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Société Publié le mardi 19 janvier 2010 | Notre Voie

Interview bilan du ministre de la fonction publique et de l`emploi

Pr. Hubert Oulaye : “Les réformes engagées au plan statutaire et salarial touchent 90% du personnel de la Fonction publique” L`année 2009 a été marquée par des remous dans le monde du travail. Cela, malgré les acquis sociaux enregistrés par le secteur public. Le ministre de la Fonction publique et de l`Emploi revient sur les efforts historiques consentis par l`Etat et qui se poursuivront.


Notre Voie : Le front social s’est particulièrement allumé en 2009 avec notamment les grèves des greffiers, des enseignants du supérieur et des médecins. Quelle est la pomme de discorde ?


Hubert Oulaye : La pomme de discorde, ce sont les salaires. Les greffiers revendiquaient des montants de salaire que le gouvernement ne pouvait pas leur offrir, les enseignants du supérieur réclamaient eux aussi le paiement de l’autre moitié de la revalorisation salariale dont ils bénéficient depuis le 1er janvier 2009. Dans le corps médical, c’est également, en ce qui concerne les médecins, pour des raisons salariales, pour des problèmes statutaires en ce qui concerne les infirmiers, et l’intégration à la fonction publique pour les garçons et filles de salle et les aides-soignants du Chu de Yopougon. Mais sur les questions salariales, le gouvernement, depuis janvier 2009, a fait savoir à l’ensemble des bénéficiaires des revalorisations, qu’il ne peut que payer la moitié de ces revalorisations, compte tenu du contexte de crise qui perdure mais aussi de notre engagement en vue d’obtenir satisfaction à l’initiative PPTE qui va nous permettre de réduire considérablement notre dette. Pour le reste, les sages-femmes, les infirmiers, les garçons et filles de salle, les aides-soignants ont fait plus une grève de solidarité puisque leur problème était pratiquement résolu. S’agissant des greffiers, ils ont discuté et obtenu un statut particulier qui les classe comme étant des auxiliaires de justice. Ils ont donc demandé à être payés à un certain niveau de rémunération, mais nous ne sommes pas tombés d’accord sur les montants. C’est ce qui a expliqué leur courroux.


N.V. : Mais le gouvernement fait des promesses tout en sachant qu’on n’est pas sorti de la crise. N’est-ce pas votre faute si les grèves surgissent de partout ?

H.O. : Voyez-vous, quand on discute avec les syndicats, ils nous disent : “Entendons-nous sur un principe, mais pour ce qui est de l’application, nous sommes ouverts”. Et puis après, quand nous entrons dans ce système avec eux, nous nous retrouvons face à des gens qui disent : “Ah non ! Le gouvernement a signé, il faut qu’il paye”. Bien entendu, c’était au gouvernement de prendre ses dispositions. Mais nous avons choisi la voie de la discussion, de l’apaisement et de la responsabilité parce qu’il est trop facile de dire que c’est la faute au gouvernement lorsque nous savons très bien dans quelles conditions nous discutons avec les syndicats depuis quelques années. Il n’y a jamais de discussions d’apaisement, nous sommes dans un conflit perpétuel avec les syndicats. Il y a des grèves, à mon sens, qui n’auraient pas dû exister, rien qu’à regarder le contexte socio politique.

L’effort du gouvernement qui a payé les salaires jusqu’à présent et qui a consenti, dans une période de crise, à ajouter quelque chose sur leur salaire, devrait être reconnu. Je pense qu’il devrait bénéficier de la compréhension des travailleurs, ce d’autant plus que c’est une situation qui n’est pas née avec ce gouvernement. C’est une situation qui perdure depuis 1980 quand on a arrêté les avancements tout en sachant que le coût de la vie grimpait. Je pense que les syndicats auraient dû prendre en compte les efforts du gouvernement dans un contexte aussi difficile et accompagner ces efforts pour dégager la dette de la Côte d’Ivoire en vue de permettre à chacun de vivre mieux.


N.V. : S’agissant des greffiers, un texte consensuel a été écrit par les syndicats, les ministres de la Fonction publique, de la Justice, et de l’Economie et des Finances, et a été transmis au président de la République. Mais au dernier moment, il a été remis en cause. Que s’est-il passé ?

H.O. : Tout dépend de ce que vous appelez un texte consensuel. Je ne sais pas ce que vous appelez un texte consensuel. Le texte consensuel, c’est celui que signe le président de la République. Nos amis greffiers étaient au stade de la discussion. Tant que le président de la République n’a pas signé un décret, il n’y a pas de texte. Il n’y a pas de consensus qui vaut contre l’avis du président de la République. Sinon ce serait trop facile. Un ministre peut s’entendre avec ses syndicats, et puis le président est obligé de signer. Ça ne se passe pas ainsi. Il y a ce que veulent les syndicats, il y a le travail que peuvent faire les techniciens d’un ministère, la décision finale revient au gouvernement. Donc brandir un texte supposé consensuel pour refuser des propositions raisonnables qui sont faites au moment de la décision définitive, n’est pas raisonnable. Si ce sont ces textes-là qui valent, pourquoi est-ce qu’on fait les conseils de gouvernement ? Moi je ne peux pas entrer dans ce débat. Un texte est travaillé à la base, il donne des orientations, il n’impose rien au pouvoir politique. Un texte de techniciens qui préparent un travail, quand il est achevé, il aboutit sur la table de décision politique. Et le politique prend en compte tous les intérêts de la nation. C’est ce qui s’est passé en l’espèce.


N.V. : Concernant l’amélioration des salaires, quelle est aujourd’hui la situation exacte de tous les corps qui doivent en bénéficier ?

H.O. : Au jour d’aujourd’hui, les réformes engagées au plan statutaire et salarial touchent pratiquement 90% du personnel de la Fonction publique. J’y inclus les corps enseignants parce qu’ils sont les plus nombreux, les personnels de la santé pour lesquels une réforme partielle a été faite et qui doit être parachevée par le statut de l’hôpital. Beaucoup d’autres corps d’emploi ont vu leur situation statutaire modifiée et leur situation salariale améliorée.

Il nous reste quelques emplois, il n’en reste pas beaucoup. Notre volonté est d’aligner l’ensemble des fonctionnaires et agents de l’Etat pour les enfermer dans des corps précis qui nous permettent de maîtriser leur gestion et eux-mêmes d’avoir un profil de carrière prévisible. Est-ce qu’il y a, au plan salarial, des corps d’emploi qui ont obtenu plus que d’autres ? En valeur absolue, les situations sont différentes d’un corps d’emploi à l’autre. Mais du point de vue de ce que l’Etat a servi comme revalorisation, tout a été payé à moitié. Il n’y a aucun corps qui ait reçu 100% ou 60%. Tous les corps d’emploi bénéficiaires de revalorisation ont reçu et recevront jusqu’à la fin du processus PPTE, 50% des revalorisations promises par l’Etat. J’ajoute que les 50% restants ne sont pas perdus, ils leur seront payés, c’est un dû, l’Etat le reconnaît et le leur a signifié à plusieurs reprises. Par conséquent, ils ne sont pas perdants définitivement. S’ils ne l’ont pas tout de suite, ils l’auront demain. Ce que l’Etat leur demande, c’est un sacrifice à faire pour que l’Etat tienne sur ses deux pieds et continue de payer tout le monde de façon à ne pas casser la caisse.


N.V. : Le paiement de 50% à tous les corps prend fin à quel moment ?

H.O. : Cela dépendra. C’est pour ça qu’on ramène tout le monde après l’atteinte du point d’achèvement. A ce moment-là, l’Etat qui aura ses charges diminuées verra comment assurer l’intégralité de ce qu’il a promis. Je crois que c’est simple à comprendre. L’Etat, pour l’instant, ne peut payer cela sans mettre en péril son programme avec les institutions financières, sans mettre en péril l’équilibre général des moyens de l’Etat et même des paiements salariaux qu’il effectue. L’Etat a pris l’engagement dès que les charges qui pèsent sur lui seront terminées, dès que nous serons sortis de la crise, dès qu’un certain nombre de réformes auront été entreprises pour rendre plus solides ses finances, de payer. On demande à chacun d’attendre pour l’instant.


N.V. : Comment peut-on expliquer les mesures inattendues de réquisition et de suspension de salaires que le gouvernement a prises lors des grèves récentes déclenchées par certains corps d’emploi ?

H.O. : Pourquoi croyez-vous que ce sont des mesures inattendues ? Les fonctionnaires sont payés pour travailler, s’ils ne travaillent pas, qu’est-ce qui est attendu ? Qu’on paie le fonctionnaire ou qu’on ne le paie pas ? C’est simple, celui qui ne travaille pas ne peut pas être payé. C’est dans l’ordre des choses qu’il ne soit pas payé. Par ailleurs, l’Etat a été mis dans l’obligation de réquisitionner. Il est rare que le gouvernement arrive à une telle extrémité. Généralement, on utilise la voie du dialogue fondée sur la prise de conscience des responsabilités des uns et des autres. Ici nous avons vu le corps médical entrer en grève illégalement et mener une grève sauvage sans respecter une seule des exigences légales, c’est-à-dire l’observation du service minimum dans les formations sanitaires. Alors, nous avons affaire à des gens qui, non seulement, ne travaillent pas mais qui ont aussi décidé de ne pas respecter la loi. L’Etat est dans l’obligation de sortir les grands moyens, c’est tout !


N.V. : Pourquoi deux poids deux mesures, quand le gouvernement suspend le salaire des responsables syndicaux alors que la base est épargnée ?

H.O. : Ne vous limitez pas aux salaires. C’est tout un ensemble de mesures qui vont de la suspension des salaires à la prise de sanctions disciplinaires à l’encontre des dirigeants et à l’adoption de mesures en vue de la révocation de ceux qui n’obtempèrent pas. Les Ivoiriens ont souvent les yeux braqués sur les salaires. La suspension de salaire n’est même pas une sanction, parce que le fait de ne pas payer un travailleur qui ne travaille pas n’est pas une sanction. C’est ce qui est dans l’ordre des choses. Un travailleur qui ne veut pas travailler ne peut pas demander qu’on le paie, c’est même indécent. Il s’agit quand même des contributions des citoyens. L’Etat ne reçoit pas d’argent d’un organisme bienfaiteur, l’Etat travaille sur la base des impôts qui sont payés par les citoyens pour qu’il leur serve un certain nombre de services dont ils ont besoin. Celui qui ne travaille pas, comment veut-il profiter de l’argent de la collectivité qu’il ne veut pas servir ? Si on ne coupe pas leur salaire, vis-à-vis de la loi, nous sommes dans une position qui est tout à fait illégale. Il n’y a pas de discrimination entre responsables syndicaux et la base, puisque c’est la tête qui réunit la base. Qui a lancé le mot d’ordre de grève ? La responsabilité première pèse sur les responsables qui sont à la tête d’une structure syndicale constituée sur une base légale, et qui savent très bien qu’ils sont obligés de respecter la loi. Mais l’Etat peut aller plus loin demain, il n’est pas exclu qu’il touche les militants.

Interview réalisée par Félix Teha Dessrait
dessrait@yahoo.fr
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