Les toupies

Ce qui fonde ou devrait fonder l’appartenance à un parti politique, c’est la ferme conviction, le jugement personnel sur une question en discussion. Les membres d’un même parti politique partage alors la même opinion, qui progressivement se mue en une idée commune, et finit par s’apparenter à une doctrine, sans être nécessairement juste.

Mais aujourd’hui, et spécifiquement sous nos tropics, la politique se confond sans vergogne avec les intérêts pécuniaires. L’exigence du jusqu’auboutisme a fait place à de honteux calculs, dont les résultats suivent presqu’instinctivement l’aiguille de la balance. En cette période électorale où rien n’est sûr, les toupies ont refait surface. Elles tournent, tournent sans relâche, sans boussole, cherchant désespérément à fixer le parti politique qui est donné favori par les sondages. Chez ceux-là, la conviction reste intangible, histoire de ne pas refermer la porte derrière soit. Sait-on jamais ? De peur d’être un rabat-joie, il faut éviter de tenter de leur rappeler que des militants, ont placé en eux leur confiance, que de nombreuses opinions se sont greffées à leurs choix, que des cœurs ont été conquis par les idées nouvelles émises. C’est alors qu’ils deviennent prolixes à souhait, démontrant et expliquant, ajustant et reniant…
Pour les partis politiques qui les accueillent, c’est bien souvent des pièces utiles qui permettent assurément de vider le Leader d’en face de ses mystères. Mais ils n’occultent pas non plus la possibilité de se faire trancher les mains par l’arête fixée sur tous les fers de toupie. Ainsi, pour mieux s’en servir, le parti d’accueil amène le fer de la toupie dans le matériau, d’une manière ferme et contrôlée. Elle est toujours bien tenue avec les deux mains jusqu’à ce que le moteur s’arrête. Car, avec les toupies, il faut garder l’équilibre et éviter de perdre pied. A dessein ou par ignorance, elles sont tranquillement essorées de toute conviction. Or, seules les convictions personnelles sculptent la personnalité de tout individu. Où donc pourrait-on ranger cette catégorie inclassable de politiciens, militants ou leaders qui n’hésitent pas à brader leurs convictions moyennant quelques malheureux petits billets de banque évalués en CFA. Et quand sera passée la période électorale, et qu’ils se seront rendus compte de la grande désillusion qui est la leur, on les entendra émettre des sons malveillants, sources de nombreuses dissensions au sein de la famille politique d’adoption. Il s’agit en fait de complaintes d’un ventre affamé, aux oreilles bien tendues, à l’affût du moindre appel au ‘’retour des frères égarés’’. Ibasta Ya ! Disent les Latino. Il faut en effet que prenne fin ce ballet honteux des politiques qui vont de branches en branches, de forêts en savanes comme des oiseaux migrateurs, et qui entraînent dans leur sillage des milliers de personnes, en fin de compte livrées à elles-mêmes. Honte à vous !, toupies errantes, jouets de seconde zone. On sait désormais que vous ne valez pas un sou.