Précédés d’un statut de favori à la Coupe d’Afrique des nations 2010 en Angola, les Eléphants de Côte d’Ivoire ont présenté la plus mauvaise copie de leurs trois dernières participations à la Can.
Le lendemain du cauchemar, nous avons fait une incursion dans le village olympique où logeait la sélection ivoirienne. Ce camp a pris un coup de froid, un calme des jours de deuil. Comme dans un cimetière.
Construit pour les besoins de la Coupe d’Afrique des nations 2010 dans le village de Buco Ngoio, dans la province de Cabinda (Angola), le village olympique a abrité au départ les quatre délégations du groupe B, notamment la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Burkina Faso et le Togo. Après l’attaque perpétrée sur les Eperviers du Togo par le Flec, des dispositions de sécurité ont été prises par les autorités angolaises qui ne permettaient plus l’accès au village. D’où l’appellation de « Guantanamo », par comparaison à la célèbre prison américaine.
Lundi 25 janvier, le lendemain du ‘‘dimanche noir’’ des Eléphants. 10 heures 30. Le village olympique était déjà inaccessible. Il l’était davantage après l’élimination des Eléphants restés seule sélection dans ce nouveau ‘‘camp militaire’’. Comment y pénétrer ? Une supplique aux pompiers de service qui escortent les délégations et le tour est joué. Nous voilà confortablement assis derrière leur véhicule sécurisé. Avec les gyrophares et la sirène, les policiers, puissamment armés, laissent passer l’ambulance. Quelle chance! Nous sommes à l’intérieur du camp. Abdul Kapo, un journaliste ivoirien introduit auprès des pros et moi, mettons rapidement pied à terre.
Notre présence ne passe pas inaperçue dans ce village. Qu’à cela ne tienne, nous devons atteindre notre objectif : interroger le maximum de joueurs après la débâcle collective des Eléphants. Là, nous nous rendons compte, une fois de plus, de l’impact de l’élimination de la Côte d’Ivoire. Comme dans un cimetière, on hume, à la limite, la tristesse. L’atmosphère est hyper lourde. La majorité des joueurs ne sont pas encore réveillés. Ils ne se sont pas encore remis de l’élimination de la veille. Leur entraîneur, Vahid Halilhodzic, non plus. 24 heures après, ce dernier n’avait pas encore revu ses joueurs. On a l’impression que ceux qui passent, qu’ils soient de la délégation ivoirienne ou employés de la cité, ne sentent pas leurs pieds. Chacun semble se reprocher quelque chose, chacun semble se culpabiliser. La première personne à nous accoster dans ce camp retranché est le Directeur de la communication de la Fédération ivoirienne de football (Fif), Roger Kouassi. Il nous donne son feu vert pour interroger les athlètes. Quelle aubaine ! Le hasard faisant bien les choses, Tioté Cheick, le petit bleu des Eléphants au cœur de lion, passe par là. Très calme, le milieu récupérateur de Twente (D1 Pays-Bas) ne semble pas encore remis de la lourde nuit.
Du plomb dans les jambes
« Je ne peux pas parler sans en avoir la permission. Et puis, ce sont les grands qui parlent », confie-t-il. Très vite, nous le rassurons et le mettons en confiance. Le jeune loup nous livre ses sentiments après le non-match des Eléphants. Lui non plus ne comprend pas cette élimination prématurée. Comme tous, il est abattu. Comme tous, il n’arrive pas à se l’expliquer. Il nous conduit auprès de Copa et Baky. Mais on n’aura pas l’exclusivité du jour : une interview. Copa Barry, le portier de Lokeren (D1 Belgique), vient à peine de se réveiller. Il a comme du plomb dans les jambes. A peine essaye-t-il de s’asseoir que France 24 passe les images de la sombre soirée du 24 janvier. Il voit, avec un peu de recul, les bévues de ses défenseurs. Et se mord les lèvres, remue la tête. « Je veux bien vous accorder une interview, mais j’avoue que c’est trop tôt. Si vous m’appelez un peu plus tard, on va causer sans problème, vraiment je m’excuse grand-frère », dit-il poliment. Koné Baky, lui, refuse carrément de nous accorder un traître mot. Pour le joueur de Marseille, nous y étions plus ou moins préparés. Angban Vincent, Angouan Brou et Bamba Souleymane partagent la même chambre. Trois bleus chez les Oranges. Les deux premiers déclinent notre demande quand le troisième s’y prête avec plaisir. Sur la table à manger, un plat d’attiéké couché bien garni. « Tu as vu, personne n’a pu manger hier », fait remarquer Bamba Souleymane. Né en France, c’est dans un français d’une rare limpidité chez les footballeurs que le colosse défenseur axial des Eléphants décortique le jeu de la sélection. Chez les Kalou, Gervinho botte en touche notre requête avec finesse. Comme il le fait si bien sur les pelouses des stades de France. En revanche, Salomon Kalou ne fait aucune difficulté à se prêter à nos questions. Mais bien avant, il nous a fallu patienter une bonne heure. Il naviguait sur internet dans la salle à manger. Les chambres des joueurs n’étant pas munies de wifi. A presque 25 ans, l’attaquant de Chelsea est mature. Il fait une analyse très objective et pointue de la situation actuelle des Eléphants. « On ne peut pas marquer un but et refuser de jouer. Nous avons été notre propre adversaire. Ce n’est pas l’Algérie qui nous a battus mais c’est nous-mêmes qui leur avons offert la qualification », regrette-t-il, détendu. Nous faisons du porte-à-porte. Beaucoup d’Eléphants n’ont pas la force de se réveiller. Nous rencontrons Drogba Didier, de retour du restaurant. Il nous donne rendez-vous. Très vite, je prends place dans la villa qu’il partage avec Tiéné Siaka dit Chico, allongé sur son lit conversant au téléphone. Sans doute avec son épouse. En attendant l’attaquant de Chelsea en conciliabule avec l’entraîneur Vahid, j’essaie d’arracher quelques mots au latéral gauche de Valenciennes. « Non, s’il te plaît Tibet, il faut attendre le capi, c’est lui qui parle ». Après une bonne heure d’attente, un tour dans une villa et voilà Kader Kéita, l’auteur du splendide deuxième but qui aurait pu qualifier les Eléphants. A peine, je finis de discuter avec lui qu’apparaît le capitaine des Eléphants. Petits échanges de civilités. Et le moral ? « Franchement, il est à zéro », répond-il tout de suite. La barbe légèrement poussée, Drogba n’est pas rayonnant. Nous l’invitons à l’intérieur. Il ne souhaite pas accorder d’interview. DD préfère échanger à bâton rompu. Une bonne vingtaine de minutes durant, nous parlons, en off, de tout, mais aussi et surtout de cette élimination précoce en quart de finale de la Can 2010.
Un vrai désastre. « Je n’ai rien compris à cette élimination. Jusqu’aujourd’hui (Ndrl, lundi 25 janvier), je n’y comprends encore rien. Je sais que je n’ai pas réussi ma compétition. Et puis, le terrain était sablonneux, c’est très difficile pour les grands gabarits comme nous. Je n’avais aucun appui, donc c’était difficile. Mais ce n’est pas une excuse, on va se remettre en cause et travailler encore plus pour faire plaisir aux Ivoiriens. Pourquoi pas au Mondial », lâche-t-il en guise d’excuse. Réponse en juin en Afrique du Sud. « Ecoute, je vais passer dans les chambres de mes amis pour leur remonter le moral, c’est mon devoir de capitaine », termine le buteur des Blues. Dernière visite, la villa N°1, celle des responsables administratifs. Kaba Koné (manager général des sélections), Kéita Mamadou (secrétaire administratif), Beugré (Daf). Bien que surpris par notre présence dans la cité, ils nous reçoivent sans difficulté. La boucle est bouclée. Nous prenons congé des Eléphants dans le village olympique. Une cité qui avait l’allure de cimetière, ce 25 janvier, à Buco Ngoio, petite bourgade de la riche cité pétrolière de Cabinda.
Tibet Kipré, envoyé spécial à Cabinda
Le lendemain du cauchemar, nous avons fait une incursion dans le village olympique où logeait la sélection ivoirienne. Ce camp a pris un coup de froid, un calme des jours de deuil. Comme dans un cimetière.
Construit pour les besoins de la Coupe d’Afrique des nations 2010 dans le village de Buco Ngoio, dans la province de Cabinda (Angola), le village olympique a abrité au départ les quatre délégations du groupe B, notamment la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Burkina Faso et le Togo. Après l’attaque perpétrée sur les Eperviers du Togo par le Flec, des dispositions de sécurité ont été prises par les autorités angolaises qui ne permettaient plus l’accès au village. D’où l’appellation de « Guantanamo », par comparaison à la célèbre prison américaine.
Lundi 25 janvier, le lendemain du ‘‘dimanche noir’’ des Eléphants. 10 heures 30. Le village olympique était déjà inaccessible. Il l’était davantage après l’élimination des Eléphants restés seule sélection dans ce nouveau ‘‘camp militaire’’. Comment y pénétrer ? Une supplique aux pompiers de service qui escortent les délégations et le tour est joué. Nous voilà confortablement assis derrière leur véhicule sécurisé. Avec les gyrophares et la sirène, les policiers, puissamment armés, laissent passer l’ambulance. Quelle chance! Nous sommes à l’intérieur du camp. Abdul Kapo, un journaliste ivoirien introduit auprès des pros et moi, mettons rapidement pied à terre.
Notre présence ne passe pas inaperçue dans ce village. Qu’à cela ne tienne, nous devons atteindre notre objectif : interroger le maximum de joueurs après la débâcle collective des Eléphants. Là, nous nous rendons compte, une fois de plus, de l’impact de l’élimination de la Côte d’Ivoire. Comme dans un cimetière, on hume, à la limite, la tristesse. L’atmosphère est hyper lourde. La majorité des joueurs ne sont pas encore réveillés. Ils ne se sont pas encore remis de l’élimination de la veille. Leur entraîneur, Vahid Halilhodzic, non plus. 24 heures après, ce dernier n’avait pas encore revu ses joueurs. On a l’impression que ceux qui passent, qu’ils soient de la délégation ivoirienne ou employés de la cité, ne sentent pas leurs pieds. Chacun semble se reprocher quelque chose, chacun semble se culpabiliser. La première personne à nous accoster dans ce camp retranché est le Directeur de la communication de la Fédération ivoirienne de football (Fif), Roger Kouassi. Il nous donne son feu vert pour interroger les athlètes. Quelle aubaine ! Le hasard faisant bien les choses, Tioté Cheick, le petit bleu des Eléphants au cœur de lion, passe par là. Très calme, le milieu récupérateur de Twente (D1 Pays-Bas) ne semble pas encore remis de la lourde nuit.
Du plomb dans les jambes
« Je ne peux pas parler sans en avoir la permission. Et puis, ce sont les grands qui parlent », confie-t-il. Très vite, nous le rassurons et le mettons en confiance. Le jeune loup nous livre ses sentiments après le non-match des Eléphants. Lui non plus ne comprend pas cette élimination prématurée. Comme tous, il est abattu. Comme tous, il n’arrive pas à se l’expliquer. Il nous conduit auprès de Copa et Baky. Mais on n’aura pas l’exclusivité du jour : une interview. Copa Barry, le portier de Lokeren (D1 Belgique), vient à peine de se réveiller. Il a comme du plomb dans les jambes. A peine essaye-t-il de s’asseoir que France 24 passe les images de la sombre soirée du 24 janvier. Il voit, avec un peu de recul, les bévues de ses défenseurs. Et se mord les lèvres, remue la tête. « Je veux bien vous accorder une interview, mais j’avoue que c’est trop tôt. Si vous m’appelez un peu plus tard, on va causer sans problème, vraiment je m’excuse grand-frère », dit-il poliment. Koné Baky, lui, refuse carrément de nous accorder un traître mot. Pour le joueur de Marseille, nous y étions plus ou moins préparés. Angban Vincent, Angouan Brou et Bamba Souleymane partagent la même chambre. Trois bleus chez les Oranges. Les deux premiers déclinent notre demande quand le troisième s’y prête avec plaisir. Sur la table à manger, un plat d’attiéké couché bien garni. « Tu as vu, personne n’a pu manger hier », fait remarquer Bamba Souleymane. Né en France, c’est dans un français d’une rare limpidité chez les footballeurs que le colosse défenseur axial des Eléphants décortique le jeu de la sélection. Chez les Kalou, Gervinho botte en touche notre requête avec finesse. Comme il le fait si bien sur les pelouses des stades de France. En revanche, Salomon Kalou ne fait aucune difficulté à se prêter à nos questions. Mais bien avant, il nous a fallu patienter une bonne heure. Il naviguait sur internet dans la salle à manger. Les chambres des joueurs n’étant pas munies de wifi. A presque 25 ans, l’attaquant de Chelsea est mature. Il fait une analyse très objective et pointue de la situation actuelle des Eléphants. « On ne peut pas marquer un but et refuser de jouer. Nous avons été notre propre adversaire. Ce n’est pas l’Algérie qui nous a battus mais c’est nous-mêmes qui leur avons offert la qualification », regrette-t-il, détendu. Nous faisons du porte-à-porte. Beaucoup d’Eléphants n’ont pas la force de se réveiller. Nous rencontrons Drogba Didier, de retour du restaurant. Il nous donne rendez-vous. Très vite, je prends place dans la villa qu’il partage avec Tiéné Siaka dit Chico, allongé sur son lit conversant au téléphone. Sans doute avec son épouse. En attendant l’attaquant de Chelsea en conciliabule avec l’entraîneur Vahid, j’essaie d’arracher quelques mots au latéral gauche de Valenciennes. « Non, s’il te plaît Tibet, il faut attendre le capi, c’est lui qui parle ». Après une bonne heure d’attente, un tour dans une villa et voilà Kader Kéita, l’auteur du splendide deuxième but qui aurait pu qualifier les Eléphants. A peine, je finis de discuter avec lui qu’apparaît le capitaine des Eléphants. Petits échanges de civilités. Et le moral ? « Franchement, il est à zéro », répond-il tout de suite. La barbe légèrement poussée, Drogba n’est pas rayonnant. Nous l’invitons à l’intérieur. Il ne souhaite pas accorder d’interview. DD préfère échanger à bâton rompu. Une bonne vingtaine de minutes durant, nous parlons, en off, de tout, mais aussi et surtout de cette élimination précoce en quart de finale de la Can 2010.
Un vrai désastre. « Je n’ai rien compris à cette élimination. Jusqu’aujourd’hui (Ndrl, lundi 25 janvier), je n’y comprends encore rien. Je sais que je n’ai pas réussi ma compétition. Et puis, le terrain était sablonneux, c’est très difficile pour les grands gabarits comme nous. Je n’avais aucun appui, donc c’était difficile. Mais ce n’est pas une excuse, on va se remettre en cause et travailler encore plus pour faire plaisir aux Ivoiriens. Pourquoi pas au Mondial », lâche-t-il en guise d’excuse. Réponse en juin en Afrique du Sud. « Ecoute, je vais passer dans les chambres de mes amis pour leur remonter le moral, c’est mon devoir de capitaine », termine le buteur des Blues. Dernière visite, la villa N°1, celle des responsables administratifs. Kaba Koné (manager général des sélections), Kéita Mamadou (secrétaire administratif), Beugré (Daf). Bien que surpris par notre présence dans la cité, ils nous reçoivent sans difficulté. La boucle est bouclée. Nous prenons congé des Eléphants dans le village olympique. Une cité qui avait l’allure de cimetière, ce 25 janvier, à Buco Ngoio, petite bourgade de la riche cité pétrolière de Cabinda.
Tibet Kipré, envoyé spécial à Cabinda