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Société Publié le mercredi 24 février 2010 | Nord-Sud

Sexe en milieu scolaire - Elèves - enseignants : la difficile séparation !

Des professeurs continuent d'entretenir des rapports sexuels avec leurs apprenants malgré l'interdiction. Le couple élève-encadreur va-t-il résister longtemps? Témoignages surprenants!

10% des attentats à la pudeur ont lieu dans l'environnement scolaire. Plus de 4% d'entre eux sont commis par des enseignants, et 4% par des camarades de classe ou du même établissement. Ces chiffres ressortent d'une étude réalisée en milieu scolaire, dans le district d'Abidjan en 2002, de l'Ong ''Sos violences sexuelles''. L'enquête révèle 27,2 % de prévalence des abus sexuels (viols, tentatives de viol, attouchements et harcèlements sexuels) au sein de la population scolaire. Cette triste réalité a conduit l'ambassade des Etats-Unis à financer une campagne de sensibilisation en milieu scolaire. Le projet est piloté par des associations d'élèves et étudiants, et des organisations non gouvernementales. Une charte de bonne conduite (voir tableau ci-dessous) a été co-signée par les acteurs de l'espace scolaire le 27 janvier au collège moderne de Cocody. Les élèves, surtout les filles, ont promis, entre autres, de ne porter dorénavant que des tenues correctes et de s'asseoir convenablement sans écarter leurs jambes en classe. Elles se sont engagées par ailleurs à limiter les conversations privées avec le personnel éducatif. De leur côté, les enseignants ont juré d'éviter désormais les relations sexuelles avec les élèves. Ils promettent également de ne plus céder aux provocations des filles. Au delà de la lutte contre les violences sexuelles en milieu scolaire, ce projet dont la phase pilote couvre 8 établissements, pourrait aussi contribuer à détourner les apprenants des rapports sexuels précoces qui causent beaucoup d'échecs scolaires. Il y va au total de la moralisation du milieu scolaire. Une question est cependant revenue sur plusieurs lèvres en janvier dernier. Les rapprochements intimes entre élèves et enseignements peuvent-ils prendre fin dans les lycées et collèges. En d'autres termes, les engagements pris par les uns et les autres dans cette charte qui vise l'ensemble des établissements scolaires, seront-ils respectés ? Environ un mois après la publication de la charte, discrètement, nous sommes répartis dans certains établissements ciblés pour constater les premiers signes.

Les techniques d'approche

Des récits d'élèves et encadreurs sont sans équivoques. Jeannette Ehouman, élève au lycée moderne de Treichville qui reste jusqu'à ce jour l'amante d'un éducateur de son établissement relate : «au début, il (l'éducateur) me citait en bon exemple devant mes amis de classe parce que je suis très studieuse. Un matin, il m'a fait convoquer à son bureau ». C'est le commencement des avances : «mon éducateur m'a interrogée sur ma vie sentimentale, sous un ton de reproche. Je me souviens de cette question: « as-tu un petit ami ?». Jeannette n'y comprend rien jusqu'à ce que l'encadreur lâche ce bout de phrase : « je suis moi-même intéressé ». Depuis lors, la lycéenne et son éducateur, qu'elle qualifie elle-même de « bel homme », honorent des rendez-vous à deux hors du lycée. Mais elle refuse d'en dire plus sur la nature de la relation. Autre fait suspect. Lycée moderne d'Abobo. Une classe de 1ère A. Ange-Patrick est sûr que sa voisine entretient des relations peu catholiques avec le prof de français, un monsieur jugé sévère. «Ma voisine est trop relaxe pendant son cours. Elle se permet de mâcher du chewing-gum et même de perturber les cours sans qu'il ne lève le petit doigt». Ange-Patrick dit avoir constaté cette situation depuis la fin du premier trimestre. Il va plus loin en qualifiant la relation qu'il suspecte de Mst, c'est-à-dire, ''Moyenne sexuellement transmissible'' : «elle n'a pas de bonnes notes pendant les devoirs et les interrogations dans sa matière, mais figurez-vous qu'elle a obtenu 12 de moyenne en français».

Coup de cœur…

Pour ce jeune élève, l'enseignant en question a certainement profité des lacunes de sa voisine. Si les bonnes notes poussent certaines filles dans les bras des profs, il faut reconnaître que ce n'est pas toujours vérifié. Kouakou Isabelle par exemple. Cette élève du lycée de Sikensi est brillante. Il n'empêche qu'elle mène une aventure romantique corsée avec l'un de ses profs de sciences. Et ce, en dépit des protestations de sa mère, rencontrée par l'équipe de reportage. « Je n'en peux plus. J'ai même fait une descente musclée sur place pour m'opposer à cette idylle. J'ai battu ma fille dans la maison de sa tutrice. Mais, une fois à Abidjan, j'apprends que cela continue. Ma fille a déjà 18 ans. Je ne sais pas si je peux me plaindre », s'interroge, contrariée, la bonne dame. Isabelle, jointe au téléphone, insiste sur l'amour profond éprouvé pour son enseignant. «Je l'aime et lui aussi m'aime et notre relation n'influence pas mes notes. Je ne comprends pas le refus de ma mère », explique vexée la Chimène de lycéenne. La majorité des profs rencontrés préfèrent aborder le sujet hors micro. Cependant, certains acceptent de témoigner. « Les filles sont jolies à croquer, attirantes et fraîches. Pourquoi voulez-vous que nous ne le remarquions pas. Nous ne sommes pas des aveugles, ni du bois mort», s'indigne Rodrigue Konan, prof de Sciences de la vie et de la terre, réputé dans cette pratique pourtant décriée par des âmes chastes. D'ailleurs, il avoue que c'est l'une des raisons qui l'ont poussé à choisir le métier d'enseignant. Un autre professeur de sciences à Cocody. Voici comment a débuté la relation qu'il continue, lui aussi, à entretenir avec une élève.

Profs et élèves se prononcent

« Il y a un groupe de filles dans une classe de seconde où je donne des cours. Dès que je pose un pas en classe, ces dernières avaient des manières. Jusqu'à ce qu'un soir l'une d'entre elles, Olivia, me surprenne chez moi, en mini-jupe alors que j'avais le torse nu. Elle a prétexté d'une visite de courtoisie et s'est assise au salon. Je suis rentré dans ma chambre pour me mettre un chandail mais à mon retour, c'était tard. Elle avait déjà les jambes écartées et j'ai découvert qu'il n'y avait rien en-dessous de cette jupe. J'ai compris le message et le péché a été commis». Franck Assogba, prof d'anglais, s'est quant à lui, fixé la barre de la classe de première pour draguer à l'école. «Hormis ces deux classes, nous n'avons affaire qu'à des gamines», affirme-t-il, le sourire en coin.
Comme on le voit, la charte du 27 janvier ne connaît pas encore un début d'application dans les écoles. Faut-il espérer que ce soit le cas dans l'avenir ? Pas si sûr ! Marius et Victorien, deux jeunes profs au lycée des jeunes filles de Yopougon se disent pessimistes. « Dans un endroit où il y a des hommes et des femmes fussent-elles des filles, l'attraction est toujours présente», répondent-ils en chœur. Nos amis élèves, Ange-Patrick, Jeannette et Isabelle sont tous du même avis. Ils évoquent, pour les uns, que les paresseuses vont toujours s'appuyer sur les profs «sans scrupules». Pour les autres, l'amour n'a pas de limites ni s'âge pour s'exprimer. Une chanson fixe la tranche d'âge de 7 à 77 ans ! Beaucoup de nos interlocuteurs se sont cependant montrés optimistes. Pour Anangaman Olivier, secrétaire général de l'Union nationale estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Unesci), les relations sexuelles enseignants-élèves peuvent diminuer, voire s'arrêter. Mais, le changement, selon lui, passe obligatoirement par la sanction. «Pour que cesse ce phénomène qualifié judicieusement d''inceste intellectuel'' par le professeur Pierre Kipré (ex-ministre de l'Education nationale), il faut appliquer la sanction administrative. Ce combat qui a porté des fruits à un moment donné de l'histoire de l'école ivoirienne, doit être reconduit », propose-t-il.

…et coup de gueule !

Que pense la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci) sur le sujet ? Le téléphone du secrétaire général, Mian Augustin, a sonné en vain.
Accusés, les enseignants se défendent. Pour Soro Mamadou, secrétaire général du Syndicat national des enseignants du second degré de Côte d'Ivoire (Synesci), il n'existe pas de statistiques nationales sur le nombre d'enseignants concernés. « Tout ce qui est dit relève de l'affirmation gratuite », rétorque-t-il. Il soutient mordicus que la grande majorité des enseignants fait son travail et est à féliciter. Pour le syndicaliste, dans une communauté où il y a des hommes et des femmes, il y a la tentation. Mais, en tant qu'éducateur, les encadreurs pédagogiques doivent aider leurs élèves à devenir des citoyens de bonnes mœurs demain. Les instituteurs se considèrent, quant à eux moins concernés par le sujet. L'argument évoqué : ils n'ont affaire qu'à des minettes dans leurs classes. Mesmin Komoé, secrétaire général du Mouvement des instituteurs pour la défense de leurs droits (Midd), croit néanmoins que la sensibilisation doit commencer à la base. Il se veut catégorique : « Il faut commencer par la répression, en appliquant les sanctions prévues par la loi qui protège les mineurs des abus. Cette pratique ne fait pas honneur à notre corporation et nous la condamnons. On ne peut pas parler d'histoire réelle d'amour ici, dans la mesure où du primaire au secondaire, l'élève n'est pas encore mature quel que soit son âge. Il ou elle n'a pas la maîtrise de ses actes. Il appartient à l'enseignant de simplement sublimer pour éviter de tomber dans l'erreur». Mme Bia Bi Tia Louisa enfonce le clou. Cet ancien proviseur qui exerce au ministère de la réconciliation, a participé à l'élaboration d'un document de stratégie pour la scolarisation des filles. Elle note que, sur les 25% de taux de redoublement enregistrés à l'école, 20% concernent les filles. Selon la spécialiste, le rapport sexuel entre le prof et son élève fait partie des causes de la propension élevé des filles à abandonner les classes. Elle poursuit que quelle que soit la nature de l'idylle, l'enseignant est le responsable. «Même quand l'initiative vient de la fille, le prof doit se maîtriser à partir du moment où il est le plus âgé. C'est injuste de sa part de se laisser aller. S'ils entretiennent des relations consentantes, cela ne doit pas réagir sur les résultats scolaires de l'élève. Or, c'est le contraire qui est constaté », regrette Mme Bia Bi. Pour elle, les flirts entre profs et élèves font partie des obstacles au maintien de la fille à l'école. C'est pourquoi il faut les bannir, selon elle. L'éducatrice conseille vivement la dénonciation. « Les filles ont peur de dénoncer leurs bourreaux d'encadreurs. Elles se sentent inférieures. Or, il faut dénoncer pour qu'on punisse ces brebis galeuses afin que cela fasse tâche d'huile ». M. Adom, censeur au collège moderne de Cocody, a participé à la rédaction de la charte de bonne conduite à l'école. Il partage l'avis de Mme Bia Bi : « avec le rang que j'occupe et en tant que militant des droits de l'Homme (il est membre de la Ligue ivoirienne des droits de l'Homme), j'ai le devoir de protéger mes élèves de toutes formes d'abus à l'école, dont les rapports sexuels avec les professeurs. Dès qu'un cas est dénoncé, la procédure énoncée par la charte va suivre son cours. Pour l'heure, nous n'avons enregistré aucune plainte. Tout se passe bien ». Plusieurs observateurs tablent sur le respect de la charte de bonne conduite pour crever l'abcès et la dénonciation des cas suspects afin que les sanctions frappent durement et dissuadent les esprits faibles, inconscients (voir encadré). Ainsi vont prendre fin, pensent-ils, ces moments de troubles trop intenses que les encadreurs pédagogiques se permettent avec leurs disciples.

NB : Les noms de certains acteurs ont été changés pour préserver leurs images
Nesmon De Laure (stagiaire)
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