Le président-fondateur de l'Alliance pour la nouvelle Côte d'Ivoire (Anci), Zémogo Fofana, parle des motivations de son appel à soutenir le candidat du Rassemblement des républicains (Rdr).
Deux ans et demi après sa création, l'Anci a perdu ses grosses têtes, ses élites et se trouve en crise. Je veux citer Aly Kéita, Nicole Doué, Bamba El Hadj Soualiho, Amara Karamoko, Atteby Dago, aujourd'hui Jean Jacques Béchio et Bernard Béhi. N'est-ce pas un échec personnel de Zémogo Fofana ?
Je le confesse, il y a eu échec de ma part. Surtout échec dans le choix des hommes. J'ai estimé qu'il fallait confier des responsabilités à un certain nombre de personnes, pour l'animation du parti. Ces personnes n'ont pas donné satisfaction. Certains d'entre eux se sont même installés dans une forme de dissidence, de défiance. J'ai décidé de remettre de l'ordre en arrêtant le laxisme. Je l'avoue on m'a taxé de laxiste dans la gestion de mes rapports avec mes collaborateurs. Par exemple l'ancien secrétaire général, Jean Jacques Béchio qui n'a jamais réellement occupé ses fonctions. Voici un monsieur qui ne venait plus au siège du parti depuis des mois, qui a rendu sa démission du parti par écrit, deux fois. La vérité c'est que l'Anci n'a jamais véritablement eu de Secrétaire général. Le parti a fonctionné sans Secrétaire général. Aujourd'hui j'ai décidé de remédier à la situation. Mais tout ce qui s'est passé est positif, pour moi-même personnellement et pour l'Anci.
Comment le départ des grosses têtes de votre parti pourrait-être positif ?
Je ne veux pas faire de commentaires. Si vous trouvez que ce sont des grosses têtes ou l'élite, très bien, je vous accompagne. Cependant, d'autres ont des appréciations différentes. Mais ce n'est pas cela le problème. Le plus important à mes yeux, c'est que si je compare le nombre des partants au nombre et à la qualité des arrivants, je me dis que ce qui nous arrive est une chance inouïe. Je vous assure, on enregistre vraiment de très nombreuses adhésions ces temps-ci, surtout depuis qu'on a annoncé que Jean Jacques Béchio n'est plus secrétaire général. C'est quand même curieux ça, pour des gens que l'on dit être de grosses têtes du parti.
Le camp Béchio vous reproche de ne pas l'avoir tenu informé des négociations secrètes que vous meniez, de n'avoir pas été membre du groupe restreint à qui vous rendiez compte et d'être venu lui imposer vos choix, sans aucune discussion ?
Je suis extrêmement surpris d'entendre cela. Jean-Jacques a-t-il vraiment dit cela ? Si oui, ce serait vraiment malhonnête. Parce que le comité restreint dont il est question, le seul membre que j'ai nommé, c'est lui Béchio. Et tous les autres membres, Bernard Béhi, Amidou Sylla, Diomandé Bouraïma, c'est lui qui me les a proposés. Il était d'ailleurs, lui Béchio, le président de ce comité restreint. Comment peut-il venir dire aujourd'hui que je ne l'ai informé de rien ? Il était régulièrement informé des discussions en cours. Vous savez, quand les gens sont en mission, pour réussir leur mission, ils invoquent tous les arguments, y compris les plus malhonnêtes. Maintenant s'ils disent que je devais avoir leur autorisation avant de conclure un accord avec un candidat, là encore, j'estime qu'il s'agit d'un manque de maturité politique. Moi, je suis président d'un parti politique. J'ai mandat pour engager des discussions. Je mène des négociations pendant des mois avec un candidat. Et après je rends compte du résultat de mes négociations et du choix que j'ai fait. Et des raisons pour lesquelles j'ai fait ce choix. Maintenant, s'il s'agit pour moi le président du parti d'aller discuter, s'entendre sur un accord électoral, revenir informer mes camarades et puis on vous dit : on n'est pas d'accord, annulez tout et engagez de nouvelles discussions avec tel autre candidat qu'on vous indique, dans ce cas, pourquoi ai-je un mandat pour discuter ? Il s'agit-là, d'une tentative d'infantiliser le président du parti, d'en faire une marionnette. Et là, je dis non.
Vous avez pris la décision de soutenir le candidat du Rdr à la présidentielle. Quels sont les critères qui ont motivé cette prise de décision?
Tenez, je suis l'un des membres fondateurs du Rdr. J'ai été élu député, maire, président du Conseil général et nommé ministre sous la bannière de ce parti. Et le Rdr a rédigé un projet de société et un programme de gouvernement qui comportent une vision pour la Côte d'Ivoire. Je suis l'un de ceux qui ont travaillé à la rédaction de ce programme de gouvernement et de projet de société. Ensuite le Rdr est un parti libéral. A l'Anci, nous sommes également un parti libéral, avec un positionnement centriste. Donc au plan de l'idéologie politique, nous sommes tous les deux des libéraux. Et au plan des programmes de gouvernement, des projets de société, ceux du Rdr et ceux de l'Anci que nous sommes en train de finaliser se ressemblent beaucoup. Au passage, je vous informe que nous n'avons pas encore totalement bouclé la rédaction du programme de gouvernement de l'Anci. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de ne pas présenter notre candidature, malgré les pressions qui s'exerçaient sur nous. Parce que nous estimons, que pour mener un combat d'un tel enjeu, il faut être totalement prêt.
Prêt, c'est-à-dire aussi financièrement?
Quand on dit qu'il faut être prêt, généralement, les gens pensent qu'il s'agit d'avoir beaucoup d'argent. Pour nous, c'est d'abord et avant tout la vision que l'on a pour son pays, les ambitions que l'on nourrit pour lui. C'est ce qu'on veut présenter comme projet à ses concitoyens qui, pour moi, est essentiel. Ce projet, il faut l'avoir budgétisé, il faut l'avoir étudié dans ses aspects sociologiques, il faut l'avoir partagé avec le maximum de personnes. Il faut surtout l'avoir fait accepter par un Congrès. Or vous le savez, nous n'avons pas encore tenu notre premier Congrès. Comme je n'ai pas fait tout ça, parce qu'il ne faut pas brûler des étapes, je me suis abstenu. Je me suis donc mis en réserve pour l'avenir, mais pour cette échéance on a décidé de choisir un candidat.
Donc, vous avez décidé de soutenir le candidat du Rdr parce que vos partis sont jumeaux, on pourrait dire…
Quand vous mettez ensemble tous ces éléments : l'idéologie politique, le programme de gouvernement, le projet de société, donc la vision du candidat pour son pays, je le dis clairement, je me retrouve plus dans ceux du candidat Alassane Dramane Ouattara. Et puis en plus, comme je l'ai dit à mes ex-collaborateurs, moi, sur la scène politique, personnellement, j'ai un certain nombre de localités, de départements où j'estime que ce sont mes bases électorales. C'est-à-dire, ce sont des zones, des localités, des départements où ma parole peut mobiliser beaucoup de voix. Pendant toute ma carrière - et cela fait plus de vingt ans que je suis en politique - ce sont des localités où quand je vais faire campagne pour les candidats que je veux soutenir, on m'écoute. Il fallait donc, évidemment, que je tienne compte du sentiment ou de l'orientation des populations de ces zones qui sont mes bases électorales. J'évite de me mettre en porte-à-faux avec ces bases parce que la politique, c'est aussi éviter de se retrouver en porte-à-faux avec ses bases.
Le reproche que vous font vos ex-collaborateurs, à savoir que vous avez décidé de soutenir le candidat du Rdr juste pour préserver votre siège d'élu à Boundiali est-il fondé, donc?
Ce sont des interprétations très futiles que de prendre ce genre de raccourcis pour commenter ma décision comme un projet de Zémogo pour préserver son poste de député-maire à Boundiali. Mais bon Dieu! Il faut savoir observer. Avant de militer au Rdr, j'étais déjà élu dans ma région. Avec le Rdr, j'étais élu. Après le Rdr, je serai toujours élu chez moi. Même si je quitte l'Anci pour aller adhérer à un parti politique quelconque, je serai élu. Il faudrait que cela soit clair pour tout le monde. Allez demander aux gens de Boundiali ! Demandez autour de vous, dans tous les départements qui nous entourent, quel est le poids politique de Zémogo Fofana. Sans aucune prétention ! Donc face à ces interprétations qui laissent entendre que c'est pour mes intérêts personnels, ou par calcul personnel que j'ai décidé de soutenir Alassane Ouattara, je dis que mon parcours politique suffit comme réponse.
Donc, c'est la base qui a dicté votre choix ?
Eviter de se mettre en porte-à-faux avec sa base est un bon principe, en politique. En tout cas, moi j'en tiens compte parce que, voyez-vous, quand vous déclarez que vous soutenez tel candidat, c'est une déclaration. Mais quelle est la portée de cette déclaration ? Quel est le poids de votre soutien ? Que peut-on prendre pour mesurer la valeur de votre soutien ? A mon avis, c'est le nombre d'électeurs que votre déclaration peut mobiliser en faveur du candidat que vous avez choisi. C'est le nombre d'électeurs, le nombre de bulletins de vote que vous pouvez mobiliser en faveur de votre candidat. Pour moi, c'est cela qui mesure le poids de votre parole et de votre déclaration. Ne pas en tenir compte serait suicidaire pour vous-même, parce que votre soutien serait vide. Et dommageable pour le candidat que vous aurez choisi parce que vous ne lui apporterez que très peu de voix. Donc pour moi, c'est clair, c'est un critère important. Et ça, c'est mon expérience qui le dit.
Pendant la campagne, quel pourrait être votre apport pour le candidat Alassane Ouattara, concrètement?
Si demain on ouvre officiellement la campagne, que je sors et que je vais sur le terrain pour battre campagne pour le candidat du Rdr, je n'ai pas besoin que quelqu'un m'explique le contenu de son programme. Je le connais. Sans prétention, je le connais et je le connais même très bien pour l'avoir en partie rédigé.
Avant de décider de soutenir Alassane Ouattara, avez-vous vidé le contentieux qui vous opposait au Rdr et qui vous a amené à quitter ce parti pour aller créer l'Anci ?
Cette élection n'est pas une affaire affective dans laquelle on dirait qu'il y a un contentieux lourd avec le Rdr. Oui, il existe un contentieux lourd, qui n'a pas été soldé. Mais je mets les questions de programme de gouvernement et de projet de société au-dessus des questions personnelles ou des frustrations qu'on a connues et qu'il faudra, bien entendu, régler absolument. Je n'ai même pas commencé à discuter de ces questions avec monsieur Ouattara. Je pense qu'il faut trancher les problèmes politiques sérieux, d'abord. Notre ambition, c'est qu'on apprenne aux Ivoiriens à choisir des candidats en fonction de ce qu'ils proposent, de leur programme en priorité. Avant les questions affectives. Mais je sais aussi que la dimension affective est importante dans une élection. Dans tous les pays du monde ça existe, même aux Etats-Unis. Moi j'ai fait mes études aux Etats-Unis, dans l'Illinois. Quand Barack Obama, le sénateur de l'Illinois s'est présenté à la présidentielle, j'ai appelé mes anciens camarades d'école. Ils se sont tous mobilisés autour de sa candidature, quel que soit leur penchant politique parce que, disent-ils, « It's my home boy », c'est le gars de chez nous. Pour cette campagne, nous on pourrait dire d'Alassane Ouattara : « it's my home boy ». ET c'est un critère aussi important que les autres.
A la longue cette alliance tactique puisque c'est une alliance électorale, ne va-t-elle pas évoluer vers une alliance stratégique, vers une fusion de vos deux formations qui se recoupent déjà en beaucoup d'endroits ?
Pour le moment, cette question n'est pas encore à l'ordre du jour. Il faut traiter chaque problème en temps opportun. Je n'y ai pas pensé personnellement. Mais on verra, le temps nous dira. Pour l'heure, nous sommes engagés à soutenir le candidat du Rdr. On a tendance à comparer le choix d'un candidat pour une élection et le choix d'une miss. Et dans une élection comme celle qui arrive, on choisit parmi les candidats qui se sont déclarés. C'est comme pour les miss, on choisit parmi les candidates. Et celle qui est élue, on dit qu'elle est la plus belle. Mais, en réalité, si vous réunissez toutes les filles de Côte d'Ivoire, peut être qu'il y en a qui sont plus belle que celle qui a été élue miss. C'est la même chose pour les candidats à la présidentielle. Donc, si nous avons décidé de choisir un candidat, c'est parmi ceux qui se sont déclarés. Et mieux, nous avons en choisi un parmi les candidats qui nous ont contacté et qui ont souhaité travailler avec nous.
Peut-on affirmer aujourd'hui que vous avez le contrôle total de l'Anci et que la crise, entre vous et M. Béchio, n'aura pas d'effet sur la vie et le fonctionnement du parti ?
Non, tout cela n'aura aucune incidence sur le fonctionnement de l'Anci parce que le parti fonctionne. D'ailleurs, très bientôt, je vais annoncer la date du Congrès constitutif. Si vous lisez nos textes, vous verrez que pour l'instant le Congrès n'a pas été tenu. Et je suis surpris d'entendre que Jean Jacques Béchio veuille convoquer une Convention. Le congrès constitutif n'est pas fait. Or, la Convention est le lieu pour régler certaines questions entre deux congrès. Tout cela veut dire qu'ils sont dans une logique totalement illégale. Et puis, ça frise parfois l'ignorance. Peut-être qu'ils n'ont pas lu nos textes. Ou qu'ils ne savent pas comment fonctionne un parti. C'est très possible.
Interview réalisée par Touré Moussa
Deux ans et demi après sa création, l'Anci a perdu ses grosses têtes, ses élites et se trouve en crise. Je veux citer Aly Kéita, Nicole Doué, Bamba El Hadj Soualiho, Amara Karamoko, Atteby Dago, aujourd'hui Jean Jacques Béchio et Bernard Béhi. N'est-ce pas un échec personnel de Zémogo Fofana ?
Je le confesse, il y a eu échec de ma part. Surtout échec dans le choix des hommes. J'ai estimé qu'il fallait confier des responsabilités à un certain nombre de personnes, pour l'animation du parti. Ces personnes n'ont pas donné satisfaction. Certains d'entre eux se sont même installés dans une forme de dissidence, de défiance. J'ai décidé de remettre de l'ordre en arrêtant le laxisme. Je l'avoue on m'a taxé de laxiste dans la gestion de mes rapports avec mes collaborateurs. Par exemple l'ancien secrétaire général, Jean Jacques Béchio qui n'a jamais réellement occupé ses fonctions. Voici un monsieur qui ne venait plus au siège du parti depuis des mois, qui a rendu sa démission du parti par écrit, deux fois. La vérité c'est que l'Anci n'a jamais véritablement eu de Secrétaire général. Le parti a fonctionné sans Secrétaire général. Aujourd'hui j'ai décidé de remédier à la situation. Mais tout ce qui s'est passé est positif, pour moi-même personnellement et pour l'Anci.
Comment le départ des grosses têtes de votre parti pourrait-être positif ?
Je ne veux pas faire de commentaires. Si vous trouvez que ce sont des grosses têtes ou l'élite, très bien, je vous accompagne. Cependant, d'autres ont des appréciations différentes. Mais ce n'est pas cela le problème. Le plus important à mes yeux, c'est que si je compare le nombre des partants au nombre et à la qualité des arrivants, je me dis que ce qui nous arrive est une chance inouïe. Je vous assure, on enregistre vraiment de très nombreuses adhésions ces temps-ci, surtout depuis qu'on a annoncé que Jean Jacques Béchio n'est plus secrétaire général. C'est quand même curieux ça, pour des gens que l'on dit être de grosses têtes du parti.
Le camp Béchio vous reproche de ne pas l'avoir tenu informé des négociations secrètes que vous meniez, de n'avoir pas été membre du groupe restreint à qui vous rendiez compte et d'être venu lui imposer vos choix, sans aucune discussion ?
Je suis extrêmement surpris d'entendre cela. Jean-Jacques a-t-il vraiment dit cela ? Si oui, ce serait vraiment malhonnête. Parce que le comité restreint dont il est question, le seul membre que j'ai nommé, c'est lui Béchio. Et tous les autres membres, Bernard Béhi, Amidou Sylla, Diomandé Bouraïma, c'est lui qui me les a proposés. Il était d'ailleurs, lui Béchio, le président de ce comité restreint. Comment peut-il venir dire aujourd'hui que je ne l'ai informé de rien ? Il était régulièrement informé des discussions en cours. Vous savez, quand les gens sont en mission, pour réussir leur mission, ils invoquent tous les arguments, y compris les plus malhonnêtes. Maintenant s'ils disent que je devais avoir leur autorisation avant de conclure un accord avec un candidat, là encore, j'estime qu'il s'agit d'un manque de maturité politique. Moi, je suis président d'un parti politique. J'ai mandat pour engager des discussions. Je mène des négociations pendant des mois avec un candidat. Et après je rends compte du résultat de mes négociations et du choix que j'ai fait. Et des raisons pour lesquelles j'ai fait ce choix. Maintenant, s'il s'agit pour moi le président du parti d'aller discuter, s'entendre sur un accord électoral, revenir informer mes camarades et puis on vous dit : on n'est pas d'accord, annulez tout et engagez de nouvelles discussions avec tel autre candidat qu'on vous indique, dans ce cas, pourquoi ai-je un mandat pour discuter ? Il s'agit-là, d'une tentative d'infantiliser le président du parti, d'en faire une marionnette. Et là, je dis non.
Vous avez pris la décision de soutenir le candidat du Rdr à la présidentielle. Quels sont les critères qui ont motivé cette prise de décision?
Tenez, je suis l'un des membres fondateurs du Rdr. J'ai été élu député, maire, président du Conseil général et nommé ministre sous la bannière de ce parti. Et le Rdr a rédigé un projet de société et un programme de gouvernement qui comportent une vision pour la Côte d'Ivoire. Je suis l'un de ceux qui ont travaillé à la rédaction de ce programme de gouvernement et de projet de société. Ensuite le Rdr est un parti libéral. A l'Anci, nous sommes également un parti libéral, avec un positionnement centriste. Donc au plan de l'idéologie politique, nous sommes tous les deux des libéraux. Et au plan des programmes de gouvernement, des projets de société, ceux du Rdr et ceux de l'Anci que nous sommes en train de finaliser se ressemblent beaucoup. Au passage, je vous informe que nous n'avons pas encore totalement bouclé la rédaction du programme de gouvernement de l'Anci. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de ne pas présenter notre candidature, malgré les pressions qui s'exerçaient sur nous. Parce que nous estimons, que pour mener un combat d'un tel enjeu, il faut être totalement prêt.
Prêt, c'est-à-dire aussi financièrement?
Quand on dit qu'il faut être prêt, généralement, les gens pensent qu'il s'agit d'avoir beaucoup d'argent. Pour nous, c'est d'abord et avant tout la vision que l'on a pour son pays, les ambitions que l'on nourrit pour lui. C'est ce qu'on veut présenter comme projet à ses concitoyens qui, pour moi, est essentiel. Ce projet, il faut l'avoir budgétisé, il faut l'avoir étudié dans ses aspects sociologiques, il faut l'avoir partagé avec le maximum de personnes. Il faut surtout l'avoir fait accepter par un Congrès. Or vous le savez, nous n'avons pas encore tenu notre premier Congrès. Comme je n'ai pas fait tout ça, parce qu'il ne faut pas brûler des étapes, je me suis abstenu. Je me suis donc mis en réserve pour l'avenir, mais pour cette échéance on a décidé de choisir un candidat.
Donc, vous avez décidé de soutenir le candidat du Rdr parce que vos partis sont jumeaux, on pourrait dire…
Quand vous mettez ensemble tous ces éléments : l'idéologie politique, le programme de gouvernement, le projet de société, donc la vision du candidat pour son pays, je le dis clairement, je me retrouve plus dans ceux du candidat Alassane Dramane Ouattara. Et puis en plus, comme je l'ai dit à mes ex-collaborateurs, moi, sur la scène politique, personnellement, j'ai un certain nombre de localités, de départements où j'estime que ce sont mes bases électorales. C'est-à-dire, ce sont des zones, des localités, des départements où ma parole peut mobiliser beaucoup de voix. Pendant toute ma carrière - et cela fait plus de vingt ans que je suis en politique - ce sont des localités où quand je vais faire campagne pour les candidats que je veux soutenir, on m'écoute. Il fallait donc, évidemment, que je tienne compte du sentiment ou de l'orientation des populations de ces zones qui sont mes bases électorales. J'évite de me mettre en porte-à-faux avec ces bases parce que la politique, c'est aussi éviter de se retrouver en porte-à-faux avec ses bases.
Le reproche que vous font vos ex-collaborateurs, à savoir que vous avez décidé de soutenir le candidat du Rdr juste pour préserver votre siège d'élu à Boundiali est-il fondé, donc?
Ce sont des interprétations très futiles que de prendre ce genre de raccourcis pour commenter ma décision comme un projet de Zémogo pour préserver son poste de député-maire à Boundiali. Mais bon Dieu! Il faut savoir observer. Avant de militer au Rdr, j'étais déjà élu dans ma région. Avec le Rdr, j'étais élu. Après le Rdr, je serai toujours élu chez moi. Même si je quitte l'Anci pour aller adhérer à un parti politique quelconque, je serai élu. Il faudrait que cela soit clair pour tout le monde. Allez demander aux gens de Boundiali ! Demandez autour de vous, dans tous les départements qui nous entourent, quel est le poids politique de Zémogo Fofana. Sans aucune prétention ! Donc face à ces interprétations qui laissent entendre que c'est pour mes intérêts personnels, ou par calcul personnel que j'ai décidé de soutenir Alassane Ouattara, je dis que mon parcours politique suffit comme réponse.
Donc, c'est la base qui a dicté votre choix ?
Eviter de se mettre en porte-à-faux avec sa base est un bon principe, en politique. En tout cas, moi j'en tiens compte parce que, voyez-vous, quand vous déclarez que vous soutenez tel candidat, c'est une déclaration. Mais quelle est la portée de cette déclaration ? Quel est le poids de votre soutien ? Que peut-on prendre pour mesurer la valeur de votre soutien ? A mon avis, c'est le nombre d'électeurs que votre déclaration peut mobiliser en faveur du candidat que vous avez choisi. C'est le nombre d'électeurs, le nombre de bulletins de vote que vous pouvez mobiliser en faveur de votre candidat. Pour moi, c'est cela qui mesure le poids de votre parole et de votre déclaration. Ne pas en tenir compte serait suicidaire pour vous-même, parce que votre soutien serait vide. Et dommageable pour le candidat que vous aurez choisi parce que vous ne lui apporterez que très peu de voix. Donc pour moi, c'est clair, c'est un critère important. Et ça, c'est mon expérience qui le dit.
Pendant la campagne, quel pourrait être votre apport pour le candidat Alassane Ouattara, concrètement?
Si demain on ouvre officiellement la campagne, que je sors et que je vais sur le terrain pour battre campagne pour le candidat du Rdr, je n'ai pas besoin que quelqu'un m'explique le contenu de son programme. Je le connais. Sans prétention, je le connais et je le connais même très bien pour l'avoir en partie rédigé.
Avant de décider de soutenir Alassane Ouattara, avez-vous vidé le contentieux qui vous opposait au Rdr et qui vous a amené à quitter ce parti pour aller créer l'Anci ?
Cette élection n'est pas une affaire affective dans laquelle on dirait qu'il y a un contentieux lourd avec le Rdr. Oui, il existe un contentieux lourd, qui n'a pas été soldé. Mais je mets les questions de programme de gouvernement et de projet de société au-dessus des questions personnelles ou des frustrations qu'on a connues et qu'il faudra, bien entendu, régler absolument. Je n'ai même pas commencé à discuter de ces questions avec monsieur Ouattara. Je pense qu'il faut trancher les problèmes politiques sérieux, d'abord. Notre ambition, c'est qu'on apprenne aux Ivoiriens à choisir des candidats en fonction de ce qu'ils proposent, de leur programme en priorité. Avant les questions affectives. Mais je sais aussi que la dimension affective est importante dans une élection. Dans tous les pays du monde ça existe, même aux Etats-Unis. Moi j'ai fait mes études aux Etats-Unis, dans l'Illinois. Quand Barack Obama, le sénateur de l'Illinois s'est présenté à la présidentielle, j'ai appelé mes anciens camarades d'école. Ils se sont tous mobilisés autour de sa candidature, quel que soit leur penchant politique parce que, disent-ils, « It's my home boy », c'est le gars de chez nous. Pour cette campagne, nous on pourrait dire d'Alassane Ouattara : « it's my home boy ». ET c'est un critère aussi important que les autres.
A la longue cette alliance tactique puisque c'est une alliance électorale, ne va-t-elle pas évoluer vers une alliance stratégique, vers une fusion de vos deux formations qui se recoupent déjà en beaucoup d'endroits ?
Pour le moment, cette question n'est pas encore à l'ordre du jour. Il faut traiter chaque problème en temps opportun. Je n'y ai pas pensé personnellement. Mais on verra, le temps nous dira. Pour l'heure, nous sommes engagés à soutenir le candidat du Rdr. On a tendance à comparer le choix d'un candidat pour une élection et le choix d'une miss. Et dans une élection comme celle qui arrive, on choisit parmi les candidats qui se sont déclarés. C'est comme pour les miss, on choisit parmi les candidates. Et celle qui est élue, on dit qu'elle est la plus belle. Mais, en réalité, si vous réunissez toutes les filles de Côte d'Ivoire, peut être qu'il y en a qui sont plus belle que celle qui a été élue miss. C'est la même chose pour les candidats à la présidentielle. Donc, si nous avons décidé de choisir un candidat, c'est parmi ceux qui se sont déclarés. Et mieux, nous avons en choisi un parmi les candidats qui nous ont contacté et qui ont souhaité travailler avec nous.
Peut-on affirmer aujourd'hui que vous avez le contrôle total de l'Anci et que la crise, entre vous et M. Béchio, n'aura pas d'effet sur la vie et le fonctionnement du parti ?
Non, tout cela n'aura aucune incidence sur le fonctionnement de l'Anci parce que le parti fonctionne. D'ailleurs, très bientôt, je vais annoncer la date du Congrès constitutif. Si vous lisez nos textes, vous verrez que pour l'instant le Congrès n'a pas été tenu. Et je suis surpris d'entendre que Jean Jacques Béchio veuille convoquer une Convention. Le congrès constitutif n'est pas fait. Or, la Convention est le lieu pour régler certaines questions entre deux congrès. Tout cela veut dire qu'ils sont dans une logique totalement illégale. Et puis, ça frise parfois l'ignorance. Peut-être qu'ils n'ont pas lu nos textes. Ou qu'ils ne savent pas comment fonctionne un parti. C'est très possible.
Interview réalisée par Touré Moussa