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Sport Publié le mardi 23 février 2010 | Le Patriote

Interview / Salif Bictogo (Président de la Conférence): “Vahid est payé pour rester en Europe”

Salif Bictogo, ancien footballeur et aujourd’hui président du Stella Club d’Abidjan, est également le président de la Conférence des présidents de clubs. Aux lendemains de la débâcle des Eléphants à la CAN angolaise, les responsables ont voulu se saisir de l’occasion, pour, disent-ils, reprendre les choses en mains. Dans cet entretien, Salif Bictogo précise la vision de ses pairs et crache certaines vérités. Entretien.

LP : Président, les deux associations des présidents de clubs se sont retrouvées pour créer une seule entité. Peut-on affirmer que la paix est revenue dans la famille?
Nous avons, en effet depuis le mardi 16 février, décidé de faire l’union entre l’Amicale des présidents et la Conférence des présidents qui est la plus ancienne des associations. Comme on l’a si bien expliqué, depuis trois mois, nous travaillons à cela. Et depuis mardi dernier, nous avons atteint notre objectif. Nous ne pouvons pas dire que le football ivoirien a gagné.

LP : Est-ce à dire que vous avez mis de côté toutes vos divergences pour l’intérêt de vos clubs ?
Oui. Puisque nous sommes là pour l’intérêt du football ivoirien, il faut éviter les querelles. C’est vrai que nous avons des visions différentes, mais des visions avec des objectifs différents. Nous avons estimé que nous pouvons mettre tout cela ensemble pour le développement du football. Ce qui passe par la base,et la base, c’est le football local. Comme on dit, un édifice pour être solide doit avoir une bonne base.

LP : L’impression générale est que les présidents semblent s’être réveillés. Étaient-ils endormis ?
Nous n’étions pas endormis comme on vous l’a dit à la conférence de presse. Nous avons mandaté un des nôtres pour diriger la maison commune. Mais, nous avons constaté des disfonctionnement à certains niveaux qui ont fait que nous avons mal géré ensemble notre football local du fait de l’euphorie qui a gagné certaines personnes. Pour nous, les Eléphants étaient la vitrine qui devrait attirer beaucoup de sponsors, sur ce premier volet, ils l’ont réussi. Mais vous savez qu’au plan sportif, quand il n’y a pas de résultats, tout ce que vous faites n’est pas pris en compte.

Vous annonciez que vous aviez l’intention de prendre les choses en main. Qu’est-ce que cela sous-entend ?
Vous constatez vous-même que quand il y a les grands évènements, on a l’impression qu’il n’y a pas de présidents de clubs dans ce pays. C’est l’affaire des autres. On était arrivé un moment à croire qu’il y avait la FIF d’un côté et les présidents de clubs d’un autre côté. Nous voulons donc recadrer les choses et dire que le football ivoirien se fera désormais avec nous.

Est-ce à dire que vous allez demander une recomposition du comité fédéral ?
Souffrez que je n’en dise pas plus. Mais dans les jours à venir, vous comprendrez ce que nous entendons par reprendre les choses en main.

Allons-nous vers une assemblée générale extraordinaire ?
Nous n’en sommes pas encore là, mais je crois que nous n’avons pas besoin d’AGE pour se parler entre nous. Il y a déjà un bureau qui a été mis en place. Ce bureau va rencontrer nos autres collègues de la fédération et ensemble, nous sortirons de là plus forts.

Certains de vos collègues ont proposé qu’on aille à l’élection des vice-présidents, est-ce votre vision ?
Nous avons plutôt dit que comme le monde bouge, le football aussi bouge et que les nouvelles dispositions de la FIFA demandent à toutes les fédérations que si le président est élu, les vice-présidents doivent être, eux aussi, élus au niveau du comité exécutif. Cela peut aussi se passer au niveau de nos clubs. Il faut aller au-delà, puisque la FIFA demande qu’à l’orée de 2011, tous les clubs passent en sociétés anonymes parce que qu’il n’est plus question de démettre pour un oui ou un non, ceux qui y investissent de l’argent. Il faut que ces derniers aient la satisfaction de gagner quelque chose.

Peut-on dire que la récente débâcle des Eléphants en Angola est à la base de ce réveil des présidents de clubs ?
Non. Nous nous sommes remis en cause depuis le CHAN (championnat d’Afrique des Nations, ndlr). A partir de là, nous avons travaillé. Mais, vous savez que quand on ne pense pas ensemble, quand on n’a pas l’unicité d’objectivité, on ne peut pas parler d’une même voie. Cabinda est peut-être la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Mais, nous travaillons pour le futur. C’est pour cela que je pense qu’il faut repenser le football dans tout son ensemble, que ce soit au niveau de l’encadrement et des structures des clubs.

Ne faites-vous pas le médecin après la mort ?
Vous savez que le médecin, ne peut rien contre la mort. Je crois que nous ne faisons pas le médecin après la mort. Mieux vaut tard que jamais. Je crois que même si on avait eu un résultat à Cabinda, on aurait réagi parce qu’à la réalité, le football local se meurt. Sans base saine, on ne peut pas aller de l’avant. Vous constatez que la plupart de nos joueurs sont trentenaires. Et demain, qu’allons-nous faire ?

En tant que sportif, selon vous qu’est-ce qui n’a pas marché pour les Eléphants à Cabinda ?
Selon ma perception, contrairement à ce que beaucoup de personnes disent sur la régression de notre équipe, de 2006 à 2010, nos joueurs ont pris 4 ans de plus. On se retrouve donc avec des joueurs certes en maturité mais un peu âgés. Il fallait faire un savant dosage entre jeunes et expérimentés pour insuffler la vivacité dans certains secteurs. On ne l’a pas fait. Parce qu’on a un entraîneur qui a trouvé des noms en place. Un entraîneur qui est embauché pour être en Europe puisqu’on lui a dit qu’il n’y a aucun joueur dans le football local. J’estime que dans un championnat où il y a plusieurs clubs (14 en première division) avec près de 400 joueurs on doit avoir un ou deux joueurs qui sont bons pour l’équipe nationale.

Mettez-vous en cause le mode opératoire de la sélection des joueurs?
Je remets en cause cette façon de faire la sélection. Parce que je me souviens qu’au moment du CHAN, j’avais interpellé notre entraîneur qui m’a répondu qu’il avait été recruté uniquement pour les professionnels. J’avais pété les plombs et on s’était engueulé. J’estimais qu’il n’était pas normal qu’il ne s’occupe pas de notre football dans son ensemble. Il est juste payé pour les joueurs professionnels.

Y a-t-il un problème au niveau même de la mission assignée à Vahid ?
Il y a effectivement un problème dans sa mission. S’il faut payer un entraîneur pour qu’il reste en Europe, nous n’en avons pas besoin. Nous avons besoin de quelqu’un qui pense à tout notre football. Cela a été fait au Ghana. Je répète que nos professionnels ne sont pas des extra-terrestres. Ils sont tous, à quelques- uns près, partis de la Côte d’Ivoire. On ne va pas recréer le football en Côte d’Ivoire. On a des joueurs en Côte d’Ivoire, il suffit de les mettre en confiance. Je ne comprends pas qu’on convoque 25 professionnels et que 10 retournent sans jouer un seul match. Il faut faire un dosage pour intégrer les locaux. Pourquoi convoque-t-on, par exemple, 25 professionnels pour un match amical ? C’est à quel moment on teste les joueurs locaux ?

Au niveau des responsabilités, avez-vous quelque chose à dire sur le comportement des joueurs.
Je voudrais d’abord dire que pour gagner une compétition, il faut maîtriser l’environnement. Il ne faut pas confondre une compétition où les joueurs restent ensemble pendant un mois et une compétition où les joueurs viennent le jeudi pour jouer le dimanche et repartir le lundi. La gestion n’est pas la même. Chacun de nous a son comportement, chacun de nous a son caractère. C’est dans la gestion de l’environnement qu’on gagne la compétition. Pour revenir sur la forme des joueurs, il faut reconnaître qu’il peut y avoir des jours sans pour un joueur. Même s’il y a des jours sans, on ne peut pas mettre Tioté, Yaya et Maestro dans le même registre de récupération. Ton milieu ne peut pas servir l’attaque dans de bonnes conditions. On n’a pas besoin de faire HEC de football pour comprendre. L’habitude de voir les matchs nous amène à tirer les enseignements. On ne peut pas réussir dans ce registre. Tu as un jeune comme Koné Kouamatien qui sait frapper de loin et qui peut donner un ballon et tu le mets sur le banc. Contre l’Algérie, tout le monde a vu que Bamba n’était pas dans le registre. Pour moi, il ne faisait pas l’affaire depuis le premier match. Quand j’ai vu qu’il faisait des dribles alors qu’il n’avait pas de couverture, j’ai dit attention. Un défenseur amène le ballon loin de sa surface. Au deuxième match pareil. Contre l’Algérie, il était dans un jour sans. Il fallait faire descendre Maestro dans l’axe. Autant l’entraîneur a fait un bon coaching contre le Ghana, autant il a failli contre l’Algérie. Tout le monde a vu que quand Yaya est descendu d’un cran, il a mieux joué que quand il était devant. On sait que notre Drogba national, à Chelsea, tous les buts qu’il marque, viennent des côtés. Baky contre le Burkina loupe des buts, c’est vrai. Mais pour avoir des occasions, il faut les créer. Il les loupe, mais il les crée. L’Algérie n’a jamais été notre bête noire. On n’a pas eu la maîtrise du jeu. Chacun a sa part de responsabilité dans ce qui est arrivé. Réalisée par Koné Lassiné

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