de la mer. L’air qui se trouve au-dessus de cette mer chaude va se vaporiser. Cette vapeur va charger l’atmosphère, et surtout la très basse atmosphère, c’est-à-dire la très basse couche jusqu’à 600 ou 900 mètres, y augmentant l’humidité relative. Mais, au-delà de cette couche qui est de 600 à 900 mètres, l’air est sec. Cet air sec descendant empêche l’air humide, qui est en bas, de monter. L’air humide restera cloîtré dans la très basse couche, c’est-à-dire au niveau du sol. Comme le soleil brille fortement parce que le ciel n’est pas très nuageux, le résultat, c’est cette sensation d’inconfort que nous connaissons. En ce moment, nous n’avons pas encore des prévisions de températures basses. Ce qui signifie que les températures vont restées dans ce domaine de maxi qui est de l’ordre de 32° -33°, et dans le domaine de mini qui est de l’ordre de 25°-26°. Alors que dans la période d’harmattan, les températures descendent jusqu’à 20°, 21°. On a des signaux de pluie, mais ils sont faibles. D’ailleurs, en fin de période, c’est-à-dire, jusqu’à la période du 22 janvier, les pluies vont considérablement diminuer. Il peut ne pas y avoir de pluie et on peut connaître toujours cette sensation de chaleur humide qui est liée à une non présence de l’harmattan. Lorsque l’harmattan sera là, il n’y aura plus de sensation de chaleur humide, mais une chaleur sèche. En dehors de l’harmattan, tant qu’il ne pleuvra pas, on aura la sensation de chaleur humide.


Interview réalisée par Cissé Sindou
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