Longtemps taxé d’être le président du pays le plus corrompu d’Afrique, le chef de l’Etat camerounais, Paul Biya, vient de démontrer à la face du monde sa farouche volonté d’en finir avec ce fléau qui gangrène l’économie du Cameroun et hypothèque l’avenir de sa jeunesse.
La volonté du chef de l’Etat camerounais de lutter contre la corruption n’a été véritablement affichée et concrètement enclenchée qu’avec l’opération « Epervier », qui ne laisse de répit à personne surtout pas aux « intouchables » d’hier.
Barons du régime, hommes d’affaires, proches du pouvoir, directeur généraux et autres cadres qui se sont enrichis sur le dos du peuple camerounais ont perdu le sommeil.
La valse de tourmente qui s’est abattue sur la caste de privilégiés vivant au détriment de la majorité qui souffre, n’a pas encore clôturé sa liste que déjà, tout frissonne et gémit autour de Paul Biya, autrefois perçu comme le protecteur de la « mafia déstabilisatrice »
Dans ce pays où la croissance est passée de 3,2 % en 2006 à 2,7 % en
2007, où les jeunes diplômés, touchés par le chômage, se tournent vers les activités informelles ou tentent de s’installer à l’étranger, l’hameçon anticorruption du chef de l’Etat rapporte chaque jour de gros poissons.
La population qui, à plusieurs reprises, a exprimé son mécontentement contre l’ampleur de la corruption qui érode son pouvoir d’achat, semble émerveillée devant le rouleau compresseur de Biya.
De toutes les intentions de lutte déclarées et de politiques énoncées, les actions menées depuis mars 2008 par le pouvoir camerounais rassurent mieux que n’importe quel discours.
Le 31 mars 2008, Jean -Marie Atangana Mebara, ancien secrétaire général de la présidence de la République et ex-ministre des Relations extérieures, avait été arrêté après avoir été entendu pendant une dizaine d’heures dans les locaux de la direction de la police judiciaire de Yaoundé au sujet de l’ « affaire Albatros », relative à l’acquisition dans des conditions peu orthodoxes en 2004, d’un vieux Boeing 747 destiné à servir d’avion présidentiel et qui a d’ailleurs failli coûter la vie au chef de l’État.
Après lui, Urbain Olanguena Awono, ex-ministre de la Santé, ainsi que d’autres hauts responsables ont été inculpés le 11 avril 2008 pour avoir détourné 8 milliards de francs CFA des fonds destinés au programme de lutte contre le sida. Ses co-accusés et lui-même ont été placés en détention préventive à la prison centrale de Yaoundé.
Le 6 mai de l’année dernière, Zaccheus Forjindam, directeur général du Chantier naval et industriel du Cameroun (CNIC), est convoqué à un conseil d’administration extraordinaire de son entreprise. À l’issue de la réunion, il est arrêté, conduit dans les locaux de la police judiciaire de Douala, avant d’être transféré à la prison centrale de la ville où il est accusé, avec l’ancienne directrice des ressources humaines, de détournement de un milliard de francs CFA
La visite du pape Benoît XVI au Cameroun en mars dernier a mis le ministre de la Communication Biyiti Bi Essam au cœur d’un grand scandale. Plusieurs centaines de millions alloués à la couverture médiatique de la visite du pape se sont retrouvés sur le compte personnel du ministre. Accusé de détournement le ministre justifie son acte par « une meilleure sécurisation des fonds ».
Saisi par le vice-Premier ministre, ministre de la Justice, garde des Sceaux, d’une demande de conduite à tenir, le président de la République s’est montré clairement favorable à l’ouverture d’une enquête. Depuis, la machine judiciaire s’est mise en branle. L’enquête a été confiée à la police judiciaire. Les policiers sont censés entendre un certain nombre d’acteurs majeurs, parmi lesquels le ministre des Finances qui devrait confirmer le déblocage de 770 millions de Francs CFA, les plus hauts responsables de la Camroon Radio télévision( Cametel).
Selon les informations, la police va adresser, au terme des auditions, un rapport assorti des procès verbaux d’audition. Ces documents seront ensuite transmis à la justice qui travaille au vu des éléments fournis par l’Agence nationale d’investigation financière (Anif) sur les hypothèses de « détournement de deniers publics et de complicité de détournement de deniers publics ». A partir de cet instant, le ministre de la justice adressera au président de la République, un rapport dont une partie sera probablement consacrée aux propositions suscitées par l’enquête.
Le successeur en 1982 du père de l’indépendance Amadou Ahidjo avait fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille. Malheureusement, après la tentative de coup d’État dont il a été l’objet en 1984, la sécurité et la stabilité du régime ont pris le dessus.
Le phénomène s’est alors bien implanté au point où, selon des statistiques récentes, 40 % des dépenses de l’État seraient détournées par des fonctionnaires « indélicats » et 5 % du Produit intérieur brut, soit 500 milliards de francs CFA (762 millions d’euros), n’iraient pas dans les caisses gouvernementales chaque année.
Plusieurs actions ont été menées dès 1998 où le gouvernement a lancé une campagne officielle médiatisée de lutte contre la corruption avec pour slogan : «La corruption tue la nation».
Cette croisade aboutit un an après au limogeage par décret présidentiel, de Mounchipou Seidou et Pierre Désiré Engo, ministre des Postes et Télécommunications et directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) d’alors pour «détournements de fonds publics». Le ministre aurait passé en quelques semaines, 400 marchés fictifs d’environ 2,4 milliards de francs CFA (3,66 millions d’euros). Il est condamné à 20 ans de prison. Quant au directeur de la CNPS et membre du bureau politique du Rassemblement du peuple camerounais (RDPC, parti au pouvoir), Pierre Désiré Engo, il a écopé de 15 ans de réclusion.
L’Observatoire national de lutte contre la corruption et la Commission nationale anticorruption (Conac) chargés d’identifier les causes de la corruption et de faire des propositions pour éradiquer ce fléau au sein de tous les services publics et privés, n’ont apparemment rien pu contre le mal qui gangrène l’économie camerounaise.
Le dernier né du détergent anticorruption, l’opération “Epervier” lancée sous la pression des bailleurs de fonds internationaux, et dont le couperet s’abat sur les plus « gros morceaux », redonne espoir aux Camerounais qui n’y croyaient plus.
Bien que perçue par certains comme une chasse aux probables personnalités pouvant s’opposer à une présidence à vie de Paul Biya, cette opération a permis déjà en 2007 de condamner à de lourdes peines, plusieurs hauts responsables camerounais dont l’ex-ministre Alphonse Siyam Siwé (30 ans de prison) pour des détournements au Port autonome de Douala.
La lutte contre la corruption au Cameroun réserve encore des surprises. Le rapport de l’enquête d’expertises et d’investigations financières internationales contre la corruption et le détournement de fonds de l’État commanditée par le pouvoir lève un coin de voile sur plusieurs paradis fiscaux en Amérique du Nord et du Sud, en Asie, au Moyen-Orient, et dans plusieurs pays africains qui seraient alimentés par les deniers publics camerounais.
Mohamed Dicko
La volonté du chef de l’Etat camerounais de lutter contre la corruption n’a été véritablement affichée et concrètement enclenchée qu’avec l’opération « Epervier », qui ne laisse de répit à personne surtout pas aux « intouchables » d’hier.
Barons du régime, hommes d’affaires, proches du pouvoir, directeur généraux et autres cadres qui se sont enrichis sur le dos du peuple camerounais ont perdu le sommeil.
La valse de tourmente qui s’est abattue sur la caste de privilégiés vivant au détriment de la majorité qui souffre, n’a pas encore clôturé sa liste que déjà, tout frissonne et gémit autour de Paul Biya, autrefois perçu comme le protecteur de la « mafia déstabilisatrice »
Dans ce pays où la croissance est passée de 3,2 % en 2006 à 2,7 % en
2007, où les jeunes diplômés, touchés par le chômage, se tournent vers les activités informelles ou tentent de s’installer à l’étranger, l’hameçon anticorruption du chef de l’Etat rapporte chaque jour de gros poissons.
La population qui, à plusieurs reprises, a exprimé son mécontentement contre l’ampleur de la corruption qui érode son pouvoir d’achat, semble émerveillée devant le rouleau compresseur de Biya.
De toutes les intentions de lutte déclarées et de politiques énoncées, les actions menées depuis mars 2008 par le pouvoir camerounais rassurent mieux que n’importe quel discours.
Le 31 mars 2008, Jean -Marie Atangana Mebara, ancien secrétaire général de la présidence de la République et ex-ministre des Relations extérieures, avait été arrêté après avoir été entendu pendant une dizaine d’heures dans les locaux de la direction de la police judiciaire de Yaoundé au sujet de l’ « affaire Albatros », relative à l’acquisition dans des conditions peu orthodoxes en 2004, d’un vieux Boeing 747 destiné à servir d’avion présidentiel et qui a d’ailleurs failli coûter la vie au chef de l’État.
Après lui, Urbain Olanguena Awono, ex-ministre de la Santé, ainsi que d’autres hauts responsables ont été inculpés le 11 avril 2008 pour avoir détourné 8 milliards de francs CFA des fonds destinés au programme de lutte contre le sida. Ses co-accusés et lui-même ont été placés en détention préventive à la prison centrale de Yaoundé.
Le 6 mai de l’année dernière, Zaccheus Forjindam, directeur général du Chantier naval et industriel du Cameroun (CNIC), est convoqué à un conseil d’administration extraordinaire de son entreprise. À l’issue de la réunion, il est arrêté, conduit dans les locaux de la police judiciaire de Douala, avant d’être transféré à la prison centrale de la ville où il est accusé, avec l’ancienne directrice des ressources humaines, de détournement de un milliard de francs CFA
La visite du pape Benoît XVI au Cameroun en mars dernier a mis le ministre de la Communication Biyiti Bi Essam au cœur d’un grand scandale. Plusieurs centaines de millions alloués à la couverture médiatique de la visite du pape se sont retrouvés sur le compte personnel du ministre. Accusé de détournement le ministre justifie son acte par « une meilleure sécurisation des fonds ».
Saisi par le vice-Premier ministre, ministre de la Justice, garde des Sceaux, d’une demande de conduite à tenir, le président de la République s’est montré clairement favorable à l’ouverture d’une enquête. Depuis, la machine judiciaire s’est mise en branle. L’enquête a été confiée à la police judiciaire. Les policiers sont censés entendre un certain nombre d’acteurs majeurs, parmi lesquels le ministre des Finances qui devrait confirmer le déblocage de 770 millions de Francs CFA, les plus hauts responsables de la Camroon Radio télévision( Cametel).
Selon les informations, la police va adresser, au terme des auditions, un rapport assorti des procès verbaux d’audition. Ces documents seront ensuite transmis à la justice qui travaille au vu des éléments fournis par l’Agence nationale d’investigation financière (Anif) sur les hypothèses de « détournement de deniers publics et de complicité de détournement de deniers publics ». A partir de cet instant, le ministre de la justice adressera au président de la République, un rapport dont une partie sera probablement consacrée aux propositions suscitées par l’enquête.
Le successeur en 1982 du père de l’indépendance Amadou Ahidjo avait fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille. Malheureusement, après la tentative de coup d’État dont il a été l’objet en 1984, la sécurité et la stabilité du régime ont pris le dessus.
Le phénomène s’est alors bien implanté au point où, selon des statistiques récentes, 40 % des dépenses de l’État seraient détournées par des fonctionnaires « indélicats » et 5 % du Produit intérieur brut, soit 500 milliards de francs CFA (762 millions d’euros), n’iraient pas dans les caisses gouvernementales chaque année.
Plusieurs actions ont été menées dès 1998 où le gouvernement a lancé une campagne officielle médiatisée de lutte contre la corruption avec pour slogan : «La corruption tue la nation».
Cette croisade aboutit un an après au limogeage par décret présidentiel, de Mounchipou Seidou et Pierre Désiré Engo, ministre des Postes et Télécommunications et directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) d’alors pour «détournements de fonds publics». Le ministre aurait passé en quelques semaines, 400 marchés fictifs d’environ 2,4 milliards de francs CFA (3,66 millions d’euros). Il est condamné à 20 ans de prison. Quant au directeur de la CNPS et membre du bureau politique du Rassemblement du peuple camerounais (RDPC, parti au pouvoir), Pierre Désiré Engo, il a écopé de 15 ans de réclusion.
L’Observatoire national de lutte contre la corruption et la Commission nationale anticorruption (Conac) chargés d’identifier les causes de la corruption et de faire des propositions pour éradiquer ce fléau au sein de tous les services publics et privés, n’ont apparemment rien pu contre le mal qui gangrène l’économie camerounaise.
Le dernier né du détergent anticorruption, l’opération “Epervier” lancée sous la pression des bailleurs de fonds internationaux, et dont le couperet s’abat sur les plus « gros morceaux », redonne espoir aux Camerounais qui n’y croyaient plus.
Bien que perçue par certains comme une chasse aux probables personnalités pouvant s’opposer à une présidence à vie de Paul Biya, cette opération a permis déjà en 2007 de condamner à de lourdes peines, plusieurs hauts responsables camerounais dont l’ex-ministre Alphonse Siyam Siwé (30 ans de prison) pour des détournements au Port autonome de Douala.
La lutte contre la corruption au Cameroun réserve encore des surprises. Le rapport de l’enquête d’expertises et d’investigations financières internationales contre la corruption et le détournement de fonds de l’État commanditée par le pouvoir lève un coin de voile sur plusieurs paradis fiscaux en Amérique du Nord et du Sud, en Asie, au Moyen-Orient, et dans plusieurs pays africains qui seraient alimentés par les deniers publics camerounais.
Mohamed Dicko
